~21~ Renald
L'ancien médecin marcha d'un pas rapide et furtif en direction d'une auberge. Capuche baissé, il rasait les murs en pleine nuit en évitant les zones éclairées. On lui avait dit qu'elle séjournait ici, ne voulant repartir aussitôt. Quelle folie, quelle folie pure. Arrivé derrière le bâtiment, il rejoignit Clovis, qui l'attendait. D'un hochement de tête, ce dernier ouvrit la porte de secours sans aucune peine et pénétra à l'intérieur. La gérante est complice mais il faut essayer de diminuer au maximum les personnes qui pourraient être connus comme nous ayant aidé. Avec son arrivée ici à Metenor, on pourrait être surveillé. Je leur ai causé déjà de gros problèmes, un village entier me cachant de l'Empire, ils se rendent complices de ma fugue. N'essaye même pas de deviner la peine qu'ils pourraient avoir surtout en temps de crise, cela m'accablerait encore plus. Ils m'ont aidé mais certains le regrettent déjà, Clovis m'a fait part de leur ressenti. Eux, c'est sûr, pensent à la peine qu'ils pourraient avoir. Je dois vite partir d'ici avant que quelqu'un se décide à parler. Mais voilà qu'un évènement imprévu était survenu. Dalarielle, sa fille, avait réussi à le retrouver. 10 ans déjà qu'ils ne s'étaient pas vus, et elle avait choisit le pire moment. Ils montèrent silencieusement au deuxième étage s'arrêtant à la chambre 206 comme on le leur avait indiqué. Clovis tourna lentement la clef, attentif au moindre bruit qu'elle pourrait produire, et, comme s'il avait fait cela toute sa vie, il tourna sans accro la poignée avant d'ouvrir la porte, chacun arrêtant alors sa respiration, muscles tendus. Mais aucun son, aucune lumière ne survint, alors très doucement, ils entrèrent. Une jeune femme blonde d'une vingtaine d'années, visage angélique, se tenait là, endormit sous ses draps, yeux clos, semblant apaisée. Celui qui avait prit personnellement le risque de le cacher dans sa cave lorsque l'Empire était venu ici l'invita à s'approcher.
Renald, nerveux, finit par oser s'avancer de quelques pas. C'est alors que malgré l'obscurité, malgré le temps qui avait passé depuis leur dernier contact, il la reconnu aussitôt, sans une hésitation. Sans se rendre compte du moment qui passait pendant qu'il l'admirait, là, apaisée oubliant les maux dont souffrait ce monde, innocente oubliant tous les monstres qui se déchiraient le pouvoir ne naissant que lambeaux de terres et de peuples, là comme dans un rêve essoufflant un cauchemar, Clovis finit par lui donner une tape discrète sur l'épaule. "C'est elle ?" semblait demander son visage. D'un mouvement de tête, Renald confirma. Aussitôt il sortit un mouchoir imbibé de chloroforme avant de le presser contre les lèvres de Dalarielle. Celle-ci ouvrit aussitôt les yeux, alarmée, elle voulu regarder qui étaient ces visiteurs mais elle s'endormit l'instant d'après. J'espère qu'elle ne m'a pas vu, je ne veux pas que nos retrouvailles se fassent comme ça, pas pour elle. Il ne put s'empêcher d'avoir un pincement de remord quand ils la portèrent en bas, la plaçant dans un grand coffre semblable à un sarcophage que la gérante avait laissé là pour eux. Bien que celui-ci fut percée de nombreux trous et rempli de draps et coussins, il versa tout de même une larme quand ils refermèrent ce qui s'apparentait à l'antre d'un mort. Toujours dans une discrétion religieuse, ils rejoignirent l'appartement de Jeff et Veronica. Ils m'hébergeront finalement une nuit de plus, après ça je ne leur causerais plus de problèmes.
