~26~ Kandall
Kandall restait muet. Il était debout, les poings posés sur la table, regardant Porltan. Ils se tenaient tous les 3 dans cette simple salle, à l'abri des regards. Je dois me méfier de tout le monde. A chaque fois que je baisse ma garde, mes ennemis m'attaquent. Et ceux-ci viennent de mes arrières. Puis il regarda Terkenbec, se tenant debout près de la porte. Après un lourd silence, le conseiller de la reine de Midor se sentit obligé de rajouter :
-Je vous l'assure, Alaigne est toujours du côté de son père, elle ne l'a pas renié, loin de là. Elle l'estimait tellement... Sa mort faisait en quelque sorte partie du plan. Vous deviez continuer cette alliance avec sa fille pour qu'elle s'empare du trône. Mais une fois qu'elle s'installera dans son nouveau palais, elle vous éliminera.
Le président d'Alcatram ne pu s'empêcher de souffler.
-Vous lui ferez trop d'ombre, Kelton ne comptait pas vous éliminer au départ mais quand il a vu l'engouement que vous produisez sur les troupes, peu importe l'armée, ça a été plus qu'il ne l'espérait. Beaucoup trop. Sa fille a reçu des ordres. Une fois la guerre terminée, vous serez éliminé dans le plus grand secret. Il ne doit pas y avoir une personne plus populaire qu'elle.
Terkenbec semblait soucieux de la réaction des Torcatram, aussi n'en rajouta-t-il. Après avoir regardé les yeux suspicieux de son cousin, Kandall demanda :
-Qu'est-ce que cela vous apporte de me dire de telles choses ?
-En toute transparence, disons que récupérer le trône de Midor serait une fin en soit. Après tout Alaigne n'a pas de descendants ni plus aucune famille proche, les contestations se feront moins nombreuse. J'ai écouté ce que vous avez dit lors de la dernière réunion, vous n'aimez pas que l'on donne le pouvoir par filiation mais par mérite. Je pense cocher cette dernière case.
-Ce sera à nous d'en décider, intervint Porltan.
-Et puis j'étais là quand Kelton a détruit le royaume d'Atlantiss, dit-il après un instant d'hésitation. J'ai gravit les échelons un à un pour me hisser au côté du roi de Midor. Mais il m'a fait peur. Il m'a expliqué ses raisons et son idéologie, sa façon de penser quant à ce largage de bombes pour détruire un peuple entier. Cette soirée là me hantera toute ma vie et je ne veux pas que ses idées se perpétuent à travers sa fille, lâcha-t-il en redressant la tête. Kandall et Porltan virent la tension et la rage émaner de son visage.
Porltan s'avança alors vers lui, ne semblant se soucier de ses émotions.
-Mais pour que l'on s'implique dans ce complot, cela ne suffira pas. Il nous faut des preuves de ce que vous avancez. Vous comprenez ?
-Bien sûr j'avais prévu cela, répondit-il en baissant à nouveau les yeux. Je vais réunir la reine et tous ceux qui sont au courant de sa stratégie. Je lui ferais part de mes doutes, ce sera sa dernière chance de faire machine arrière. Vous vous serez cachés et de là où vous vous situerez vous entendrez tout. Si elle continue sur sa positon, vous serez alors libre d'intervenir.
Terkenbec regarda alors Kandall, attendant confirmation. Celui-ci après un silence, hocha la tête. Sur ce, le conseiller de la reine fit demi-tour, les laissant seuls. Porltan se retourna vers lui.
-Tu sais ce que cela implique ? Demanda-t-il sans vraiment s'attendre à une réponse.
-C'est un tournant. Si Terkenbec a raison, nous prenons la tête de l'alliance et après ça, nous seront plus unis que jamais pour marcher sur Paumos. S'il nous ment, nous nous sommes encore engagés en rien, il n'y a aucune raison valable de nous condamner comme traîtres.
-Alors dois-je conclure que tu ne nous abandonnes pas, tu restes à ton poste ?
