Chapitre 11 : Le frère disparu
Voilà cinq jours qu'elle s'en était allée. Presque une semaine d'inquiétudes, de peurs et d'angoisses pour l'oncle qui la pensait parfois morte. Ces pensées le hantaient mais il évitait tout de même de songer à un scénario si terrible. L'ignorance n'était jamais une situation confortable dans laquelle se trouver, il ne dormait plus la nuit, la fatigue et la déprime avaient engendré chez lui des instants de fureur incontrôlable. Colère, peur et tristesse le contrôlaient perpétuellement, Alan ne savait plus comment s'en sortir. Lysia devait se trouver si loin à l'heure qu'il était ce jour-là ; si tout s'était bien passé, elle devait avoir atteint le village d'Écaraille, mais qui pourrait lui assurer de sa réussite ?
De plus, il savait que ses jours étaient comptés s'il continuait à absorber la corruption trop proche du village dans son propre corps. Capacité qu'il cachait à tout le monde depuis toujours et qu'il possédait depuis qu'il avait été corrompu puis immunisé de manière divine. Et peu de gens savaient pour ce fait, il souhaitait le dissimuler le plus possible, pour n'effrayer personne. En effet, depuis cette menace apparue sur la colline depuis quelques semaines, il ralentissait son avancée en secret, en usant de son propre corps. Son village étant bien trop précieux à ses yeux, il avait opté pour cette option qui mettait en péril sa santé depuis quelques jours. C'était également la raison pour laquelle il ne pouvait pas se permettre de quitter Labulat pour aller sur la trace de Lysia. Malheureusement, la corruption gagnait en puissance malgré ses efforts, et cela ne faisait que la ralentir pour une durée déterminée.
Dans la salle de réunion, le Conseil était de nouveau en pleine réflexion, cherchant à agir au plus vite face à ce problème que plus personne ne pouvait nier. Les rideaux fermés filtraient l'intensité de la luminosité qui rentrait dans cette grande salle commune. Ainsi, ils discutaient dans la pénombre, assis autour de cette même table carrée. Une certaine pression régnait dans l'air, Labulat était dans une situation critique qu'il fallait régler au plus vite, et Suzanne, dans un état de stress, était la plus impliquée. Elle avait pris la place attitrée d'Alan autour de la table, ce dernier étant donc assis à côté d'Adrien. Doni et Ben répondaient également à l'appel, tous deux très silencieux, ils ne semblaient que très peu perturbés par le danger de cette corruption, ce qui avait tendance à agacer Suzanne et l'alarmer davantage. La jambe droite constamment en mouvement de Doni commençait d'ailleurs à faire trembler la table et être insupportable...
- Un enfant a failli se faire toucher par cet amas de substance gluante et hideuse... déclara Suzanne. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l'urgence actuelle de la situation.
Un blanc remarquable démontrait que toute la table était endormie, personne ne réagissait. Ce jour-là, une pluie battante s'était abattue sur la région et produisait un bruit continu contre les vitres des fenêtres qui arborait les deux murs porteurs du bâtiment. La tante d'Arthur, ne percevait aucune motivation, pas même chez Adrien, son mari qui ne savait lui non plus quoi répondre à cette crise. Il admirait la détermination de sa femme mais avait du mal à la suivre parfois. Il restait donc assez réservé sur la question. Suzanne émit un long et puissant soupir témoignant de sa fatigue et son désespoir.
- Je suis vraiment la seule à me rendre compte de...
- Il faut construire des remparts solides, l'interrompit soudain Alan, presque affalé sur la table dans une position de recroquevillement distincte.
Le regard dans le vide, il venait de prendre une décision capitale, et savait très bien que cela ferait réagir. Cependant, l'oncle avait un plan minutieux en tête qu'il avait enfin jugé d'appliquer, pour la survie des habitants du village. Suzanne ne fut guère surprise de cette proposition, car cette dernière n'était pas nouvelle, mais Alan la remettait sur la table, avec une réflexion qu'il voyait mieux fondée.
- On y a songé des milliers de fois, signala Suzanne, le village n'est pas assez riche pour se permettre un tel projet.
- On peut y arriver, assura-t-il avec une certitude étrange et qui ne lui ressemblait plus ces derniers jours. Je vais vous trouver de l'argent et des matériaux, autant qu'il en faut.
Les membres du Conseil se regardèrent, abasourdis par cette conviction de sa part. Les rumeurs couraient, et très vite ; l'état psychologique laissant à désirer du chef du village fut rapidement connu par tous. Désormais, tous se doutaient de la dépression d'Alan. Ses idées délirantes, son manque d'attention et de ponctualité, ainsi que sa fatigue grandissante en étaient des preuves concrètes. Lysia, en s'enfuyant, l'avait fait plonger, - de manière involontaire de toute évidence -, dans un cercle vicieux dont il ne parvenait pas à sortir. Suzanne, triste de le voir perdre la raison ainsi, demanda malgré tout comment il comptait s'y prendre.
- Et où comptes-tu trouver tout cet argent, Alan ? dit-elle sur un ton qui supposait qu'elle n'attendait aucune réponse construite.
Avant de révéler son idée, il dévisagea tout le monde pour s'assurer que tous l'écoutaient attentivement. Et en effet, ils attendaient tous avec impatience la réponse du vendeur de potions, certains avec un air inquiet et d'autres désespérés.
- Le Château d'Hyrule, annonça-t-il. Il doit regorger de trésors de la famille royale qui aujourd'hui ne sont plus à personne !
Se rendre au Château d'Hyrule. Ce nom suscita des réactions, tant il était symbole de peur et de danger dans les esprits des habitants du royaume. Alan semblait être atteint d'une folie bouleversante en ne serait-ce que proposer d'y aller. Cet endroit, cœur même de la corruption, renfermait le Mal en personne dans ses murs. Des centaines de Gardiens protégeaient le lieu et éliminaient quiconque s'approchait trop de la forteresse, se frayer un chemin était impossible vers ce château qui autrefois était prospère et magnifiquement haut. Ce fut un refus catégorique de la part de tous ses collègues pour l'oncle qui pourtant se savait capable de survivre, en raison de la partie de Ganon en lui qui la protégerait des attaques des Gardiens. Mais ce secret devant resté gardé, il dut faire face aux avis fermés des autres membres.
- Tu veux piller le château ?! s'exclama Ben, subjugué.
- C'est un grand mot, répondit Alan, je vais juste emprunter quelques rubis, et puis, autant qu'ils servent à quelque chose, personne ne met un pied là-bas de nos jours.
La fortune royale, sûrement dissimulée dans la salle la plus gardée autrefois, devait certainement se trouver quelque part, il suffisait donc de la trouver, se servir, et repartir. C'était aussi simple que cela dans la tête du chef, et cet argent lui permettrait d'acheter des matériaux solides pour construire un rempart au bord de la falaise corrompue. De plus, des protections de ce genre repousseraient aussi les monstres. C'était un investissement et un risque à prendre justifié pour lui, mais pas pour Suzanne ni Adrien.
- C'est de la folie, déclara-t-elle avec le soutien de son mari, tu te ferais tuer en une seconde là-bas.
- Faites-moi confiance ! insistait-il.
