Chapitre 18 : Blessure intemporelle
Sans leur remède contrant la chaleur, c'était une véritable sensation d'étouffement qu'ils subissaient à chaque pas de plus dans cette étendue de sable infinie. Ils marchaient de préférence tête baissée pour éviter de se brûler la peau du visage exposée à un soleil qui frappait fort, à toute heure de la journée. C'était un endroit sec et grand, regorgeant de mystères malgré son apparence, et qui façonnait les Contrées Gerudo de ses grandes dunes. En somme, un lieu dangereux pour les voyageurs amateurs et mal préparés, ce qui n'était guère le cas des deux amoureux, qui avaient parfaitement conscience de ce qu'était marcher en plein désert, en milieu d'après-midi.
Leur rythme de marche était plutôt lent, ils avaient opté pour leur sécurité et non la précipitation, car même en ayant bu un remède anti-chaleur puissant, le risque existait toujours. Au lieu de ressentir les soixante degrés habituels du désert, leur potion leur donnait l'impression de subir quarante, ce qui restait utile mais très éprouvant. Lysia ouvrit le sac qu'elle portait pour sortir une poche d'eau afin de s'hydrater. Une fois qu'elle eût terminée, elle la passa à Arthur sans même lui poser la question. Celui-ci s'empressa de boire à sa tour. Même parler tout en marchant dans ce sable était fatiguant, le couple préféra ainsi poursuivre leur chemin sans discussion pour retarder leur épuisement total. Lysia n'avoua pas qu'elle avait du mal à respirer et restait concentrée en cas de danger soudain, elle avait conscience de la difficulté de ce trajet et ne se pensait pas légitime de se plaindre. Pour éviter les créatures du désert féroces, ils restèrent sur le sentier principal emprunté par les Gerudos et qui menait à leur cité, sans trop s'éloigner de leur itinéraire.
Il ne restait que quelques kilomètres de marche avant d'atteindre leur destination, visible de très loin à l'horizon en raison de cette région plate, sans grands reliefs. Lysia était vêtue d'une fine tenue gerudo rouge qu'on lui avait vendu le matin même à une oasis un peu plus loin. Le haut de ses vêtements laissait ses bras nus en ne recouvrant uniquement que sa poitrine ainsi que son ventre qu'elle avait insisté pour ne pas laisser à l'air libre. Muni d'une légère capuche pour recouvrir la tête, le tissu comportait des ornements dorés typiques de la culture des Gerudos, et son pantalon était raccourci pour ne descendre plus qu'à ses genoux. Son dos était également en grande partie dévêtu, afin d'éviter d'avoir trop chaud. Ce fut en se changeant qu'elle comprit l'utilité de l'objet sheikah qu'Impa leur avait offert. Elle pouvait dématérialiser ses autres vêtements sans problème afin de les transporter avec le reste des affaires, tout comme leurs armes qui prenaient aussi de la place. Cela lui faciliterait grandement la tâche pour la suite du périple.
Du côté d'Arthur, il avait malheureusement dû faire de même. S'habiller en une femme gerudo pour ne passer inaperçu dans la cité réservée à la gent féminine. Sa tenue était similaire à celle de la blonde malgré le fait que rien ne recouvrait son ventre à lui et que seuls ses yeux étaient reconnaissables, le reste de son visage était camouflé avec un foulard. Il était turquoise et orné de dorés également. Il ne lui manquait plus qu'une musculature davantage prononcé pour ressembler exactement à une femme gerudo. Peu convaincu et un peu gêné de se trouver habillé de la sorte, son amante avait tenté de le rassurer en avouant que cette couleur bleu-vert allait très bien avec ses cheveux, il n'y avait aucun doute. Mais l'Hylien avait eu du mal à la croire, il n'était pas à l'aise mais savait que c'était la seule des solutions s'il voulait rester auprès de Lysia jusqu'au bout. Celle-ci tourna la tête pour lui adresser un regard, après de longues minutes silencieuses à se concentrer sur chacun de leur pas dans le sable chaud. Elle en profita pour tirer un peu sur la capuche d'Arthur afin qu'il n'attrape pas de coup de soleil en exposant son visage.
- C'est que tu es belle comme ça, s'essouffla Lysia en s'amusant.
Arthur prit un air désabusé et eut du mal à formuler une réponse directe à cause de l'air brûlant qui passait dans ses poumons. Il sentait cette chaleur l'envahir à chaque respiration. Le brun se souviendrait de sa toute première virée dans le désert, un véritable fourneau sur lequel se promenait un menaçant chameau géant... il ne comprenait pas comment des êtres vivants avaient pu bâtir leur ville au milieu de cette région.
- C'est très drôle... souffla-t-il.
- Ça ne durera pas longtemps, promis, lui assura Lysia sur un ton plus empathique.
Les voyageurs auraient aimé rester plus longtemps auprès d'Impa et de sa grande sagesse, elle leur avait été d'une aide remarquable, mais cette escale chez les Gerudos était essentielle, c'était le dernier point de repos avant de partir pour l'inconnu. Là-bas, ils pourraient trouver un moyen de se déplacer plus rapidement dans le désert grâce aux morses des sables, et ils se ravitailleraient en eau et en nourriture. La cité Gerudo se trouvait être une véritable destination touristique depuis toujours, notamment en raison du beau temps, de la culture de ces femmes guerrières, du cadre, mais également grâce au marché et autres services délivrés à un prix relativement peu élevé. Malgré la difficulté de cette marche dans le désert, Lysia se sentait avancer à chacun de ses pas vers son objectif, elle était heureuse d'en être arrivée là, alors que ça ne faisait que six jours qu'elle et son compagnon avait quitté Labulat. Elle ne souhaitait pas affoler ce dernier en avouant que passé la cité, leur voyage prendrait une toute autre tournure avec les tempêtes de sable permanentes qui leur barraient la route, cet océan caché aux torrents violents, et tout ce qui s'en suivait derrière lui...
Après une dernière heure de marche éprouvante, Lysia et Arthur atteignirent enfin les portes de la Cité Gerudo. C'était une ville carrée, délimitée par de hauts murs de grès, profondément implantés dans le sable pour éviter tout effondrement. Au-dessus de l'entrée principale était taillé le symbole gerudo à même la pierre ainsi qu'un message au-dessous écrit en gerudo qui disait : « Tant que le feu brûlera, notre reine Urbosa ne mourra pas ». Sur chacun des côtés de la porte, une torche brûlait dans un renfoncement mural pour éclairer les passants la nuit. Des couleurs pastel et variées longeaient le périmètre de la grande porte, elle-même gardée par deux femmes munies d'une lance imposante. Immobiles, elles se tenaient à leur poste sans faillir et possédaient une allure plus menaçante. Arthur ne savait pas qu'une ville pouvait être si surveillée, pourquoi interdire le passage aux hommes et s'y tenir tant ? Dans sa tenue de jeune femme, il se sentait comme le hors-la-loi qui allait devoir duper les gardes. Lysia avait l'air plutôt confiante, tandis qu'un stress notable commençait à l'animer lui. Que lui feraient ces deux grandes femmes musclées si elles le démasquaient ?
- Surtout, reste naturel et ne dis pas un seul mot, l'avertit la blonde.
Après déglutition, il la suivit de près et l'écouta. Le couple se présenta devant l'entrée qui leur fit de l'ombre. Ils purent entrapercevoir le marché de la cité de l'autre côté de la porte sur lequel diverses marchandes vendaient des produits qui sauraient les satisfaire pour sûr. Lysia prit une grande inspiration salua les deux femmes en souriant, avant de tenter de passer une première fois suivie d'Arthur. Son cœur battait la chamade mais elle restait indifférente, en se persuadant le plus possible qu'ils ne faisaient qu'essayer d'entrer en toute légalité, pour approfondir son innocence et être plus convaincante si elle devait venir à se justifier.
- Pas si vite, jeunes vaïs, s'exclama l'une des gardes qui les bloqua avec sa lance.
Lysia et Arthur s'arrêtèrent brusquement, le temps s'était comme ralenti pendant quelques instants lorsqu'ils comprirent qu'il allait falloir se défendre avec brio pour espérer pouvoir passer. Ils prièrent intérieurement pour que leur ruse fonctionne auprès de ces deux Gerudos méfiantes qui croisaient leur arme.
- Comment vous appelez-vous ? les interrogea la garde.
- Je suis Lysia, répondit la concernée, et c'est Lina, ma cousine.
Le brun jeta un regard à sa complice en entendant ce prénom. Qu'était-elle en train de manigancer ? Ce plan ne lui plaisait guère, il ne pensait pas devoir devenir et interpréter Lina, la cousine imaginaire de son amante... Il se retint de souffler et dut rester dans son rôle malgré lui, il acquiesça les dires de la voyageuse d'un geste de la tête. Mais de manière évidente, la garde gardait des soupçons sur cette personne silencieuse au visage camouflé qui accompagnait Lysia. Bien qu'elle ressemblât à une véritable jeune femme, sa fine musculature et sa carrure laissait penser qu'il pouvait tout aussi bien s'agir d'un homme sous ces vêtements.
- Nous devons voir à quoi elle ressemble, ordonna la Gerudo de façon ferme, beaucoup d'hommes pensent nous duper en se déguisant en femme, nous devons vérifier si votre...
- Comment ? l'interrompit Lysia, qui joua l'indignation.
C'était la seule solution, l'Hylienne devait trouver quelque chose de réaliste et de crédible pour éviter de dévoiler le visage d'Arthur. Elle se mit donc à improviser quelque chose qu'elle n'avait même pas préparé, en suppliant les déesses que cela paie. Lysia devait avoir de l'aplomb pour réussir, elle s'énerva pour rendre la chose d'autant plus impactante, ce qui perturberait la garde.
