~27~ Renald
-Vite, on ne perd pas plus de temps, on y va !
Renald tenait le bras de sa fille, la poussant pour quitter l'appartement au plus vite. Il était désemparé, ses yeux roulaient dans ses orbites, ses cheveux en bataille tournoyaient à chaque fois qu'il se mettait à regarder autour de lui. Jeff et Veronica étaient dans un coin du salon, apeurés, mais faisant de leur mieux pour ne pas paniquer. Clovis s'interposa alors entre eux, prenant le bras de l'ancien médecin.
-Renald, que se passe-t-il ?
Celui-ci regardait toujours sa fille qui se mettait à trembler, fixant intensément son père. Puis elle tira d'un coup sec son bras, le dégageant de l'étreinte de celui qu'elle était venu rechercher après tant d'années. De celui qu'elle avait trahit. Qu'elle avait vendu à l'armée, celui qui était accusé d'avoir répandu le virus et d'être par la même occasion le plus grand meurtrier et fugitif de l'histoire de l'humanité. Est-ce cela le prétexte pour me vendre ? La véritable raison ne serait-elle pas d'avoir été un père absent ? C'est de cela dont je serais véritablement coupable aux yeux de ma fille, c'est de ce crime que je dois payer.
-Dalarielle, on peut encore vivre toi et moi... C'est pas trop tard, reviens, reviens...
Il ne put finir sa phrase, ses yeux se remplirent de larmes devant l'évidence de ce geste de refus. Sa fille laissa elle-aussi les larmes s'échapper, puis elle déglutit, se redressa et lâcha simplement tout en essayant de maîtriser ses émotions dans sa voix :
-Toi, va-t-en ! Puis elle baissa les yeux et rajouta : Pendant qu'il est encore temps.
-Nom de Dieu, Renald, tu vas nous dire ce qu'il se passe ?! Commença à s'énerver Clovis.
L'interpellé essaya alors de retrouver un semblant de pensées, puis souffla un coup avant de se redresser et de dire à ceux qui l'avaient aidés et hébergés :
-L'armée sait que je suis ici. Elle va revenir, et elle mettra tout à feu et à sang tant que je ne serais pas à eux !
-Il faut prévenir le village ! S'affola alors Veronica.
-J'y vais, dit simplement Clovis. Il faut évacuer les enfants et les plus fragiles.
Il enfila alors en un éclair son manteau, quitta l'appartement et referma vivement la porte. A l'instant même où la porte se fut refermée, un souffle d'air chaud les envahit tous. Une onde de choc les fit tous basculer en arrière, comme si le monde lui-même se mettait à tomber. Un bruit aigu en continu se fit aux oreilles de Renald. Il se releva doucement, s'essuyant la poussière qui s'était accumulé sur ses paupières, sa bouche et ses oreilles avant de regarder autour de lui. Tous étaient à terre. Il se précipita vers Darielle, vérifiant son état. Celle-ci était comme peinte en gris, méconnaissable. Elle semblait plus déboussolée que blessée. Elle parla, mais aucun son n'arriva aux oreilles de son père. A force de répéter, il put néanmoins lire sur ses lèvres : "ils n'auraient pas dû faire ça". Sans perdre plus de temps, il prit son bras, le passa autour de ses épaules et la leva tout en faisant une grimace d'effort. Dalarielle dû hurler à la voir mais il n'avait pas le choix. En traversant le salon il constata avec effroi Veronica étendue sur le parquet, sa tête reposant au pied du mur dans un angle anormal. Du sang émanait de l'arrière de son crâne. A travers la poussière, Jeff pleurait, essayant de parler à sa femme. Renald les dépassa. C'en était trop. En voulant quitter l'appartement, il vit que la porte était ouverte. Clovis l'avait pourtant fermée. Puis il s'aperçut qu'il n'y avait tout simplement plus de porte. En se retournant, il vit qu'elle était en plein milieu du salon. Heureusement qu'elle n'a pas fait plus de dégâts que cela, se fit-il amèrement la réflexion tout en pensant à Veronica. En baissant les yeux, il vit Clovis qui était assis par terre dans le couloir extérieur, le dos calé contre le mur. Il constata avec horreur que ses jambes avaient été transpercées par le garde-corps en métal de l'escalier. Renald allait poser délicatement sa fille pour l'aider lui aussi, reprenant ses réflexes de médecin, mais Clovis lui fit un signe négatif de tête. Il lui dit quelque chose que Renald ne comprit pas, ayant toujours ce cris strident qui résonnait dans son crâne. Mais son ami lui désigna l'escalier en lui mimant le geste de s'en aller. Il était trop choqué pour pleurer alors d'un hochement de tête entendu, il se précipita dans les escaliers tout en soutenant fermement sa fille. Certaines personnes de l'immeuble étaient sortit sur le palier pour tenter de comprendre. Mais Renald ne ralentit pas. Il savait qu'il avait plus de chances de les aider en se rendant directement à l'armée. Plus tôt ils me verront, plus tôt ils arrêteront ce massacre. Dès qu'il fut sortit à l'air libre, le cris dans sa tête s'arrêta aussitôt, remplacé par des pleurs, la pluie qui s'était mise à tomber, des hurlements et d'autres cris encore.
