Sale
Une semaine. Une semaine que cette horreur continuait de s'amuser avec mon être, aussi manipulable soit-il. Je n'avais pas mis un seul pied à l'extérieur de la ferme, continuant mes cours avec Jimin, ne revoyant ces monstres de chair purulente que dans mes terreurs nocturnes.
L'aurore blanchâtre inondait ma chambre, étreignant mon corps dévêtu dans sa douce et pure lumière. Enroulé dans les draps pâles de mon lit, je touchais ma peau nue, caressant du bout des doigts les marques dans le creux de mon coude. Les cicatrices étaient incrustées dans ma peau tout comme dans mes malheureuses années. Elles ne restaient que rosées en surface, rendant presque impossible de les voir distinctement et d'autant plus impossible d'en connaître l'origine. Alors comment il avait deviné ?
Pensant directement à lui, ma main gauche dégringola sur mon bras pour frôler la brûlure. Quand nos regards se croisaient, elle me picotait violemment, comme une mise en garde ou un mauvais souvenir, je ne savais pas exactement. Dans ces moments-là, une étincelle rougeoyante s'allumait dans ses yeux, une étincelle de colère, une étincelle de haine, une étincelle qui m'embrasait lentement avant qu'il ne brise le contact, soufflant sur les cendres encore chaudes. Je me sentais sale avec toutes ces marques sur le corps, ces marques qui, comme il l'avait si bien dit, parlaient pour moi.
Mes douces caresses se pervertirent en griffures lentes et profondes, marbrant mes bras de traces pourpres.
Je n'avais cessé de pleurer durant ces longs jours. Souvent seul, cloîtré entre les quatre murs de ma chambre. Mais parfois, alors que j'exerçais un énième mouvement dicté par Jimin, j'avais senti les larmes glisser le long des sillons qui creusaient déjà mes joues. Alors, il m'entourait de ses bras musclés en me soufflant de douces consolations dans le creux de l'oreille, il disait que ça irait, qu'on s'en sortirait.
Il n'y croyait pas lui-même.
J'avais demandé à Mei de m'offrir ces fameuses pilules qui faisaient que les cernes qui soulignaient mes yeux s'estompaient de plus en plus. Lorsqu'elle me les avait confiées, son regard s'était teinté de pitié, de compassion.
J'avais eu envie de vomir.
J'étais si minable que ça ? Il fallait que dès qu'un regard se pose sur mon corps, il ne se peigne de cet apitoiement dégoûtant ? Sans doute.
J'avais à peine repris du poids, peut-être un peu de muscle grâce à Jimin, mais mes cheveux noirs d'encre n'étaient toujours pas coupés, recouvrant presque mes yeux et chatouillant la naissance de mon cou. Les phalanges de mes doigts se dessinaient parfaitement, comme s'il y manquait la pulpe et mes orbes portaient cette lueur fiévreuse qui faisait scintiller mon regard.
Mais ce n'était pas le pire de tout ça.
J'avais commencé à être en manque.
Je tremblotais parfois, rêvant de cette douce aiguille qui transperçait ma peau laiteuse. J'avais goûté à tout, sous toutes les formes, mais la sensation de l'aiguille restait la meilleure, grisante.
Parfois j'étais pris d'une angoisse soudaine, de sueurs froides, de courbatures. Tous les merveilleux symptômes qui caractérisaient mon manque. C'était encore contrôlable, mais j'avais peur d'arriver à certain stade où je ne me contiendrai plus.
Je soufflai bruyamment et arrêtai les mouvements que faisaient mes mains aux allures félines, les griffes sorties, lacérant ma peau.
Depuis l'épisode de la cigarette, Taehyung ne m'avait plus adressé une seule fois la parole. Mis à part ses regards meurtriers, il m'ignorait brillamment. Je ne savais pourquoi son attention m'était si importante.
Il m'intriguait.
- - - - - ✵ - - - - -
« - On est arrivés. »
Taehyung laissa le sac choir à ses pieds. Je lui lançai un regard furtif, comprenant très bien qu'il était furieux d'être là.
Namjoon, affirmant à mon plus grand malheur que j'étais prêt pour aller m'entraîner au tir, avait chargé Taehyung de me conduire en pleine forêt et de m'apprendre l'art de défoncer des cervelles en les explosant d'une balle de plomb.
Les arbres étouffaient le ciel et nous entouraient, nous offrant une ambiance intimiste.
Taehyung ne me décrochait pas un mot ni un regard, restant plongé dans ce silence qui lui allait si mal. Je voulais voir ses lèvres bouger, prononcer mon prénom, s'étirer pour dessiner ce sourire dont je n'étais jamais l'heureux destinataire. J'en oubliais presque que le sadisme dont il pouvait faire preuve et toute la haine qu'il éprouvait à mon égard.
D'un bruit métallique, il tira sur la fermeture éclair qui fermait le sac et saisit habilement un revolver. Rapidement, il le lança dans ma direction, et je l'attrapai difficilement, manquant de le faire tomber. Puis, attrapant des boîtes de conserve vides, il s'enfonça un peu plus dans la forêt et déposa les objets rouillés sur une branche assez basse. Il revint à mes côtés.
« - Tire. »
Sa voix grave vibra dans l'air tandis qu'il regardait droit devant lui, fixant les boîtes métalliques.