- Vous n'avez pas honte ? s'exclama-t-elle. Lina est muette depuis dix ans, elle n'a pas osé prononcer le moindre mot depuis qu'une troupe de bokoblins a failli la tuer ! Ils l'ont défigurée, et vous osez lui demander de montrer son visage, source de son traumatisme le plus profond ? Ce n'est pas parce que les sbires de ce monstre n'ont pas réussi à atteindre votre cité que les victimes de Ganon ne peuvent pas venir chez vous, nous venons de la Plaine d'Hyrule et nous connaissons l'enfer ! Je vous demanderai donc de laisser Lina tranquille pour une piètre histoire de vérifier qu'elle n'est pas un homme, je connais ma cousine à ce que je sache !
Déboussolée, la Gerudo regarda sa collègue sans savoir comment répondre à cela. Elle se tourna ensuite vers la fameuse Lina. Arthur s'empressa de baisser les yeux en faisant mine de pleurer en silence. Il admirait la blonde pour cette interprétation que lui-même avait envie de croire. Les personnes aux alentours furent interloquées par le haussement de voix de Lysia qui gardait la tête haute et ses sourcils blonds froncés, ces dernières espionnèrent donc la scène avec désarroi, ce qui déplut aux gardes, ne pouvant s'en prendre qu'à elles-mêmes d'avoir attiré les foules.
- Je... marmonna la Gerudo.
- Ne vous excusez pas surtout, reprit Lysia, Lina a horreur de susciter la pitié.
Le couple fut chanceux que ces vaillantes vaïs n'avaient pas la moindre envie de se prendre la tête avec une histoire de la sorte. L'autre garde jeta un regard à son binôme stipulant que cela ne servait à rien d'insister. Une erreur de leur part qu'elles garderaient pour elles. Les Gerudos détournèrent le regard en soufflant, puis elles libérèrent le chemin en décroisant leur lance.
- Allez-y.
- Merci, lança Lysia qui ne montra pas son grand soulagement.
Elle aida Arthur à avancer comme pour démontrer que les gardes l'avaient profondément blessé. Sa comédie prit fin dès l'instant où ils passèrent l'entrée complète, arrivant sur une grande place ensoleillée, décorée de hauts palmiers et de banderoles colorées. Le bruit de la foule bourdonnait dans leurs oreilles tout comme la cascade qui s'élevait dans les airs, derrière le palais. Il y avait bien longtemps que les deux Hyliens n'avaient vu autant de monde au même endroit, cela rappelait des souvenirs.
- Lina ? marmonna Arthur dans son tissu. Tu n'aurais pas pu trouver un meilleur nom ?
- Je t'ai sauvé les fesses cher jeune homme, tu devrais me remercier, rappela la blonde.
- J'avoue que ta prestation était remarquable.
Elle lui sourit avant de contempler cette magnifique place commerciale. Voilà un paradis pour les personnes comme eux qui devaient reprendre des forces. Une odeur alléchante atteignit leurs narines, en provenance d'une marchande de volaille non loin d'ici. Le couple passerait la journée en ces lieux, en allant manger des spécialités du désert et en se promenant dans les rues adjacentes pour explorer les différentes boutiques et autres endroits qu'ils n'avaient pas l'habitude de croiser chez eux. Ils iraient également réserver une chambre dans une auberge afin de pouvoir se reposer le soir-même. Ici, c'était comme si rien ne s'était passé, comme si la vie n'avait pas cessé d'être présente malgré la Catastrophe, cela devait redonner un peu de joie de vivre aux passants.
Cette cité était impressionnante pour le brun qui n'avait jamais vu cet endroit de toute sa vie. Le palais qui se dressait en face de lui était imposant et l'un des bâtiments les plus grands de la ville. Arthur avançait en arrière de sa compagne, il se fit bousculer par une Gerudo maladroite qui venait d'un bar atypique. Il prenait soin de garder sa tête dissimulée et de ne pas parler trop fort. Cette situation le mettait plutôt mal à l'aise bien qu'il oubliait sa tenue au fur et à mesure du temps, il prit conscience de l'endroit dans lequel ils étaient et fut heureux d'être auprès de Lysia pour partager ce moment unique. Celle-ci restée concentrée sur les éléments importants qu'ils ne devaient pas oublier de faire dans la journée, avant de profiter un peu.
- Nous devons mettre la main sur des morses des sables, déclara Lysia qui scrutait les environs.
- Ça ressemble à quoi exactement ? demanda Arthur.
- Ce sont des bêtes avec deux grandes dents qui surfent sur le sable. Il doit y avoir un enclos pas loin.
Savaient-ils au moins diriger de tels animaux pour voguer sur les dunes ? Aucunement, ils devraient apprendre sur le tas et cela ne semblait pas faire peur à Lysia qui ne voyait pas cela comme un problème. Ce n'était de toute manière que le seul moyen d'arriver en moins d'une journée à traverser le désert entier. Une étape qu'Arthur redoutait par-dessus tout. Le garçon préférait ne pas trop y penser et suivre Lysia dans ses actions, sans trop réfléchir. Le lendemain, il leur faudrait atteindre une gigantesque carcasse de baleine à plusieurs kilomètres de là. Cela devait sans aucun doute être l'endroit le plus éloigné de tout et le plus chaud de la région. Après cela, leur carte ne leur servirait plus à rien. Personne ne s'était apparemment aventurée plus loin, il était parfois difficile de penser que le couple serait le premier à y parvenir...
Peu de temps après leur arrivée, ils tombèrent enfin sur l'enclos des morses, à quelques rues de la place principale. Il y avait cinq de ces animaux qui se reposaient paisiblement dans le sable, en plein soleil. Une Gerudo attendait à proximité sous son échoppe rudimentaire, Lysia en conclut qu'il fallait s'adresser à cette femme pour toute location de morse. Munie de son sac porté sur son épaule, elle avait l'air d'une étrangère perdue qui faisait le bonheur de tous les commerçants du coin. La blonde laissait penser qu'elle possédait beaucoup de rubis en raison de l'épaisseur de sa sacoche. Une simple habitude de penser forgée dans les mœurs chez le peuple dont elle n'était absolument pas au courant. Par convention, on ne portait donc pas de trop gros sacs à la cité pour éviter que les marchandes ne gonflent leurs prix au client concerné.
- Bonjour, salua Lysia, innocente. Est-ce que ce serait possible de vous emprunter deux morses pour demain matin ?
La Gerudo observa les affaires que portait l'Hylienne avant de comprendre qu'elle n'était pas d'ici pour sortir ainsi sans se soucier de quoi que ce soit. Elle eut un léger rictus qu'elle dissimula rapidement, pour le peu de clients qu'elle recevait ces derniers temps, il ne fallait pas paraître condescendant envers la seule personne qui demandait ses services.
- Bien sûr, répondit la dresseuse de morses, pour quelle durée ?
Arthur en arrière fut curieux de connaître ce qu'allait répondre son amante. En effet, le couple ne comptait pas revenir en ville de sitôt, qui sait quels ennuis ils auraient s'ils ne rendaient pas les morses à temps... Cela leur coûterait très cher. Lysia se racla la gorge et donna une durée fixe.
- Deux heures, je dirais.
- Le prix sera donc de cent rubis pour un morse, affirma la Gerudo qui venait de doubler le prix habituel.
La lancière ne put s'empêcher d'hausser les sourcils en entendant ce nombre qu'elle trouvait élevé pour deux heures de location. Elle ouvrit son sac et y dénicha sa bourse de rubis, en espérant avoir assez d'argent pour payer deux cents rubis à la Gerudo. Lysia n'avait pas vraiment le choix, elle dut dépenser presque la totalité de ses richesses pour satisfaire la femme qui attendait patiemment son dû. Ce fut à contrecœur qu'elle paya la location deux morses des sables pour le lendemain, neuf heures. Il devait lui rester à peu près cinquante rubis, et Arthur devait encore en posséder une centaine. Elle espérait simplement avoir assez pour manger, et se reposer. Le duo en eut terminé avec la Gerudo, ils retournèrent donc en direction de la place marchande, un peu troublé par le prix qu'ils avaient eu à payer.
- Tu sais qu'on ne reviendra pas, pourquoi tu lui as dit deux heures ? s'interrogea soudainement Arthur.
Le garçon n'aimait pas ce genre de mensonges, bien qu'obligatoires pour la suite. Lysia pensa qu'il s'inquiétait trop pour des choses futiles qui ne les attendraient même plus lorsqu'ils ne seraient plus à Hyrule. Cette Gerudo ne traverserait sûrement pas une mer entière pour faire la leçon aux deux amants, ils auraient déguerpi bien avant qu'on ne les retrouve. Ce n'était pas juste, certes, mais la blonde n'avait pas trouvé d'autres alternatives. Elle héritait cela de son père, faire tout ce qui était en son pouvoir pour réussir.
- Ne crois pas que ces animaux sont heureux dans leur petit enclos, rétorqua la jeune femme de bonne conscience, une fois qu'on aura traversé les tempêtes, on les libérera dans le désert, là où ils se sentiront le mieux.
Vu sous cet angle, elle avait plutôt raison... Ces morses seraient bien plus heureux en liberté dans leur habitat naturel. Lysia attrapa la main du garçon et le tira vers l'avant pour le faire se dépêcher, exactement de la même façon qu'elle le faisait lorsqu'ils étaient encore enfants. Ils avaient d'ailleurs l'air de deux petits Hyliens surexcités au milieu d'une fête citadine dynamique, cherchant à s'amuser avec ce qui les entouraient de toutes les manières possibles.
- Tu viens ? On va manger ! se réjouit-elle.
