~25~ Renald

Il n'aurait su dire combien de temps il avait moisi dans cette cellule. Pas de lumière. Les hurlements des autres prisonniers étaient les seuls voix que l'ancien médecin entendait. De temps à autre, une petite trappe s'ouvrait au bas de la porte et un mince rayon de lumière artificiel rentrait. C'était son plat. D'ordinaire il mangeait 3 plats par jour : le matin, le midi et le soir. Mais je jurais qu'ils m'en donnent un par jour. Et cela, Renald ne pouvait le vérifier, il n'avait aucune notion du temps depuis qu'on l'avait jeté aux cachots. Et ce qu'il était pas généreux, ce plat. Il n'avait pas le temps de l'apercevoir que la trappe se refermait, rendant l'obscurité maîtresse de son monde. Et ce qu'il est pas bon, ce plat. J'en viendrais même à remercier l'absence de lumière pour ne pas observer ce que je mange. Si on lui donnait bien un plat par jour, il devait avoir passé 6 jours dans les profondeurs du palais de l'Empereur. 6 jours, pensa-t-il amèrement en ramassant avec ses doigts un morceau de son assiette pour l'ingurgiter. 6 jours, c'est suffisant pour que la moitié des hôpitaux de Xandora soient débordés. Saturés. Qu'ils ne peuvent accueillir personne. Voire pire : que le personnel ne puissent supporter une telle charge et s'effondrent... psychologiquement et physiquement. C'est ce que Renald avait remarqué chez certains de ses collègues. Cela avait toujours existé dans sa profession mais ils étaient de plus en plus nombreux à se mettre à l'écart pour souffler, pleurer et craquer en s'affalant par terre. Epuisés jusqu'à l'os et jusqu'au moral de ces cadavres qui s'empilaient sans que quiconque puissent ralentir le flux de patients. Alors 6 jours, pensa-t-il abattu. 6 jours sont suffisants pour qu'aucun soignant ne puissent accueillir un seul malade. C'est la fin du système.

Après avoir avalé son morceau qui avait un goût... d'égouts, d'eaux usées, senti-t-il horrifié, il se retourna non sans arracher un cris de son dos engourdi. S'accroupissant près de ce qui pouvait être une cuvette, en tout cas c'est là qu'il faisait ses besoins, il bu une mince gorgé de son urine avant de lâcher une grimace de dégoût. Il n'y a pas de chasse d'eau et il n'y pas que mon urine dans ces toilettes. Mais cette fois il ne put contenir son dégoût et vomit dans la cuvette.

-Eh merde !

Lâcha-t-il d'une voix cassé et rauque. Maintenant mon vieux, non seulement t'as rendu de précieuses gorgés de nourriture mais en plus la prochaine fois que je devrais boire dans ces foutues toilettes, ce sera en comptant mon vomi ! L'estomac de nouveau vide, de douloureuses crampes au ventre firent leur apparition. Oh c'est pas vrai, c'est une question de survie il faut que je mange. Mais il tatona son assiette et comprit avec effroi qu'il n'y avait plus rien. Je ne peux pas attendre le lendemain, je vais pas tenir !

-S'il vous plaît ! Venez ! Je ne pourrais pas être présent à mon exécution si vous me nettoyez pas ces foutues toilettes et que vous me rapportez pas une assiette ! C'est le docteur Renald qui vous parle ! Le docteur...

Mais sa voix mourut. Plus de salive, il ne pouvait plus articuler. Il pensa alors à boire son urine. Mais ce serait sans compter son vomi. Après tout, le vomi se mange, il faudra juste que je ne m'étouffe pas en avalant de trop gros morceaux, il faut que je boive ! Le docteur se retourna de nouveau pour se pencher vers les toilettes, déterminé à survivre le plus longtemps possible.

-Renald ?

Il s'arrêta aussi net. Cela semblait faire une éternité qu'on ne l'avait pas appelé. Ca y'est, le début des hallucinations auditives, je ne penserais pas que ça arriverait à moi ! Mais un bruit de serrure le fit se retourner aussitôt. La porte s'ouvrait lentement.

-Je vous préviens, ça risque de faire mal aux yeux !

Un jet de lumière inonda la pièce. Renald se protégea les yeux devant une blancheur divine. Il voulu se redresser mais ses jambes ne le portaient plus et il s'effondra aussitôt. Son visiteur le retint et les yeux du docteur s'appuyèrent sur les couleurs de cet individu. Noir. Ces vêtements sont noirs. Pas aveuglant. Pendant de longues secondes, toujours dans les bras de l'homme, il fixa cette couleur avant que ses yeux s'habituent à la pièce. En se retournant, il constata l'état misérable de sa cellule. Puis son état misérable à lui, ses vêtements étaient noircis et en lambeaux. Il regarda alors le visage de l'homme.

