~4~ Eldane

-Ce n'est que l'histoire d'une quinzaine de lunes tout au plus ! Dit-elle en s'efforçant de sourire à Dormane, son amant. Mais au fond d'elle, elle était anxieuse de ce départ, cependant ce n'était pas le moment de le montrer, Dormane était suffisamment angoissée pour cela.

-Rappelle-moi pourquoi tu as accepté de mener cette... Il chercha ses mots d'un geste théâtral avant de conclure : expérience révolutionnaire !

Elle sourit bêtement, elle en avait besoin de ces moments de rires, elle le savait. Je vais regretter ce départ à l'instant même où je le quitterai, je le sais, mais il faut que je participe à cette expédition, qui d'autre le ferait ? Dormane continuait de la regarder, avec ses cheveux chatains en cascade, et ses yeux bruns dégageant une intelligence sans pareil. Il ne pouvait croire qu'elle allait le laisser.

-Si je ne vais pas aux Îles du bout-du-monde, personne n'ira ! C'est déjà en soit un miracle que le gouvernement à Paumos m'ait fournit les ressources nécessaires pour cette expédition, déjà que le haut conseil scientifique n'était pas très convaincu de mon projet, n'imagine même pas que l'expédition se déroulera si je refuse d'y aller !

-Eldane, Eldane, Eldane dit-il en lui prenant la tête à deux mains. Ce projet est-il plus important que notre couple ? 15 lunes, c'est terriblement long, pour toi comme pour moi ! Personne ne t'en voudra si tu refuses d'y aller, moi le dernier !

Eldane soupira avant de lui répondre d'un air maussade :

-On en déjà parlé, je t'en voudrais pas que tu décides de passer à autre chose, considère qu'on fait une pause, je sais pas ! Et quand je reviendrais, on verra tout deux ce que l'on en pense !

-Tu sais très bien que je t'abandonnerai pas, il n'y aurait pas de place pour moi dans ton vaisseau ?

-Nos stocks de nourriture vont rapidement s'épuiser si tu viens, dit-elle en souriant.

-Bon, je savais que je te ferais pas changer d'avis, je te connais tu es têtue et l'as toujours été !

Eldane s'approcha pour l'embrasser quand Dorman eu un geste de recul.

-Non, pas d'au revoir. Je préfère les retrouvailles, on s'embrassera quand tu reviendras !

-Ah.., dit-elle, ne cachant pas sa déception. Dans ce cas je crois qu'il est l'heure, mon équipe doit s'inquiéter !

Ne craque pas. Pas maintenant. C'est jusque 15 lunes, pourquoi cette sensation d'adieu ? Il faut vite que je parte avant que je ne regrette. La scientifique ouvrit la portière de sa voiture, la referma, attendit que la vitre s'élève avant de démarrer le moteur. Une fois le rideau de glace disparu, elle s'envola vers l'autoroute aérienne, laissant Dorman seul dans son gratte-ciel, à essayer de la distinguer parmi les nombreux points, semblables à des fourmis, qui allaient et venaient dans le ciel de Paumos. Le Soleil était haut dans le ciel quand Eldane rejoignit la base scientifique dans les contrées d'Hallendal, perdue dans les montagnes. Elle sortit alors du véhicule, les idées noires d'un mauvais pressentiment. C'est ta mission, tu ne t'es jamais laissée convaincre par ces pensées qui ne menaient nulle part ! Ce n'est pas maintenant que tu vas le faire !

-Ah vous voilà, on vous attendait tous ! Lança Hornux : une sorte de géant chauve, en s'avançant vers sa voiture.

-Je... Salut, vous êtes tous là ?

-Oui, cheffe ! Dit-il en bombant le torse, main sur la tempe, au garde à vous.

-Pfff, arrête avec ça, Eldane... Mon nom c'est Eldane ! Et tutoie-moi, ça fait trop... professionnel !

-On est tous professionnels, ici, Mme Eldane ! Laissez-moi vous accompagner jusqu'à la station, on part d'ici une dizaine de minutes, on est tous très inquiets avec le temps, il faut dire qu'il ne fait que pleuvoir sur la Mer Orientale ! Et puis cette chaleur... Il ne faudrait pas trop tarder, si vous voyez ce que je veux dire !