Il était temps de reprendre des forces, l'auberge dans laquelle ils logeraient pouvait les héberger et les nourrir, les deux jeunes gens prirent donc la direction de ce bâtiment, côté est de la cité. Arthur était affamé et s'excitait à l'idée de goûter de nouvelles habitudes culinaires. Être à l'autre bout du royaume avec la fille dont il s'était épris était une chose merveilleuse, visiter de nouveaux endroits et profiter un peu de ce que la vie avait encore à offrir malgré les malheurs qui pesaient sur le monde, que demander de mieux, finalement ? Se préoccuper de l'instant présent et uniquement de l'instant présent était tout ce qui comptait pour le moment, ce type de journées n'aurait peut-être pas toujours lieu.
Lysia s'approcha de son compagnon afin de s'accrocher à son bras et marcher auprès de lui. Le fait qu'il soit déguisé en femme ne semblait pas la déranger, elle trouvait même cela plus amusant. Arthur remarquait avec plaisir que Lysia tentait de nouvelle chose avec lui. Depuis leur baiser, elle essayait de réduire davantage la proximité propre à ce qu'une relation amicale se devait de garder. Ce n'était que le début de leur amour, alors le brun avait encore un peu de mal à contrer sa timidité pour faire de même, il laissait la jeune femme faire ce qu'elle souhaitait tenter sans que cela ne le gêne. Mais bientôt il l'espérait, il saurait faire de même. Ces petits gestes affectifs lui procuraient une sensation agréable relative au bonheur, il ne s'en passerait pour rien au monde.
OoO ~ II ~ OoO
Ce verre d'une boisson alcoolisée plutôt chère n'était pas nécessaire, mais ils se firent un petit plaisir. Après tout, ils pouvaient s'offrir de genre de choses, le reste des rubis finiraient par ne pas être dépensés avant qu'ils ne quittent le royaume sinon. Lysia avait insisté pour faire goûter ce vin à Arthur, car elle le trouvait exquis depuis qu'elle avait enfin pu le goûter quelques mois en arrière. La blonde était ravie de voir que l'auberge des Gerudos en possédait, elle avait sauté sur l'occasion sans laisser le choix à son binôme qui aurait plutôt préféré quelque chose de moins fort. Celui-ci examinait son verre sans oser tremper ses lèvres. Il n'était pas un féru de vins mais en connaissait quelques-uns bien qu'ils commençassent tous à disparaître en raison des personnes qui les produisaient qui elles-mêmes avaient disparues... Boire des alcools relativement prestigieux devenait de plus en plus un privilège à Hyrule. Arthur restait très peu convaincu du choix de son amante, le sourire jusqu'aux oreilles.
Le couple était assis à une table isolée dans la salle principale de l'auberge, pour éviter que le brun ne sème le doute chez les autres Gerudos en mangeant. Ici, ils étaient au frais, et personne pour venir les déranger. Assis sur une sorte de banc en grès, il y avait un mur derrière leur dos sur lequel ils pouvaient s'adosser, perpendiculaire à celui qui devait être porteur et qui présentait la même texture de ceux de toute la cité. Il y avait également des ouvertures rectangulaires qui servaient de fenêtres au bâtiment. Leur petite table était juste devant l'une des entres-elles, donnant ainsi une vue latérale sur le palais Gerudo. De l'autre côté, Lysia et Arthur pouvaient admirer un grand lustre aux pierres taillées de différentes couleurs qui surplombaient différentes autres tables carrées. Là où les clientes pouvaient venir se restaurer. C'était juste splendide.
Néanmoins, l'ambiance dans l'enceinte des lieux restait plutôt silencieuse, vide de dynamisme. Les rubis se faisaient de plus en plus rares, les affaires étaient dures depuis un certain temps. Cela se voyait sur le visage de la femme à l'opposé de la salle derrière un muret faisant office de bar, qui avait accueilli, servi, et réservé une chambre pour les deux Hyliens lors de leur arrivée. Tout le travail était pour elle, ne pouvant se permettre d'embaucher des personnes pour l'aider. Lysia eut un peu de peine pour elle. Derrière cette joie de vivre que dégageait l'extérieur de la ville, cette vie incessante qui grouillait de partout, se cachaient des réalités similaires à beaucoup d'autres endroits dans le royaume, des réalités que finalement, personne n'évitait même au milieu d'un désert isolé de tout.
Au bout de quelques minutes, la Gerudo isolée finit de compter ses rubis qu'on venait de lui donner et quitta la pièce, laissant le couple seul avec ce sentiment d'être perdu au milieu de nulle part, alors qu'il se trouvait pourtant au cœur d'un endroit qui regorgeait de vie. L'avantage, c'était qu'ils ne seraient pas dérangés pendant la nuit qui viendrait, leur offrant un sommeil reposant assuré. Lysia se lécha les babines et entama la première bouchée de ce velouté de légumes qu'on leur avait servi, tandis qu'Arthur restait perplexe à l'idée boire ce qu'il avait dans son verre.
- C'est ce qu'on appelle du vin des alpages, l'informa la blonde en train de déguster son plat.
Il reconnut soudainement ce nom dont il n'avait pas entendu bonne réputation. Très loin d'être un expert en la matière, il fit néanmoins l'étonné. En vérité, tout dépendait d'où l'on venait, les goûts de chacun changeaient drastiquement d'une région à l'autre. Lysia venait du Centre d'Hyrule, elle y était née et avait grandi dans ce milieu où les productions qui venaient des alentours de Firone étaient très appréciées. Le vin des alpages était autrefois là-bas quelque chose de cher que l'on sortait pour de rares occasions. Mais son goût parfois trop fort et sa texture râpeuse en bouche pouvait déplaire à certains. Arthur, lui, venait d'Hébra, il préférait les boissons chaudes et ce genre de vin n'était que très peu pour lui.
- Du vin des alpages ? la regarda le brun. Tu veux rire ?
- Il n'y a pas meilleur à Hyrule !
Ce qu'elle venait de dire aurait été entendu comme un véritable blasphème pour les anciens habitants de son village natal, détestant ce vin.
- Alors là, je suis outré ! s'exclama-t-il avec une voix un peu trop élevée.
- Ne parle pas trop fort voyons ! l'alerta Lysia en rigolant.
Elle insista ensuite en poussant davantage son verre vers lui pour qu'il se fasse un véritable avis concret.
- Goûte-moi ça avant de t'indigner petit malin.
Arthur dévoila son visage en retirant le foulard qui le cachait, en prenant de toute évidence soin que personne ne les observe. Il porta son verre à ses lèvres avant de boire quelques gouttes de ce qu'il contenait, le tout sous le regard concentré de son amante qui attendait un verdict. Le brun fit mine d'analyser le vin en bouche, lui faisant faire des grimaces amusantes, alors qu'en réalité, il l'avait déjà avalé en moins d'une seconde. Il en conclut que ses préjugés n'étaient peut-être pas totalement vrais, le goût était prononcé mais plutôt agréable.
- C'est vrai qu'il n'est pas si mauvais mais de là à dire que c'est le meilleur...
La blonde leva les yeux au ciel devant sa mauvaise foi, elle savait que son choix était le meilleur et non discutable. Derrière leurs gentilles taquineries, le couple se sentait poussé par un nouvel élan, un nouveau souffle de la vie qui le rendait, pour le moment, plus qu'heureux. Quitter Labulat avait été la meilleure chose à faire, c'était depuis cet instant qu'ils avaient complètement oublié cette ambiance maussade dans laquelle ils baignaient là-bas. Arthur et Lysia souriaient, ce voyage était leur nouveau quotidien, leur nouvelle vie ensemble, peu importe où ils iraient.
- Cet endroit est vraiment très joli, je n'avais jamais vu d'architecture de ce genre... affirma l'Hylien en regardant sur le côté pour contempler l'extérieur ensoleillé.
- Contente que ça te plaise ! J'aurais voulu venir ici avant mais j'étais trop petite, et comme tu peux t'en douter, ni mon père ni mon oncle n'aurait pu m'accompagner...
Il était en effet problématique de pouvoir venir en ces lieux enfant lorsque l'on ne possédait uniquement que des figures parentales masculines, du moins, de façon autorisée aux yeux des Gerudos... Lysia posa son couvert et avança son bras sur la table, présentant le dos de sa main à Arthur qui avait plongé ses yeux dans son assiette avant d'en prendre quelques bouchées.
- Je suis contente que tu sois là, prononça la blonde.
Le garçon releva la tête pour constater une sorte d'apaisement profond dans le regard amoureux que lui portait la jeune femme. Il fut sensible à ce sentiment implicite qui ne se transmettait que par ses yeux émeraude en amande, Arthur posa ainsi sa main sur la sienne qu'elle venait de mettre en avant en désirant sentir la chaleur rassurante de la paume de l'Hylien.
- Je suis heureux d'être avec toi aussi, répondit-il avec tendresse.
Elle aurait voulu lui offrir un autre baiser derrière le tissu sur son visage, le silence qui avait suivi en témoignait. Mais le lieu et le contexte n'était malheureusement pas adéquat selon elle. Contrairement à ses détestables rivaux, elle ne se livrait pas à ce genre d'activités très personnelle dans des lieux ouverts au public, ce n'était pas adapté et lui donnait l'impression de gâcher ce moment précieux qu'était le baiser, qui perdait de son sens lorsque l'on en faisait sans cesse, n'importe où. Lysia resta patiente mais ressentait tout de même cette envie de se coller à son amant, partager des moments uniques avec lui et avancer dans leur relation. Elle avait hâte de pouvoir se retrouver au calme avec lui.
- Trouve-moi un surnom, déclara-t-elle brutalement en s'appuyant sur le mur dans son dos.
Voilà qui perturba Arthur ne s'attendant pas à une telle demande venue de nulle part. Cette envie soudaine semblait réjouir en tout point l'Hylienne qui cherchait à ouvrir le brun à des discussions du genre. Elle le sentait encore un peu réservé sur certains aspects, n'osant pas encore toujours aborder des choses auxquelles il songeait. Cela se comprenait, ils n'étaient qu'au début de leur histoire d'amour, chacun avait besoin de temps. La blonde voulait lui faire comprendre qu'il était tout à fait en droit de l'appeler d'une certaine manière, et qu'elle était ouverte pour parler de sujets vis-à-vis desquels Arthur restait timide.
