~24~ Kandall

Son regard semblait chercher quelque chose ou quelqu'un. Ses yeux, fatigués de bouger, finirent par basculer avant qu'il s'écroule à ses pieds. Kandall ne pu s'empêcher d'éprouver du dégoût en voyant la flaque d'urine couler vers lui. Kelton n'était plus. Cela m'évitera de tuer une personne de plus. Ne restait que son fauteuil et loin devant lui, sa fille. Kandall, esquissant un sourire, attendait. Finalement Alaigne s'avança, lentement, semblant étudier cette figure centrale de cette guerre. Elle s'arrêta à la hauteur du fauteuil, ne regardant pas le corps de son père, les yeux toujours fixés sur Kandall.

Ce dernier, pencha la tête avant de daigner commencer à parler :

-Vous ne le regardez pas ? Vous prétendrez tout ce que vous voulez, ça reste votre père.

Alaigne Follet baissa alors la tête, rit brièvement avant de rétorquer.

-La famille, c'est important en effet même si on ne l'a choisit pas. Après un silence, elle finit par relever la tête pour le fixer à nouveau : Vous n'avez pas choisit Tarkès, votre oncle ? Il vous a trahit, et même s'il était un proche, vous n'avez pas hésiter à le décapiter, n'est-ce pas ?

Le visage de Kandall vacilla alors, mais il se reprit aussitôt. 

-Il s'agit de mon père, en effet. Mais ses actes allaient amener à un anéantissement de notre alliance. Mais je ne l'aurais pas tué personnellement, le destin s'en est chargé, aussi je trouve cela étonnant que vous me reprocher de ne pas regarder le cadavre de mon père alors que vous avez brandit la tête de votre oncle. Si vous me croyez sans cœur, j'en suis bouleversée.

Elle se rapprocha alors encore, jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres de ses lèvres. Il pouvait sentir son souffle. Il la regarda alors et la trouva belle. Elle dégageait une prestance, elle avait des yeux qui semblaient sincères, un cou gracieux et une forme élancée.

-Avez-vous regardé votre oncle dans les yeux, lorsque vous lui teniez la tête ?

N'y pouvant plus, il détourna le regard.

-Suffit.

Elle recula alors de quelques pas, semblant satisfaite et prit la main du président d'Alcatram. Elle ne lui laissa pas le temps de se poser de questions et la brandit à la foule située de part et d'autres de la passerelle. Toutes les armées de l'Alliance.

-On doit nous voir unis, c'est primordial, dit-elle en regardant la foule, sourire aux lèvres.

Kandall ne dit mot, troublé par cette femme.

Une fois que les applaudissements et cris de victoire se firent suffisamment entendre, la nouvelle Reine de Midor l'invita alors à entrer dans le Palais de la capitale de Midor Fortenor pour discuter des futures opérations. C'est ainsi qu'il vit l'extravagante hauteur de cette tour. Elle semble nous écraser. Légèrement penchée vers l'avant, Kandall ne put s'empêcher d'éprouver un frisson à l'idée qu'elle tombe. Même s'il commençait à s'habituer de voir tous ces gratte-ciels depuis qu'il avait débarqué sur le continent de Vancoufer, cette tour dépassait toutes celles qu'il avait pu observer jusqu'alors.

-N'oublie pas que toutes ces choses ont un prix, lui dit Porltan devant l'émerveillement de son cousin. On ne devra plus construire les choses de la même façon une fois cette guerre finie.

-Je sais bien, de toute façon les usines ne sont déjà plus les mêmes, répliqua-t-il en pensant à ce qu'il s'était passé à Nysteria.

Une fois qu'ils furent conduit au belvédère avec cette baie vitrée panoramique, Kandall céda de nouveau à l'émerveillement. Même dans le quartier général du Roi de Kratagne, il n'avait pas eu de vue aussi haute, aussi époustouflante.

-Si vous avez une bonne vision, il parait qu'on peut même voir les tours du palais de Térébor, là où siège l'impératrice, lui indiqua Alaigne, se tenant derrière lui.

-Impressionnant, lâcha-t-il, plissant les yeux.

-Mais nous ne sommes pas venus pour la vue, se reprit-elle, invitant les membres des différents gouvernements à s'assoir.

La table en U était remplie et ce fut Alaigne, situé à la place de son père, dos à la vue, qui prit la parole.

-Plusieurs sujets sont sur la table à commencer je pense par la désignation du nouveau Roi de Verradien, il faut que le royaume soit pleinement représenté.

-Son fils... commença le conseiller Terkenbec.

-Sa désignation est déjà toute trouvée, le coupa Kandall.

-Pourriez-vous être plus précis ? Demanda un membre du gouvernement de Midor.

-Le général en chef des armée de Verradien a été désigné comme successeur de l'ancien Roi par le président d'Alcatram, précisa Portlan.

-Monsieur Torcatram, clama le Roi de Kratagne, nous passons outre sur le fait que Kandall ici présent a tué le Roi de Verradien mais il y a des traditions dans l'Empire, une tradition monarchique, la passation de pouvoir est héréditaire.

