~28~ Mordacus
Mordacus était affalé sur son siège en cuir, le regard perdu dans le vide, scrutant les invités en vêtements de deuil qui s'affairaient, tous donnant leurs condoléances et demandant "n'hésitez pas, si vous avez besoin d'aide si on peut faire le moindre geste..." On ne les connaissait même pas quand nous n'étions qu'une simple famille d'ouvriers, et ils se montrent tous généreux. Généreux ? Est-ce le mot pour désigner ceux qui attendent quelque chose en retour ? Une quelconque faveur de celui qui n'est plus qu'un simple ouvrier mais le nouveau Roi de Nysteria ? Il soupira alors et balança sa tête de droite à gauche dans un signe de dépit avant de poser sa tête sur ses mains. C'était sa femme qui répondait à toutes leur banalités de politesse, lui se tenait à côté enfermé dans son silence. Tous le regardait mais n'osait le tirer de cette bulle qu'il s'était construite.
-C'est difficile aussi pour sa sœur, j'imagine, déclara un invité ce qui sortit Mordacus de sa rêverie. D'ailleurs où se trouve-t-elle, si ce n'est pas indiscret ?
-Ca l'est, répondit-il simplement, provoquant la stupeur chez ses convives qui se mua en embarra. Sa femme dû s'expliquer.
-Excusez mon mari, comprenez bien son chagrin.
-Bien sûr c'est tout à fait normal, c'est à moi de présenter mes excuses, s'empressa d'ajouter cet homme grand et mince.
-Elle est à l'étage, alitée, répondit tout de même le roi.
Tous dans le salon ne savait quoi dire et sa femme ne pu cacher sa fureur en regardant son mari. J'en ai que faire des bienséances à présent.
-Pour tout vous dire, elle est malade. Elle a le même mal qui a emporté notre Zouir. Sa voix se brisa en prononçant le nom de son fils.
-Notre fille connaît les meilleurs traitements du royaume. Nous sommes confiants, ajouta sa femme Angelica, essayant d'ajouter une note d'espoir à cette journée si sombre. Mais Mordacus n'était pas dupe, il connaissait sa femme et reconnu au son de sa voix qu'elle mentait : elle même n'y croyait plus vraiment. Après avoir été si brièvement sacrés, ils connaissaient une terrible chute en enfer.
-J'ai entendu dire que certains cas survivent, d'autant plus quand ils sont suivis par des médecins aussi réputés que les vôtres, s'empressa de dire un des invités.
-Encore une fois, si nous pouvons faire quoi que ce soit... déclara un autre sans prendre la peine de finir sa phrase.
Mordacus fit alors un effort sur lui-même pour s'extirper de son fauteuil et se releva, parcourant ceux qui étaient venus du regard. Tous firent alors silence, guettant sa parole.
-J'ai grandement modifié le paysage et la fonction même de Nysteria. Les usines parties, plus d'espaces verts et une création de vraies quartiers, de commerces de proximités, tout cela moins industrialisés. Je voulais que chacun puisse respirer un air plus pur, loin des cheminées que j'ai inhalé de l'intérieur pendant la quasi-totalité de mon existence ! Je voulais... Il s'arrêta, cherchant ses mots et reprit : Mais même avec tous ses efforts on m'a enlevé mon fils et condamné maintenant ma fille.
-C'est dû aux industries de l'empire, à la pollution que Xandora a rejeté sur nos sols durant des siècles, clama Angelica voulant ne pas faire paniquer les hommes et femmes influentes de Nysteria qui s'étaient réunis ici aux obsèques de leur fils. Nous payons leurs erreurs. Mais si nous pouvons permettre aux générations futures, à vos enfants d'offrir un avenir meilleur alors oui nous sommes prêt à continuer ses grands projets, même si nous ne pouvons en voir les résultats et ce immédiatement.
Néanmoins un calme emplit de malaise s'était répandu parmi tous. Chacun ne savait vraiment qu'en penser, les regards se perdant finalement sur leurs verres. C'est alors que leur roi passa devant Angelica pour prendre les escaliers sans plus de cérémonies. Celle-ci ne put s'empêcher de soupirer discrètement et le rejoignit après s'être excusé poliment. Son mari était au chevet de sa fille où des fils sortaient de ses narines directement reliés à une machine. Il avait congédié l'infirmière qui la surveillait. Vermien, qui devait bientôt fêter ces 18 ans, était allongée, le visage pâle et en sueur. Son père lui tenait fermement la main, retenant ses larmes. Angelica resta près de la porte qu'elle avait soigneusement fermé.