Au bout d'un long moment où Renald ne faisait rien d'autre que la regarder silencieusement en repensant à tous les souvenirs qu'il partageait avec elle, celle-ci finit par se réveiller. Se redressant sur le canapé, elle se frotta les yeux, semblant perdue, comme tous ces moments au réveil où l'on doit se remémorer où et quand on se situe. En regardant son père ses yeux s'écarquillèrent aussitôt, sa bouche s'entrouvrant, puis très vite les larmes vinrent. N'y tenant plus, Renald se leva de sa chaise pour venir l'embrasser, leurs larmes confluant. Renald finit par rompre leur étreinte, redressant les mèches de sa fille pour mieux l'observer.
-Ma grande, tu n'aurais pas dû venir ici, c'est trop dangereux, ils t'ont sans doute suivi, on a été obligé de t'enlever en douce !
-Qui ça, "ils" ?
Au fond du bureau, se tenant discret jusque là se tenaient Jeff, Veronica et Clovis. Ce dernier leva la main comme pour plaider coupable.
-Clovis, Enchanté ! Et ce charmant couple est ceux qui hébergent ton père ! A ces mots ceux qui avaient tout l'attrait des parfaits grands parents sourirent, n'osant intervenir. A présent on va vous laisser, je sens que vous avez pleins de choses à vous dire !
Après qu'ils aient refermé la porte pour disparaitre dans le salon, Dalarielle reporta son attention sur son père.
-Ils ont l'air sympa, commença-t-elle en souriant. Si on oublie le fait que ton copain m'a drogué pour que vous m'enleviez ici...
-Mais non, se mit-il à rire à son tour, ce n'est pas de la drogue !
Une fois que ce bref instant de complicité fut terminé le silence retomba, Renald s'efforçant de ne pas révéler qu'ils l'avaient caché dans une sorte de cercueil pour la transporter. C'est alors qu'il fut surprit par un coup de poing de sa fille en plein ventre. Il en fut estomaqué.
-Mais enfin qu'est-ce qui te prend ?
-10 ans ! 10 ans que tu nous as abandonné avec maman ! La seule nouvelle de toi qu'on ai eu c'est par la presse quand tu as été déclaré criminelle par l'empire ! Son visage devenant alors rouge, les lèvres tressaillants sous l'émotion.
Se remettant de son coup, il se rendit compte que le plus mal ne venait pas de cette attaque physique mais bien de ses mots. Parce que c'est vrai. Parce que je suis un lâche, parce que je peux assumer de me mettre en péril pour sauver Xandora de cette maladie mais que je ne peux pas renouer contact avec ma fille pour expliquer ce départ. Le visage de sa fille attristée qui semblait avoir reçue elle-même ce coup de poing le rendit malade.
-Ce n'est pas vrai, je n'ai pas voulu t'abandonner. Suite au divorce avec ta mère, je n'ai pu obtenir la garde...
-C'est faux ! Le coupa-t-elle aussitôt, semblant se préparer à cette réponse, retrouvailles qu'elle avait passé en boucle dans sa tête maintes et maintes fois. Ca n'a duré qu'un an ! Après que j'ai bataillé tu ne sais combien de fois avec maman, elle a finit par t'autoriser à me voir ! Ne me dis pas non, papa, ne me mens pas maintenant !
Dalarielle était alors pendue à ses lèves car malgré son avertissement, Renald pu lire de l'espoir dans ses yeux. Au fond d'elle, elle voulait que son père n'ai jamais reçu l'autorisation de sa mère car il aurait été alors excusé, il serait alors toujours pleinement son père, les bons moments passés ensemble jusqu'à ses 12 ans n'appartiendraient pas qu'à l'ordre du passé.
-Non, ma grande je n'ai jamais vu ta mère ou reçu de ses nouvelles depuis... Mais devant son visage qui semblait au bord du craquage, à deux doigts de se jeter dans ses bras, il s'arrêta net. Non, je ne peux pas faire ça à ma fille, j'ai fait bien des choses inexcusables, je n'en ferais pas une de plus, pas après le chemin et les risques qu'elle a parcouru pour me retrouver. Non, désolé, ta mère a raison, elle m'a bien autorisé. Si elle t'a dit que je t'avais abandonné, il se pourrait bien qu'elle ai raison, lâcha-t-il dans un souffle, le cœur meurtri.