- De quoi ? s'étonna-t-il la bouche pleine.
- On est amoureux, il faut qu'on ait un surnom mignon ! s'exclama Lysia. Toi, c'est petit ourson. Et moi ?
- J'avoue que là...
- Vas-y, tout ce qui te passe par la tête !
Il joua le jeu pour elle et prit tout de même son temps afin de réfléchir pour ne pas évoquer n'importe quel « surnom mignon » comme elle le disait. Ce n'était pas une question vers laquelle il s'était déjà penché plus tôt, il préférait simplement l'appeler par son nom. Le brun fit quand bien même un effort et tenta quelque chose pour lui faire plaisir.
- Petite fleur ? proposa-t-il avec peu d'assurance.
Lysia le fixa pendant quelques instants avant d'éclater de rire. Cette suggestion n'était apparemment pas ce dont elle attendait.
- Quoi ? maugréa Arthur d'un air désabusé.
- Ça c'est pour me draguer ou quoi ? Non, autre chose enfin.
- Mon ange, enchaîna-t-il pour se rattraper.
Cette tentative échoua à son tour, la blonde ne semblait pas très convaincue. Elle était plutôt flattée qu'Arthur la définisse avec ce genre de mots mais elle ne se voyait pas être appelée ainsi, ce n'était pas naturel. Elle fut néanmoins satisfaite qu'il ose lui faire part de ses différentes idées.
- Tu penses vraiment que je suis un ange ? s'étonna-t-elle.
- Je ne sais pas moi, c'est difficile.
Il passa en revue tous les surnoms possibles, mais il ne trouvait pas celui qui irait à la perfection à la jeune femme. Le sien, « petit ourson », venait d'une histoire particulière, propre à un souvenir commun qui leur rappelait des choses. Lysia n'avait donc pas eu à subir cette phase intensive de recherche qu'elle lui faisait faire en face à face, ce n'était pas juste selon lui. Arthur abandonna et se rendit compte que la façon dont il avait envie d'appeler sa compagne de vie n'était pas avec un surnom original, mais autrement, dans la simplicité et l'authenticité.
- Ma Lysia, formula-t-il sur une voix douce.
La concernée le dévisagea ensuite en lui souriant tendrement, son cœur loin d'être indifférent à cette appellation qu'elle avait supposément bien aimé entendre venant du brun.
- Ce n'est pas un surnom ça monsieur, c'est mon prénom ! s'exclama-t-elle.
- Tu trouves pas ton prénom est mieux ? Moi si, je t'appellerai comme ça. T'as pas le choix.
Lysia ne put qu'accepter, le but de cette conversation était de toute manière d'avant tout ouvrir l'esprit d'Arthur à discuter de sujet propres et abordés dans une relation amoureuse. Il s'agissait d'un petit début mais qui porterait ses fruits pour la suite. L'Hylienne ne put s'empêcher d'enchaîner sur quelque chose d'un peu plus intime, sans plus. C'était une façon pour elle d'exprimer ce qu'elle ressentait au fond d'elle, et de se construire des bases solides avec Arthur qui s'était justement retrouvé à parler malencontreusement de cela devant Impa. Lysia l'avait ignoré, mais désormais, elle décidait de revenir dessus avec légèreté.
- J'ai un secret, murmura-t-elle en se penchant en avant.
Intrigué, le garçon but une gorgée de son vin qu'il avait finalement fini par adopter sans problème en l'écoutant d'une oreille plus qu'attentive.
- La chambre, c'est un lit double, l'informa Lysia.
- Sérieux ?
Les yeux d'Arthur s'étaient écarquillés soudainement, remplis d'une joie qu'il n'avait pas réussi à dissimuler. Lysia trouva cela charmant d'apercevoir cette lueur d'espoir dans ses iris, si bien qu'elle regrettât presque d'avoir commencé à le badiner à ce sujet. Elle termina son morceau de légume en bouche avant de lui répondre.
- Non. Je voulais voir comment tu aurais réagi.
- T'es pas drôle, bougonna le brun.
- Je vois que ça t'aurait bien tenté qu'on dorme ensemble ! dit-elle pour le taquiner.
- Honnêtement oui, j'aurais bien aimé... Pas toi ?
Elle aimait garder cet air espiègle représentatif, qui lui servait souvent à camoufler une timidité. Sa technique fonctionnait toujours, avec cet air et cette voix malicieuse, elle faisait croire qu'elle était à l'aise dans ses paroles et ses idées pour les aborder, alors que la réalité était que son cœur battait autant la chamade que celui d'Arthur. Ce dernier commençait à la connaître, il savait que ce n'était qu'une carapace. La question qu'il venait de lui poser semblait la tourmenter, quelque part, son visage ne mentait pas. Mais la jeune femme réussit à tourner ses propos pour lui faire croire que tout allait bien.
- Pour moi, ça dépend... répondit Lysia.
- De quoi ?
La voyageuse s'appuya contre le mur derrière, puis elle croisa les bras en plissant les yeux. Elle cherchait à tester la timidité du garçon, tout en collectant possiblement des informations intéressantes sur ses habitudes de vie.
- Eh bien tout dépend si tu dors torse nu ou pas, voyons.
Arthur vit clair dans le jeu de la nièce, il ne pensait pas que cela pouvait tant préoccuper l'esprit de Lysia, il eut un rire nerveux en ayant quelques difficultés à la suivre sur ce sujet. Loin de lui l'idée de ne pas avoir envie de partager une intimité plus prononcée avec elle, le brun ressentait simplement un blocage étrange qu'il ne parvenait pas à expliquer. Peut-être qu'il ne se sentait pas encore prêt à discuter et poser des mots sur ces choses dans ce contexte amoureux, bien qu'il ne les rejetât aucunement. Il avait juste besoin de temps pour s'habituer et oser poursuivre la conversation.
- Qu'est-ce que tu racontes ? dit-il un peu gêné de cette affirmation.
- Je trouverai ça sympa, moi, se livrait la blonde qui l'avait senti peu réceptif.
Il dut fournir un effort pour ne pas laisser Lysia seule dans son envie de partager ses désirs et pensées avec lui. Elle ne demandait qu'à discuter, avec son amant... Il fallait prendre sur lui et vaincre ses peurs qui n'avaient pas lieu d'être. De plus que ce ne serait pas très sympathique de sa part de la laisser sans réponse, et puis cela lui faisait plaisir qu'elle s'ouvre à lui ainsi.
- J'imagine que tu auras bientôt ta réponse, d'ici ce soir.
Au même moment, la Gerudo responsable des lieux revint dans la pièce. L'Hylien sursauta et s'empressa de remettre son foulard contre sa bouche pour se camoufler, sans même avoir eu le temps de finir son assiette encore pleine. Cette apparition soudaine eut l'effet de remettre la discussion à plus tard et de concentrer le couple sur leur plat. Arthur avait hâte de pouvoir se changer et enfin retrouver son apparence normale, dans une pièce à l'abri des regards. Il lui fallait ainsi attendre encore un après-midi, car une fois leur repas terminé, ils iraient visiter la cité et profiter des commerces aux alentours avant de rejoindre leur chambre commune pour prendre du repos bien mérité. Pour le moment, ils resteraient en intérieur, durant les heures les plus brûlantes de la journée.
OoO ~ II ~ OoO
...Ressens cette délicieuse douleur pénétrer ton corps...
Elle gigotait dans son lit en ne parvenant pas à trouver la paix dans son sommeil. Ses tourments l'en empêchaient, ils revenaient une fois de plus la hanter dans ses rêves. Des images sombres, lugubres, qui continuaient encore de tourner en boucle dans sa tête lui faisaient renouer son passé et ses traumatismes les plus durs, jusqu'à déclencher ce qu'elle redoutait toujours après de tels cauchemars. Lysia affichait une expression peu assurée pendant qu'elle dormait sur le côté, face au mur. Des crispations l'envahirent petit à petit, témoignant de son manque d'apaisement. Sa respiration se saccada et la blonde émettait de faibles gémissements brefs de peur dans son sommeil. Sa transpiration ne tarda pas à s'intensifier, certaines de ses mèches de cheveux se collaient à son front tandis qu'elle se recroquevillait sur elle-même, sous ses fines couvertures de son lit. Elle entendait ces mots clairement, comme s'ils étaient réels, avec une voix terrifiante et cruelle qu'elle ne pourrait jamais sortir de sa mémoire.
...La souffrance est la meilleure des leçons...
Un froid glaçant avait pénétré la pièce en raison de la grande amplitude entre la température désertique de jour et celle de nuit. Le couple n'y avait point songé, il laissa ainsi une fenêtre ouverte toute la nuit pour aérer la chambre et se débarrasser de cette chaleur mordante qu'il avait subi toute la journée. Arthur dormait près de Lysia, dans un autre lit du côté droit de la pièce. Torse nu, il commençait à frissonner mais le froid ne le réveilla pas encore, son sommeil était plutôt lourd et il en fallait beaucoup pour le dérober de ses songes. Dans la chambre, un tapis rectangulaire vert émeraude recouvrait une partie du plancher, afin de pouvoir marcher pieds nus. Les deux lits comportaient une petite table de chevet disposant de bougies éteintes et de quoi les allumer. La fenêtre était placée près de la porte, à l'opposé des deux Hyliens qui étaient assoupis, et le vent froid avait fini par prendre possession de l'endroit dans sa totalité.
...Tu te souviendras toute ta vie que tu es l'une des nôtres, désormais...
