~19~ Alistair
-Et bien quoi, mon fidèle conseiller ? L'interrogea-t-elle non sans ironie. Si tu as quelque chose à me dire dis-le, tu es payé pour cela mais... Son regard s'attarda longuement sur Alistair pendant qu'on l'aidait à enfiler son costume de pilote. Mais réfléchis bien à ce que tu pourrais me dire.
Sa chevelure rousse tomba en cascade quand elle retira son casque. La voir dans cette tenue verte claire de pilote de chasse, il faut bien le dire, surprit grandement son conseiller.
-Votre Altesse, dit-il en se tenant légèrement à distance, son regard parcourant cette immense salle.
C'était le premier sous-sol de la Tour impériale, c'était le "garage" des avions de chasse de l'Empire. Ces petits avions qui remplissaient par milliers cette pièce dont on ne pouvait en voir le bout. Le plafond était quadrillé d'éclairages si bien que pour un sous-sol, la lumière nous aveuglerait presque, pensa-t-il en plissant les yeux. Le regard interrogateur d'Oswalda lui fit reprendre conscience du moment. Alors il se permit d'avancer de quelques pas vers elle tout en reprenant.
-Vous savez ce que je vais vous dire, et je sais ce que vous allez me répondre, mais en tant que conseiller comme vous l'avez si justement fait remarquer, il est de mon devoir de ne pas m'abstenir sur ce dont j'estime important.
A son jeu de regard, il put voir qu'elle s'amusait de ces paroles de politesse. Alors il s'éclaircit la gorge et alla droit au but :
-C'est une énorme erreur de ce dont vous vous apprêtez à faire.
D'un haussement de sourcils, l'Impératrice l'invita à continuer.
-S'apprêter à mettre le feu sur un continent qui ne pourra exercer une réelle résistance est une perte de temps et d'énergie. Concentrons nos ressources pour plus tard, l'armée de Kelton Follet et de Kandall Torcatram vont bientôt s'entretuer, c'est moi même qui ai conduit cette opération auprès du fils d'Aldresdan. Il a même tué le gouverneur de Verradien qui faisait partit du complot orchestré par Kelton. Vous auriez vu sa rage dans ses yeux, sa haine si froide... Je vous en supplie, il n'y a plus qu'à attendre, nous ne sommes clairement plus sa priorité ! Laissez une semaine ou deux et vous verrez. Massacrer la population d'Alcatram ne vous rendra pas plus légitime pour régner à la fin de cette guerre...
-Je protège mon peuple, finit-elle par l'interrompre. Alcatram n'en fait pas partit, et Xandora a déjà trop souffert, lâcha-t-elle le regard perdue dans le vide. On a déjà eu cette discussion, j'ai entendu ton conseil maintenant je m'apprête à montrer à tous qu'en plus de régner... je peux me battre, dit-elle froidement.
-Sur ce point, dit-il en tendant ses doigts vers le ciel, il faut quand même se rendre compte qu'il reste peut-être à Alcatram des armes que Kelton aurait laissé là bas. Des armes redoutables... Ce ne sont pas des armes artisanales de l'armée de Kandall mais des machines de guerre possédant notre technologie ! Bien que l'issue de cette bataille semble inéluctable, un missile est vite arrivé. En pilotant vous-même un avion de chasse, vous vous exposez trop grandement pour votre rang !
Je ne sais même pourquoi je m'inquiète d'elle. Peut-être que si elle meure au combat, ce serait une guerre interne pour lui trouver un successeur et alors la guerre contre Kandall ou Kelton ne ferait plus de doute quant à son vainqueur. Serait-ce alors le meilleur moment pour rejoindre l'ennemi ? Kandall me connaît, il me semble qu'il a du respect pour moi. Accepterait-il sans doute de m'avoir à ses côtés pour l'aiguiller ? Peut-être qu'au moins lui reconnaitra la valeur de mes conseils. La population sera d'ailleurs plus encline à accepter un nouveau gouvernement si des visages plus familiers en font partit... Puis il soupira intérieurement avant de laisser s'évanouir ce qui n'était qu'un rêve. Mais ma place n'est pas ici.
Ce fut Oswalda qui s'avança alors vers lui.
-Ton visage trahit toujours ta préoccupation, je me trompe ? Il releva alors son visage vers elle. Où es-tu en ce moment ? Reprit-elle. A Alcatram, à imaginer tout un peuple brûler ? Des mères hurlant à l'agonie, protégeant leur progéniture alors que je serais dans le ciel, à leur tirer dessus le sourire aux lèvres ? Elle étira alors son cou comme pour mieux le scruter. Ou es tu sur les Îles du bout-du-monde, pensant aux premiers groupes qui embarquent vers ces terres isolées, attendant le décollage vers ton échappatoire, ta précieuse Lune ?
Là, elle le surprit encore, et il ne put le cacher. Elle souri alors.
-Tu croyais que je ne savais pas que tu te dépêches d'exfiltrer les survivants de ces batailles en leur promettant des places dans tes vaisseaux ? Je sais que leur construction avancent bien, combien de temps reste-t-il ?
Il prit alors conscience du monde qui les observait. Les militaires, les serviteurs ou encore les politiques qui gravitaient autour d'eux, les observant en silence. Même les pilotes qui se préparaient près des vaisseaux, interrompirent leur tâche, n'osant faire de bruit. Oswalda s'en rendit compte tout comme lui, alors d'un geste elle leur fit signe de sortir. Alistair n'osait imaginer le nombre que cela représentait. Quand ils furent tous partie et qu'ils eurent cette immense salle pour eux d'eux en compagnie des avions de chasse, elle déglutit.