Kandall soupira et dit comme pour lui-même.
-C'est vous qui aviez raison à ce sujet. Je n'ai plus le choix de toute façon. J'ai une responsabilité, il faut que l'on termine ce que l'on a commencé.
Le lendemain soir, tous les plus grands du gouvernement de Midor étaient réunis. Porltan, Kandall et sa garde rapproché dont Starken se tenaient dans une pièce dissimulée, dont les murs les séparant étaient suffisamment fins pour que les Alcatramiens puissent écouter. Alaigne avait connaissance de cette pièce, mais cela ne l'effleura pas un seul instant que l'on ai pu la trahir en y cachant le président d'Alcatram.
-Et bien, Terkenbec, que nous vaut cette réunion ? Lui demanda-t-elle avant de s'asseoir, imité aussitôt par le reste de la tablé.
Son conseiller, d'un visage impassible, lui répondit :
-Votre Altesse, je me pose des questions, aussi voudrais-je partager mon inquiétude à vous ainsi qu'au reste du gouvernement.
Un simple haussement de sourcil d'Alaigne le fit continuer.
-N'est-il pas plus sage de garder le président d'Alcatram à la tête de son peuple après la fin de cette guerre ? Sa disparition, même dans le plus grand des secrets, pourrait agiter tous ces citoyens. Sa popularité, qui était vu comme un problème, pourrait s'aggraver s'il meurt. Ne faudrait-il pas que vous régnez sans aucune révolte ou contestations des Xandoriens ?
-C'est un trop grand risque. Sa Majesté a parlé, je ne pense pas qu'il faille remettre en doute son positionnement...
-Non Petron, si j'ai des conseillers c'est bien pour qu'ils me conseillent sinon pour quoi les payerais-je ? Demanda-t-elle, faisant rire la petite assemblée.
Kandall, de l'autre côté, comprit que Terkenbec leur avait dit vrai. Reste à savoir si tout ceci n'est pas organisé par elle. Il regarda son cousin et sa garde dans l'obscurité. Tous retenaient leur souffle, n'osant faire le moindre mouvement.
-Ce que je conseille justement, reprit le conseiller après un signe de remerciement vers elle, c'est de laisser Kandall et ceux qui le souhaitent parmi son peuple de retourner sur Alcatram pour reconstruire leur royaume. Ils ont suffisamment à faire et seront suffisamment loin pour nous embêter.
Après les avoir regardé, elle leur demanda ce qu'ils en pensèrent.
-Kandall n'a jamais brigué l'empire, je pense en effet que cela pourrait paraître moins risqué de le laisser retourner sur son continent plutôt que de continuer dans un complot.
-Alcatram et Xandora n'ont jamais fait bon ménage, Madame, c'est l'occasion rêvée de prendre possession de la 9ème région, celle que n'a pu prendre aucun des empereurs ! Vous terminerez ce qu'aucun n'a pu faire, même Aracorn ! Avec Alcatram dans l'empire, finit les guerres, vous seriez maîtresse de toutes les contrées de cette planète !
-Croire que cet acte marquera la fin des guerres est sacrément naïf, Gordulon !
Les répliques se mirent alors à s'enchaîner, chacun allant de son point de vue, attaquant celui du voisin et défendant le sien.
-Suffit ! Finit par dire Alaigne Follet, faisant retomber aussitôt le silence. Elle finit alors par se lever. Merci Terkenbec de nous avoir fait réunir ici, je vois que nous n'étiez pas tous d'accord mais nous n'avons pas besoin de l'être. Je vais suivre les conseils de celui qui m'a permit par son ascension d'être ici présente. Après un instant de silence, elle conclut : nous ne changerons pas notre stratégie, Kandall nous aidera puis mourra. Ainsi nous règnerons sans partage. Ce sera pour le mieux, merci à tous.