Tout à coup, les yeux de Lysia s'ouvrirent en grand simultanément, la jeune femme ressentit enfin le froid mordant glisser sur son visage et le haut de ses épaules nues à l'air libre. Quelques maux de ventre firent sans attendre leur apparition, ce qui lui confirma que Lysia devrait une nouvelle fois subir la même douleur qu'à chaque fois. Savoir ce qui l'attendait la plongea dans un état de stress plus intense, elle se mit sur le dos et regarda le plafond de grès, dans la pénombre de la nuit. Elle percevait à sa gauche le bruit de la respiration de son amant qui dormait profondément, la blonde tourna la tête pour l'apercevoir dos à elle, dans l'autre lit. Elle grimaça en sentant sa cicatrice devenir brûlante et très irritée, comme si sa chair était à l'air libre. Lysia porta ses deux mains sur son abdomen dissimulé sous la couverture, elle était incapable de se mouvoir, paralysée par la puissance cruelle de cette souffrance physique inexpliquée.
- Arthur... formula-t-elle faiblement en gémissant de douleur.
Son appel au secours ne fut malheureusement pas entendu par le concerné. Lysia tenta de récupérer le sac de voyage, posé au pied de son lit afin d'attraper le soin dont elle avait besoin toute seule, mais son bras fut trop court. Sa cicatrice une fois réveillée entièrement, elle ne pouvait plus bouger un seul membre, la blonde poussa un cri qui résonna dans la pièce.
- Arthur !
Le garçon sursauta et se redressa brutalement en position assise sur son lit. Sorti enfin de son sommeil, il ne comprit guère ce qu'il se passait dans un premier temps. Ce fut en pivotant la tête à sa droite qu'il aperçut la jeune femme se tordre de douleur dans son lit, les muscles du visage contractés au maximum à cause de cette sensation de brûlure horrible qu'elle avait au ventre. Les yeux gris du brun s'écarquillèrent et il se mit lui-même à paniquer de la situation. Ni une ni deux, il sortit de ses couvertures pour se dépêcher d'agir. Il n'avait pas besoin d'en savoir plus, il en déduit que l'Hylienne souffrait de sa blessure intemporelle. Arthur s'empressa de s'accroupir à côté du lit de Lysia.
- Par Hylia qu'est-ce qu'il se passe ? dit-il bêtement dans la panique.
- Le Vitalium, vite ! s'exclama Lysia.
- Oui, tout de suite, je... je m'en occupe.
Heureusement qu'il avait été initié à la guérison de sa cicatrice, voilà qu'il allait pouvoir pour la première fois pratiquer. Ses mains se ruèrent vers leur sac de voyage en tremblotant. En effet, le jeune homme restait dans un état de stress constant, car voir souffrir sa bien-aimée devant lui était très dur. Elle avait si mal qu'elle en versait des larmes qui coulaient le long de ses joues rougies. Il fouilla plusieurs longues secondes dans les affaires mal rangées avant de dénicher la tant attendue potion orangée de Vitalium concoctée avec les moyens du bord, celle-ci viendrait soulager Lysia. Il ne lui restait plus qu'à sortir un morceau de coton pour l'imbiber de la substance, comme lui avait appris la blonde.
- Prends ma main Lysia, respire à fond, je vais te soigner, ça va aller.
- Dépêche-toi...
Arthur s'exécuta, il plaça quelques gouttes du liquide sur le coton avant de poser la fiole sur la table de chevet. Après coup, Lysia prit la main libre de son compagnon qu'elle serra très fort pour extérioriser sa douleur qui venait de la relancer avec force. Son énième cri perturba le garçon. Il ne tarda pas plus longtemps, il posa le coton quelques instants afin de soulever la couverture qui recouvrait le corps de la jeune femme. Cependant, il constata rapidement qu'elle ne portait qu'un sous-vêtement blanc pour le bas de son corps, rien ne recouvrait son buste. Bouleversé, Arthur hésita à dévoiler la peau nue de son amante à l'air libre, juste devant ses yeux. Il était gêné de devoir le faire, car c'était la première fois qu'il la verrait avec si peu de vêtements.
- Lysia tu es à moitié nue je ne veux pas que...
- Soigne-moi je t'en supplie ! lui ordonna-t-elle.
- D'accord...
Peu importait vraiment ces choses-là sur le moment. Arthur la découvrit du drap et aperçut la blessure au niveau du ventre de Lysia. Elle était imposante, rouge et présentait toujours ces mêmes traces de peau brûlées sur sa surface. Il crut même le temps d'une demi-seconde apercevoir une faible lueur jaune sous la peau se déplacer, du nombril à la poitrine. Sans réfléchir plus longtemps, il oublia ce fait et récupéra son coton imbibé et l'approcha davantage de l'abdomen endolori.
- La potion agit en profondeur donc ça va saigner un peu quand tu l'auras posé, ne me demande pas pourquoi, je n'en sais rien... Mais s'il te plaît ne panique pas, je t'en supplie... gémit la blonde.
Il souffla un bon coup pour se canaliser et répéter ce qu'il avait à faire afin de soigner la blessure correctement.
- Je le pose quelques secondes dessus et après je retire pour...
- Trois minutes et vingt-et-une secondes d'alcool... termina l'Hylienne.
Arthur hocha la tête, prêt à agir. Il essayait de ravaler ses inquiétudes et de garder confiance, car il était le seul à pouvoir l'aider. Lysia fut tout de même heureuse qu'il soit à ses côtés, cela la rassurait grandement dans ce genre d'instants. Le garçon la regarda dans les yeux avec un air désolé lorsqu'il appliqua le coton sur son ventre.
- J'y vais, dit-il sans tarder.
La blonde s'agita davantage au moment où il fit entrer le liquide guérisseur en contact avec la peau brûlée. Elle grogna, serra les dents, et mut ses jambes dans tous les sens tout en faisant forte pression sur la main d'Arthur qu'elle tenait encore. Lysia s'était crispée et grimaçait en basculant la tête sur le côté, tentant de contenir un cri de douleur qui aurait réveillé toute la cité. Cette étape faisait très mal mais n'était pas la pire, elle en avait conscience. Arthur réitéra le geste plusieurs fois afin de recouvrir la totalité de la surface de la cicatrice avec son coton trop petit pour le faire d'un seul coup. Il avait l'impression d'infliger une atroce sensation à la jeune femme et cela le mit dans une position déconcertante qu'il n'appréciait guère.
- Courage, ça va aller... la soutint-il.
Du sang commença soudainement à tacher le coton. Le brun rencontrait des difficultés vis-à-vis de ce liquide d'habitude, la vue du sang le dérangeait et encore plus s'il s'agissait de celui d'un proche. Mais il déglutit et garda son calme, il ne devait pas s'évanouir. L'Hylien était si concentré qu'il en avait oublié son environnement et ce sang qui menaçait de tacher sa main. Il s'empressa de récupérer plus de coton pour éviter que ce dernier ne coule sur le côté.
- C'est bientôt fini, tiens bon ! s'exclama-t-il, admirant son amante qui restait courageuse.
Le Vitalium qu'ils avaient conçu d'eux-mêmes dans la nature avait l'air d'avoir plutôt bien fonctionné, même si son efficacité ne pouvait pas égaler celle des potions réalisées par Alan. Une fois cette étape terminée, Lysia eut le droit à quelques secondes de répit. Arthur retira les cotons de son abdomen qui s'arrondissait et s'aplatissait à une vitesse élevée, le sang avait cessé de couler et la peau semblait encore plus rougie qu'avant, il croyait même que la chair était à l'air libre. Cette pensée lui donna des nausées.
- C'est vraiment très impressionnant... marmonna-t-il avec faiblesse.
Il aurait partagé sa douleur pour la soulager s'il avait pu, mais son rôle était de mettre fin à ce protocole le plus vite possible. Il dut ainsi enchaîner avec l'ultime étape, celle de désinfecter la plaie avec de l'alcool. Le moment le plus redouté pour Lysia. Le Vitalium agissant en profondeur dans l'épiderme, un de ses effets secondaires était de faire saigner l'abdomen, car une fine plaie se formait suite à l'application de la potion. Bien que celle-ci se refermait très vite sans aucune explication, il fallait donc tout de même désinfecter pour éviter d'autres problèmes. Arthur prépara le tout avant de prévenir la blonde.
- Tu es prête ? lui demanda-t-il.
- Je vais le faire, assura Lysia qui lui prit la fiole d'alcool des mains.
- D'accord...
Perplexe, il la laissa tout de même le faire. Elle devait tenir un peu plus de trois minutes de désinfection, elle était habituée mais détestait toujours ce moment. Arthur fut bouleversé par la rapidité avec laquelle elle s'était décidée. Lysia cria une nouvelle fois en posant l'alcool contre sa plaie. Un cri qui dura trois longues secondes et qui brisa le cœur du brun qui serrait très fort sa main pour la soutenir du mieux qu'il pouvait. Le pire venait de passer, la blonde bascula sa tête en arrière et ferma les yeux pour compter précisément à combien de temps elle était de la fin du traitement. Pendant ce temps, le garçon resta muet, choqué par la violence de ce soin qu'elle subissait régulièrement depuis son enfance. Il se souviendrait toujours des cris qu'il entendait de chez lui, au village de Cocorico. À cette époque, il n'osait pas encore demander à son amie quelle était la source de ces cris de douleur. À la suite d'un long soupir, il se redressa afin d'aller fermer la fenêtre encore ouverte et stopper l'entrée du froid.
- Non attends, l'appela Lysia avant qu'il ne s'éloigne.
Arthur s'arrêta pour constater le visage humide, couverts de larmes de la jeune femme qui était déjà éreintée de devoir supporter une telle douleur.
- Viens près de moi s'il te plaît, murmura-t-elle.
Il s'exécuta et rejoignit son amante afin de lui délivrer un baiser sur le front. Puis, il s'assit sur le lit, près de l'oreiller de Lysia qui put poser sa tête contre le flanc droit et nu de l'Hylien. Il gardait une main rassurante dans ses cheveux blonds pour la calmer davantage. Ses lentes et tendres caresses lui procurèrent une sensation bien plus plaisante qui lui donnait des frissons. Ces doux gestes lui firent fermer les yeux pendant qu'elle comptait encore les secondes avant de pouvoir retirer le coton de son ventre.
