~6~ Alistair
Le sénateur à la robe noire se trouvait dans l'appartement désormais vide d'Eldane. Il était debout, à regarder inlassablement la tablette dorée, celle-là même que la scientifique avait rapporté de son périple dans les Îles du bout-du-monde. Une technologie très avancée. Datant d'une période très lointaine. Période même où aucune vie n'était censée régner. Ou alors... Une vie se trouvait ici, sur ces terres, mais ils ont si saccagé leur planète qu'ils ont fuit, comme nous risquons de le faire, ne laissant quasiment rien de leur passage... Sauf ça, pensa-t-il en redressant la tête et en contemplant la tablette, se retrouvant avec le reflet de son écran. Puis il regarda le tableau qu'avait Eldane accroché au mur de son salon. Il voyait une enfant, le sourire jusqu'aux oreilles, une natte brune reposant sur son épaule. Derrière elle se tenait un homme d'un âge mur, assez costaud, moustache et cheveux de la même teinte et à ses côtés une femme blonde qui semblait fragile mais qui avait un regard aimant. Eldane et ses parents, comprit Alistair d'un air mélancolique. Puis il ne supporta plus cet endroit et décida de quitter les lieux sur le champ en emportant les affaires de travail de la scientifique. A bord de son vaisseau, il mit cap vers les Îles du bout-du-monde.
Avec son vaisseau impérial, le voyage ne fut pas long. Plus de 300 lieus le séparaient de ces morceaux d'un vieux continent qu'on disait engloutit mais en une heure il fut rendu sur place. Jamais il ne s'était rendu là bas, il fut époustouflé par le paysage. Il faut dire que ces terres étaient abandonnées car loin de tout et non propices à la construction de gratte-ciel. De plus à ce qu'on avait rapporté, une partie des terres étaient inondées lors de la montée des eaux. Près des côtes, d'immenses navires étaient à quai. Probablement là où les ouvriers dorment. Il se posa sur une plaine de la plus grande île, près de là où les assemblages de vaisseaux avaient commencé. Quand il fut sortit, un ouvrier vînt le voir.
-Z'êtes qui vous ?
-Alistair Ormond, sénateur et conseiller de l'Impératrice Oswalda Aldresdan.
-Que... Qu'est-ce que vous nous voulez ? Demanda-t-il d'un air méfiant pendant qu'Alistair s'avançait vers lui.
-Celui qui contrôle les opérations s'appelle bien Hornux ?
L'ouvrier hocha la tête tout en le regardant étrangement avant de lui redemander :
-Attendez... Vous avez dit Alistair Ormond ? Ahhh mais tout s'explique c'est vous qui avez envoyé Hornux pour nous donner la garantie de continuer la construction malgré l'interdiction de l'Empire ? Je comprends mieux, c'est vous qui nous payez, alors bienvenue chez vous, je vous montre où est Hornux !
Heureusement qu'aucun soldat impérial n'était venu avec moi pour me surveiller sinon j'étais cuit avec un tel aveu de trahison. Mais le sénateur se contenta de sourire avant de suivre son interlocuteur.
-Vous inquiétez pas, je suis dans le secret, personne ne sait qui nous finance ! Dit-il d'un clin d'oeil.
Alistair ne pu s'empêcher de jeter un regard nerveux sur tous les ouvriers qui allaient et venaient autour d'eux.
-C'est surtout la couronne qui vous finance, mon argent personnelle ne suffirait pas !
Il l'emmena dans d'immenses hangars où il pu suivre l'avancée de la construction des vaisseaux. Ils n'en étaient qu'à l'ossature mais des centaines voire des milliers d'ouvriers travaillaient là dans une coordination impressionnante pour revêtir pas à pas ces énormes bêtes dont il n'en voyait pas la fin. Au bout d'une dizaine de minutes de marche, son guide s'arrêta et lui présenta une toile de tente.
-Notre boss est là dedans, faut dire qu'il passe la plupart des journées à travailler les plans des vaisseaux !
-Merci, dit-il en pénétrant dans la tente.
-Vous auriez pu frapper..., entendit-il l'ouvrier derrière mais le conseiller impérial regardait déjà le bureau de Hornux.
L'ancien collègue et ami d'Eldane était de dos et ne parut même pas s'apercevoir de sa présence.
