~23~ Walden

Le vieil Empereur poussa avec difficultés ses roues jusque dans sa chambre. Il éprouvait de plus en plus de douleurs dans ses articulations depuis un moment, mais il se l'était juré, il s'interdirait de dévoiler cette faiblesse, on le jugerait sénile et en bout de course, prêt à passer la main. Déjà que mes jambes leur rappellent à chaque fois mon handicap, pensa rageusement Walden en regardant froidement les concernés. Ce regard froid, il l'a toujours eu... Sauf quand il était avec sa femme. Stelania. Avec elle, son regard froid se réchauffait, la glace qu'il avait comme pupille fondait, et les soucis de l'Empire s'évaporaient pour la laisser elle toute entière. Demain, cela fera 30 ans qu'elle est décédée. Il la revoyait encore, lors des absences que l'Empereur pouvait avoir. Et il en avait de plus en plus. C'est que ma femme me manque de plus en plus. Stelania. Tout le monde aimait Stelania, fille de la prestigieuse famille des Asterian. Mais ça, personne ne le savait. C'était un de ses nombreux secrets qu'elle m'avait confié. Les Asterian n'étaient plus persécutés depuis plus 200 ans déjà à l'époque mais on croyait tous qu'il n'en restait plus aucun. Mais Stelania était comme ça, elle n'aimait pas vivre comme une noble et aimait passer son quotidien à traîner dans les rues avec le peuple, elle aimait rencontrer les gens de ce monde et non que les gens de ce monde ne la rencontrent comme une Asterian et rien d'autres Lors de l'anniversaire des 50 ans de son père Rodney, c'est là qu'il l'avait vue pour la première fois. Pour cet anniversaire, tous les Xandoriens étaient invités à se frayer un passage sur la place impériale. Même si elle détestait qu'il lui dise cela, il avait tout de suite remarqué qu'elle avait quelque chose de...royal. Sa chevelure rousse semblait flamber à chaque pas de danse. C'est elle qui l'avait abordé quand Walden s'était perdu parmi la foule. Tout de suite, il avait oublié qui il était. Elle semblait insouciante, et cela faisait longtemps que le jeune Walden n'avait discuté gaiement avec quelqu'un qui n'avait pas le poids de l'Empire sur les épaules. Il n'oublierait jamais cette fête. Quand un des garde l'avait reconnu, il lui demanda de revenir vers le palais près de son père. Alors Stelania comprit qui il était. Elle n'en fut pas plus réjouie ni déçue juste...surprise. Alors après ce moment de flottement elle ria. "Je vous prie de m'excuser, je ne vous avait pas reconnu, mon prince", lui dit-elle tout en riant. Il ne put s'empêcher de l'imiter également: "Je vous en prie ma dame, vous ne pouviez pas savoir, voulez-vous m'accompagner vers le palais ? Je risque fort de me perdre à nouveau parmi tous ces gens !" Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ri ainsi. Stelania accepta gaiement son invitation, il avait 15 ans, elle aussi et depuis ce jour ils ne se quittèrent plus.