-Oui, très bien, dit-elle en entrant dans le bâtiment d'une blancheur immaculée.

-Konor, Ténèphe, ramenez-vous, la cheffe est là !

Au bout d'une dizaine de secondes, Ténèphe, une dame de 40 ans, pétant la forme, arriva, les cheveux en pétard. Elle fut aussitôt accompagnée de Konor, un homme d'une trentaine d'années, cheveux noirs, regard fuyant, et rehaussant toutes les trente secondes ses lunettes.

-Ravie de te voir, commença Ténèphe, toute souriante.

-Il en va de même pour moi, rajouta Konor, je crois que nous sommes tous très contente de te...

-Oui, ne t'en fais pas, j'ai compris. Un peu stressé, Konor, pensa-t-elle en le regardant se tortiller tel un ver. Déjà que je ne suis pas en pleine confiance... Bon, clama-t-elle en tapant des mains, départ dans 10 minutes, j'espère que vous êtes tous prêt !

-Nous le somme tous, je les ai prévenu que vous allez arriver dans la minute, annonça d'une voix grave Hornux dans son dos. Ne l'ais-je pas dit, Konnor ?

-Oui, oui... Vous l'avez parfaitement dit, je crois que nous sommes d'ailleurs...

-Ne t'en fais pas, tu vas pas mourir, le coupa Hornux en riant, lui donnant une tape dans le dos.

Cela fit tomber les lunettes de Konnor, qui se baissa immédiatement pour les remettre à leur place.

-Très bien, prenez place dans le vaisseau, je vous rejoins juste après ! Annonça Eldane en s'éloignant.

Ténèphe et Konnor étaient déjà partit quand Hornux s'approcha discrètement d'elle.

-Madame, vous vous sentez bien ?

-Oui, oui, ne t'inquiète, j'ai juste besoin de souffler entre deux vols, dit-elle en allant dans la cuisine, se préparant un chocolat chaud.

-Oui, bien sûr, si vous avez besoin d'une aide quelconque, n'hésitez pas ! Déclara-t-il à l'entrée de la cuisine.

-Oui, me tutoyer, ce serait une bonne chose !

Il sourit, avant de froncer les sourcils et demander, comme si cela le tracassait depuis un moment.

-Cette mission... Pourquoi le haut conseil scientifique s'y est opposé violemment ?

-Parce que... ces scientifiques centenaires et habitués dans leurs habitudes ne veulent pas d'un changement... Cette matière qu'on récoltera si on y arrive... Changera à jamais notre mode de vie. Si les écrits sont corrects, ce serait le matériau idéal : suffisamment léger et maniable pour le construire selon notre volonté. Et suffisamment résistant pour faire face à n'importe quelle situation. Grâce à l'aéroneck, on pourra voyager vers des planètes jusqu'ici invisibles en un temps record. Tu t'imagines cela ? Le voyage interstellaire ? Ça, l'Empereur de Xandora l'a bien compris, et il souhaite exploiter cette ressource tandis que ce fameux conseil scientifique juge cette expédition comme un gâchis financier et préfère garder leur argent vers des projets qui ne bouleversent pas leur mode de vie. Tu te rends compte, Hornux ? Notre technologie n'a pas évolué depuis l'Ère Progressiste, soit depuis presque un millénaire !

Pour la première fois, Hornux parut appréhender l'excitation d'Eldane.

-Vous nous avez bien détaillé cette mission, mais... Je ne savais pas que toutes les connaissances de cet aéroneck n'étaient trouvables que sur des écrits ?

-Ce n'est pas que de simples papiers sans aucune valeur. Toutes les archives scientifiques que l'on a pu retrouver de l'Ère de l'Homme convergent vers ce matériau qui a considérablement propulsé leur technologie. On a des centaines d'archives bien enfouies dans des bibliothèques du conseil scientifique Xandorien qui décrivent ce matériau. On a toutes les données, Hornux ! On sait tout sur lui ! Mais on n'en a trouvé nulle part ! C'est en partie pour ça que cette expédition a fait polémique, le matériau semble avoir disparu de notre planète. Les seuls sols où on peut encore creuser suffisamment profond se trouvent aux Îles du bout-du-monde : vestiges d'un ancien continent détruit par l'Ère Glaciaire ! On ne peut pas construire sur ces sols souvent inondés, voilà pourquoi aucun gratte-ciel ne les couvre ! Ces îles sont notre seule chance d'établir une nouvelle Ère !