-Tu n'aurais pas dû te comporter comme ça. Certes c'est terrible mais tu n'en reste pas moins le roi. Tout ton peuple a subit lui-aussi des pertes parmi leurs proches. Elle reprit alors après s'être éclairci la gorge : Je ne pourrais pas vivre sans eux, tu le sais bien. Mais tu as des responsabilités... Cette fois-ci, elle ne pu refouler les émotions qui émanait d'elle. Tu ne dois pas abandonner tous ses travaux que tu mènes, tu dois... Tu te dois de le faire pour que les générations futures n'aient pas la même vie que l'on a connu.
C'est ce moment que choisit leur fille pour ouvrir lentement les yeux, chargés de fatigue. Mordacus ne pu réprimer un frisson en voyant ses yeux jaunis striés de sang.
-Papaa, lâcha-t-elle en le voyant, tel un long râle avant de se remettre aussitôt à tousser. Son père lui donna un verre d'eau après lui avoir essuyé délicatement les lèvres tâchés de sang noir avec son mouchoir. Une fois qu'elle eu but, elle le regarda à nouveau, constata la présence de sa mère dans le coin de sa chambre puis paru regarder au loin avant de lui dire : Tu sais, je vais bientôt rejoindre Zouir et de là où on sera, on verra les chantiers terminés, on verra la nouvelle vie que mèneront les gens ici et... Elle fit une pause alors pour tousser avant de renchaîner : Et ce sera beau. Puis tout en tenant fermement la main de son père, elle sembla sourire avant de fermer ses paupières, visiblement trop fatigués pour continuer.
Mordacus ne pu s'empêcher de verser des larmes. Il regarda Angelica qui finit par rejoindre son mari, l'étreignant tendrement comme cela leur était arrivé quelques fois il y a de cela une éternité.
-J'ai entendu dire que l'empire organise des voyages spatiaux pour aller sur la Lune..., lâcha subitement Mordacus.
Angelica se releva alors, sous le choc.
-Tu n'y penses pas sérieusement ?
-Pourquoi crois-tu qu'ils organisent ses voyages ? Demanda-t-il tout en évitant de la regarder. Parce qu'ils savent que c'est foutu ici, cette maladie nous tuent tous et nous faisons comme si de rien n'était à nous entre-déchirer !
-Regarde-moi, Mordacus, regarde-moi ! Insista sa femme en tournant de force son menton vers elle pour lui faire face. Il était dépité, perdu et apeuré. Kelton Follet t'a confié ce royaume et tu vas le lâcher comme ça ! Tu vas abandonner ton peuple ! Le peu que tu as fait depuis que tu es roi est bon ! Tu m'entends ? Tu sauves petit à petit ton peuple, ça ne se voit pas maintenant mais tu sauves des vies, bon dieu combien de fois faudra-t-il que je te le répète ? Tu le sais pourtant !
-Kelton est mort, fit-il comme seule réponse.
-Comment ? Lui fit-elle répéter, abasourdie.
-Kelton, celui qui m'a "confié ce royaume" comme tu dis est mort ! On l'a su ce matin, il serait mort par cette putain de maladie de merde !! S'emporta-t-il, ce qu'il regretta aussitôt quand il vit sa fille froncer les sourcils dans son sommeil. Excuse-moi, se reprit-il. Ce que je veux te dire, c'est que nous n'avons plus de comptes à rendre à personne. Kandall a reprit les rênes de l'Alliance mais qu'importe, nous ne lui devons rien ! Si j'offre Nysteria à l'impératrice, ils me donneront des places dans ces vaisseaux et il n'y a que en quittant ses terres maudites que nous avons une chance de nous en sortir. Sur la Lune pas de pollution, on s'en sortira Angelica, crois-moi ! Dit-il en lui prenant les mains.
-Ma parole tu es devenu fou, lui dit-elle horrifié. Tu trahirais tous ses gens en bas et tout ton peuple pour une femme qui n'hésitera pas à te poignarder dans le dos ! Il n'en ont rien à faire de toi, en ce moment même elle se marie avec son conseiller et se prépare à célébrer la nouvelle année !
-Je l'ai appris aussi mais cela ne veut rien dire...
-Cette femme est le diable, crois-moi on en entend suffisamment lors des réunions. Ce sont elle et ces ancêtres qui ont propagé cette pollution, qui ont contribué à créer cette maladie. Elle est dangereuse ! Abandonner son peuple pour nous sauver, ça ne vaut pas le coup. Elle regarda alors sa fille tendrement avant de rajouter : surtout si on nous a déjà enlevé nos enfants. Autant rester ici à pleurer que le faire sur ce satellite froid et vide...
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