-A-AAl...

-Ne parlez pas, Renald, buvez d'abord, vous savez tout cela mieux que moi !

Il lui présenta une gourde qu'il bût goulûment tout en sachant qu'il ne fallait pas aller trop vite. Il lâcha alors la gourde pour tout recracher et l'homme en noir lui tendit une deuxième.

-Doucement.

Ce qu'il fît, et après des gorgés espacés, il put enfin lui dire :

-Alistair. Je... C'est pour mon exécution ?

-Non, Renald, c'est bien pire. Mais vous pouvez profiter de la situation catastrophique de Xandar pour vous échapper ! Je suis venu pour ça !

-Que... Que s'est-t-il...

-On a pas le temps, je vous conduit en lieu sûr, ça ne sert à rien de vous échapper si votre santé ne vous le permet pas !

Le docteur s'appuya sur l'ancien conseiller de l'Empereur et ils quittèrent la cellule. Doucement, ils longèrent le couloir, prirent l'ascenseur et Alistair le conduisit jusqu'à une suite. Et le tout sans croiser une seule personne. Là, le sénateur prit soin de fermer à clef la porte.

-Comment se fait-il qu'il n'y ai personne ?

-Ils sont tous dehors à fêter la 926ème année c'est pour cette raison que j'ai profité de cette occasion pour vous sauver !

-On est déjà...

-Le jour de l'an, oui, vous avez passé presque deux semaines en prison !

Deux semaines... Il s'écroula alors, retenu une seconde fois par Alistair.

Quand il se réveilla, il cru que tout était rentré dans l'ordre, qu'il se trouvait un an plus tôt. Mais la douleur au ventre, sa barbe sale, son visage creux se reflétant dans le miroir à l'autre bout de la chambre et cette puanteur qui émanait de lui lui confirmèrent que non.

-Je... vais me laver, marmonna-t-il.

-Vous devez d'abord manger, docteur ! lui fît remarquer Alistair qui travaillait à son bureau.

Renald ne pu s'empêcher d'émettre un rictus. C'est au médecin qui gère un hôpital qu'on doit rappeler les bonnes manières. Les rôles ont été inversés. Une fois qu'il eu mangé et qu'il se fût lavé, il s'assit bien que difficilement sur le fauteuil en face d'Alistair.

-Maintenant que vous m'avez sauvé, dîtes moi ce qui s'est passé entre temps !

-Oswalda a tué Walden et est devenue Impératrice de Xandar, lâcha simplement Alistair.

-Que...

-Alors bien sûr, officiellement Walden est mort d'un arrêt cardiaque mais ça on ne le saura jamais vu qu'Oswalda a formellement interdit l'autopsie de son père adoptif ! Sa mort est survenu le lendemain de son discours informant la population que le seul moyen de lutter contre cette pollution était de fuir la planète. Des centaines de vaisseaux partiront sous peu grâce à un nouveau matériau qui a été découvert il n'y a pas longtemps !

-Il reconnait donc le problème... L'origine de la... maladie ! C'est tout l'inverse du discours qui a conduit à mon arrestation pour divulgation de fausses informations !

-En effet, j'ai réussi à convaincre l'Empereur de revenir sur ces décisions. Néanmoins cette annonce a semble-t-il contrariée Oswalda qui j'en suis sûr l'a tué. L'avis de Walden sur votre exécution est donc effacé, il n'a pas eu le temps de se pencher à nouveau sur votre cas. Mais Oswalda n'a encore rien dit concernant votre sort, et dans ce flou je peux prétendre que la dernière volonté de Walden était bien de vous libérer, comme le témoigne son annonce faite au peuple !

-Mais vous me libérez en secret car vous savez qu'Oswalda ne sera pas de cet avis !

-En effet, vous avez pu vous en douter, c'est elle qui était à l'origine de votre sort !

-Qu'en est-il des hôpitaux ?

-Je... Un million de Xandoriens meurt chaque jour des suites de cette pollution aux dernières informations, et le chiffre est exponentiel ! Oubliez les hôpitaux, c'est trop tard, c'est un lieu où il ne vaut mieux pas aller si on a rhume ! Vous devez refaire votre vie, je vous donne une nouvelle identité, de l'argent pour de quoi survivre un bon mois, et surtout... une place pour partir à bords de ces vaisseaux !

-Je...

Renald ne sût quoi dire suite à toutes ces informations sur sa nouvelle vie.

-Ils devraient être opérationnels d'ici 6 mois, entre temps je vous conseille néanmoins de vous cacher !

-Mais même à bord de ces vaisseaux, je continuerais ma vie de fuyard !

-Je puis vous assurer qu'une fois dans ces vaisseaux, tous les soucis sur cette terre seront oubliés, déclara Alistair en posant sa main d'un geste amical sur l'épaule de l'ancien docteur.

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