Elle leur tourna alors le dos, s'apprêtant à partir. Terkenbec, voulant lancer un signal, se refusant de regarder l'endroit où était caché la troupe de Kandall, s'exclama :
-Ainsi vous faites comme votre père, voyez où ça l'a mené.
Alaigne s'arrêta alors aussitôt, se retournant à nouveau pour s'avancer vers la table.
-Qu'avez-vous dit ?
-Ne faite pas comme Kelton, sa soif de destruction n'était pas un bon exemple. Le tuer vous engagerait dans sa voie, comme il a fait tuer le père de Kandall : Aldresdan.
Tous les membres du gouvernement ouvrirent grand les yeux, trop choqués pour savoir quoi dire.
-Je vous apprécie, Terkenbec, mais vous allez trop loin. Le fait d'avoir été le conseiller de mon père ne vous donne pas le droit de parler ainsi !
-Alors continuez à être comme lui et pensez que toutes ces morts causés par cette guerre le sont dans l'unique but de vous voir vous asseoir sur le trône. Cela ne vous donne pas une légère responsabilité quant à votre peuple ?
Elle le regarda, presque fascinée devant tant d'audaces et quelque peu déstabilisée par le fait qu'elle n'avait vraiment comprit qui il était alors que son père lisait en vous comme dans un livre ouvert. Elle toqua alors deux coups rapides à la porte et deux soldats en jaillirent aussitôt.
-Vous vous êtes moqué de mon père, vous vous êtes moqué de moi alors que je vous ai placé dans la plus haute confidence. Mais vous êtes trop sot, vous n'avez plus aucune porte de sortie après les mots de trahison que vous avez prononcé.
Terkenbec pâlit alors rapidement, se demandant quand est-ce que Kandall comptait intervenir. Car c'était le moment ou jamais. Il s'était vu s'asseoir sur le trône de Midor mais il avait dû manquer quelques pièces du puzzle.
Devant l'assemblée ébahit par la tournure rapide des évènements, les gardes se saisirent brutalement de celui qui n'était plus maintenant que l'ancien conseiller de la reine et le prochain condamné. C'est alors que la porte dérobée s'ouvrit brutalement, laissant entrer une dizaine de gardes dont l'un braqua son arme directement vers la reine. Les membres du gouvernement de Midor ne savaient plus où se mettre. La reine, au lieu de prendre peur, était dans l'incompréhension, essayant de se rappeler ce qui lui manquait. Kandall entra alors, aussitôt suivi de Porltan. L'un des deux soldats voulu le viser mais quatre autres lui mirent le canon sur la tête. Terkenbec se permit alors de souffler un bon coup, ayant vu sa vie défiler si près du but.
-C'est que je me refusais de croire une pareille chose, Votre Majesté !
Le visage de la reine se fit alors plus émotif, elle pensa à donner l'alerte mais comme s'il lisait dans ses pensées, Kandall lui affirma qu'il n'hésiterait pas à la tuer lui-même et alors il aurait quand même gagné.
-Voyez-vous, je suis toujours resté trop naïf, dit-il en s'avançant vers elle, je pensais sincèrement que nous pouvions avoir un avenir en commun. Il se mit alors à lui chuchoter en lui tenant la main, ce qui eu pour effet de la faire frissonner : Vous et moi assis sur le trône impérial, cela aurait pu marcher, j'y croyais. Mais votre conseiller a raison, reprit-il d'une voix forte pour se faire entendre de tous. Vous êtes comme votre père, vous croyez en être fier, mais le nom de Follet ne sera retenu dans l'histoire uniquement comme avoir commit le pire génocide que l'on ai jamais connu ! Est-ce que vous en seriez toujours fier ? Demanda-t-il en se reculant.
Elle voulut répliquer quelques chose, quelques mots, mais finit par se résigner. Elle bomba le torse, leva la tête, fidèle aux enseignements de Kelton et dit simplement :
-Si vous voulez me tuer taisez-vous par pitié et faites-le.
Après un instant où Kandall s'autorisa à souffler, il lui dit :
-Non.