Suzanne se racla la gorge de manière prononcée pour attirer l'attention. Elle se redressa et posa ses deux mains à plat sur la table, souhaitant remettre les choses au clair. Il fallait dire que la place qu'elle avait autour de cette table ne lui déplaisait pas... Au bout, sur une chaise plus imposante que celle des autres personnes, elle se sentait haute dans la hiérarchie, présente avec son mot à dire, plus qu'à sa place habituelle de toute évidence.
- Alan. Je suis la cheffe temporaire de ce village car tu m'as légué cette place, en sachant que toi-même tu n'étais plus apte à le diriger, n'est-ce pas ?
Ce qu'elle disait était vrai même si lui laisser sa place n'avait pas été d'une mince affaire. C'était bien parce que Nell avait insisté qu'il l'avait laissée faire. Son amie avait compris l'enjeu et en avait également conclu qu'Alan n'était plus capable de gérer seul une communauté de cette envergure, la voyageuse l'avait ainsi convaincu de prendre du repos. « Prends du repos » ... Il avait surtout entendu par-là « Laisse faire des personnes plus raisonnées » ... Celle-ci, d'ailleurs, évitait de le croiser ces derniers temps, ce qui était pour sûr dû à sa déclaration trop hâtive qu'il lui avait faite. Depuis, quelque chose était bien différent entre les deux Hyliens. Suzanne, satisfaite que le chef légitime confirme sa substitution bien qu'à contrecœur, rappela avant tout une chose primordiale.
- Bien, dit-elle. C'est donc à moi de prendre les décisions finales.
L'oncle n'aimait pas cet air de dirigeante qu'elle s'amusait à prendre dans ce contexte-ci, et pourtant, autour de la table, tout le monde paraissait plus rassuré et en confiance avec Suzanne à leur tête. Ce pourquoi l'homme se taisait de dire une quelconque remarque. Il devait se contenir pour éviter tout accident et une mauvaise image prouvée de lui. Pas en ces lieux si importants pour les habitants... Vexé, il avait les coudes sur la table, les mains jointes, et rentrait sa tête pour ne plus avoir affaire aux regards des autres. Cela lui permettait de dissimuler également ses yeux rouges de malice s'il venait à s'énerver davantage.
- Je propose d'évacuer la population afin de la mettre en sécurité, déclara la cheffe temporaire de Labulat.
- Tu ne peux pas faire ça ! rétorqua dans la foulée l'oncle, abasourdi par cette solution qu'il n'accepterait jamais.
- Si, je le peux, et je m'efforcerai de le faire car nous n'avons plus aucun recours. Crois-moi que cela me mine aussi d'en venir jusque-là.
C'était exactement ce qu'il ne souhaitait pas entendre. Laisser à l'abandon ses efforts, son ambition, sa création entière, il ne pourrait jamais accepter cela. Des gens venaient habiter ici en se pensant en sécurité, au calme, et sans le moindre risque de devoir déménager une nouvelle fois. Il avait toujours vendu son village comme la lumière dans ce royaume sombre et soumis par les forces des ténèbres, et des personnes avaient fait confiance à cette façon de voir les choses. En faisant une telle chose, ce serait les trahir, tous. Et ce ne serait pas que le village qui finirait en ruines, détruit, mais Alan lui-même aussi, car cette colline de Labulat était sa vie, ce pourquoi il se levait à l'aube tous les jours, sans s'arrêter.
- Où irons-nous alors, Suzanne ? Où est-ce que tu veux loger des dizaines de personnes ? Tu y as pensé à ça ? tenta Alan pour la persuader de renoncer à cette idée.
Cependant, son intervention ne sembla pas du tout la faire se remettre en question, Suzanne avait déjà envisagé le plan de sauvetage de tous les habitants, y compris des animaux de l'écurie pour qu'ils prennent le moins de risques possibles. Il ne restait plus qu'à prévenir les habitants ainsi que les autres acteurs de cette mission.
- Nous pouvons discuter avec les relais aux alentours et Cocorico.
- Ils nous aideront avec certitude, confirma Adrien.
Ce fut de nouveau un refus absolu de la part d'Alan qui hochait négativement la tête avec insistance. Les autres villages avaient déjà beaucoup de mal à se remettre de la crise qui s'était installée suite à Ganon, personne ne voudrait de quarante personnes en vadrouille, cherchant un nouveau lieu de vie, et encore moins Cocorico qui souhaitait avant tout du calme pour conserver leur havre de paix. De plus, Alan savait à quel point le village des Sheikahs avait été un piston fondamental pour lui et ses idées à mettre en œuvre, se résoudre à aller chercher de nouveau de l'aide chez eux n'était pas envisageable, il fallait régler le problème par leurs propres moyens. Malheureusement, il n'avait plus son mot à dire sur la question.
- Impa s'est déjà presque ruinée pour nous ; sans elle, Labulat n'existerait pas, dit-il. Laissez-la tranquille.
- Elle possède de bons architectes et c'est une personne de confiance, argumenta Suzanne, construire des maisons ne leur poseront aucun problème.
Impensable pour le chef, ce dernier accentuait son désaccord pour bien faire comprendre qu'une chose pareille ne serait jamais mise en place pour un village dont il était le propriétaire légitime. Mais la validation des dires de la tante d'Arthur par les autres Hyliens du Conseil lui faisait pression contre lui et il commençait à s'énerver. Il se retrouvait à un contre quatre, et luttait quand même sans oser voir la réalité en face. Même avec un vote à main levé réglementaire par tous les résidents de Labulat, il perdrait et en avait pleinement conscience. Néanmoins, il résistait, seul, dans l'espoir encore brûlant de sauver toutes ces personnes, il s'en sentait capable et ne voulait pas abandonner. Peu importait le jugement des autres qui le verraient comme un fou.
- Demandez à Elimith ! lâcha-t-il avec un geste de la main virulent qui accompagna son propos. Eux aussi ont pour projet de bâtir de nouvelles maisons.
- Le chef d'Elimith est un idiot, rappela Doni, il n'acceptera jamais.
- Les Piafs pourraient nous fournir quelques provisions pour tout le temps de notre voyage, ajouta soudainement Adrien dans la foulée.
Ils se mirent tous à émettre des propositions cohérentes allant dans le sens de Suzanne, Adrien parlait à sa femme de quand envoyer un courrier à Cocorico pour les prévenir et Doni et Ben cherchaient comment se procurer assez de charrettes pour transporter les affaires de tous les habitants. Les voyant discuter, il se sentit oublié et isolé du fait de son opinion qui allait à l'encontre de la leur. Alan se sentait abandonné par tous les siens, et trahis par ses amis... Car pour sûr, ce Conseil n'était qu'une réunion vide et inutile, car le véritable conseil s'était déroulé à une heure dont il n'était guère au courant, et sans lui. Ils avaient tous l'air soudainement si impliqués que cela semblait bien étrange.
La rage destructrice de Ganon qui sommeillait en lui faillit sortir d'un seul coup mais Alan sut contrôler celle-ci grâce à son expérience et ravala cette haine grandissante, il réussit à simplement intervenir de façon brutale, en partageant sa colère vis-à-vis d'eux.
- Stop ! cria-t-il. Arrêtez ! Arrêtez de parler d'évacuation du village ! Encore un mot de votre part là-dessus et...