Dalarielle réussit alors à se dégager très lentement.
-Ca va, ça va, je peux m'en sortir.
Il avança alors en titubant, rapidement trempé, suivi par Dalarielle, évitant les flammes qui s'échappaient ici et là. Seul son immeuble avait été touché. Ils savaient exactement là où je logeais. Pourquoi ne pas venir directement me chercher ? Pourquoi causer cette explosion ? Chaque villageois s'affairait, certains amenant des seaux d'eau, d'autres tentant d'aider à faire sortir les plus fragiles. Personne ne me regarde alors que tout ceci est dû à moi. En s'avançant vers la grande place, il put voir au loin des soldats xandoriens qui hurlaient des ordres. Le fugitif s'apprêta alors à lever les bras et à les agiter pour se rendre mais une deuxième déflagration se fit dans la rue à quelques mètres de là où il se situait, faisant tomber à terre tous ceux qui étaient aux alentours.
-Papa, qu'est-ce que tu foutais, faut partir, tu vas pas te rendre ? C'est à cause de moi, tout ça !
-Non, il y a trop de personnes qui en payent le prix !
Enervé, il se redressa dès qu'il en eu la force et couru vers les soldats qui se mettaient à bonne distance des sites piégés. L'un d'eux regarda dans sa direction et voyant un homme courir dangereusement vers eux, arma son fusil et le pointa vers lui.
-C'est moi bande de crétins ! Hurla-t-il, toussant et recrachant aussitôt de la poussière, le faisant tomber par la suite. Au même instant, une balle fusa au dessus de lui.
En mordant la terre gorgée d'eau, il entendit un homme sermonner un autre. En se retournant, il constata que sa fille n'avait rien. Puis en regardant devant lui, il comprit que ce qui s'apparentait à un commandant reprochait à son soldat d'avoir tiré. Ils m'ont reconnu c'est bon tout cela va s'arrêter. Les gens arrêteront de mourir à cause de moi. Il se redressa alors, mains derrières la tête, pendant que plusieurs soldats accourraient vers lui.
-Ne t'inquiète pas Darielle, je ne t'en veux pas, dit-il à mi-voix. J'espère au moins qu'ils te récompenseront, rajouta-t-il en souriant, essayant de dédramatiser la situation et ce sans aucune rancœur à l'égard de sa fille.
Comme il n'entendit aucune réponse, il se retourna furtivement et s'aperçut qu'elle ne se trouvait plus derrière lui. Affolé, il regarda autour de lui et ne vit aucune traces d'elles. Ni chez les soldats, ni nul part ailleurs. Elle s'est enfuie, comprit-il avec horreur tandis qu'il voyait les soldats aller vers lui. L'un d'eux tenait une matraque électrique et soudain prit de terreur, ne sachant où était sa fille qu'il venait de retrouver, il esquiva subitement le soldat qui ne s'attendait pas à une quelconque résistance et s'enfuit. Celui-ci s'affala de tout son long dans la boue.
-Idiot ! Entendit-il un soldat crier à son égard, sans doute le commandant. Tu veux que tout Metenor se mette à brûler par ta faute ?! Rattrapez-le !
