~2~ Kelton

Il était perdu dans ses pensées, dans sa stratégie, dans son avenir et celle de sa famille quand on toqua à la porte. Il faut dire que Kelton Follet avait passé les deux jours depuis qu'il était arrivé chez lui, à Midor, enfermé dans son bureau : assez anxieux mais surtout excité à l'idée des évènements qui allaient venir...grâce à lui.

-Entrez !

Aussitôt son majordome entra, baissa légèrement la tête et annonça :

-Votre fille désire vous parler, Monsieur.

-Voyons Starmol, tu sais bien que tu peux autoriser ma fille à venir me voir quand elle le souhaite ! Elle n'a nullement besoin d'un intermédiaire !

-Bien Monsieur.

Aussitôt Starmol se retira pour laisser place à Alaigne Follet. Elle était comme son père : brune, yeux bruns, assez grande et mince.

-Père, est-ce vrai ce que l'on dit ?

Kelton se leva, père et fille se firent une accolade. Le gouverneur de Midor désigna d'un geste une chaise à Alaigne et se rassit :

-Et que dit-on ?

Alaigne sembla chercher ses mots en regardant la bibliothèque se tenant derrière son père. Quand elle les trouva, ses yeux se posèrent sur son père.

-On dit que le président d'Alcatram a été assassiné par le gouvernement même de l'Empereur lors de sa visite sur le climat actuel de Xandora. La guerre est inévitable... Après 170 ans de paix.

-Tu es bien informée, ma fille. Et j'en suis fier, crois-moi, dit-il en se redressant. Tout bon stratège se doit d'avoir les informations en premier. Mais cela veut dire qu'à l'heure actuelle, tout le continent d'Alcatram est au courant. Ils vont devoir élire un nouveau président. Selon mes sources, son fils sera naturellement le candidat favori. S'il se présente, bien sûr, mais je ne verrais pas en quoi...

-Père, l'interrompit-elle en posant sa main sur celle de Kelton. Vous n'avez pas répondu à ma question.

Les yeux d'Alaigne essayaient de trouver la moindre information sur ceux de son père. Mais celui-ci était indéchiffrable, comme à son habitude. Lui seul connaissait ses pensés. Et elle enviait cette maîtrise de ses émotions. Le gouverneur de Midor se pencha à son tour vers sa fille, et après un instant, lui répondit :

-Oui.

Alaigne retira sa main, sembla perdu, ne sachant que faire ou que dire. Kelton se leva alors et arpenta son bureau.

-Oui, c'est moi qui ai assassiné ce bon vieux Aldresdan. Pas méchant, d'ailleurs, il ne voulait que le bien de son peuple mais surtout le bien de sa planète. Qui pourrait l'en blâmer ?

-Mais alors pourquoi...

-Je n'ai que faire de l'écologie, Alaigne. Celle-ci est importante à mes yeux si elle rentre dans ma stratégie. Et... Oui, elle en fait partie. Mais pas Aldresdan. Lui devait mourir, d'une façon ou d'une autre. Son entretien avec l'Empereur était bien évidemment la meilleure occasion. Oh je ne l'ai pas tué directement, mais c'est moi qui ai activé l'euphorie de cette bande d'incapables au gouvernement pour le tuer. Le moindre prétexte... La moindre parole d'Aldresdan. Je devais saisir le quelconque sous-entendu pour déclencher une guerre. Chaque sénateur ou gouverneur n'a au mieux qu'une année d'expérience au pouvoir. Chacun attend de faire ses preuves, et c'est le meilleur moyen... de commettre une énorme erreur... Pour eux. Mais une erreur bénéfique pour moi.

Le regard consterné de sa fille le fit sourire, alors il s'approcha d'elle et prit la tête d'Alaigne entre ses mains.

-Je sais que tu as un tas de questions et de reproches à me faire... Et à juste titre ! Mais c'est pour le bien de notre famille que j'ai fait ça, pour qu'on ait enfin un nom dans l'histoire.

-L'histoire ne retient que les vainqueurs...

Ce fut au tour de Kelton d'être un peu surpris mais Alaigne enchaîna :

-C'est ce que tu nous disais, à Dorsan et moi quand nous étions plus petites.

Oh oui, il y a 15 ans de cela, quand tu avais 9 ans et quand ta grande sœur était encore de ce monde. Quand elle n'avait pas encore cette foutue maladie.