Il en perdit les mots, la tristesse de perdre son village lui ôtait la parole. Il s'écroula de nouveau sur la table, le front humide plaqué contre les paumes de ses mains. Ne sachant plus quoi faire pour arranger les choses comme il le voulait, il resta dans cette position et un silence se remit en place, interrompu par moments par de profonds soupirs de fatigue de la part d'Alan, désemparé par la situation. Ses camarades étaient tous attristés par ce qui arrivait à leur chef, ils ne voulaient que son bonheur ; mais pour son bien et celui de tous ici, ils se devaient de ne pas l'écouter et prendre les devants, des vies étaient en jeu.
- C'est ça, ou la mort assurée pour tous ici-même dans un mois, tenta de lui expliquer Suzanne sur un ton bien plus doux. La corruption que nous voyons n'est que la face visible de l'iceberg. Elle est déjà sous nos pieds, en train de rendre la terre stérile pour nos cultures bientôt toutes atteintes...
En effet, les légumes du marché commençaient à comporter une fine partie de corruption, et manger des aliments malades ainsi pouvait s'avérer mortel ou très grave. Ingérer de la corruption pourrissait la chair et brûlait les organes digestifs, et même quelques fines particules se montraient très nocives pour la santé. La population devait se nourrir avec leurs réserves encore bonnes, de moins en moins de personnes venaient au marché. Ce n'était plus une place sûre et habitable pour un bon nombre d'entre eux, il fallait s'y résoudre.
- Ici, c'est cinq ans de travail acharné, Suzanne... Ce village, c'est le projet le plus ambitieux que j'ai eu, et j'y suis enfin parvenu. Nous n'avons pas les mêmes moyens financiers que Cocorico, certes, mais nous tenons tous en ce lieu quelque chose que j'ai voulu prouver en bâtissant Labulat et que les autres villages semblent tous avoir perdu : l'espoir. Je ne veux pas que tu gâches tout à cause d'une histoire de corruption de merde. Nous valons mieux que ça.
- Ce n'est pas dans ces murs que l'espoir perdure, mais en nous. Peu importe où nous allons.
L'averse dehors faiblit en puissance, faisant ainsi moins de bruit. L'oncle ne répondit rien, trop occupé à contenir ses nerfs qui menaçaient de tout détruire autour de lui. Il affichait un visage fermé aux cernes prononcés, il ne pouvait pas être à la fin de ce rêve, de tout ce qu'il avait bâti ici... Et pourtant, la fin était proche malgré tout.
- Dans trois semaines, nous devrons quitter les lieux, conclut Suzanne avec assurance et tragédie. Prévenez la population.
Ces paroles mirent fin à la réunion, le Conseil se leva et rabattit leur chaise sous la table. Sans attendre, Alan s'isola au fond de la salle, ne souhaitant parler à personne. Il resta debout face à un mur décoré d'une grande peinture à laquelle il apportait beaucoup d'affection. Un grand tableau carré représentant Labulat, prospère, des maisons se dressaient sur les extrémités et la fontaine de la place se situait au centre de l'œuvre. L'herbe verte en arrière-plan rappelait le printemps et la terre fertile de la colline. Triste, il sentit ses yeux s'humidifier, ce qui n'était pas arrivé depuis très longtemps. Abandonner cette terre lui ferait bien trop de mal, son cœur déjà meurtri par tant d'autres événements, il ne supporterait pas un poids supplémentaire. Cette fois-ci, c'était trop.
- Je suis sincèrement désolée Alan...
Tous les autres Hyliens avaient déjà quitté la pièce, mis à part Suzanne qui n'osait pas avancer plus proche du chef, restant derrière lui. Elle savait qu'elle l'avait blessé, mais n'avait pas d'autres choix. Avant qu'elle ne décide de lui faire face, il usa de la corruption pour faire monter la température de son visage et faire s'évaporer les larmes qui coulaient sur ses joues, ses yeux changèrent de couleur dans le même temps avant de reparaître tout à fait normal à la vue de Suzanne. La tête relevée vers ce tableau qui témoignait d'une vie paisible et sereine, il ne prit pas la peine de la rabaisser pour regarder la tante qui ne savait quoi dire.
- Laisse-moi seul, demanda Alan la voix tremblante. Va-t'en.
Elle hésita à rajouter quelque chose mais préféra écouter l'homme et s'en aller comme tous les autres. Ses pas résonnèrent dans la salle, puis un bruit de porte retentit lorsqu'elle la quitta pour de bon. Définitivement seul, il ferma les yeux et inspira un grand coup pour contenir ses pleurs. Qui savait ce dont il serait capable dans un état de désespoir si grand ? Non... Il se devait de faire ce dont il avait prévu, au nom de toute la communauté qu'il avait créé ici-même. Droit et immobile, son visage changea drastiquement d'émotion, en affichant plutôt de la détermination, l'envie de ne pas abandonner, d'aller jusqu'au bout des choses. Il n'avait pas travaillé pendant cinq années pour en finir comme ça, pas maintenant, et certainement pas à cause de Ganon, encore une fois. Peu importait si cela n'était guère raisonnable, non recommandé, il passerait au-delà de ces réflexions.
Il observa un instant ses mains. Des bribes de malice tournaient autour de ses doigts avant de disparaître dans l'air. Ne pas se servir de ce pouvoir si particulier et unique pour sauver ces habitants serait regrettable, s'il voulait changer les choses au plus vite, le Château d'Hyrule serait sa prochaine destination.
OoO ~ II ~ OoO
En fin d'après-midi, la pluie avait cessé, certains habitants sortaient de leur maison pour se diriger vers la taverne, en sentant l'air humide encore présent avec son odeur si particulière. Ce temps automnal n'était pas pour réjouir la région, les grandes torches de l'entrée de Labulat étaient éteintes, mais cela faisait du bien suite à de fortes chaleurs consécutives. De plus, les paysans qui pensaient à récupérer l'eau de pluie dans de grandes cuves, qui se vidaient petit à petit en ce début d'été, étaient eux plutôt ravis de ces intempéries soudaines. Dehors, seuls deux gardes du village discutaient et vagabondaient en faisant leur ronde quotidienne pour prévenir un quelconque ennemi qui se serait introduit. Cela n'était pas arrivé depuis des mois, heureusement, mais il fallait tout de même rester vigilant.
Sous sa capuche noire pour éviter d'être mouillé, Arthur marchait seul sur la place et croisa les deux gardes à sa droite, allant dans la direction opposée. Se rendant chez Alan en espérant tout de même ne pas le croiser, il se baladait avec un sac rempli de statuettes réalisées par Lysia qu'il avait essayé de vendre la veille en prenant la place de son amie à son échoppe, et il venait donc les rendre. Il fut néanmoins fier de pouvoir rapporter une dizaine de rubis à la blonde qu'elle découvrirait à son retour. Il comptait les ranger discrètement dans la chambre de la jeune femme en sachant qu'elle ne les accepterait jamais en mains propres. En effet, Arthur avait vendu une statuette ! Un exploit pour l'Hylien qui fut heureux de voir enfin les gens reconnaître le travail de Lysia. Sans elle, il s'ennuyait beaucoup, elle lui manquait. Arthur se sentait seul et espérait juste ne pas attendre trop longtemps avant qu'elle ne revienne.