- Je suis là, formula Arthur.
Une première minute s'écoula, et la douleur commençait déjà à disparaître. Contre son compagnon, elle se sentait apaisée. Hormis son oncle, il était devenu la seule personne à avoir vu sa blessure et l'avoir soignée ainsi. Il aurait pu la juger, faire des commentaires sur ce physique singulier qu'elle dissimulait, ou tout simplement profiter de la voir torse nu, dans son intimité la plus personnelle, mais non. Arthur avait fait preuve de courage, de sagesse et de tendresse, cela scella la confiance que la blonde lui avait déjà confié, à tout jamais. Pour la première fois, elle se sentait libre de rester le torse nu devant quelqu'un, sans problème. C'était une sensation très agréable de ne pas se sentir épié, ni jugé.
Le temps d'action de la désinfection toucha enfin à sa fin, et Lysia retira l'alcool de son ventre. Cela dégageait une odeur forte mais elle n'avait pas le choix. Dans le silence le plus complet, le couple resta dans cette position, profitant de la présence de l'autre. En réfléchissant profondément, le regard perdu dans le vide, l'Hylienne se rendit compte qu'Arthur avait le droit de connaître la vérité concernant sa cicatrice. Elle se sentait de lui en parler, ce qui n'arrivait jamais normalement.
- J'étais leur cobaye, débuta Lysia sans le prévenir. Ils voulaient tester leur nouvelle arme de torture sur moi.
Arthur l'écoutait et restait muet, son expression attristée témoignait de la difficulté qu'il avait à accepter le terrible sort de son amante. Un sort dont il venait de découvrir la véritable horreur, aucun humain ne pouvait supporter une telle chose dans sa vie selon lui... Son cœur était lourd à la simple vue de cette large blessure, dur souvenir du passé qui resterait gravé à tout jamais sur la peau.
- Je n'avais que huit ans... s'indigna-t-elle d'une voix tremblante. Et ils avaient déjà détruit ma vie...
Il émit un soupir, hésitant sur le fait de vouloir en savoir plus. La vie pouvait parfois était d'une cruauté infâme, inimaginable, laissant libre à court à des choses que personne n'était censé voir ni subir.
- Un jour de printemps, je me promenais avec mon père dans le désert Gerudo. Il voulait me faire découvrir de nouveaux horizons, et moi je l'avais supplié de me montrer les ruines du désert. Nous sommes donc allés les voir quand un groupe de Yigas nous est tombé dessus. Ils étaient trop nombreux pour mon père qui n'a pas pu les repousser et... ils m'ont prise en otage.
Ces faits, Arthur les connaissaient déjà en partie. Il connaissait sa grande peur envers le gang des Yigas et avait été mis au courant par la blonde plusieurs années en amont, sans jamais donner plus de détails sur ce terrible jour et le traumatisme qui avait suivi.
- Leur marché était impensable, continua-t-elle. C'était moi contre la princesse Zelda. Je me souviendrai toujours de ce jour où j'ai vu le visage de papa se décomposer en me voyant partir avec ces assassins. Il était enragé... Il les aurait tous tués s'il avait pu.
Ce jour-là, son père avait poussé le plus grand cri de colère qu'elle n'avait jamais entendu venant de ce dernier. Il résonnait encore dans son esprit parfois, et Lysia croyait encore entendre sa voix supplier les Yigas d'ôter leurs rudes mains d'elle.
- C'est de là que vient ma cicatrice.
OoO ~ II ~ OoO
L'endroit était froid, sombre et lugubre. En observant les alentours, la joie et l'espoir semblaient avoir complètement disparu de ce monde. Le couloir s'étendait sur plusieurs mètres et donnait sur de nombreuses de cellules, la plupart vides. Le sable recouvrait par endroits le sol fissuré, formant des tas dans les coins grimpant sur les murs en pierres. Et ces barreaux de fer, durs et si glacés qu'ils en mordraient les doigts, se multipliaient par dizaine, tous à dix centimètres d'espacements. Cette prison était la pièce la plus éloignée de tout le repaire yiga, et aucun passage secret, aucune issue n'existait afin de s'enfuir, c'était une impasse dans laquelle personne ne souhaitait se retrouver bloqué.
Lorsqu'un bruit de vent survenait tout à coup, son esprit de petite fille croyait qu'un fantôme n'était pas loin et viendrait la chercher. Elle n'osait pas ouvrir les yeux, par peur de revoir ces terribles hommes masqués qui l'avait kidnappée, la veille. Une fois jetée dans la cellule la plus lointaine, la petite Lysia s'était retrouvée toute seule, pendant une nuit complète sans la moindre envie de dormir. Elle n'avait fait que pleurer, jusqu'au petit matin, en espérant apercevoir la silhouette de son père derrière les barreaux, qui était venu la libérer de ces monstres. Ce dernier n'était pas venu, et Lysia s'était cachée en boule, dans un coin de sa prison en serrant très fort une petite statuette de bois à l'image de la déesse Hylia. Son oncle lui avait dit que dans les moments difficiles, il fallait la tenir avec force contre son cœur et penser avec sincérité à la déesse pour qu'elle la protège du danger. C'était ce qu'elle faisait depuis des heures et des heures, dans l'espoir de revoir un visage familier.
Cette balade n'était pas censée se terminer ainsi, elle pensait découvrir de magnifiques structures en pierre qui s'élevaient dans les dunes, mais au lieu de ça, elle se retrouvait coincée au beau milieu des Hauteurs Gerudos, prise au piège. La blonde sursauta en entendant des pas à une cadence élevée s'approcher de sa cellule. Elle eut un très mauvais pressentiment lorsqu'une ombre déformée apparut sur le sol du couloir, une ombre d'une personne visiblement grande, d'une corpulence importante, et avec un masque à cornes.
- Grande Katlyn, je crains que cela ne serve à rien, osa une voix masculine peu sereine. La prêtresse est sous haute protection et je ne sais pas si le père saura mener à bien sa mission. Peut-être faudrait-il trouver un autre otage ?
- Celui-là est parfait, répondit une femme.
L'ombre au sol se dédoubla quand soudain, deux Yigas apparurent derrière les barreaux de sa cellule, observant la petite fille qui se cachait le visage dans ses genoux, au fond de la pièce vide. Le plus imposant des deux se munit d'une clé et ouvrit la cellule de Lysia. C'était une femme au masque singulier et menaçant. Sa tenue était rouge comme tous les membres de son clan, mais des armatures grises et noires sur tout son corps en plus prouvait qu'elle était la dirigeante la plus haute placée de la troupe. Cette femme pénétra dans la prison de la blonde, terrorisée. Un pas après l'autre, elle s'approchait d'elle en ayant parfaitement conscience de la peur qu'elle instaurait dans cette pauvre enfant qui sanglotait. Une fois accroupie devant la petite Hylienne, elle tourna la tête et l'examina avec attention.
- Comment t'appelles-tu, jeune fille ? lui demanda la Yiga.
Elle était incapable de prononcer le moindre mot, tous les muscles de son corps tremblaient de peur à l'idée de regarder de nouveau ce masque effrayant. La Grande Katlyn s'impatienta et ne fit preuve d'aucune once d'empathie.
- Comment t'appelles-tu ?!! cria-t-elle avec force et brutalement, en faisant sursauter sa victime ainsi que son collège derrière les barreaux qui observait la scène.
- Lys... Lysia... pleura la concernée qui ne pouvait retenir ses larmes.
Cette autorité suprême lui convenait si bien qu'elle n'hésitait jamais à en user pour les plus futiles situations. Katlyn se délectait de la peur et de la soumission de ses prisonniers, des hommes et des femmes de ses rangs, et encore plus chez des enfants inoffensifs qu'elle prenait plaisir à terroriser.
- Montre-moi ton visage.
Lysia ne souhaitait pas subir un nouveau cri soudain de la part de la Yiga et n'eut le choix que d'obéir même si une haine profonde commençait à naître dans son petit cœur d'enfant. Une haine envers cette femme masquée qui était la source de toutes peurs. Avec lenteur et après de brefs reniflements, la blonde dévoila ses pommettes rougies et humides à la femme ainsi que ses yeux verts qui lui lâchait un regard noir mêlée aux pleurs. Derrière son masque, Katlyn semblait satisfaite de ce qu'elle voyait.
- Intéressant... Très intéressant, marmonna-t-elle.
Elle approcha son bras afin de poser une main ferme sous le menton de la petite fille qui ne bougeait plus d'un centimètre. La pression qu'exerçait alors la cheffe sur elle la força à lui faire tourner la tête à gauche, puis à droite. Katlyn observait les détails de son visage pour vérifier s'il ce dernier possédait la moindre imperfection. Elle n'en trouva aucune, c'était tout simplement remarquable.
- Tu feras une parfaite Yiga, Lysia. Tu grandiras et deviendras une charmante jeune fille, tu pourras attirer les voyageurs naïfs et leur trancher soigneusement la gorge quand ils t'auront accordé assez de confiance.
- C'est mon père qui vous tranchera la gorge ! s'exclama Lysia avec colère.
Elle n'avait pas pu s'empêcher de prononcer ces mots plus que surprenants lorsqu'ils sortaient de la bouche d'une enfant de huit ans. Le sous-fifre en arrière détourna le regard, lui-même n'aurait jamais osé dire une telle chose à sa supérieure tyrannique. La Yiga n'envisagea pas une seule seconde qu'une telle chose pourrait arriver. Pas avec le pouvoir qu'elle détenait. Katlyn retira sa main du menton de la blonde et se releva en la dévisageant.