Renald savait que même la pluie ne saurait être suffisante pour éteindre les incendies qui se déclaraient de part et d'autre du village. Ils veulent donc brûler le village jusqu'à ce que je me rende ? Ils sont donc prêt à aller jusque là ? Il en était effaré mais il se rendit compte avec plus d'horreur qu'il ne pourrait s'arrêter de courir : la perspective de se rendre et d'endurer leurs supplices en servant d'exemple pour tout l'empire le terrorisait, il se l'avouait à présent. Je me serais rendu si Dalarielle aurait rejoint l'armée, je ne l'aurais pas mit dans la balance, Dieu seul sait ce qu'ils auraient pu lui faire si je m'étais montré récalcitrant. Mais le fait qu'elle fuie elle aussi a révélé ma lâcheté. Je ne peux me résoudre à mourir. Je ne veux pas être un martyr. Je n'ai rien demandé à part faire mon devoir : alerter le gouvernement sur cette maladie polluante ! Je ne veux pas être un héro, un symbole qui se sacrifie pour une population, je ne veux pas je veux vivre !
Affolés par le chaos qui régnait à Metenor, personne ne semblait remarquer Renald qui courait désespérément à travers la foule sans autre but que de fuir, de se cacher et de vivre. Les soldats qui étaient une bonne cinquantaine, s'autorisaient maintenant à investir les rues du village pour le traquer. Autant de soldats pour moi ? Renald ne savait qu'en penser. L'empire a vraiment peur que je devienne ce symbole, cette rébellion interne en pleine guerre. Mais savoir cela ne l'empêchait pas de penser à sa vie et de courir à pleines jambes. A force de courir sans regarder où il allait, il finit par déboucher sur une rue menant à une plage. En se retournant, il constata que les soldats le suivaient. A droite et à gauche, d'autres soldats l'encerclaient. Désespéré, il continua sa course sur la plage et finit par trébucher et tomber devant l'écume des vagues. A présent il n'avait plus aucune autre solution qui s'offrait à lui car la troupe xandorienne arrivait à présent sur le sable, ralentissant le pas. La pluie s'était à présent calmé. Renald se releva, le sable lui brûlant la peau et sans se retourner commença à marcher dans l'eau. Son regard était fixé sur l'horizon, sur ce coucher de soleil qui s'offrait maintenant à lui. Les teinte roses orangées emplirent son corps trempé de chaleur. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point les couchers de soleils sont une des plus belles choses que la nature puisse nous offrir... avant la nuit glaciale. Avant les ténèbres. Il regretta de ne pas les avoir plus admiré durant sa vie. Il se mit alors à penser à sa fille, à ses proches et ses nouveaux amis qui l'avaient accueilli ici. Tout ceux qui l'avaient soutenu. A cette maladie qui décimait la population. Il pensa à toutes les choses qu'il n'avait pas réussi à faire, celles dont il n'avait pas eu le courage d'entreprendre. Il pensa à tous ces regrets, ce qu'il n'avait pu accomplir.
Sur la plage le soldat Ternie s'approcha de son commandant.
-Je n'attends que votre ordre, dit-il, prêt à rattraper le médecin qui continuait à marcher lentement vers l'horizon, l'eau lui arrivant maintenant au dessus de ses fesses.
-Non, répondit celui-ci d'un soupir tout en fixant le fugitif. Finissons en comme ça.
-Mais, ne pu s'empêcher de dire Ternie, interloqué, l'impératrice le veut si possible vivant. On peut le ramener !
-Vous m'avez bien entendu, reprit-il sèchement avant de poursuivre d'une voix plus fatiguée. On l'aurait prit vivant s'il s'était rendu, maintenant il nous échappe alors on l'abat. Ce sera le rapport officiel. Il n'a pas besoin qu'on le torture avant, finissons-en, répéta-t-il, peu enclin à l'idée d'effectuer cette mission.
-Très bien, déclara-t-il seulement avant de pointer son fusil vers Renald et de l'abattre froidement d'une balle dans le dos. Ce dernier continua néanmoins de marcher et alors que Ternie allait retirer, le père de Darielle s'effondra dans l'eau, son corps se fondant dans la mer du Sud.
-Il ne cherchait qu'à nous avertir sur ce mal qu'a tué mon fils, dit le commandant comme seul commentaire. Quel gâchis, rajouta-t-il avant de se retourner et de faire signe à ses hommes de décamper.
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