Plus loin, sortant du Bureau, il vit son oncle Adrien, vêtu de son vêtement noir au col remonté, en compagnie de Doni et Ben qui reprirent leur chemin respectif en se séparant. Leur rude réunion terminée, ils allaient pouvoir reprendre leur activité de l'après-midi. Après avoir salué ses deux collègues, il constata que les torches n'étaient plus enflammées et décida de se charger de les rallumer pour redonner un peu de gaieté à la place centrale. Le ciel se dégageait et le vent baissait, assuré que la pluie ne reprendrait pas, il se dépêcha d'aller chercher du feu lorsqu'il aperçut son neveu près de la fontaine. Ce dernier vivant sous le même toit que Suzanne et lui, Arthur connaissait les difficultés que le village rencontrait et le problème que posait Alan, toujours borné sur ses idées bien arrêtées, pour leurs résolutions. Curieux de savoir comment leur conversation s'était achevée, il décida d'aller croiser le chemin d'Adrien qui le repéra avec facilité quelques mètres plus loin, en marchant malencontreusement dans une large flaque d'eau.
- Comment ça s'est passé ? démarra Arthur lorsqu'il fut assez proche de lui.
Adrien fut mitigé pour sa réponse, l'ami de Lysia en conclut que cela avait été relativement compliqué. La tension avait été palpable, être confronté à la réalité en face restait difficile pour Alan, et Adrien n'avait pas voulu trop en rajouter suite au courage qu'avait eu Suzanne de lui annoncer elle-même les faits préparés.
- L'annonce fut dure à avaler... avoua-t-il à son neveu qui le dépassait presque en taille.
Ce n'était guère surprenant, mais Arthur ne faisait preuve d'aucune compassion avec le chef du village. Ce dernier lui avait demandé de mentir à sa meilleure amie et adoptait un comportement violent envers sa personne, ce qui n'était pas sans lui rappeler son enfance et sa première rencontre terrifiante avec l'homme. Le vingtenaire fronça les sourcils en songeant à ce souvenir traumatisant, il restait fâché contre lui et lui en voulait beaucoup, ce que savait pertinemment Adrien, soupirant.
- Je sais que tu lui en veux, mais je pense qu'il ne faut pas trop s'acharner sur lui, pensait l'oncle. Il déprime beaucoup ces derniers temps, surtout depuis le départ de Lysia.
Ces arguments ne l'avaient pas du tout convaincu, il lui faudrait un peu de temps avant de pouvoir lui pardonner ses actes. Son état empirait chaque jour... et Suzanne essayait encore de lui venir en aide malgré tout ; mais pour le brun, il fallait simplement laisser Alan tranquille quelques jours le temps qu'il se rende compte de ce qu'il faisait. Adrien donna quelques tapes sur l'épaule d'Arthur et l'invita à la discussion.
- Viens t'asseoir, mon grand.
Les deux Hyliens se déplacèrent un peu en arrière et allèrent se poser sur le bord de la fontaine, là où le bruit des flots résonnait en instaurant une atmosphère reposante. Adrien se pencha en avant et joignit les mains en fixant les pavés humides sous ses pieds. Il ne voulait pas que cette conversation ne soit entendue par sa femme, encore dans la salle de réunion avec Alan, car celle-ci hésitait à parler de ces choses-là à leur neveu, en pensant remuer le couteau dans la plaie. Mais Adrien savait qu'Arthur souhaitait et avait besoin d'en savoir plus, ce pourquoi il prenait un temps pour lui. Le concerné était intrigué, car rares étaient les fois où son oncle lui parlait seul à seul, il pensait donc que la raison était importante et justifiée.
- J'ai parlé avec la famille de Lucas et Leo hier, dit-il, tu vois de qui il s'agit ? Je pense que leur mère, très gentille d'ailleurs, m'a communiqué des informations qui pourraient t'intéresser.
- À quel sujet ? l'interrogea Arthur.
- Celui de tes parents.
Son intérêt pour cette discussion augmenta d'un seul coup et très vite, il dévisagea son oncle avec intensité, plus qu'attentif à ce qu'il allait lui dire dans les prochaines secondes. La question de la mort de Maëlle et Daniel, mère et père respectifs d'Arthur, était toujours inconnue pour la famille et restait en suspens encore dix ans plus tard. Mais voilà qu'Adrien avait peut-être obtenu des informations en menant l'enquête.
- Molie m'a appris que lors de l'époque de la résurrection du Fléau, un groupe de fidèles à Ganon aurait semé la terreur dans le royaume peu avant sa renaissance et pendant, à des endroits spécifiques et calculés.
- Des Yigas ? pensa le brun.
Adrien fit non de la tête.
- Non, des personnes possédées, le corrigea-t-il. La famille de Lucas a connu certaines personnes de cette organisation terroriste. Ta tante et moi habitions à la Citadelle lorsque ça s'est passé, on a eu une chance miraculeuse de s'en être sorti d'ailleurs, mais en côtoyant l'entourage proche de la famille royale, j'ai entendu parler de ces gens animés par la haine de Ganon.
L'ancienne Citadelle d'Hyrule, ville au pied du château, avait été la première touchée par un tremblement de terre violent et les Gardiens corrompus de malice. La quasi-totalité des nobles vivants là-bas furent tués sans pouvoir se défendre. Heureusement, Suzanne et Adrien qui vivaient en ces lieux purent se frayer un chemin jusqu'à la plaine d'Hyrule et se réfugier pendant plusieurs jours sans manger sous une carcasse de Gardien détruit. Ces jours furent les plus durs et les plus terrifiants de leur vie, mais ils se réjouissaient tout de même d'être encore là, vivants, dix ans plus tard. Adrien avait déjà vu passer dans le ciel des traînées de corruption noirâtres, accompagnées de rires démoniaques. Ne sachant de quoi il s'agissait, il pouvait désormais en déduire qu'il avait pu observer un individu corrompu, ce qui lui permit de faire le lien avec ce que lui avait raconté la mère timide de Leo et Lucas.
- Ils ont détruit des villes, ravagé des terres... ajouta-t-il. Tout ça dans le but de tuer le plus de monde possible.
Il avait repris exactement les termes de Molie, personne que l'on ne voyait pas souvent sortir à Labulat, certains pensaient que Stann, son mari, était violent avec elle et que Leo et Lucas s'abstenaient d'en parler à leur entourage car il faisait pression sur eux. Ce n'était que des rumeurs, mais cela leur créait tout de même une certaine réputation, pour une famille qui venait tout juste d'arriver.
- Le massacre de la plaine de Célès à Necluda, continuait Adrien, là où sont enterrés Maëlle et Daniel... C'est ici que ce groupe de personnes corrompues fut éliminé, tous en même temps.
Cette plaine proche du village de Cocorico contenait encore des ossements et cadavres datant de la nuit où tout avait basculé. Ce terrain historique sur lequel la mort avait laissé des traces répugnantes fut le lieu de la mort du Héros. Arthur et sa famille s'y était rendu il y avait peu de temps pour se recueillir sur la tombe de ses parents, voyage qui lui faisait toujours beaucoup de mal.
- Qui aurait pu tuer toutes ces personnes en un seul coup ? s'étonna Arthur. C'est juste... inhumain...
- La même personne qui nous protège encore aujourd'hui de la rage destructrice de la Calamité.
Son visage se figea quelques instants le temps que le brun assimile toutes les informations qu'on venait de lui donner. Plongé dans l'ignorance depuis ces tragiques événements, il comprenait enfin petit à petit ce qui aurait pu se produire, l'hypothèse de son oncle, si on ne lui avait pas menti, tenait la route.