- Lysia, c'est une terrible erreur que tu viens de commettre. Tu viens de me menacer ? Moi ? Je tiens à t'informer qu'ici, chez moi, la sanction de la mort est appliquée pour bien moins que ce que tu viens de dire...
Lysia déglutit et resta muette, pensant qu'elle venait de signer son arrêt de mort assuré. Elle restait encore et toujours accrochée à l'espoir de voir apparaître son paternel d'une seconde à l'autre.
- Mais tu as du potentiel, reprit la cheffe. Je vais t'offrir une chance. Lève-toi.
Son cœur n'avait jamais battu aussi vite que ce jour-là. L'Hylienne hésita à se redresser, par peur d'où elle serait emmenée. Malheureusement, le choix n'était plus une option. Katlyn patienta cinq secondes et l'obligea à lui faire faire ce qu'elle désirait.
- Lève-toi !! lui intima-t-elle.
La Yiga l'attrapa par le bras violemment avant de l'emmener dans le couloir des geôles. De là, elle attacha les poignets de l'enfant dans son dos à l'aide d'une cordelette. Elles furent suivies de près par le sous-fifre et marchèrent sur plusieurs mètres. Lysia se traînait mais Katlyn la tirait à chaque fois en avant, elle sanglotait de nouveau, ce qui avait tendance à irriter la cheffe qui n'avait aucune patience avec les enfants, ni même avec personne d'ailleurs. Lysia ne compta plus le nombre de fois où elles tournèrent à gauche, puis à droite, puis de nouveau à droite, pour rejoindre à chaque fois rejoindre un autre couloir sans fin. Ils croisaient d'autres Yigas comme des officiers et des membres sous-fifres qui marchaient dans le sens opposé, les laissant passer en premières, tout en baissant la tête. Le repaire s'étalait sur presque un kilomètre dans la pierre, c'était un véritable labyrinthe dans lequel se perdre était très mauvais signe.
Leur destination se présenta enfin devant eux. Une lourde porte en bois derrière laquelle une pièce carrée et presque vide apparut. Deux seuls éléments étaient disposés au centre : un tabouret à trois pieds près d'une barre de ferraille de cinquante centimètres de long, au bout de laquelle un disque de fer d'un large diamètre était forgé. Ces éléments faisaient face à un creux dans un mur dans lequel un grand feu de cheminée brûlait. Les mains liées, Lysia ne voulait pas rentrer dans la pièce, elle fut poussée par Katlyn qui la fit s'asseoir sur le tabouret. Se lever pour s'enfuir n'était même plus envisageable lorsque le sous-fifre qui les suivaient ferma la porte derrière eux, sans rien dire, cela plongea l'endroit dans un silence mortel qui annonçait les événements imminents. Le Yiga sous les ordres de sa dirigeante se plaça derrière le dos de Lysia, en maintenant une posture droite et stoïque. Contrairement à lui, la blonde assise gardait le dos courbé et les yeux rivés sur cet étrange outil en métal juste à ses pieds, quelques larmes tombèrent près de celui-ci.
Katlyn émit un ricanement discret, cette pièce était sa favorite, et l'odeur du feu qui y régnait lui procurait un plaisir morbide en songeant à ce qui allait se produire dans quelques instants. C'était ici que ses nouveaux fidèles marquaient leur nouvelle vie au sein du clan assassin depuis peu, elle voyait sa secte s'agrandir et son pouvoir avec, toujours plus, même si sa soif de puissance ne pourrait jamais être assouvie. Ce jour-là, Lysia était la prochaine sur la liste, elle était sur le point de devenir leur plus jeune membre et s'apprêtait à recevoir le même rituel obligatoire encore en phase de test, après lequel tous les nouveaux sous-fifres yigas s'inclinaient devant le Fléau. On ne sortait pas d'ici indemne, c'était une certitude. Ce qu'il se produisait dans cette pièce était un secret pour le royaume entier, les Yigas s'abstenant toujours de divulguer cette pratique sauvage au monde.
La femme récupéra la barre de fer posée au sol avant de plonger le disque à l'une de ses extrémités dans le feu crépitant, qui se reflétaient dans les iris de la petite fille. Elle laissa la moitié de l'outil au milieu des flammes, en attendant que la température soit assez élevée pour passer à la suite des opérations. Katlyn n'oublia pas l'étape cruciale, elle détacha une petite fiole sanglée à sa ceinture noire qui contenait une substance liquide jaune et éblouissante. Elle éparpilla la totalité du contenu de la fiole dans le feu, qui finissait presque de chauffer le disque de métal bientôt rouge du fait de sa température extrême. Tout à coup, les flammes devinrent bien plus lumineuses et changèrent de couleur sous les yeux de la petite fille terrifiée.
- Notre clan possède un pouvoir unique, expliqua Katlyn. Un sort qui permet de sceller la fidélité qu'un individu m'offre à jamais. L'essence même de ce pouvoir que contenait ce flacon est la clé de ton allégeance. Il permet de ne jamais te faire oublier qui tu es sur le point de devenir. Tiens-toi prête.
Elle récupéra lentement la barre au fer brûlant avant de l'examiner toutes ses faces. Lysia pensa que la fin était déjà venue, à son si jeune âge... Elle vivait un véritable cauchemar qui ne semblait pas vouloir s'arrêter. La blonde aurait tant aimé se réveiller et se retrouver dans son lit, au calme chez elle. Pourquoi cela n'arrivait-il pas ?
- Retire-lui son vêtement, ordonna Katlyn à son sous-fifre derrière l'enfant.
Impossible pour elle de s'enfuir, la petite fille gesticula dans tous les sens lorsqu'on lui délia les mains derrière son dos. Le Yiga lui tint les deux bras avec des poignes relativement tremblantes ; puis, il chercha à lui retirer vêtement en tissu beige qu'elle portait comme on lui avait donné l'ordre.
- Arrêtez, pitié... Non ! se débattait Lysia en criant.
Ses cris étaient vains, l'homme sous son masque parvint à la défaire de son vêtement qu'il jeta au sol, Lysia se retrouva le torse nu devant les deux assassins. Elle se sentait humiliée et totalement soumise à l'ennemi, tout ce qu'elle pouvait faire désormais, c'était subir ce que l'on désirait lui faire endurer. Dès l'instant où elle s'était retrouvée la peau nue, elle se mit à pleurer avec plus de force sans finir ses supplications incompréhensibles à cause de ses sanglots. Katlyn tendit son arme métallique au Yiga avant de se placer près de sa victime pour éviter qu'elle ne se lève de son tabouret, elle souhaitait tester le dévouement que l'homme avait envers elle et son clan.
- Maintenant, marque-la du feu éternel du Seigneur Renaissant.
Ce fut la tête haute que le sous-fifre inspira et fit face à Lysia. Il attrapa l'outil de ses deux mains avec une forte emprise, la blonde sentit la chaleur de ce cercle brûlant s'approcher d'elle dangereusement, elle répétait sans cesse de ne pas lui faire de mal, elle était prête à se mettre à genoux devant eux pour les dissuader de lui faire du mal. Ses yeux verts larmoyants rencontrèrent le regard de l'assassin qui se tenait encore debout devant elle. Ce dernier la dévisagea quelques secondes sans passer encore à l'acte. Quelque chose le retenait de faire cela, il n'y arrivait pas.
- Pitié... je veux pas... pitié monsieur... le supplia Lysia.
Il s'en mordit les lèvres, mais la torturer ainsi n'était pas dans ses cordes. Dans un grognement, le Yiga lâcha la barre de fer avant de se reculer, incapable d'obéir à sa supérieure hiérarchique. Tuer et faire souffrir des inconnus ne lui avaient jamais procuré cette sensation. Mais face à cette pauvre enfant sans défense et ses yeux regorgeant de toute la pitié du monde, il n'y parvint tout simplement pas. La part d'humanité qu'il restait en lui prit le dessus.
- Je ne peux pas, déclara-t-il dans un soupir assumé.
- Comment ? s'étonna Katlyn.
Il releva la tête vers sa cheffe.
- Je ne le ferai pas.
Cette dernière fut très surprise de la réaction de l'homme. Elle en conclut qu'il avait des limites morales bien trop prononcées pour pouvoir s'élever au rang d'officier, ce qu'elle comptait justement faire de lui dans les prochains jours. C'était une véritable déception pour Katlyn qui s'avança vers lui avant de le surplomber de sa taille. Son silence voulait tout dire, il avait commis la plus grosse erreur de sa vie en épargnant l'Hylienne qui les observait tous les deux, en train de les dévisager.
- Vous ne pouvez pas faire preuve d'autant de cruauté, se défendit le Yiga. C'est une enfant, jamais je ne...
Soudain, une courte lame lui perfora l'estomac. Il eut le souffle coupé en apercevant une dague plantée au centre de son abdomen, tenue fermement par la main de la femme ne souhaitant guère en entendre davantage. Le choc était si grand qu'il ne ressentit rien mis à part cette chaude sensation parcourir ses membres et les engourdir. La scène macabre s'était déroulée sous les yeux innocents de Lysia qui hurla de peur en assistant à un meurtre si spontané. Katlyn patienta quelques instants avant de faire pivoter son poignet de quatre-vingt-dix degrés sur le côte, faisant ainsi tourner avec lui la lame à l'intérieur du ventre du sous-fifre. La douleur se révéla tout à coup à lui.
- Pauvre imbécile, cracha la cheffe des Yigas, la cruauté, c'est moi.
