Chapitre 14
"Déni.
_ Deni ? répéta Ciel.
_ Déni, assura Claude. Elle ne le savait pas, donc son côté démoniaque est resté caché, mais maintenant, son côté sombre commence à prendre le dessus.
_ Elle est dangereuse pour les autres ?
_ Regarde ce qu'elle a fait à Aloïs."
Irène posait sa tête sur le matelas, aussi blanche qu'un linge. Le souffle régulier d'Aloïs la berçait, mais à chaque fois qu'elle fermait les yeux, l'image de ses yeux rubis la hantait. Elle avait attaqué Aloïs. Pendant son sommeil, sans qu'elle ne se doute de quoi que se soit. Elle avait goûté son âme, elle avait failli le tuer.
Mais son âme était si délicieuse.
Irène n'avait jamais rien goûter d'aussi bon de toute sa vie. Mais elle avait failli le perdre. Le matelas remua et Irène cria :
"Aloïs ?
_ Arrête de crier, marmonna-t-il.
_ Oh Aloïs, je t'adore !" cria la jeune fille en le serrant dans ses bras.
Le blond s'étonna du comportement de sa fiancée. D'habitude, elle était plutôt distante, et là, elle lui murmurait :
"Je suis désolée. Vraiment vraiment désolée. Je ne voulais pas. Je ne peux pas..."
Irène se tut et s'écarta du blond.
"Je suis dangereuse ! cria-t-elle en reculant du lit.
_ Pourq..." commença Aloïs, avant de se stopper net en voyant les yeux rouges de la vicomtesse.
Irène sortit de la pièce en courant, et Aloïs resta plusieurs minutes sonné. Elle était un démon. Une démone. Cette histoire allait mal se terminer.
"Tu l'as laissée partir ?" cria Ciel en serrant les poings.
Le comte se retint de frapper Trancy au visage. Irène s'était enfuie une nouvelle fois, et de plus, elle ne contrôlait pas son côté démoniaque. Elle était sans défense, en proie à la plus grande confusion. Ciel se retourna vers Niina et demanda :
"Tu pourrais la retrouver ?
_ Je suis désolée, je ne peux pas, soupira la magicienne en croisant des bras. Mes pouvoirs ont des limites et ma magie n'est pas assez puissante pour t'aider."
Aloïs jura entre ses dents et Sebastian soupira :
"Nous allons devoir attendre qu'elle revienne de son propre chef. A moins que vous ne vouliez vous mettre à sa recherche...
_ Sebas-chan !"
Le majordome s'écarta pour éviter Grell qui s'était jeté sur lui. Le shinigami se releva avec un air boudeur sur le visage.
"Je m'attendais à un accueil un peu plus chaleureux de ta part, bougonna-t-il.
_ Nous avons d'autres choses à faire, siffla le démon.
_ Et moi, je ne peux pas vous laisser partir.
_ Et pourquoi ça ? s'enflamma Aloïs en serrant des poings. Nous devons retrouver Irène, et vite !
_ Mais j'ai d'abord une histoire d'âmes à régler avec vos démons.
_ Des âmes ? répéta Niina.
_ Nous n'avons pas touché d'âmes humaines depuis nos pactes avec nos maîtres, trancha Claude.
_ Alors qui est est le diable qui s'amuse à voler des âmes depuis ce matin ? Elles ne cessent de disparaître depuis plusieurs heures.
_ Irène ! crièrent Ciel et Aloïs.
_ La petite brune de la dernière fois ? demanda Grell.
_ Nous devons y aller ! s'écria Aloïs. Dépêchons-nous !"
Ils se mirent en route, et après avoir suivi les instructions de Grell, ils finirent par s'arrêter à l'entrée d'un village en feu. Aloïs et Ciel contemplaient le paysage, les yeux écarquillés.
"C'est... C'est à cause d'Irène ? demanda Aloïs, horrifié.
_ Elle ne se contrôle pas, expliqua Claude.
_ Elle va nous reconnaître ? s'enquit Niina.
_ Nous n'en savons rien, soupira Sebastian. C'est la première fois que je vois un tel cas.
_ La fille d'un démon, murmura Grell. Je n'ai jamais eu connaissance d'une affaire pareille. Cette fille est vraiment spéciale.