- La princesse Zelda... les aurait tués ?
- Je pense très fortement que tes parents se sont retrouvés possédés par le Mal et... ont dû faire partie de ce groupe de fidèles. Je pense que c'est pour cette raison qu'ils ont quitté ce monde, lorsque la prêtresse les a tous décimés pour le bien d'Hyrule.
Arthur releva subitement les yeux, croyant apercevoir quelqu'un qui les fixait au loin, mais comprit vite qu'il se trompait. Zelda aurait tué Maëlle et Daniel à l'aide de son pouvoir sacré... Cette histoire était terrible, mais pourtant faisait partie des explications plausibles à ce qui était arrivé à leur famille. Le brun pensait souvent que celle-ci était maudite, en ayant remarqué la grande quantité de personnes qui disparaissaient sans laisser de trace lors des générations précédentes. Ses parents et son grand-frère n'avaient pas échappé à la règle...
- La nuit où j'ai fui notre maison, enchaîna le jeune homme avec une voix grave et faible, j'ai entendu mon père crier et ma mère pleurer au rez-de-chaussée... J'étais seul, à l'étage, et je ne sais pas ce qui leur est arrivé ce jour-là, mais je sais que des individus se sont introduits chez nous, et après cela, je ne les ai plus jamais revus.
Il se sentit de nouveau une présence autour de lui, quelque part. Attentif au moindre bruit suspect, il regarda en face de lui, vers la salle de réunion, le Bureau. À travers l'une des grandes vitres, il vit une nouvelle fois le fantôme de son feu frère, dans sa même armure de chevalier rouillée, et du sang séché au niveau de sa poitrine. Décoiffé et le visage sali, il se tenait droit, debout, la tête penchée sur le côté tel un pendu, et fixait Arthur de ses yeux rouges perçant l'obscurité. Sa bouche était entrouverte et comme à chaque fois que le neveu avait une vision du chevalier, de la corruption dégoulinait de sa mâchoire. Il ressemblait à un cadavre sur ses deux jambes, littéralement. Jamais il ne comprendrait comment cela était possible, comment l'ami de Lysia était capable de voir une personne décédée ainsi, mais avec l'habitude, la peur le gagnait de moins en moins malgré l'allure effrayante que possédait son fantôme, qui venait de disparaître.
- Ils t'ont parlé de Brad ? demanda Arthur à Adrien qui s'était tu.
Ce dernier lui répondit qu'il n'avait pas été mentionné une seule fois par Molie. Toujours aucune information concernant le frère, ce qui déçut un peu Arthur, espérant en savoir plus. Car bien que rien ne le sous-entendait, mais il avait l'ultime conviction que son feu aîné fut la victime d'un meurtre. Son fantôme, recouvert de cette substance visqueuse et coulante, lui donnait l'impression d'appeler à l'aide, à une vérité cachée dont ne personne ne se doutait.
- Est-ce que tu penses qu'il a pu se faire corrompre, lui aussi ? ajouta-t-il.
- Qu'est-ce qui te faire dire ça ?
Il ne voulut guère parler des apparitions qu'il avait de Brad, lui-même se pensant parfois fou, il évita ce sujet qui pourrait paraître étrange à son oncle voire l'inquiéter. Pourtant, le brun se sentait très bien physiquement et mentalement, ces hallucinations ou véritables visions d'un monde spirituel étaient présentes depuis toujours chez lui.
- Une intuition... répondit le brun.
Il se souvenait de quelques moments en lien avec cela durant son enfance, mais cette « capacité » avait l'air de s'être véritablement révélée à lui vers ses onze ans, lorsqu'il apercevait, chaque matin en se levant, un vieux Sheikah labourer son champ à Cocorico, mais que personne ne voyait. Depuis ces jours, il comprit qu'il avait ce don si étrange et que personne n'expliquait. En se renseignant sur le sujet, il apprit dans quelques livres que les gemmes nox avaient le pouvoir d'appeler les esprits à se rendre dans le monde mortel, afin d'y établir une communication entre vivant et âmes sans corps. Mais tout bien réfléchi, Arthur ne voyait aucun lien entre lui et ces pierres turquoise luisantes.
Adrien voulut conclure cette petite discussion, satisfait d'avoir pu parler de ce sujet sensible à son neveu qui fut réjoui d'en avoir appris plus malgré la tristesse que cela remuait toujours en lui, sans grande possibilité de pouvoir y remédier. Le mari de Suzanne tapota le dos d'Arthur avant de se relever et repartir à ses occupations de la journée, en conseillant avant de partir quelque chose à l'Hylien qui restait toujours assis sur le bord de la fontaine, mains sur ses genoux en le regardant s'être levé.
- Je pense que Lucas doit avoir quelques informations, songea Adrien, tu devrais aller le voir.
En effet, si la mère du blond avait tant d'informations, Lucas devait certainement connaître des choses, ou avoir entendu des éléments qui pouvaient intéresser Arthur confirmant cette proposition. Il hocha la tête et se leva à son tour, il savait à l'avance que reparler de ses parents le ferait penser à cela tout le reste de sa journée, remuant dans son esprit rationalité et hypothèses plus ou moins réalistes. Il était dur de vivre avec le lourd poids de l'inconnu, de l'ignorance totale. Constamment à la recherche de réponses, comme son amie, il n'avait contrairement à elle, pas de piste concrète à suivre, Arthur devait se contenter de rumeurs qui se basaient sur la confiance de personnes que lui-même ne connaissaient pas. Comment être sûr du déroulé de ces événements passés ? Et pourtant, malgré cette part de doute permanent, il avait tout de même envie d'y croire, pour se rassurer et se voir avancer.
OoO ~ II ~ OoO
Lucas servit son sixième jus de baies de la journée, en y ajoutant plus ou moins de glaçons selon la demande du client. Il profita du temps de répit qu'il avait derrière ce bar pour nettoyer le plan de travail sur lequel quelques Hyliens maladroits y avaient renversé de la boisson. Une odeur de plat parvint jusqu'à ses narines sur sa droite, le jeune homme y aperçut une assiette de curry de volaille pleine, prête à être servie. Le cuisinier l'avait posée là pour qu'il se charge de l'apporter à son destinataire assis dans un coin de la salle seul, et qui mangeait relativement tôt pour un dîner à dix-huit heures. Ne pouvant guère faire attendre un client, il se dépêcha de terminer son nettoyage et apporta l'assiette fumante jusqu'à lui. En fin de journée, la fatigue commençait à se faire ressentir, faire la même chose pendant plusieurs heures devenaient à un certain moment ennuyeux, mais le nouveau à Labulat relativisait en se disant qu'il y avait bien pire à faire ces temps-ci.
Travaillant à la taverne depuis ses premiers jours à Labulat pour obtenir un peu d'argent de poche personnel, il commençait à prendre goût à accueillir les habitants et leur servir boissons et plats chauds préparés en amont par un cuisinier réputé. C'était toujours bien mieux que de rester chez lui, avec son frère avec qui il ne s'entendait pas du tout, et ses parents qui instauraient une tension dans la maison. Lucas s'y sentait mal à l'aise vis-à-vis des disputes et des autres événements qui s'y produisaient. La taverne était bien plus accueillante : l'ambiance était chaleureuse, conviviale, on s'y sentait chez soi et à l'aise, un endroit agréable pour passer ses journées, même si le blond ne voyait pas beaucoup le soleil de la journée à cause de son enfermement constant en ces lieux. Le flux de personnes baissait relativement à cette heure-ci de la journée, même si les villageois n'hésitaient pas à venir plusieurs fois chaque jour, et rester plusieurs heures, profitant du lieu vivant qui regorgeait en général de rires et de ragots en tout genre.