-Avec son fils de notre côté, nous évitons de nous mettre à dos la famille la plus influente de Verradien.

-Ces traditions sont une erreur, lâcha Kandall. Porltan se mit à émettre une grimace.

-Ne semblerait-il pas que votre père dirigeait lui-même son pays avant vous ? Demanda la Reine de Midor, non sans un brin d'amusement.

-Je n'a pas hérité de cette position ! Clama Kandall en tapant du poing sur la table. Je me suis battu et ai sacrifié beaucoup de choses pour me faire élire de mon peuple. C'est uniquement envers mon peuple que je dois cette présidence.

-Mais vous ne voyez pas de problème à passer outre une élection en désignant vous-même celui qui dirigera un peuple qui vous est inconnu, répliqua un des conseillers.

-Je ne pense pas que les préoccupations en ce moment pour ce peuple soit d'organiser des élections...

-Vous ne les avez pas consulté, fit remarquer un membre du gouvernement de Verradien.

-Ce que veut dire le président, s'impliqua Porltan, c'est que si le fils du Roi de Verradien avait les compétences nécessaires, nous l'aurions laissé comme successeur. Mais on est en temps de guerre et il se trouve que le chef des armées est le plus apte à diriger une armée, nous nous reposerons bien sûr la question une fois que cette guerre sera finie.

Alors que tous prirent la parole en même temps, Alaigne les fit taire d'un geste de la main.

-Que diriez-vous que l'on donne la couronne à son fils mais cela ne restera que symbolique, celui qui dirigera réellement le pays et l'armée sera bien le général comme l'envisage Porltan Torcatram. Une fois la guerre finie bien sûr, nous nous réunirons à nouveau.

Chacun se regardait, n'osant émettre de protestations. Cela semblait aussi convenir à Kandall qui hocha la tête.

-Bien. A présent nous pouvons parler de la stratégie mise en place pour le reste de cette guerre.

-Excusez-moi Madame mais il y a une annonce à vous faire, clama Terkenbec après qu'un coursier lui ai chuchoté quelques mots à l'oreille.

D'un haussement de sourcils, Alaigne l'invita à poursuivre. Celui-ci se racla alors la gorge déclara.

-Apparemment suite au génocide provoqué au peuple d'Atlantiss, l'impératrice a décidé de répliquer dans la mesure de cet acte. Le continent d'Alcatram aurait subit l'asseau d'innombrables vaisseaux.

Non pas ça par pité, Kandall eu l'impression que le temps ralenti et ses yeux s'agrandirent d'effroi. Le silence était total dans l'assemblée.

-Toutes les grandes villes d'Alactram ont été brûlées sous le feu des missiles, le quartier général n'a pas tenu et l'ont dit même que des côtes de Kratagne on peut voir de la fumée s'élever à l'horizon. D'après les sources de l'empire, toute l'armée a été détruite et de sa population ne reste que des survivants. Les récoltes et champs ont également été brûlés, on peut émettre des réserves quant à la durée de vie de ceux restants.

A présent, tout le monde se tournait vers Kandall, n'osant réellement le regarder dans les yeux, les visages bas.

-Kandall... commença Alaigne.

-NOOOOOOON ! Hurla celui-ci, ne pouvant plus se retenir. Mon peuple... Quelle... Que... Pour quoi je me bas ? Pourquoi, pourquoi...

Porltan et ceux de l'armée d'Alcatram qui étaient présents autour de la table se prirent le visage dans les mains, certains pleurant, d'autres trop abasourdis pour émettre quelque son.

-Il y a eu trop de sacrifices, dit-il dans un murmure, épuisée, le regard perdu. Il croisa alors le regard de son cousin. Telmenia...

Celui-ci ravala des sanglots, ne sachant que dire à un tel désastre. Kandall, tant bien que mal, réussi à se lever.

-Trop de morts... Est-ce que je devrais échanger une victoire contre mon peuple ?

Personne ne savait que dire. Après un long silence, il finit par lâcher :

-Je ne peux plus continuer ainsi. Je me retire. De vives voix surprises s'exclamèrent alors mais le président d'Alcatram prenait déjà la porte, suivi par Porltan avant d'être bientôt imité par ses généraux.

Il était maintenant assis sur le lit des appartements qu'on lui avait prêté, retirant ses bottes, regardant son reflet dans le miroir. Ce qu'il vit le dégoûta. Voilà ce que je suis. Un homme perdu qui a entraîné son peuple dans les flammes. On m'a élu. Mon peuple m'a élu. Et c'est comme ça que j'ai été à la hauteur ? On m'a fait confiance. La planète, la planète... Que vaut un meilleur avenir si tous les alcatramiens doivent être brûlés ? J'ai échoué. La guerre m'a aveuglé. On toqua alors à la porte. Celle-ci s'ouvrit d'abord timidement puis Porltan fit son apparition.