__ Tâchons de rester en vie aujourd'hui", soupira Ciel.
Il avait peur pour la jeune fille. Que ferait-elle si elle apprenait tout ce qu'elle avait fait ? Le garçon prit une grande inspiration et entra dans le village. Des cris et des gémissements résonnaient aux oreilles du comte et il frissonna. Aloïs le tira par la manche.
"Regarde."
Une jeune fille se trouvait encerclée par les flammes, immobile. Elle se retourna vers eux, et Niina poussa une plainte désespérée.
Les yeux écarlates d'Irène étaient vides de sentiments. Un sourire sadique étira lentement ses lèvres et elle pencha la tête sur le côté. Niina commença doucement :
"Irène... C'est moi, Niina."
Irène se jeta sur la jeune fille, mais Grell eut le réflexe d'écarter la servante. Claude et Sebastian se placèrent devant leurs maîtres, prêts à les défendre et attendant leurs ordres. Ciel retira son cache-oeil et lâcha :
"Mets-la hors d'état de nuire !
_ Aide Sebastian !" ordonna Aloïs en tirant la langue, révélant la marque de son pacte.
Les démons hochèrent la tête et attaquèrent l'adolescente. Celle-ci esquiva habilement leurs attaques, sans montrer de signes de fatigue. Aloïs regardait le combat, blême. Il croisait les doigts, espèrant qu'il ne puisse rien arriver à la jeune fille. Il voulait qu'elle redevienne elle-même. Soudain, une idée folle germa dans son esprit. Il y avait peu de chances que cela marche, mais il devait tenter le coup. Il se jeta dans la mêlée en criant :
"Irène !"
Pris pas surprise, Claude ne put empêcher la démone de sauter sur son maître. Ils s'affalèrent sur le sol et Irène cessa de bouger. Aloïs ouvrit les yeux et regarda les épaules de sa fiancée secouées par des sanglots incontrôlables. Il la releva et eut le bonheur de découvrir des yeux saphirs brillants de larmes.
"Je les ai tués, répétait-elle. Je les ai tués. Je ne mérite pas de vivre !"
Ciel et Aloïs la serrèrent dans leurs bras, sonnés par son comportement. C'était la première fois qu'elle se montrait dans une position de faiblesse. Jamais, au grand jamais, on ne l'avait vu verser des larmes. La carapace d'Irène commençait à se fissurer. Aloïs murmura :
"Eh, ce n'est pas de ta faute.
_ Si ! Ils sont morts ! Tous morts !
_ Irène, tu ne pouvais pas te contrôler. Tu apprendras. Tu n'es pas toute seule.
_ Je pourrai concocter des potions pour diminuer ta faim, proposa Niina.
_ Sebastian et Claude apprendront à te contrôler, renchérit Ciel, en prenant ses mains. Tu n'es pas condamnée.
_ Mais je suis une meurtrière !"
Claude attrapa le menton de sa fille et lui murmura :
"Oui, tu es une meurtrière. Tu l'as toujours été et tu le seras toujours. Alors apprends à vivre avec. Si elle pouvait te voir, que dirait-elle ?"
Irène se pétrifia un instant, les yeux écarquillés et le coeur lourd. Elle ne comprenait pas les paroles du démon, et pourtant... Il y avait quelque chose qui la tracassait. Une sensation inconnue, qui lui serrait la gorge. Elle prit de grandes inspirations pour calmer ses sanglots et elle murmura :
"D'accord, je me calme."
Sa respiration était toujours saccadée, mais ses pleurs avaient cessé. Grell s'avança vers elle et lui dit :
"Normalement, je devrais prévenir les autorités compettante pour qu'elle s'occupe de toi, mais... Je ne dirai rien.
_ Merci Grell", soupira la jeune fille, les yeux dans le vague.
Elle regarda le village enflammé, et ferma les poings. Elle avait sûrement tué des enfants. Enlever des âmes innocentes, priver de bonheur des centaines de personnes. Mais elle ne s'en voulait pas. C'était pour ça qu'elle pleurait. Elle avait l'impresion qu'elle avait déjà connu ce moment, cette sensation d'avoir fait quelque chose d'horrible et qu'elle ne pouvait plus retourner en arrière. Claude savait ce qui travaillait le cœur de sa fille, mais il ne pouvait plus rien pour elle. Tous les deux, liés dans la même douleur, perdus dans cette série d'événements qui les condamnaient, ils murmurèrent :
"Vous me manquez tellement... Mère."
"Tu me manques tellement... Judith."
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