Une chose commençait à sérieusement l'agacer, c'était ce couple, assis autour d'une petite table dans un coin, qui restait ici sans rien commander. Il savait pertinemment que leur position n'avait pas été choisie au hasard, Leo et Medy s'étaient postés sur ce large banc collé au mur du fond pour que Lucas les remarque à coup sûr, son frère ne voulait qu'attirer l'attention de son cadet, pour se vanter. Concentré sur son travail, le serveur évitait de les regarder pour ne pas satisfaire les attentes de Leo qui avait un bras derrière la nuque de sa petite amie, à moitié affalée sur lui. Ils tinrent au maximum une minute environ sans se bécoter et s'embrasser langoureusement, devant tout le monde. De plus, Medy gardait ses esclaffements prononcés à chaque phrase prononcée par Leo, ce que ne supportait plus Lucas, désormais. Il était à la limite d'être répugné tant il savait que ce genre de rapprochements physiques ne l'attirait pas du tout. Pour lui, un amour fort et puissant pouvait très bien se transmettre autrement que par le plaisir charnel, ce dernier pouvait même être complètement supprimé de sa vie amoureuse sans problème, pour être remplacé par quelque chose de plus spirituel, de moins physique mais tout aussi grand.
Une chaleur pesante commençait à le déranger, la fumée des plats chauds, le regroupement de monde dans une seule et même pièce et l'activité physique qu'était de servir les clients aux quatre coins de la pièce en était les coupables. Lucas se décida à prendre enfin une pause, la pluie avait cessé à l'extérieur et il pouvait donc aller prendre l'air pour sentir un peu de fraîcheur sur le visage. Mais à l'instant même où il termina de nettoyer le reste des verres encore sales pour les ranger à leur endroit respectif, le grincement strident des portes d'entrée retentit dans toute la salle, annonçant qu'un nouveau client venait d'entrer pour se désaltérer.
En levant les yeux, le serveur vit en effet un jeune homme brun ouvrir les portes et pénétrer dans la salle éclairée de la lumière jaune des lustres installés sur le plafond. Il referma les portes avec délicatesse pour éviter de produire un bruit trop élevé, sa démarche était franche, il se dirigea vers le bar et avait l'air déterminé. Lucas n'eut aucun mal à le reconnaître, sa présence lui donna une sueur froide. Pourtant, Arthur n'était pas du genre à intimider ; très sympathique avec les personnes qu'il ne connaissait pas beaucoup, il avait toujours un caractère basé sur la réserve et une once de timidité, on ne le qualifiait jamais d'individu charismatique qui imposait le respect. Néanmoins, le blond avait une raison selon lui qui justifiait cette allure assurée qu'Arthur ne montrait pas à l'accoutumée. Le jeune Hylien se racla la gorge, baissa la tête en frottant inutilement le plan de travail déjà nettoyé avec son chiffon, et fit mine de ne pas l'avoir vu pour éviter une quelconque interaction, jusqu'à ce qu'Arthur ne se tienne juste en face de lui, de l'autre côté du bar.
- Salut, déclara le brun sur un ton neutre.
Pour ne pas paraître impoli, Lucas cessa immédiatement ce qu'il était en train de faire et se releva droit machinalement, puis il salua à son tour son interlocuteur qui ne démontrait aucune émotion particulière. Il sentait que sa réponse serait donnée avec une voix peu rassurée et peu audible. L'ami de Lysia avait trois ans de plus que lui, et cette différence se ressentait un peu, le blond se méfiait un peu de lui et de sa discrétion habituelle.
- Salut... Je te serre un verre ? lui proposa-t-il.
- Je suis venu parler, expliqua Arthur, refusant ainsi son offre.
Après une déglutition, Lucas sentit une vague de chaleur l'envahir. Confus, il pensait à tous les coups que c'était une histoire liée à Lysia. Il se savait fautif sur différents aspects avec la jeune femme, il pensait qu'Arthur venait lui en faire payer le prix après la soirée de la fête du village.
- Si c'est parce que j'ai dansé avec Lysia à ta place l'autre soir, je voulais que tu saches que c'était en simple sympathie, et aucun sous-entendu... prévint Lucas pour éviter tout malentendu.
Lorsqu'il avait invité la blonde à danser avec lui, il avait juste souhaité se faire pardonner et passer un bon moment avec elle, car sa compagnie ne lui déplaisait pas le moins du monde, mais cela s'arrêtait ici. L'Hylien ne se serait jamais permis de penser qu'une suite d'événements aurait pu se dérouler entre lui et Lysia, suite à leur sympathie ce soir-là, ce n'était absolument pas ce à quoi il aspirait. De toute manière, Arthur le rassura, ce n'était pas du tout pour cette raison qu'il était présent.
- Ne t'inquiète pas pour ça, je suis là pour bien autre chose.
Un grand soulagement le gagna enfin. Le serveur s'était fait un scénario catastrophe dans son esprit alors qu'il n'avait absolument pas à s'en faire, chose qu'il effectuait souvent en état de stress intense, ce qui ne l'aidait jamais à se calmer... Son visage s'ouvrit soudainement suite à cela et fut bien plus éclairée par la lumière de la pièce, maintenant prêt à discuter plus sereinement.
- Dis-moi tout, le relança-t-il.
Seulement, Arthur était perturbé par quelque chose qui l'avait fait se stopper dans son élan de parole. Quelque chose sur le visage de Lucas qu'il trouvait en réalité étrange. Il prit appui sur le bar avant de tourner la tête dans la direction de Leo et Medy qui les regardaient, l'un avec une expression fermée et l'autre un air moqueur. Le brun ne leur prêta aucune attention et fixa de nouveau l'hématome présent sur la mâchoire de Lucas, juste sous sa joue gauche. Peut-être qu'il s'était juste fait mal en tombant, mais Arthur avait le pressentiment qu'il en était tout autre, il lui fit donc simplement remarquer que cette blessure était visible sans grande difficultés par toutes personnes qui le regardaient.
- Tu as quelque chose au visage, dit-il à voix basse.
L'Hylien fronça les sourcils et se toucha les joues jusqu'à repérer l'endroit de son ecchymose noirâtre, il sentit qu'une certaine douleur se manifestait lorsqu'il appuyait légèrement dessus. Ne s'étant point regardé dans une glace depuis la date de la blessure, il n'avait pas pensé que cela se verrait tant.
- Oh, ça. C'est rien, finit-il par affirmer, même si Arthur ne le croyait pas en raison de ses yeux disaient le contraire.
Ne souhaitant guère remuer le couteau dans la plaie ou se mêler de chose qui ne le regardaient pas, l'aîné reprit sur le sujet principal de sa venue comme si de rien n'était. Quelques autres clients débarquèrent en même temps, et le bruit environnant des gens qui parlaient commençait à augmenter en volume tandis que Lucas disait définitivement adieu à sa pause de quelques minutes prévue. Pour éviter de monter le ton de sa voix, le brun se pencha davantage en avant pour s'adresser à Lucas qui l'écoutait attentivement.