Hornux hocha du chef et quitta l'entrebâillement de la porte pour se préparer. A-t-il confiance en mon projet ou me prend-il pour une folle ? Si je perds l'engouement de mes coéquipiers au projet, le résultat de la mission va se faire ressentir de la même façon. 10 minutes passèrent quand Eldane s'avança dans les sous sols de la base scientifique. Elle marchait seule dans le long couloir éclairée de part et d'autre par des lumières bleues : seuls éclairages dans l'obscurité pour lui indiquer le chemin vers le vaisseau, tout au bout. Le vaisseau était immense et semblait se voûter pour ne pas se cogner contre le plafond. Quand elle fut à une dizaine de pas du vaisseau, une échelle apparut, l'invitant à monter. Les barreaux escaladés, elle pénétra dans le sas du véhicule. Aussitôt la porte extérieure se ferma et la décompression commença, des jets de vapeurs dans tous les sens la firent doucement sourire sans qu'elle sache pourquoi. Ensuite ce fut au tour de la porte intérieure, qui s'ouvrit de bas en haut après qu'elle eu inscrit le code d'ouverture. Ses amis, car pour la cheffe de la mission scientifique ils l'étaient, vinrent à sa rencontre en l'embrassant : sourires aux lèvres.

-Après 2 ans à t'être battue pour que cette mission voie enfin le jour, ça y'est, notre rêve s'accomplit ! La complimenta Ténèphe, tout en admirant Eldane.

-Oui, une nouvelle ère va débuter grâce à ce matériau, une ère vers la conquête de l'espace ! Maintenant cap vers les Îles du bout-du-monde, car c'est là que commence notre mission ! Déclara Eldane en s'installant dans la cabine de pilotage.

Son co-pilote : Hornux, s'installa à droite en lui faisant un rapide signe amical de la tête. Il soutient mon projet, pensa-t-elle, en lui rendant son sourire. Le vaisseau démarra dans un bruit de moteur assourdissant, résonnant contre les parois du sous-sol dans un crachat de fumée noire, avant de longer le long couloir d'une cinquantaine de mètres, le portail s'ouvrant de bas en haut à mesure que le vaisseau grisâtre prenait de la vitesse. Une fois qu'il fut sorti, l'équipe planait à 500 mètres du sol tout en haut des majestueuses montagnes d'Hallendal. Le vaisseau, dirigé par Eldane, vira de bord et continua sa course vers l'Est : là on pouvait apercevoir au loin les pluies titanesques sur la Mer Orientale. Bien que la traversée fut désagréable à cause de la pluie qui martelait le capot, le vaisseau était préparé à ce genre de périple et en une heure, l'équipe d'Eldane arrivèrent aux Îles du bout-du-monde : vestige d'un ancien continent marquant la séparation entre la Mer Orientale et Occidentale. Comme si les Îles appartenaient à une capsule temporelle, elles étaient épargnées par la pluie. À 200 mètres au dessus du sol, les 4 scientifiques admiraient ces plaines d'herbes vertes : épargnées par les constructions. Là, des animaux que nul n'avait vu gambadaient librement.

-Ce sont des chevaux, déclara Eldane. Je n'en ai jamais vu en vrai.

-Regardez, là ce sont des taureaux ! Annonça Ténèphe, muette d'admiration. Ils ressemblent à des vaches que j'avais vu dans un entrepôt, une fois !

-Non ce sont des bisons, corrigea Konnor, le regard fixé vers ces animaux en liberté.

Tous étaient scotchés à la vitre quand Eldane et Hornux posèrent l'appareil sur la plus grande des îles, ou une brise légère fouettait les herbes vertes, tandis qu'un troupeau de chevaux évitèrent le vaisseau, galopant en direction d'un lac qui pullulaient de poissons.

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