Toute la pièce devint alors muette, on entendait à peine les respirations de chacun.
-Non, reprit-il. Tu seras prisonnière. On te gardera au chaud jusqu'à ce que tu vois ma victoire. Une fois assis sur le trône, là seulement, tu seras exécutée.
Les yeux froids de Kandall regardèrent fixement Alaigne, déstabilisée, qui ne semblait plus savoir où se mettre. Une troupe de soldats d'Alcatram arrivèrent de derrière après qu'un des soldats se soit discrètement éclipsé de la salle dérobée pour amener des renforts.
-Qu'il en soit ainsi, dit-elle pendant qu'on lui liait les poignées. Elle n'opposait aucune résistance, résignée. Vous devez comprendre pour quoi j'ai agi. Quand notre père meurt avec ces valeurs, on se doit de les perpétuer, quitte à commettre des actes dont on est peu fier. Mais vous savez de quoi je parle, rajouta-t-elle à l'intention du fils d'Aldresdan, le visage abattu avant d'être emmenée au dehors.
C'est ainsi qu'ils furent tous réunis la nuit même dans la salle de réunion du palais, celle là même où Kandall commençait maintenant à s'habituer. On avait emmené le trône, arraché de la salle dont il tenait la fonction pour être amené au plus haut niveau. Kandall y était assis, Porltan debout à sa droite, scrutant ceux qui lui faisaient face. Sur les bancs qu'on avait amené se tenait au premier rang les personnages les plus importants de cette alliance.
-J'appelle maintenant Sotrace, général en chef des armées de Verradien ! Clama-t-il.
Un homme qui devait avoir la cinquantaine, le front dégarni se leva pour s'agenouiller devant le président d'Alcatram.
-Je te fais Roi de Verradien, par ta bravoure et ton expérience, mène ton peuple avec ceux de l'Alliance vers la victoire finale !
Puis il prit la couronne que lui tendit Porltan, celle qui se tenait quelques temps plus tôt sur la tête de celui qui avait poignardé le père de Kandall, avant de la poser sur le crâne de Sotrace. Celui qu'il avait défendu pour prendre la place de son prédécesseur, malgré les protestations des autres puissants. Mais il n'y a pas plus puissant que moi, à présent. Et Sotrace ne dirigera pas seulement son royaume jusqu'à la fin de cette guerre, comme ils le voulaient. Il le dirigera jusqu'à ce que je décide du contraire. Et ils le savent. Tous, pensa-t-il en regardant la foule. Les applaudissements se firent. Sotrace se releva, fit un signe de tête à Kandall avant de se retourner pour saluer la foule. Il s'assit ensuite sur l'un des trônes légèrement en retrait de Kandall, à côté du Roi de Kratagne.
-J'appelle Terkenbec, premier conseiller du royaume de Midor !
L'homme, avec un mince sourire, se leva alors. Après avoir monter les quelques marches et adresser un bref hochement de tête au président d'Alcatram, il posa un genou à terre.
-Terkenbec, je te fais Roi de Midor, par ta sagesse et ta clairvoyance, guide ton peuple avec ceux de l'Alliance vers la victoire libératrice !
Une fois la couronne d'Alaigne posée sur sa tête, Terkenbec alla s'asseoir au côté de Kandall, acclamé lui aussi par l'assemblée. Désormais à la tête de cette alliance, Kandall Torcatram voyait les choses clairement. Il voyait les montagnes d'Hallendal, la contrée de Delaria. Et le palais de Térébor au bout du chemin. Désormais, il sentait que plus rien ne l'arrêterait. Ses doutes étaient partis, sa mission était nette et son but à sa portée. Je fais et défais les Rois. Depuis le début de cette guerre, je n'ai connu que de trop nombreuses trahisons. Désormais je les maîtriserais tous. Il n'y a plus de compromis. Plus de débats stériles. On s'est suffisamment joué de moi et de mon peuple. A mon tour.
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