- Je voulais savoir si, par hasard, tu avais déjà entendu parler d'une organisation de personnes corrompues dix ans auparavant, juste avant le Fléau ?
Cette question venait de nulle part et il fut étonné qu'Arthur lui pose, car cela touchait à des éléments de sa vie privée difficiles à se remémorer dont il n'aurait jamais pensé parler avec le neveu de Suzanne et Adrien. Tout bien réfléchi, cette interrogation semblait importante pour Arthur et il décida donc de s'ouvrir au sujet malgré tout.
- Bien sûr, mes cousins en faisaient partie, répondit Lucas. Les pauvres, ils avaient littéralement perdu la tête, paix à leur âme...
- Tu as de la famille concernée, alors ?
- Plutôt oui, nous avons eu la chance de pouvoir fuir lorsqu'ils nous ont attaqué sans aucune raison...
C'était lors d'une soirée plus que banale au village d'Elimith, là où résidait la famille de Lucas auparavant, que ses deux cousins bien plus âgés que lui passèrent les portes du lieu et s'attaquèrent aux passants. Corrompus tous les deux, ils parvinrent tout de même à reconnaître Lucas et ses proches, mais ils avaient l'air d'avoir une profonde haine envers eux, comme envers toutes leurs victimes précédentes. Un début de discussion s'était établi entre eux mais les deux cousins devinrent vite agressifs et détruisirent la maison familiale, tout comme ils avaient détruit une autre petite partie des habitations. Cette soirée était celle pendant laquelle Ganon s'était éveillé, et malgré la panique du moment, la mère de Lucas et Leo avait retenu les paroles des cousins devenus fous. Le blond n'eut qu'à les répéter à son interlocuteur, friands de tout autre information susceptible de le faire avancer.
- C'était l'Armée, informa-t-il. Des sbires venant de toutes les espèces dotées de raison du royaume que Ganon avait manipulé pour leur faire faire ce qu'il désirait. Ils ont attaqué des villes et des villages innocents, comme la Citadelle d'Hyrule, l'Étape d'Hyrule ou le village d'Adeya. Que des souvenirs terrorisants à vrai dire, même si je n'avais que sept ans...
Et le brun le comprenait bien, lui-même ayant vécu des choses traumatisantes lors de son enfance. Il savait à quel point il était dur d'oublier ce genre de choses même si les années passaient, à quel point le passé était constamment en train de refaire surface dans le présent sans ne rien pouvoir y faire. Lucas continua sur cette lancée en cherchant dans le plus profonds de ses souvenirs les autres informations qui lui avaient été transmises. Sa mère lui avait vaguement parlé de cette histoire, car à sept ans, le petit Lucas et son frère de quelques années plus âgés avaient été mis en sécurité en priorité et donc n'avaient pas assisté à l'attaque directement.
- On dit que leur repère se situait à l'amphithéâtre, aujourd'hui en ruines. Je ne sais pas combien ils étaient dans ce groupe, deux cents je crois, mais ils parlaient souvent de leur leader pour lesquels ils accomplissaient leurs « tâches ».
- Leur leader ? s'étonna Arthur.
- Oui, ces gens étaient peut-être à la merci de Ganon, ils avaient aussi un chef bel et bien humain qui les dirigeait. Un jeune homme corrompu autoritaire de ce qu'ils disaient, droit dans ses bottes et se proclamant « premier fidèle du Fléau ».
L'Hylien fut subjugué par la précision de ces informations. Il se rendit compte de la chance qu'il avait d'être tombé sur des individus à Labulat qui en savaient plus sur l'Armée, décimée là où furent retrouvés les corps de ses parents. Cela ne pouvait qu'avoir un lien évident. Ce chef corrompu dont avait fait mention le blond intriguait fortement Arthur qui se devait d'en savoir plus à son sujet.
- Tu ne sais pas à quoi il ressemblait par hasard ? continua-t-il.
- J'ai dû vite déguerpir après tout ça, je n'ai que ça comme infos, désolé.
Même s'il restait des flous dans cette histoire, le neveu n'avait jamais autant avancé vers la résolution de ce mystère qui le tourmentait depuis plusieurs années de doutes et de questions.
- C'est pas grave, assura Arthur, merci quand même.
- Tu ne m'en veux pas trop ? s'inquiétait le blond en enchaînant.
Lucas avait froncé les sourcils, démontrant une certaine honte dans ses yeux. Ne comprenant toujours pas pourquoi l'Hylien s'en voulait tant pour si peu, Arthur découvrait un jeune homme anxieux, soucieux du moindre acte qu'il commettait envers son entourage, un caractère qu'il avait déjà entraperçu lors de leur première rencontre à cette soirée autour du feu au sommet de la colline. Et cela contrastait avec la personnalité de son grand-frère, qui était son total opposé. Depuis le départ de Lysia, il s'en voulait terriblement de l'avoir invitée à danser, alors qu'en toute franchise, il n'avait jamais passé une soirée si amusante et agréable depuis longtemps.
- Pour quoi Lucas ? lui demanda sérieusement Arthur en connotant dans sa voix qu'il n'y avait rien de grave.
- Pour Lysia, dit-il, tu es très proche d'elle et je ne veux pas te rendre jaloux à cause d'une action maladroite de ma part.
Son aîné le regarda en soupirant, sans rien répondre en ne montrant aucun signe de colère ni de jalousie apparente. De toute évidence, les voir danser tous les deux ce soir-là l'avait un peu attristé, mais il ne s'en voulait qu'à lui-même, il n'avait pas osé. Pourtant, Lucas n'eut aucun geste déplacé ou qui laisserait penser quelque chose, rien qui créerait une quelconque jalousie. À vrai dire, le blond n'avait pas touché une seule fois Lysia, ils n'avaient fait que rejoindre les autres villageois festifs, mais Arthur savait qu'elle aurait voulu que les choses se déroulent autrement, voilà tout ce qui le faisait regretter son choix. Il n'en avait absolument pas contre le serveur.
- C'est comment entre vous ? s'enquit de savoir Lucas.
À l'entente de cette question curieuse, Arthur ne put s'empêcher d'esquisser un fin sourire synonyme de la relation qu'il entretenait avec la personne en question, cette fille qui l'avait suivie toute son adolescence. Bien qu'il eût parfaitement conscience qu'il n'avait jamais autant fait confiance à quelqu'un, il ne savait pas comment définir ce qu'ils vivaient ensemble. Étaient-ils de simples amis soudés ? Des amants ? Ou une sorte d'entre-deux étrange qui mélangeait des tas de choses ?
- Lysia est la personne que j'ai de plus proche, je ne saurai pas trop qualifier notre relation, c'est très spécial. Nous sommes des amis très fidèles et passons le plus clair de notre temps ensemble.
Le petit frère ressentit de la déception, cette réponse complexe ne pouvait stipuler qu'une seule chose : Arthur et Lysa s'aimaient. C'était comme s'il l'avait toujours su en les observant mais qu'il déniait ce fait tant qu'on ne lui avait pas dit clairement. Le neveu parlait d'une relation puissante et spéciale, mais toujours amicale, ce dont Lucas doutait vis-à-vis de sa réflexion poussée pour répondre à sa simple question.