-Oh Kandall, lâche-t-il avant de s'asseoir à côté de lui.

-Où cela va-t-il nous mener ? Lui demanda-t-il simplement.

-N'abandonne pas, lui rétorqua-t-il, Kandall en fut surpris. Tout notre peuple n'a pas disparu, tu as amené une armée, des centaines de personnes. Ils comptent sur toi. Tu ne peux pas abandonner.

-J'ai été élu et j'ai failli.

-Alors va jusqu'au bout. Ces gens qui t'ont élu, ils se sont aussi battus à tes côtés dans cette guerre, une grande partie est toujours présente. Que penseraient-ils s'ils entendent que leur président abandonne après qu'on leur ai annoncé que leur famille restée là bas est morte ? Même si je sais que c'est dur, il faut terminer. A partir du moment où on a posé le pied sur ses terres maudites, il faut terminer. Tu te bas pour tout ceux qui sont encore vivants, pour qu'ils aient un avenir meilleur ! Tu te bats même pour ceux qui t'affrontent...

-Je ne me bats pas pour ceux qui ont tué mon père, ma nièce et réduit mes terres en cendre...

Portlan prit alors la tête de son cousin entre ses mains et le regarda longuement.

-Toi seul peut nous amener à la victoire, ne condamne pas ceux qui t'ont suivi jusque là.

-On est déjà condamné.

-Ecoute, après toutes les horreurs qu'on a connu, j'avais de moins en moins d'espoirs en cette guerre. Il y a eu tellement de dégâts, tellement de morts. Je n'en voyais plus l'intérêt... Mais Kandall, mon cousin, mon frère, reprit-il en reprenant sa tête de plus belle. On est allé trop loin, on a trop de responsabilité dans tout ça. On se doit d'aller au bout, dit-il en insistant sur chacun de ses mots. Sinon tout ses morts n'auront servi à rien, termina-t-il en relâchant Kandall. C'est alors qu'une autre personne toqua à la porte bien que celle-ci soit déjà ouverte. C'était Starken, son plus fidèle soldat qu'il avait nommé à la tête de sa garde rapproché.

-Entre, Starken, entre je t'en prie.

Celui-ci semblait ne plus trop savoir où se mettre et après un bref regard à Porltan, se lança :

-Starken sait que c'est un moment difficile. Starken avait beaucoup de famille à Alcatram. 3 frères et 2 sœurs. Une bonne famille. Ca... Ca ne doit pas se terminer comme ça. Après ce qu'ils nous ont fait, on ne peut pas accepter la défaite. Pas possible. Starken continuera à se battre et en toute franchise, ce serait mieux de combattre sous vos ordres...

Il n'avait pas regardé Kandall, continuant de fixer le sol, mais celui-ci en fut touché. Il voulu le remercier ou répondre quelque chose mais il n'eut l'opportunité. Alaigne Follet et son escorte venaient de faire irruption à leur tour. Et moi qui était venu ici pour être seul.

-Veuillez nous laisser s'il vous plaît, dit-elle simplement. 

Ceux qui la suivaient firent alors demi-tour. Après un hochement de tête, Portlan se leva à son tour, Starken se retournant. Une fois qu'ils se retrouvèrent seuls, Alaigne lui prit la main. Elle avait perdu de son arrogance pour arborer un visage compatissant.

-Je sais que vous vous dites que mes intentions ne sont pas les mêmes que ceux de votre peuple. Je comprend que vous vouliez rester seul quelque temps après cette terrible annonce et c'est parfaitement normal. Je n'ose imaginer ma réaction à votre place et j'espère ne jamais avoir à la connaître.

-Mais ?

Elle soupira alors et enchaîna :

-Mais vous êtes plus qu'une personne. Vous êtes une armée. Vous êtes un peuple. Sans vous, nous ne pourrons avoir le même impact lors de cette guerre.

-Au moins vous jouez franc-jeu.

Elle se rapprocha alors un peu plus de lui, le faisant légèrement reculer avant de lui souffler :

-Accompagnez-moi jusqu'à la victoire. C'est tout ce que je demande. Après, vous serez libre de votre destin. J'honorerais la promesse de mon père, notre mode de vie changera, et c'est ce pour quoi vous vous êtes battu et avez tant perdu.

Kandall essaya de la sonder quelques instants puis lorsqu'elle l'embrassa, il succomba à ses charmes. 

Le lendemain alors qu'il quittait ses appartements, pleines de nouvelles idées, il tomba sur Terkenbec.

-Je vous attendais, Monsieur le président, dit-il dans un murmure.

Après un regard interrogateur, le conseiller d'Alaigne Follet l'invita à le suivre dans un lieu où ils seraient plus à l'aise pour discuter, à l'abri d'éventuel regard.

-La dernière fois que je vous ai entendu parler, lui fit remarquer Kandall, c'était pour m'annoncer la nouvelle la plus terrible que l'on ne m'ai jamais dites.

-Et je crains que la prochaine ne sera pas non plus une bonne.

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