La mort de son père à 54 ans sembla choquer tout le monde qui s'était habitué à lui. Ce dont se souvient Walden, c'était le comportement de Stelania. Il l'avait vu. A partir de là, sa fiancée fut inquiète. Inquiète de ce pouvoir qu'elle avait fui et qui malgré tout revenait vers elle. Dès ses 19 ans, il avait reçu la couronne de son défunt père. Dès ses 19 ans, il fut l'Empereur de Xandora. Dans l'année même de 874, il convaincu Stelania se marier. Elle l'avait accepté car elle l'aimait, mais elle déprima tout doucement. Car elle comprenait qu'elle allait devenir Impératrice de Xandora et que tout le peuple la connaitrait, que tout le monde scruterait ses moindres faits et gestes, chaque mot qu'elle allait dire, chaque intonation qu'elle allait faire. Que sa parole comptait et qu'elle avait un devoir et un rôle politique à jouer jusqu'à sa mort. Finies les excursions dans les villes qu'elle faisait autrefois et qu'elle continuait de faire de temps à autre. Elle s'était cachée de son nom pour profiter de sa vie, non pour être enfermée dans des palais ou gratte-ciels. Et pourtant, c'est ce qui lui arrivait. Walden avait fait un test ADN pour confirmer sa parenté avec Aracorn Asterian, le fondateur de Xandora. Ce test qui avait été fait dans le plus grand secret s'avéra positif. Elle avait raison. Cela n'étonna Walden, qui ne doutait jamais de la parole de Stelania. Mais celle-ci lui interdit formellement de révéler son véritable nom. Alors les gens continuèrent à l'appeler Stelania Dormillon, les gens continuèrent à ne pas comprendre pourquoi l'Empereur s'était marié avec elle, les gens continuèrent à trouver cela révoltant que l'Impératrice ne soit pas de sang noble, les gens continuèrent à penser qu'elle s'était mariée pour le pouvoir. Ces chuchotements, ces bruits de couloir et ces rumeurs, Walden les entendait à chaque fois qu'on les voyait, sa femme et lui. Malgré sa longue déprime, ils eurent un enfant à 39 ans. Mais cet évènement que Walden attendait avec impatience, s'avéra une horreur absolue qui le marquera toute sa vie. A la naissance de leur fille, Stelania donna une somme astronomique à l'une de ses servantes qu'elle avait mit dans la confidence pour que celle-ci parte du palais pour élever leur fille, cachées. Ce jour là, l'Empereur était à Atlantiss pour constater la fin des travaux et ériger la statue de son père, qui fut à l'origine de la création de ce continent. Une fête eut lieu, et quand dans la soirée il fut avertit de l'accouchement prématuré de sa femme, il prit d'urgence son vaisseau personnel pour arriver au palais le plus vite possible. Je n'eus même pas le temps de voir mon enfant... Une violente dispute éclata alors avec sa femme qui avait enlevé leur fille. Stelania lui répétait qu'elle ne voulait pas que leur fille connaisse le même enfer qu'elle, à vivre dans ce palais. Un an plus tard, alors que Walden s'entraînait à l'épée dans une des tours et que sa femme le regardait silencieusement, celle-ci lui tourna le dos et se pencha vers la fenêtre. L'Empereur avait jeté son épée et s'était précipité pour la retenir mais ils furent tous les deux entraînés dans la chute. Walden tomba sur un des remparts et ses jambes furent broyés. Mais Stelania s'écrasa beaucoup plus bas, dans la cours. Lui s'en était sortit mais sa femme non. Et ses jambes qui ne lui servaient plus à rien le lui rappelaient chaque jour.

Il avait cru qu'il ne reverrait plus jamais sa fille mais quand une adolescente se présenta à la porte du palais réclamant haut et fort qu'elle était une Asterian et qu'elle devait se trouver à l'intérieur de ces remparts, il ordonna qu'on la fit rentrer malgré le fait que tous ses conseillers lui répétait qu'elle ne disait que des sottises pour se faire remarquer. Quand il avait vu celle qui se faisait nommer Oswalda il sut. Il su que c'était bien le nom que Stelania et lui avait donné à leur fille. En voyant sa chevelure rousse et ses yeux flamboyants, il sut également que c'était bien la fille de sa femme. Que c'était bien sa fille. Il avait ordonné qu'on fasse le test ADN et le résultat était sans appel : c'était bien sa fille perdue il y a 17 ans. Les résultats de ces tests étaient fait dans le secret le plus total, comme toujours. Mais tout le monde savait que ce que disait Oswalda était juste : elle était bien une Asterian. Elle révéla par la suite que sa mère adoptive qui se nommait Télène lui avait finalement révélé qu'elle était bien une descendante d'Aracorn. Mais l'ancienne domestique de Stelania ne lui a pas révélé qui étaient ses parents. La détermination d'Oswalda qui ne doutait pas un instant de ce qu'avait dit sa mère adoptive le stupéfièrent. "Au fond, j'avais toujours su que j'étais de sang royal", lui avait-elle déclaré. Elle s'était poussé à aller au palais quand Télène avait succombé à une maladie, la laissant seule.

Le vieil homme s'apprêtait à se laisser tomber sur son lit quand il ne saurait dire pourquoi, il pensa à son père. Décidément, cette soirée est celle où je me remémore tous les acteurs de ma vie. Tout le monde adorait son père. Il était un exemple qu'il se devait de suivre pour ne pas déshonorer les Mortmain, lui avait-on dit à la mort de Rodney. Les Mortmain... Il n'y en a plus un en vie. Tous morts les uns à la suite des autres et j'en suis le dernier. D'ailleurs, mon heure ne saurait tarder, mais je ne finirai pas gâteux comme beaucoup le pensent ! Ce sont ces derniers qui n'ont aucune idée de politique et qui forment une partie de mon gouvernement. Heureusement, Oswalda est là et a su me donner le courage d'en virer la moitié. Mais il en reste encore parmi mes ministres, mais il est difficile de virer un gouverneur aussi aisément. Ce Kelton. Le pire de tous. Car contrairement aux autres, il maîtrise la politique et dirige d'une main de fer les autres gouverneurs.

