~10~ Mordacus

Accompagné de plusieurs gardes, il marchait à travers les décombres près des plages. Des vaisseaux s'étaient écrasés et gisaient. De la fumée s'échappaient à certains endroits mais tous les incendies majeurs avaient été maîtrisés. Combien diable cela va-t-il coûter, songea-t-il amèrement. Puis il se reprit et pensa que c'était essentiellement les usines qui avaient brûlées. Bah tant mieux, c'est la meilleure chose qui pouvait arriver.

-A la place de ces foutues usines se tiendront des champs, des parcs, avec des logements plus grands ! Il se retourna alors et s'écria face aux gardes : je veux que les nysteriens aient plus d'espaces, pour y vivre et y respirer !

L'un d'eux s'avança de quelques pas avant d'émettre une réflexion, consterné :

-Vous voulez de... De l'espace vert ? Mais ce serait du gâchis. Et puis comment la population va vivre sans usines ?

-Et comment croyez vous que l'on faisait quand on avait pas ces putains d'usines qui ne servent qu'à augmenter le confort d'une population pendant que nous, les ouvriers, s'entassons dans quelques mètres et respirons cette air de merde qui nous fera tous crever ? Comment nos ancêtres faisaient pour vivre ?

Devant le mutisme du soldat, il reprit :

-Il y aura des quartiers où l'on retrouvera des magasins. Il y aura de tout pour vivre. Les bêtes vivront à l'air libre. Ce sera une meilleur qualité. Pas de viande issus de labo non plus.

Puis Mordacus s'avança lentement vers le garde :

-Vous êtes un soldat de Kelton ?

-Du Roi de Midor et futur Empereur de Xandar lui-même, Votre Majesté, dit-il en courbant légèrement la tête.

Celui qui n'était que depuis une journée Roi de Nysteria fut surpris de ces politesses à son égard mais finit par sourire, non moins satisfait.

-Kelton est allié de Kandall, et ils ne veulent plus de ces usines. Et tu sais ce que je déteste par dessus tout ?

Là encore, le soldat resta béat.

-Les usines, dit-il non sans une exaspération. La pollution qu'elle a engendré, je la subis depuis tout petit, ainsi que ma famille, et ce n'est que maintenant que l'on commence à prendre conscience de ces choses là. Alors je m'en félicite. Tournons définitivement la page. Changeons notre mode de production. Nysteria en a assez de nourrir ces braves gens tout en haut de leur tour de verre.

Mordacus Daraneon regarda une nouvelle fois ces grattes-ciels à perte de vues et ces immenses tours noirs d'où jaillissaient le feu de l'enfer et qui maintenant se consumaient. Sous ce doux lever de soleil qui caressait le visage du Roi fraîchement nommé, ce dernier sourit, et d'un soupir laissa échapper comme pour lui-même :

-Oui, ce jour est vraiment le plus beau de mon existence.

A l'heure du déjeuner, il séjourna avec sa femme et ses deux enfants dans l'ancien palais du Roi de Nysteria qui lui revenait maintenant de droit. Tout était doré, des vitres au mur et une peinture recouvrait le plafond. Sans oublier le sol qui était tapissé.

-Je n'ai jamais vu une table pareille, dit sa femme en contemplant le mobilier en marbre et dorure. Les couverts étaient servis par les majordomes du palais, et ils furent tous surpris de constater qu'ils mangeraient dans différentes assiettes empilées les unes sur les autres.

-Papaaa, l'appela son fils Zouir de 8 ans. Pour-pourquoi on a 4 assiettes ?

-Je crois que c'est parce qu'on a autant de repas, fiston, lui répondit-il avant d'embrasser Angelica, qui avaient les larmes aux yeux.

-Alors c'est finit, je ne serais plus serveuse dans ce foutue bar où se retrouvaient tous les ouvriers du coin ?

-Plus personne ne te touchera, plus personne ne te maltraitera, c'est finit, je te le promet. Maintenant on te respectera. Tu es désormais la reine Angelica ! S'exclama-t-il en la faisant tourner sur elle-même.

-On aura plus besoin de travailler, alors ? Demanda sa fille Vermien de 17 ans avant de s'affaler sur le coussin de la chaise dorée.

-Oh tu auras une bonne éducation, crois-moi ! Mais finit les livraisons, tu n'auras plus besoin de cavaler à l'autre bout de la ville tous les jours !

A travers ces mèches noires, Vermien sourit avant de remercier discrètement son père, chose qu'elle ne faisait jamais. Elle ne me parlait quasiment plus, s'aperçut son père, ému. Dans son silence, je sentais son reproche de leur avoir donné que des vies misérables, mais je n'avais pas le choix pour qu'on puisse vivre, je n'ai jamais rien lâché, même si je rentrais dans la nuit presque tous les soirs, c'était pour que ma famille puisse survivre. Angelica en a fait de même. Quand tous les jours des ouvriers fatigués de leur journée l'insultaient ou lui faisaient faire des choses, elle s'accrochait toujours pour qu'on puisse manger à chaque repas, quand bien même celui-ci était mince.

-Je ne sais pas si je dois croire en une conscience divine comme le pensait mon grand-père, mais j'ai l'impression que tous nos efforts ont été récompensés.

-Grâce au Roi de Midor, surtout, fit remarquer sa fille.

Angelica allait protester mais son mari l'arrêta d'un signe de main.