-Depuis que vous êtes nées, je vous ai appris le sens de la réussite.

Il la regarda profondément dans les yeux et déclara, mot par mot.

-Es tu capable... de comprendre ce que j'ai fait ?

-Je... Explique moi et je t'aiderai.

Le gouverneur de Midor sourit, relâcha ses mains et se releva pour mieux contempler sa fille, qui lui rendit timidement son sourire. La porte toqua. Kelton leva brusquement son doigt et annonça :

-Voilà une personne faisant partie de ma stratégie !

-Desnar Kallangue, gouverneur de Verradien ! annonça le major d'homme Starmol a travers la porte.

-Je t'expliquerais tout après mon entrevue avec Desnard, maintenant tu m'excuseras...

-Bien sûr, père, dit aussitôt Alaigne en se levant et en embrassant son père. Puis elle quitta vivement la pièce.

Quelques secondes passèrent avant que la porte s'ouvrit sur le gouverneur de Verradien. Il était assez petit et avait une calvitie qui s'était établie depuis un bon nombre d'années. Il était légèrement vouté et semblait appréhender ce qu'allait lui dire Kelton, ne sachant où positionner son regard à travers toute cette pièce. Et pourtant, c'est ce petit fuyard qui a tué Aldresdan. Finalement, Desnard regarda Kelton et lui tendit la main d'un geste vif, il commença d'emblée la discussion.

-Bonjour Kelton, c'est toujours un plaisir de vous voir, malgré cet... incident qui s'est déroulé il y a de cela 2 jours !

Ca y'est, il regrette déjà. Kelton Follet lui montra le même siège sur lequel s'était assis sa fille et s'assit sur son fauteuil derrière son bureau. Il plongea son regard dans celui du gouverneur de Verradien comme pour l'étudier, et, une fois qu'il eu finit son rituel, il lui répondit:

-C'est précisément pour cet incident que je vous ai fait venir à Fortenor, la capital de Midor. Le trajet n'a pas été trop long ?

-A peine 2 heures, répondit-il en sortant un mouchoir pour s'essuyer le front. Il est sous-tension. Il sait que cet entretien sera décisif pour son futur. Bien. Ma navette privée avait l'autorisation de voler 5 mètres plus haut que la normale, il n'y a donc eu aucun embouteillage, je n'ai pas vu passer les 1200 lieues prévues !

Tu voulais que ce voyage dure une éternité. Ne pas arriver ici. Mais trop tard. Kelton s'inclina vers lui et lui dit :

-Vous n'avez rien à craindre du gouvernement. Ils sont tous dans le coup car ils l'ont voulu, cette mort. Et s'ils ne le la voulaient pas, ils n'ont pas réagi, donc ils sont complices, ils le savent. Seul Alistair Ormond, le plus proche sénateur et conseiller de l'Empereur a défendu le président d'Alcatram. Mais il est seul et à part l'Empereur Walden lui même, il n'a aucun allié. Et entre nous, ce n'est pas Walden qui va nous poser problème. Kelton Follet se redressa sur son siège et déclara, le regard fixé sur un point derrière Desnard : non le seul problème, c'est le peuple. S'il apprend la vérité, il va se soulever. Pourquoi devrait-il faire confiance à des gens qui assassinent quiconque propose une suggestion qui ne leur plait pas ?

-Mais c'est vous même qui avait dénoncé Aldresdan pour menace de mort vis à vis de l'Empereur ! C'est vous même qui avait suggéré de le tuer !

-Oh oh oh, répondit-il en se penchant de nouveau vers Dresnard. Qui a tué le président d'Alcatram dans cette affaire ?

-Mais vous l'avez dit vous même, on est tous dans le coup ! S'emporta-t-il en s'épongeant de nouveau le front.

-Oui. Mais le peuple retient celui qui a porté le coup fatal. S'ils apprennent que c'est vous, c'en est fini de votre poste de gouverneur de Verradien !

-S'ils savent que c'est moi, alors ils sauront que c'est vous qui voulait le voir mort...

-Tout comme vous, mais le peuple n'écoutera pas le criminel qui a déclenché une guerre, provoquant probablement une famine, ça, ils ne le vous pardonneront pas. Ils ne vous pardonneront pas de voir leur enfants partirent à la guerre, sans espoir de retour.