Il était plongé dans ses réflexions quand la porte de sa chambre s'ouvrit à la volée. Pris de panique, il se dépêcha de retourner son fauteuil pour faire face à son visiteur inattendu.

-Oswalda, ma fille chérie, dit-il soulagé. Je dois avouer que je ne m'attendais pas à te voir ce soir !

Elle s'approcha, sortit deux coupes et une bouteille d'une armoire et les posa sur la table.

-Excusez-moi si je vous ai fait peur, ce n'était nullement mon intention ! Non, à vrai dire je ne voulais pas regagner ma couche sans vous voir, et en profiter pour boire un verre ou deux.

-Tu t'es mise à boire, maintenant ! S'amusa Walden. Ça se fête, alors trinquons, tu sais très bien que tu es tout le temps la bienvenue ici !

-En effet, on a quelque chose à fêter ce soir !

-En dehors de ton goût soudain pour l'alcool ? Dit-il en se rapprochant de la table. Et bien qu'est-ce donc ?

Pour seule réponse, l'Héritière remplit les deux coupes en s'asseyant sur une chaise et déclara, intrigué :

-Vous arrivez à bien dormir, dans ce lit ? Ma foi même le mien est mieux rembourré, j'en toucherai un mot aux gardes, regardez moi cela !

L'Empereur se retourna alors péniblement pour constater et s'écria :

-Oh non... Je passe d'agréables nuits avec cela, c'est même l'un des meilleurs lits de ce château, je n'imagine pas le vôtre alors ! Dit-il en riant puis en se retournant. Enfin, d'agréables nuits, tout dépend surtout de mes vieux os et de la journée qui a précédé. Car je peux te le dire à toi, je te dis tout,  j'ai de plus en plus mal, mais garde ! Ne le dis à personne, je vois suffisamment leur pensées comme quoi je ne suis plus bon a gouverner !

-J'ai un remède à cela, chuchota Oswalda.

-Ah bon ? J'aimerais bien le connaître, en effet, voilà au moins 5 ans que j'en ai besoin !

-Mais d'abord trinquons ! Déclara-t-elle.

Walden et Oswalda burent d'une traite, bien que celle-ci ne put s'empêcher d'afficher une grimace.

-Je savais bien que vous ne supportiez pas l'alcool, constata l'Empereur en s'amusant. Et en quel honneur trinqons nous, ma fille, vous ne m'avez pas dit?Sans compter que j'aimerai découvrir ce fameux remède ! Il ne put s'empêcher de rire doucement en reposant sa coupe. Il n'y avait qu'avec sa fille retrouvée qu'il pouvait se laisser aller.

-Il y a que je ne suis pas votre fille, répondit-elle sèchement.

-Mais enfin...

-Je ne l'ai jamais été et laissez-moi finir, tout comme vous n'avez jamais été mon père. Mon père n'aurait pas été aussi idiot...faible, lâcha-t-elle d'un ton méprisant en fixant ses jambes. Mon père n'aurait pas été aussi manipulable, mais je dois avouer que ce dernier aspect m'a profité ! Et puisque vous voulez savoir à quoi on trinque, je vous répond "à votre mort" !

-Oswalda, ma...

-C'est cela, le remède miracle, la mort vous fera vous sentir mieux, vous verrez. D'abord votre tête tourne, ensuite votre vue devient floue, puis vous fermez les yeux et expirer. Ce sera sans douleur, ne vous inquiétez pas. Et après, vous rejoindrez votre femme tant aimée !

Walden ressentit en effet les effets du poison. La table tournait, le sol bougeait et sa vue se limitait à des tâches de couleurs. Mais avant de fermer les yeux, il se concentra sur la tâche rouge qui représentait Oswalda.

-Ma femme était une Asterian... Vous savez qu'on... Qu'on a... Qu'on a eu une fille qui fut enlevé par une domestique... Cette fille... C'était toi, j'ai fait des tests ADN et ça a... confirmé...

Malgré le fait qu'Oswalda n'était que du rouge, malgré le fait que ses paupières devinrent lourdes, il put ressentir la consternation et l'étonnement chez sa fille.

-P... Pourquoi ne me l'avez vous pas dit...

Puis il ferma les paupières. Quand il les rouvrit, sa femme Stelania se tenait à côté de lui et lui souriait comme au premier jour.

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