-Hornux, dit-il simplement. J'ai des nouvelles à t'annoncer.
-Des mauvaises, j'imagine, lui répondit-il tout en faisant des trais de construction. Il a donc bien senti ma présence. Sauf qu'elles ne sont plus nouvelles quand je les connais déjà, rajouta-t-il en se retournant pour lui faire face. Laisse-moi deviner, Eldane a été attirée dans ton piège destinée à assouvir les pulsions meurtrières de ton Impératrice. Cette femme a... fait sa crise d'enfant et elle a eu ce qu'elle voulait. Eldane, celle qui a révolutionné le monde xandorien par la découverte de l'aéroneck a été... Supprimée, dit-il dans un souffle, le regard dans le vide. Mais c'est bien ce que tu m'avais écris. Tu m'avais prévenu, alors je m'y suis préparé ! Termina-t-il en écartant les bras.
Sa barbe avait poussé, ses cheveux semblaient gras et il avait visiblement maigri, ses joues étant creusées. Il ne fallut pas plus longtemps à Alistair pour comprendre qu'il avait cessé de prendre soin de lui.
-Son projet continue, Hornux, et grâce à toi. Elle ne sera pas morte pour rien, crois moi !
-C'est bien pour ça que j'ai accepté la proposition que tu m'avais écrit. Mais... Sa mort aurait pu être évitée. TU aurais pu l'en empêcher ! Clama-t-il d'un doigt accusateur, le regard planté dans le sien. Tu l'as laissé mourir pour faire plaisir à ta Oswalda. Oh les rumeurs parlent dans l'Empire, Alistair, ne le nie pas. Tout le monde attend de voir si ton Impératrice t'épousera !
-Qu'est ce que tu racontes ? Dit-il d'un air déboussolé. Aucun de mes informateurs m'a rapporté une rumeur pareille. Ils me le diraient. Mais il en fut néanmoins décontenancé.
-Quand je pense que c'est moi qui ai fait appel à toi pour qu'Eldane porte son projet devant vous !
-Hornux, sortons, s'impatienta Alistair. Apparemment tu passes tes journées là dedans alors qu'il y a un paysage qu'on ne voit plus sur le continent !
Doucement, il réussi à le faire lever en le prenant pas le bras. Celui-ci n'opposa pas de résistance, le sénateur voyait bien qu'Hornux était faible alors il dû le soutenir jusqu'au dehors où quelques pas plus loin ils s'assirent sur l'herbe.
-Je l'aimais, dit-il les larmes aux yeux en regardant la vallée et les autres îles au loin. Je l'aimais, Alistair. Je crois qu'elle non mais qu'importe maintenant.
Alistair le regarda, pris de compassion, avant de reporter son regard vers les plaines verdoyantes.
-Désolé si j'ai été un peu brusque mais... Sans elle, tout ça, dit-il en montrant les environs, tout ça n'a plus la même saveur. Alors je préfère m'enfermer pour travailler. Pour être utile à l'œuvre d'Eldane. Il fit alors un effort pour se retenir de verser une larme. On a vécu des drames sur ces îles, Konnor et Ténèphe, nos deux collègues de la mission, ont trouvé la mort ici même. Alors oui, j'évite de venir ici. Trop de souvenirs, conclut-il en remuant la tête.
-Je comprends...
-Non, tu ne comprends pas évidemment, soupira-t-il.
Néanmoins Alistair fut peiné de le voir ainsi. Il n'a jamais su réellement montrer ses émotions. Ses vraies émotions. Quand il s'agissait de jouer son rôle au sein du pouvoir en montrant ce qu'il voulait qu'on voie ou même qu'on ne voie pas alors oui, il savait. Mais quand il n'était plus question de convaincre qui que ce soit et qu'il devait se montrer tel qu'il était alors il avait un peu plus de mal. Et ça depuis toujours. Une fois de plus, il ravala cette tristesse ou pitié éprouvé à l'égard d'Hornux et enchaîna :
-Ecoute... Eldane est morte oui mais... Je suis venu te remettre ça, annonça-t-il en lui tendant la tablette dorée qu'il avait dans sa cape ainsi qu'une valise remplie de documents. Elle avait découvert cet objet lors de la mission. Cela date de l'Ere des Ténèbres comme nombre de choses que vous avez dû trouver ici, j'imagine.