-Vous semblez beaucoup parler à la place du peuple, Kelton ! Cria-t-il en fronçant les sourcils. Il sortit un mouchoir et s'essuya de nouveau. Il perd ses nerfs. Il sera alors encore moins raisonnable. Très bien.

-Car je connais très bien les Xandoriens, j'ai appris à tous les étudier. Quel qu'ils soient, au fond, ils se ressemblent dans une foule. Voulez-vous prendre le risque de perdre votre poste ? De perdre votre Royaume ?

-Mon Royaume ? Répéta-t-il, dubitatif.

-Vous m'avez très bien entendu, votre Royaume. Walden est l'Empereur, mais nous sommes les Rois. On nous attribue le titre de Gouverneur pour éviter de contester l'autorité suprême, mais les mots sont des mots, et les mots sont du vent ! Mais ce vent peut parfois déclencher des tempêtes, et provoquer des destructions !

-Que voulez-vous me dire ? Demanda Desnard, perplexe.

-J'ai de nombreux informateurs à travers l'Empire, et même jusqu'à Alcatram. Mais cela marche dans les deux sens. Si je le souhaite, je peux répandre une information à travers la planète, et en moins d'une semaine, toutes les bouches ne parleront que de ça. J'ai horreur de répandre des mensonges, mais de dire que le gouverneur de Verradien a assassiné de sang froid le président d'Alcatram, provoquant une guerre inévitable, ça... Est-ce un mensonge, je vous le demande ?

-Vous me menacez ? Pourquoi ferez-vous une chose pareille ?

-Il y a une seule façon pour vous d'éviter ce scénario.

Kelton attendit une réaction de la part de Desnard, voulant susciter le plus grand intérêt pour sa réponse, comme si c'était la seule solution.

-Qui serait ? Dit-il en n'osant même plus s'éponger le front.

-Vous serez mon allié. Votre armée sera la mienne, vos décisions seront les miennes. Quoi que je dise, vous serez d'accord et m'obéirez.

-Mais... Dans quel but ? Demanda-t-il en écarquillant les yeux.

-Je crois que vous avez déjà une idée. Mon but a toujours été le même, mais le moment est plus que jamais opportun : m'asseoir sur le trône de Xandora et réunifier cette planète sous un seul drapeau. Je serais le commencement d'une nouvelle dynastie : celle des Follet ! Elle sera plus longue que celle des Asterian.

-C'est... C'est de la haute trahison, la trahison suprême... Vous ne pouvez... Rendez vous compte des conséquences ! Je...

-L'Empereur n'en saura rien.

-Que... Comment ? S'arrêta-t-il, surpris.

-Pour le moment, nous ne lui déclarons pas officiellement la guerre. Jusqu'à ce je vous en donne l'ordre, vous ferez semblant d'obéir à l'Empereur et son gouvernement, est-ce clair?

Desnard regarda toujours fixement Kelton comme s'il était fou, n'ayant bouger.

-Peut-être préférez-vous que je divulgue au monde entier votre crime ?

-Je répondrai que vous avez conspiré pour renverser l'Empereur...

-Personne...ne croira...un criminel qui plonge l'empire dans une guerre ! Déclara-t-il en articulant chaque mot, créant un impact au gouverneur de Verradien. Voulez-vous perdre votre tête pour l'Empereur ? Si jamais vous tentez de révéler quoi que ce soit et que vous croyez qu'il m'arrivera malheur avant même que j'avertisse mes informateurs, sachez que je leur ai donné un ordre : si je me fais prendre, votre tête roulera dans les prochains jours. Alors je vous le répète, voulez-vous prendre le risque ?

Desnard s'épongea plus que jamais le front, fouilla de son regard toute la pièce, comme pour repérer un éventuel témoin de cette conversation, inspira un bon coup, et sans oser regarder Kelton Follet, il balbutia :

-Entendu, vous m'avertirez des évènements à venir, suis-je le seul à être votre allié ?

-Le premier, oui. Vous serez grandement récompensé à la fin de cette guerre, ne vous en faites pas. Très bientôt, toutes les contrées se soulèveront contre l'Empereur, et cette mascarade prendra fin.

Il avait dit cela en regardant au loin, ses yeux perdus dans ses nombreux projets. Son esprit sembla alors revenir dans son bureau, puis il dit simplement :

-Vous pouvez disposer.

Dresnard ne se le fit pas répéter et quitta la pièce d'une rapidité déconcertante, laissant seul Kelton avec ses projets.

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