-Si les vaisseaux sont prêts avant la fin de cette guerre, partiras-tu ? Abandonneras-tu ton peuple ? Ton Impératrice ? Rajouta-t-elle, s'efforçant de garder la tête haute mais il voyait bien qu'elle pesait ses mots.
Il la regarda longuement et décontenancé par ces questions, ne sut quoi lui dire. Elle baissa alors la tête et dit comme pour elle-même.
-Je sais que tu me détestes...
Alistair allait protester mais il se retint finalement. A quoi bon ? Je ne joue plus la comédie, c'est évident. Oswalda encaissa ce mutisme avant de poursuivre.
-Mais cela ne compte pas. Une Impératrice ne doit pas être aimé, elle doit être respecté, c'est ce que mon père me disait.
Ton père ? Quel père ? Celui qui t'a recueilli, t'as élevé et que t'as finalement assassiné ? Comme si elle lisait dans ses pensées, elle continua :
-J'ai fait des choses que je regretterais et ce à chaque instant de ma vie, crois-moi. Mais un dirigeant vit avec des regrets, tant qu'il ne vit pas en se battant avec eux, alors il est fort. Sinon il chute.
-C'est des leçons de règne dont vous vouliez me parler ? Demanda-t-il, légèrement impatient et non sans sarcasme.
-Certains de mes ministres disent qu'ils seraient bon de penser à l'avenir, dit-elle alors, semblant aller à ce qu'elle voulait réellement lui dire. A l'après moi. Ils ont raison sur ce point, il me faut des héritiers. Cependant je n'accepte pas l'idée de forger une alliance par un mariage, je veux que l'on retienne que j'ai remporté cette guerre sur le champ de bataille, pas au lit.
Sur ces révélations assez crus, Alistair cru bon d'éclaircir ces propos :
-Et vous voudriez des conseils, alors ? Des conseils que vous seriez susceptibles d'écouter ou juste pour la forme parce que je suis payé pour en donner ? Lança-t-il sur un ton provoquant en reprenant ces paroles.
Semblant être touchée, elle baissa les yeux, ne disant mot. C'est qu'elle me surprend de plus en plus, depuis quand elle montre sa faiblesse à mon égard ? Ne sachant comment couper court à ce silence, ce fut Oswalda qui finit par relever la tête, le visage grave mais ne réussissant pas à cacher ses marques d'émotion. Elle ouvrit alors la bouche puis hésita avant de finalement se lancer.
-Cette fois-ci je ne veux pas de tes conseils, je ne demande que ta volonté. Je ferais de toi un Empereur si cela te sied. Elle le regarda alors droit dans les yeux, et en voyant son regard tremblant, sa voix si incertaine, dénué de toute autorité qui la caractérisant tant, Alistair en fut tout troublé, oubliant même les propos qu'elle venait de lui faire.
Ressaisis-toi, bon sang ! Se martela-t-il. Est-ce que j'ai bien entendu ? Je ne vais pas lui faire répéter quand même. Moi qui aime prévoir les situations, je dois dire que n'avais nullement envisagé que l'Impératrice me sorte de telles paroles. Constatant qu'elle le scrutait, essayant à nouveau de savoir ce à quoi il pensait, il noya sa panique mais ne pu sortir qu'un seul mot, instinctivement.
-Pourquoi ? Demanda-t-il, d'un air bête, plissant d'avantage les yeux, moins pour les lumières aveuglantes qui constituaient le plafond que pour cette situation qui commençait à lui faire, dut-il se l'avouer, terriblement peur. Pourquoi moi ? Se reprit-il.
-Si je te disais parce qu'il en faut un, que tu es de famille noble, mon plus proche conseiller, que tu es reconnu et respecté par un grand nombre car tu étais le plus proche conseiller également de mon défunt père, que tu es donc acceptés par la plupart des hauts dirigeants même ceux qui ne partagent pas mes plus grandes convictions. Si je te disais tout cela... Ce serait omettre la vérité, lâcha-t-elle, guettant une réaction de sa part. Alistair Ormond était suspendu à ses lèvres.
-La vérité c'est que je t'aime, finit-elle par dire, la gorge nouée et le regard planté dans le sien. Avant qu'Alistair pu répliquer, bien qu'il ne soit pas si sûr qu'il aurait pu le faire, Oswalda précisa :
-Si tu me demandes pourquoi, je ne pourrais pas te le dire. Mais je ne peux que le constater, c'est tout. Ca devenait important pour moi que tu le saches, à présent il me faut une réponse avant que je parte sur Alcatram.
Comme il semblait être figé sur place, incapable du moindre mouvement, n'osant même respirer trop fort, elle rajouta :
-Pense à toutes les opportunités que tu pourrais avoir en tant qu'Empereur. Chacun t'obéira et tu ne devras rendre de compte qu'à moi même. Tu peux voir cela comme une... promotion, dit-elle, fronçant les sourcils, le regard fixé au sol.
Semblant ne plus pouvoir supporter le silence de celui qui était son conseiller, elle voulu lui prendre la main mais ce dernier la retira vivement.
-C'est d'accord, répondit-il, ses yeux regardant au travers d'elle. Faisons cela, rajouta-t-il d'un air détaché, dénué de toute chaleur. Faisons cela ? On m'aurait fait part par le passé de cette conversation, j'aurais ris aux éclats tellement chaque dialogue semble improbable.
Elle hocha alors discrètement la tête et se retournant, quitta la pièce, le laissant seul à travers cette immensité éblouissante de machines de guerre. Seul avec ces pensées. Seul avec ces préoccupations éternelles. Alistair Asterian ? Voyons voir dans quoi je me suis embarqué.
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