Le scientifique ingénieur se retourna légèrement pour contempler l'objet, intrigué.
-Tu y verras une séquence que j'ai moi même du mal à expliquer. Je pense qu'Eldane aurait voulu que tu l'aies maintenant que les choses ont tourné ainsi.
Hornux saisit délicatement la tablette tout en la scrutant.
-Tu seras plus à même que moi de l'étudier. Il y a des choses sur cette terre qui mérite d'être comprises.
Après un temps de silence, Hornux demanda :
-A quoi sert d'étudier ce qui a été vécu si l'on doit partir ?
Alistair émit un bref rire avant de rajouter :
-Et je parle à un scientifique ?
-Un scientifique à bout de souffles, il faut croire, lui répondit-il d'un léger sourire.
-Parfois il faut savoir ce qui a été vécu pour connaître où l'on va !
-C'est de... ?
-Alistair Ormond, un grand sage d'il y a quelques siècles !
Ils se mirent alors à rire silencieusement, légèrement mais suffisamment pour briser cette tension qui s'était installé.
-Hornux... Demain je repars à Térébor. Il y aura une réunion avec tous les ministres et plusieurs gouverneurs. J'ai déjà convaincu certains pour la poursuite de la construction de ces vaisseaux. Je suis sûr que la plupart vont se joindre à la raison. Il y a une chance de faire plier Oswalda. Elle ne peut prendre une décision si elle n'a pas une majorité derrière elle, ce serait insensé, et si elle vire nombre de personnes qui sont en désaccord avec elle, il pourrait y avoir un risque de rébellion. En pleine guerre ce serait trop risqué pour elle. Et je crois à cet espoir.
Devant le mutisme du scientifique, Alistair continua :
-Officiellement toute la construction de vaisseaux est suspendue mais... Personne au gouvernement ne se doute que les nouvelles tardent à arriver jusqu'ici. Même si... certains ouvriers sont apparemment au courant de mon rôle dans cette affaire ! Dit-il en lui tapant légèrement dans le dos.
Celui-ci soupira dans un sourire.
-Quand est-ce que les constructions pourraient être terminées ?
-Oh si tout est légalisé bien sûr cela aurait dû prendre plusieurs années mais... L'aéronef est plus maniable qu'on ne l'aurait cru... Alors beaucoup moins de temps. Et si... La construction des vaisseaux est une priorité dans tout l'Empire au lieu de leur foutue guerre alors... Cela pourrait être fait avant le prochain hiver !
-Bien. Très bien, conclu-t-il en regardant de nouveau le paysage verdoyant. Dis-moi... Derrière ces collines sur l'autre île ce sont bien...
-Des chevaux oui, le coupa Hornux alors même qu'assis il ne pouvait les voir. Il y a même des aurochs plus loin.
Le sénateur continua de les fixer, presque hypnotisé par ces animaux qu'il n'avait jamais vu qu'en dessin.
-Ils ne sont pas craintifs juste... curieux. Il faut dire qu'ils n'ont jamais vu d'humains. Ils ne savent pas que nous avons réduits à néant leurs espèces à travers l'Empire. Enfin si, se reprit-il, la mine sombre. Il existe certains de ces animaux mais uniquement élevés dans des hangars souterrains destinés à les abattre pour leur viande. Ces bêtes que tu voies sont les seules à l'heure actuelle qui profitent de la lumière du jour !
-Il y en aurait sur Alcatram dit-on, fit-il remarquer tout en les contemplant.
-Oui. Cela est à se demander quel camp et idéologie faudrait-il rejoindre.
Sur ce le scientifique se leva pour être à la hauteur d'Alistair et admirer cette vue qu'il n'avait que très peu regardé ces derniers jours.
-Nous les laisserons s'étriper pendant que nous quitterons cette planète ! Lui promit-il en lui mettant sa main sur son épaule.
-Et alors nous abandonnerons ces terres qui nous ont vu naître pour en polluer d'autres ! Se permit de rajouter Hornux en jetant un coup d'œil à la Lune tandis que le conseiller de l'Impératrice le regardait, la mine sombre.
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