-C'est vrai, mais il a choisit votre père pour remplacer cet infâme tyran qui était mon prédécesseur. S'il m'a choisit, c'est qu'il a bien vu que je détestais comme lui ces usines mais que je restais quoiqu'il arrive à mon poste car je n'avais pas vraiment le choix. J'étais d'ailleurs un des derniers à avoir quitté mon poste lors de l'incendie. Tout cela fait qu'il m'a choisit. En somme, dit-il en s'asseyant à son tour à la table, il a choisit nos valeurs. Et nos valeurs ont été couronnées.

Le silence s'installa alors dans la salle à manger. Tous hochèrent gravement de la tête avant que leur père rompt cet instant solennel :

-Bien à présent festoyons on a faim ! Qu'on nous apporte l'entrée !

Les serviteurs ne se le firent pas répéter et déjà ils purent gouter à des mets somptueux qu'ils n'avaient de toute leur vie espéré consommer. Une immense salade dans chacune de leur assiette avec des morceaux de fromages, de viandes, de melons accompagné d'une vinaigrette que Mordacus n'était pas prêt d'oublier. Se succédèrent un poulet grillé avec une sauce au miel et un confit avec pommes de terres sautées et des tomates grillées. Ils eurent ensuite droit à une délicieuse glace aux pommes pour faire passer le tout avant d'avoir une pièce montée de quatre étages au chocolat blanc. Au premier plat, ils étaient déjà comblés. Personne de la famille Daraneon n'avait mangé plus que cela mais ils forcèrent à tout goûter bien que Zouir finit vite aux toilettes pour avoir trop mangé. C'est donc comme ça que mangent nos Rois, pensa-t-il avec une pointe d'agacement en pensant à tous les repas congelés et lyophilisés qui n'avaient aucun goût et n'étaient là que pour remplir une partie de leur estomac. Néanmoins Mordacus savait qu'il y avait bien meilleur que cette nourriture car celle-là était soit artificielle soit issus d'élevages dans des immenses sous sols sans vraies lumière du soleil. Bien qu'à Nysteria c'était jusqu'à maintenant un nuage noir issus des usines qui remplaçait ce qui se trouvait le plus haut dans le ciel. Un jour, se promit-il, chaque habitant de Nysteria et même au delà pourra goûter à une nourriture naturelle.

-Tu-tu auras beaucoup de travail à faire papa, pour gouverner Nysteriaa ? Demanda son fils, curieux.

-Oh oui mais crois-moi ça n'a jamais été le travail qui m'a dérangé, c'est ce qu'on en fait. Quand j'étais dans les usines Zouir, je savais que je contribuais non seulement à me casser le dos, dit-il en riant ce que son fils imita, mais aussi à polluer et à condamner bon nombre de gens à toutes sortes de maladies...

-Comme celle qui fait cracher tout notre sang. Il parait même que ça nous provient tellement des tripes que ça en devient noire. Je connais des gens qui ont d'immenses veines noires qui leur parcourent tout le corps.

-Vermien ! La réprimanda sa mère, inquiète qu'elle dise ça dans un moment si joyeux et devant son fils.

-Ils ne sont même pas prit en charge ? Demanda toutefois son père.

-Les hôpitaux en sont surchargés et alors maintenant avec la guerre et tous les blessés je sais même pas ce qu'ils sont devenus, finit-elle par dire, comme détaché de tout cela.

-Et bien tu vois Zouir, reprit Mordacus, j'aurais beaucoup de travail à faire pour redresser ce royaume. Mais je le ferais avec plaisir car ce sera pour éviter que ce genre de situations se reproduisent à nouveau !

-Pa-Papa, finit-il par dire, enfaîte tu-tu es... Un héro !

Ce qui fit sourire ses parents. Je voudrais que tous mes jours soient comme celui-ci. Mais ce que j'espère encore plus, c'est d'arriver au bout de mon travail sur Nysteria et d'en être satisfait !

A la fin du repas qui dura jusqu'au bout de l'après midi, c'est-à dire au moment où ils se levèrent pour débarrasser la table avant d'être interrompu par les domestiques qui insistaient pour le faire, Mordacus se dirigea aux toilettes, non sans être alourdi par tout ce qu'il avait mangé. J'ai dû manger pour 3 jours, pensa-t-il en riant. Au moment où exténué il allait faire sa commission, il s'arrêta et intrigué contempla les tâches noires qui commençaient à peine à sécher sur le sol et sur le rebord de la cuvette. Tout en nettoyant machinalement avec un mouchoir, il se rappela les paroles de sa fille au sujet de celle maladie très mortelle où les premiers symptômes étaient le crachat de sang noir. Il essaya alors de se souvenir de la dernière personne qui était allé faire ses besoins. Zouir. C'est mon fils, c'est lui. Je... je ne crois pas qu'il y ai eu d'autres personnes entre temps. Puis il essaya de ne pas céder à la panique et se rassura. Après tout, des domestiques ont dû allé entre temps, je n'ai pas pu tout remarquer, on s'amusait tellement bien en famille, pour la première fois depuis tellement longtemps que je ne me rappelle pas d'une autre fois. Et puis je n'ai aucune idée si c'est du sang ou non. C'est si noir. C'est de la saleté si mon fils n'a pas eu la diarrhée avec tout ce qu'il a mangé et n'en a pas mit partout maladroit comme il est, pensa-t-il en riant encore avant que cela ne quitte son esprit.

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