Il ne se l'était jamais réellement avoué à lui-même, aussi le dire à haute voix devant sa fille était d'autant plus douloureux. Il avait l'impression qu'on l'avait saigné au cœur, qu'il avait une plaie interne qu'on ne pourrait réparer avant de l'ouvrir, lui. Ne te méprend pas. Ne te mens plus. S'il y a une victime c'est ta fille. Un père ne devrait jamais faire ça. Tout ça est ta faute.
-Tout ça est ma faute, déclara-t-il dans un souffle, faisant mine de l'étreindre à nouveau, mais celle-ci s'y refusa d'un mouvement du corps. Il se leva alors pour s'affaisser dans sa chaise, en face d'elle, mettant un peu plus de distance entre eux. Le visage de la jeune femme était sombre, ne versant plus aucune larmes, comme si elle n'avait plus rien à donner. Je ne t'ai pas vu grandir, dit-il tout d'un coup. Il sentit alors une vague d'émotions le submerger mais il se refusa à laisser déborder ses larmes, y mettant toutes ses forces. Ne sois pas plus pathétique que tu ne l'es. Épargne au moins cela à ta fille. Je ne m'attends pas à ce que tu me pardonnes, reprit-il. Mais je suppose que tu es venu ici pour avoir des explications alors je vais te les donner. Mais sache que ça n'excuse en rien ce que je t'ai fait. J'ai très mal vécu le divorce de ta mère mais... cela a dû être terrible pour toi aussi. En tout j'imagine qu'il valait mieux se séparer si ta mère ne pouvait plus m'aimer. Mais ça je pouvais le vivre. En revanche quand elle a obtenu ta garde complète, je n'ai pas pu le supporter. A l'époque je m'étais fait virer depuis quelques mois et je peinais à trouver du travail. Je n'avais aucune aide, les juges ont donc estimé que je n'étais plus en capacité de m'occuper de toi. "Ayez une vie avant de veiller sur celle de votre fille !" qu'ils disaient.
Tout en parlant, l'ancien médecin revivait ces moments sombres de son histoire. Là où il avait cessé d'être heureux. C'est curieux que l'on ne se rend compte du bonheur qu'on a vécu que lorsqu'il est derrière nous. Le regard de sa fille était toujours caché derrière sa chevelure blonde, sans doute tourné vers le sol pour ne pas regarder Renald.
-Je ne sais pas ce que ta mère t'a dit mais ça s'était passé comme ça, reprit-il. Si mois après avoir récupérer un poste à l'hôpital, ta mère est venu me voir, sans doute aidé par toi j'imagine. Elle m'a dit qu'elle avait levée l'interdiction de te voir et ce devant le juge. "Elle a besoin de toi, elle me le fait sans cesse savoir. Maintenant que t'as pu retrouver du travail, j'imagine que ce sera plus simple pour toi !" Mais je m'étais fait cuire à petit feu tout seul. Pour pouvoir récupérer ta garde, il fallait que j'ai un certain niveau de vie. En trouvant un petit poste à l'hôpital de la capitale de Delaria, j'étais payé de façon misérable. Pour gagner plus, il fallait travailler plus. Alors j'enchainais jour et nuit. Mon salaire a finit par augmenter mais ma vie a finit petit à petit par être mon travail. Quand elle m'a dit que je pouvais te récupérer huit jours dans le mois en plus de la moitié des vacances, j'étais tellement heureux ! Puis j'ai eu soudainement peur. Mon appartement était trop petit, ce n'était jamais assez bien pour toi. Alors j'ai décidé de continuer à travailler pour pouvoir avoir mieux. J'ai grimpé les échelons jusqu'à avoir de grandes responsabilités à l'hôpital. J'étais devenu une des personnes les plus importantes. Mais presque trois ans avaient passé et j'avais peur de te retrouver, de devoir me justifier sur cette absence. Tu semblait vivre heureuse avec ta mère alors j'ai préférer me retirer de ta vie, c'était plus simple... Ce que je veux dire, c'est ce qui me paraissait le mieux pour toi à l'époque, mais je n'ai pas accompli mon rôle de père et je ne me le suis jamais pardonné...