- Tu as le béguin pour elle, c'est ça ? supposa le brun.
Il baissa les yeux suite à ces paroles véridiques. Gêné de l'avouer, Lucas s'en voulait de ressentir cette émotion si particulière à la vue de Lysia. En vérité, Leo avait deviné depuis longtemps qu'elle ne le laissait pas indifférent et l'avait fait même remarquer à la concernée devant lui, situation qui les avait tous deux très mal à l'aise. En effet, son aîné se moquait de lui, de par diverses blagues de mauvais goût, et de ce fait, Lucas n'avait jamais osé en parler, préférant garder ce sentiment au fond de son être. « Elle est trop belle pour toi ! », « Elle en a rien à battre de toi ! », « Elle est plus grande que toi en âge et en taille ! ». Toutes ces remarques de son frère l'affectaient grandement et l'avait presque persuadé que ce qu'il ressentait n'était pas normal. Pas pour la nièce du chef du village. Ne pouvant mentir à Arthur qui avait tout deviné, il lui répondit avec sincérité.
- Ce sont ses yeux... qui...
Lucas s'arrêta net, sentant une vague tristesse s'emparer de lui doucement. Les yeux de Lysia, verts resplendissants, et son regard si profond dont il ne pouvait cesser de penser l'habitaient jour et nuit. Il ne se sentait pas à la hauteur, pas digne de la fille envers laquelle il ressentait ces choses si fortes, et ne pas être compris concernant la relation qu'il souhaitait avoir avec elle lui donnait le cœur lourd. Lucas ne cherchait qu'à aimer et être aimé par son âme, rien d'autre.
- Écoute, reprit Arthur, je ne vais pas t'en vouloir pour ça, ce n'est pas une course ni un concours, je déteste parler comme ça pour ce genre de choses. Si tu veux te rapprocher d'elle dans un premier temps, je ne vais pas t'en empêcher, mais...
- Elle n'a d'yeux que pour toi, c'est ça ? soupçonnait le blond.
- Nous avons une confiance infinie l'un envers l'autre, et nous sommes presque constamment ensemble...
Autrement dit, c'était déjà perdu d'avance, ce que le brun voulait en effet lui faire comprendre avec tact et compassion. Lucas inspira un grand coup avant de hocher la tête, acceptant cette réalité qu'il ne pouvait modifier.
- Je vois, dit-il, sans rancune.
- C'est une fille très gentille, ajouta le neveu, je suis content que tu lui aies présenté tes excuses. Pas tout le monde ne l'aurait fait.
En effet, Lucas s'était platement excusé pour tout ce qu'il lui avait fait subir. Il s'excusa pour son frère et son comportement qui en était venu à la menacer physiquement, pour lui avoir proposé cette aventure inconsciente dans la grotte d'Oriolo, et pour toutes les maladresses qui lui avaient dites involontairement et qui l'avaient dérangée. En repensant à Lysia, Lucas songea à où elle pouvait se trouver à l'heure actuelle, et si elle se portait bien. C'était tout ce dont il souhaitait, son travail de serveur l'occupait beaucoup, ce qui l'empêchait toute la journée de trop se soucier d'elle, personne ne pourrait jamais savoir si elle n'était pas morte, ou blessée par un monstre qui rôderait en croisant son chemin...
- J'espère que tout va bien pour elle... souffla-t-il avec une mauvaise mine.
Son expression attristé jusqu'à sa blessure à la mâchoire faisait penser à Arthur que quelque chose n'allait pas du tout pour le concerné. Un simple béguin ne pouvait pas conduire à un état de stress et de tristesse aussi rapidement. Lucas semblait absolument exténué et anxieux de tout ce qu'il se produisait. Il regardait son interlocuteur avec force, et détournait toujours le regard à un moment plus ou moins tardif. Le brun était sûr que ce n'était pas Lysia qui le rendait comme ça, ou alors, il lui cachait des choses...
- Tu es sûr que tout va bien ? voulut s'assurer le jeune homme en se penchant inconsciemment vers lui.
Muet, il alla ranger quelques verres propres qui traînaient sur le comptoir. Un client débarqua alors sur la droite d'Arthur et demanda un verre dans la foulée, sans salutations. Lucas s'exécuta, lui permettant ainsi de trouver une excuse pour fuir la conversation. Le neveu n'avait pas pour habitude d'insister dans ce genre de situations, mais il sentait malgré tout de la détresse dissimulée chez le blond, quelque chose d'étrange qu'il percevait à travers son comportement.
- Je sais qu'on ne se connaît pas trop, continua Arthur pendant que Lucas servait le verre à l'homme à proximité, mais si quelque chose de grave se passe ici, tu peux me le dire.
Il donna le verre rempli d'une boisson alcoolisée au client qui déposa deux rubis verts sur le bar avant de partir s'asseoir à une table, sans un remerciement.
- Rien de... Rien d'alarmant. Tout va bien.
- C'est Leo qui t'a fait ça ? osa demander le brun en parlant de son large hématome à la mâchoire.
Arthur tourna la tête vers ce dernier toujours assis de façon provocante à l'autre bout de la pièce, en lui portant un regard strict et froid, mais le grand frère ne lui prêta aucune attention, trop occupé à embrasser Medy depuis de longues secondes, avec une intention poussée qui frôlait le désir charnel.
- C'est peut-être un idiot, concéda Lucas, mais il ne m'a jamais frappé de sa vie.
Rassuré d'entendre cela, il décida de laisser tranquille le serveur récupérant les deux rubis de l'homme ayant payé sa boisson, car il ne semblait plus ouvert à la discussion depuis quelques minutes. Lui-même n'aurait pas aimé qu'on le dérange en posant des questions intrusives comme il était en train de le faire. Confus, il avait vu que l'Hylien lui répondait par politesse et non par envie, il s'excusa donc d'avoir insisté et passa à autre chose.
- Je vais y aller, finit-il, merci pour les infos en tout cas.
La taverne commençait à se remplir davantage, Lucas ne travaillait pas jusqu'à tard ce soir-là, et il s'empresserait de prendre une pause une fois qu'il aurait servi les nouvelles personnes qui venaient d'arriver. Les rires fusaient des quatre coins de la pièce, les gens parlaient fort, le bruit des chaises qui raclaient le sol avec. À sa gauche, une dizaine de personnes étaient assises à une table, et son frère accompagné de Medy se levèrent avant de s'en aller. Vers sa droite, la salle était plutôt vide, certaines tables non débarrassées. Des moments d'absences, le regard dans le vide, marquaient sa fatigue grandissante, l'ambiance commençait à lui donner la migraine, il avait eu sa dose d'interaction sociale pour la journée. Son environnement devenait lourd, comme un poids qui gagnait en masse et était de plus en plus difficile à supporter sur les épaules.
Arthur se redressa, reconnaissant envers son camarade de lui avoir appris de nombreuses choses dont il ne soupçonnait pas. Le cuisinier, derrière une porte du mur du fond menant à la cuisine, appela le serveur pour lui demander de se remettre au travail dans la seconde, afin de ne pas perdre de retard. Un certain stress monta et Lucas se remotiva. En reculant, l'ami de Lysia lui adressa des derniers mots avec un rictus significatif.
- Et tu as raison, je te comprends, ses yeux sont uniques, dit-il avant de quitter la taverne.
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