Elle retira avec vivacité sa lame ensanglantée du corps de sa victime qui tomba sur le dos, avant d'agoniser. Une trahison si pitoyable venant d'un Yiga ne pouvait être punie que par cette sanction définitive. Si elle ne pouvait pas compter sur lui pour mener à bien ce rituel, elle le ferait elle-même. Katlyn s'empara de nouveau de la barre de fer en pointant Lysia du disque chaud qui y était forgée à son extrémité. Les cris et pleurs de l'enfant commençaient à sérieusement l'agacer, elle n'aurait aucune pitié. Elle balaya d'un geste du pied le tabouret de la petite fille qui tomba au sol sur le coccyx. Ensuite, l'assassine la plaqua par terre, allongée, et la chevaucha pour l'empêcher de s'enfuir durant le moment fatidique. Elle tint l'outil de sorte à ce que le cercle de fer rouge surplomba toute la surface du ventre de l'Hylienne. Dans cette position, c'était comme si elle s'apprêtait à lui asséner le coup de grâce.
La blonde gardait ses yeux fermés, la panique l'avait gagnée et son instinct de survie l'incitait à gigoter dans tous les sens, à frapper de toute la force de ses poings la cruelle femme, sans aucun épuisement. Son cerveau avait perdu la raison et des images défilèrent dans son esprit, celle de son père, de son oncle, et des câlins qu'elle leur faisait régulièrement avant de se coucher, témoignant de son amour pour eux. Parmi tous ses souvenirs, c'étaient ceux-ci qui ressortit lorsqu'elle crut mourir. Lysia appelait son père, elle hurlait après lui, mais sa voix résonnait contre les parois serrées de cette petite pièce isolée du reste du monde. Il ne restait plus qu'un désespoir évident auquel la petite fille ne voulait pas se donner. Sa vision se flouta avant même qu'il ne se passe quoi que ce soit.
- Reste immobile et prête allégeance à Ganon pour le reste de ta vie ! s'exclama Katlyn.
Le geste sonna comme un sceau, une marque au fer que l'on faisait aux animaux. La surface brûlante du disque de torture se posa délicatement contre le lisse et petit abdomen de Lysia et y resta plusieurs secondes. Celle-ci n'eut pas assez de voix pour hurler assez fort de tous ses poumons, son hurlement de souffrance inimaginable dura de très, très longs instants. Presque dix secondes d'un cri strident et abominable que la blonde venait de pousser. Et pourtant, Katlyn n'arrêtait pas, le fer restait toujours contre sa peau qui brûlait de sous sa poitrine jusqu'au bas du ventre, le tout pendant que cette substance jaune précédemment jetée au feu pénétrait ses entrailles. La chair serait bientôt à découvert si cela ne cessait pas dans les secondes prochaines.
- Oui... prononça la Yiga en se délectant de la situation. Ressens cette délicieuse douleur pénétrer ton corps...
Cela faisait bientôt quinze secondes que cette torture durait, l'enfant perdait de ses forces et se voyait mourir. La cheffe se décida enfin à retirer le disque de la peau complètement brûlée du ventre de la pauvre fille, allongée au sol, les paupières vacillantes pendant que son esprit se déconnectait petit à petit de la réalité.
- La souffrance est la meilleure des leçons, chez moi.
Lysia s'évanouit soudainement, incapable de supporter plus longtemps une douleur si forte. Cela arracha un rire malsain à la femme qui ne s'attendait pas à la voir inconsciente si tôt dans la procédure. Elle observa la scène à ses pieds qui ne pouvait pas être plus macabre. Un corps inconscient d'une petite fille au ventre carbonisée étrangement lumineux, à côté d'un cadavre récent d'un homme qui baignait dans son sang. Cela n'avait rien d'inhabituel au repaire des Yigas, le mort serait jeté dans le gouffre et Lysia remise dans sa cellule le temps qu'elle se réveille. Fière d'avoir accompli ce qu'elle souhaitait, Katlyn se frotta les mains. Le rituel était terminé.
- Tu es encore trop faible, jeune fille, constata-t-elle en observant la blonde au sol avec un faux désarroi. Mais tu te souviendras toute ta vie que tu es l'une des nôtres, désormais.
OoO ~ II ~ OoO
- Voilà. Tu sais tout...
Il était évident qu'Arthur ne dormirait plus une seule minute du reste de la nuit qu'il restait devant eux. Il n'avait jamais entendu quelque chose de si horrible, les larmes lui étaient montés aux yeux, comme pour Lysia qui avait malgré tout trouvé le courage de lui raconter cette histoire lugubre qui faisait partie de son passé. La jeune femme sentait les doigts tremblotants de son amant contre sa peau qui faiblissaient. Avait-elle bien fait de lui faire subir un tel récit ? L'important était que désormais, il était au courant et le brun comptait bien agir en conséquence. Une frustration était née chez lui, en pensant qu'il n'avait pas été là ce jour-là pour empêcher ce malheur indescriptible.
- Et aujourd'hui je vis avec les restes de cette terrible expérience, continua Lysia sur le point de pleurer de nouveau. Cette cicatrice se réveille quand j'ai peur, que je panique ou que je rêve de cette scène... J'ai l'impression à chaque fois de revivre ce terrible moment. Elle m'empêche de passer à autre chose. Je suis condamnée à vivre avec pour le restant de mes jours. Selon mon oncle, la brûlure est si violente qu'elle a atteint certains organes spécifiques, me privant de pouvoir donner la vie...
Elle posa une main sur son abdomen blessé avant de plonger son regard dans les iris de son compagnon encore muet.
- En vérité, il m'est déjà arrivé de nous imaginer père et mère, tous les deux.
Lysia perdit ses yeux dans le néant en sentant ses émotions la gagner de plus en plus. Ce qui lui faisait le plus mal, dix ans après cet événement, c'était que ce dernier l'impacte encore beaucoup, dans le présent, mais aussi pour son futur. La brûlure et l'étrange sortilège qui y était lié avait détruit ses trompes utérines, laissant la blonde incapable d'avoir une descendance pour le reste de sa vie. Là était la douleur la plus forte pour elle à ce jour.
- Mais je n'aurai jamais de famille... pleura-t-elle tout à coup. Je suis la dernière de ma lignée...
Arthur se redressa pour s'asseoir en tailleur sur le lit, face à l'Hylienne dans la même position que lui. Il posa ses mains contre ses épaules dénudées puis posa son front contre le sien, en fermant les yeux, il consola la lancière en disant avec émotion :
- Notre famille, c'est nous deux. Je vais te faire une promesse, et tu dois me promettre en retour de ne jamais oublier les mots que je vais te dire.
Sa présence avait été plus que nécessaire, mettre les mots sur ce traumatisme enfoui depuis des années en elle lui avait peut-être permis d'avancer sur le plan personnel. Le fait d'assumer ouvertement ce qu'elle avait vécu et de le partager aidait à l'accepter, même si sur le moment présent, cela restait très dur. La jeune femme désespérée hocha la tête avant d'essuyer ses larmes, attentive aux mots du garçon.
- Je t'aime, dit Arthur. Je m'engage à rester auprès de toi jusqu'à la fin de nos jours, jusqu'à la dernière seconde, je serai là. Je veillerai sur toi, et je m'occuperai personnellement de faire en sorte qu'il ne t'arrive plus aucun malheur. Tu es courageuse, comme ton père. Tu as la fille qu'il a toujours rêvé d'avoir, j'en suis certain. Il serait tellement fier de toi... Ce que je vois là, ce n'est pas une faiblesse. C'est une preuve que tu es capable de te relever face à n'importe quel obstacle.
- Je ne me suis pas relevée, Arthur, était persuadée la concernée.
- Si aujourd'hui tu peux marcher, c'est que tu t'es relevée. La seule personne qui aujourd'hui est tombée et ne se relèvera plus de ces événements, c'est Katlyn après que ton père lui ait tranché la gorge. Elle a eu ce qu'elle méritait, et je n'ai pas honte de le dire.
Le sort de cette Yiga décédée, origine de tous les troubles de la jeune femme, n'était pour elle pas assez fort. Lysia se surprenait parfois à désirer que cette femme souffre pour l'éternité, elle ressentait encore cette envie mordante de la voir hurler à la mort à sa place, pour le reste de sa vie. Mais ces sensations ne lui correspondaient pas, ce n'était que de la haine pure et compréhensible vis-à-vis de la situation, mais la blonde n'avait pas commis l'erreur de plonger dedans et d'en faire sa raison d'être. Son feu paternel l'avait vengée, c'était le principal.
- Ton père était un grand homme, ajouta Arthur qui prit ses joues à l'intérieur de ses paumes. Tu es sa fille, la fille du grand voleur Lambda, et tu es d'ores et déjà aussi forte que lui.
Leur regard se croisa.
- Lysia de Lambda, vous êtes une femme unique.
Ces mots la touchaient profondément, le brun était parvenu à lui redonner la force de continuer ce qu'elle avait entrepris et d'accepter son passé. L'Hylienne lui portait un regard amoureux intense qui baignait toutefois encore dans quelques larmes que son amant ne tarda pas à essuyer lui-même. Lysia finit par s'allonger et lui faire signe de la rejoindre sous sa couverture, afin qu'elle puisse passer le reste de la nuit avec lui, dans ses bras. Le lit était très peu adapté pour deux personnes, mais cela était loin de les déranger. Le couple s'endormit très rapidement ensuite, bercé par la respiration bien plus apaisée désormais de l'autre, en s'offrant avant tout quelques doux baisers qui calmèrent grandement l'esprit de la blonde.
Arthur resterait bouleversé pendant un certain temps, il allait être difficile de songer à autre chose que ce qu'il venait d'apprendre, il possédait une vérité qu'il savait tue pendant très longtemps, il prendrait bien soin de la garder secrète tant que Lysia le souhaitait. Grâce à elle, il avait la possibilité de l'accompagner dans toutes ses épreuves et l'aider davantage à surmonter des obstacles émotionnels. Son rôle était de protéger Lysia, de la suivre dans ses démarches, de l'encourager, et de l'aimer, même si au fond de leur esprit, tous les deux n'oublieraient jamais ce jour atroce qui avait eu comme conséquence la cicatrice de la jeune femme, sa marque du passé.
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