-C'était à moi de décider ça ! S'exclama-t-elle. Elle n'avait pas hurlé mais sa voix pleine de rage imprégnait l'atmosphère. Je ne t'ai pas revu, je n'ai pas eu de tes explications ! Toute une partie de ma vie à me dire, à espérer plutôt que tu avais tes raisons, que maman avait tord, que celle qui m'éduquait, qui veillait sur moi, qui me protégeait, que c'est celle qui vivait sous le même toit que moi qui me mentait ! Que tu voulais me rejoindre mais que l'on te l'interdisait ! Plusieurs fois j'ai fugué, mais ça aurait mené à quoi vu que personne n'aurait été là pour m'accueillir ? Je ne savais pas où t'étais, toi oui mais tu t'en fichais ! Tu te souciais plus de l'image que tu aurais renvoyé à ta fille si tu revenais sans raisons valables ! Mais j'aurais préféré ça plutôt que vivre sans père... A ces mots, n'y tenant plus elle se laissa envahir par les larmes. Renald ne l'interrompu pas et ce fut lui qui baissa le regard, honteux.
Au bout de ce qui paru une éternité, Dalarielle rompit le silence.
-C'est vrai ce qu'ils disent ? Tu as répandu cette maladie en accusant l'empire pour le renverser ? Tu complotes avec Kelton Follet et le fils Torcatram ? C'est toi qui est en train de décimer la population ? Est-ce qu'en plus d'être un père absent, tu es le plus grand meurtrier de toute l'histoire ?
Elle avait dit cela d'un ton calme, détachée presque impersonnelle. Comme si après avoir dit ce qu'elle rêvait de clamer à son père, elle n'avait plus rien à ajouter, plus rien d'important.
-C'est ce que tu penses ? Lui demanda-t-il, le visage abattu.
-Ce que je pense n'a à présent plus rien d'important. Ca n'a jamais eu d'impact sur toi, plus depuis longtemps en tout cas.
-Sache au moins cela, ce sont des rumeurs propagées par l'impératrice car alerter sur cette maladie était un signe de faiblesse de Xandora. En pleine guerre, Oswalda ne voulait pas de problèmes internes à régler. Elle m'a mit au cachot pour propagation de fausses rumeurs. Heureusement j'ai été libéré par son conseiller qui a orchestré mon évasion. Seulement une fois que la maladie s'était suffisamment répandue pour qu'on ne puisse plus l'ignorer, il fallait trouver une cause officielle pour me condamner. Alors ils ont inventé cette histoire car j'en savais trop. Je sais que j'ai fait des choses impardonnables mais ça non jamais. Dalarielle, ma grande, est-ce que tu me crois ?
Sur sa joue coula une larme. Une seule. En prenant une inspiration, elle dit alors la voix enrouée :
-Je te crois. Mais ça ne change rien. Désolé.
-Comment ça ? Demanda-t-il, perplexe.
-L'armée va venir d'un moment à l'autre. Je ne suis pas venue parce que j'ai vu avant l'armée venir dans ce village. Mais c'est elle qui m'a contacté pour te servir d'appât. C'était leur plan B, ils se doutaient que t'étais à Metenor mais ils n'avaient pas réussi à te trouver.
Renald eu le souffle coupé, ses oreilles semblaient vibrer.
-Je suis désolé. Maintenant je te crois. Mais après que tu m'aies abandonné, savoir que tu étais le criminel le plus recherché... je me suis dit que ça faisait sens. Si c'était à refaire je ne le referais pas.
Il y a tant de choses qu'on aimerait faire différemment. Sa fille semblait à présent être perdue, déboussolée, laissant cette fois-ci son père venir à elle, chacun se réfugiant dans les bras de l'autre. Ce qu'elle avait fait allait pourtant changer le cours de la guerre et de la grande histoire de Xandora.
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