« - J-je ne sais pas f-
- Tire., me coupa-t-il »
Un léger frisson courra sur ma peau et je lui lançai un dernier regard avant de tendre l'arme devant moi, hésitant. Je désenclenchai la sécurité et glissai mon index jusqu'à la détente. Fermant un oeil, j'essayai tant bien que mal de viser le métal rouillé et sans attendre plus longtemps, tirai. Une lourde déflagration ricocha sur les arbres à l'écorce dévorée pas la verdure parasite. Taehyung ne cillait pas alors que je rouvrais mes yeux que j'avais instinctivement fermés. Les boîtes étaient intactes.
« - Écarte les pieds et contrôle ta respiration quand tu tires. »
Je tournai la tête vers lui. Il ne me regardait toujours pas, fixant les malheureux récipients de métal.
J'exécutai alors ses conseils et espaçai légèrement mes jambes avant de rapporter l'arme dans l'axe des objets.
« - Respire calmement, imagine que c'est un rôdeur, si tu rates, tu meurs non ? Ça serait dommage. »
Je tressaillis sous son ton où l'ironie pourtant évidente ne s'entendait même pas. Je reportai mon regard devant moi, quittant le corps stoïque de Taehyung. Alors, exécutant à la lettre les mots de son sarcasme, un corps déchiqueté se dessina à la place de la boîte de conserve. Un grognement presque réel retentit et mon arme se mit à gigoter. La créature cauchemardesque avançait à une lenteur affolante, mais il m'était impossible de viser. Mon souffle s'accéléra, désobéissant aux conseils de Taehyung. De là où j'étais, je pouvais presque sentir l'odeur putride du rôdeur. Jetant un rapide coup d'oeil à ma gauche, je constatai que Taehyung avait disparu. Je reportai mon regard face au monstre de pus, appelant à répétition, la voix tremblotante, le nom de celui qui devrait être là. Je ne récoltai que des sons gutturaux. Alors, reconcentrant mes sens sur la silhouette déformée devant moi, je manquai de m'étouffer en voyant qu'elle s'était déjà rapprochée de plusieurs mètres.
Bute-le. Bute-le.
Je pressai la gâchette sous la panique.
Tue.
Et plusieurs fois je tirai, canardant l'amas de chair de 5 balles. Parfois, son corps se propulsait légèrement en arrière pour revenir aussitôt à sa position initiale et continuer d'avancer.
C'est lui ou moi.
Et finalement, à la sixième cartouche, la chose s'écroula au sol.
Ma respiration était chaotique et je ne quittai pas du regard le cadavre répandant son sang marronâtre et puant. Mon coeur frappait ma poitrine alors que ma main tremblait violemment, tenant encore l'arme fermement dans ma paume. Mon index frôlait toujours la gâchette, prêt à décocher une balle à n'importe quel moment.
Un mouvement à ma gauche me fit immédiatement réagir et je me tournai, l'arme tendue, enclenchant le système du Magnum.
Je découvris avec horreur le visage de Taehyung, le canon du revolver s'alignant parfaitement avec le haut de son crâne.
Mon doigt pressait la détente.
Un cliquetis métallique résonna.
Ma main tremblait comme jamais elle n'avait tremblé et dans un bruit sourd, l'arme tomba au sol. Les yeux écarquillés, je voyais sans voir. Le visage flou de Taehyung se tenait toujours devant moi, sans séquelles, me fixant de son regard éternellement impénétrable.
Des sueurs froides me faisaient frissonner alors qu'une nausée désagréable serrait ma gorge.
« - T-Taehyung... Je t'ai tué... Tu es mort...»
Sa grande main s'éleva et il vint la déposer sur mon bras.
« - T-Tu es mort...
- Calme-toi Jungkook. »
De lourdes larmes glissèrent sur mes joues.
« - Je t'ai t-tué...
- Je suis là. »
Ma respiration devint sifflante et les larmes ne s'arrêtèrent pas. Renforçant sa prise sur mon bras, Taehyung me tira vers lui. Je m'écroulai dans ses bras, plaquant ma tête dans son cou et mes bras contre mon torse. J'inspirai avec douleur son odeur masculine, alors que mes larmes s'écrasaient contre sa peau.
« - J'ai tellement p-peur...
- Je sais. »
Mes mains se glissèrent autour de son cou et je raffermis ma prise sur son corps. Ses courbes musclées se moulaient presque parfaitement aux miennes. J'aimais me dire que ses doigts balayaient mes cheveux et que la paume de sa main caressait mon dos secoué par les sanglots, mais ses deux bras étaient restés le long de son corps, me rappelant que malgré son moment de faiblesse, il n'oubliait pas son aversion. Mais qu'importait. Sa chaleur rassurante m'enveloppait, sa peau mielleuse se frottait contre mon nez et mes doigts jouaient avec ses cheveux un peu secs. Je n'en demandais pas plus, pour l'instant.
« - T'as besoin de ta dose hein ? »
Ses cordes vocales vibrèrent dans sa gorge, m'envoyant des frissons le long de mon échine.
Alors il a deviné.
J'avais honte. Honte de mes faiblesses, honte de mon corps. Honte de moi. Encore une fois, mes bras se resserrèrent autour de sa nuque.
« - Comment t-t'as deviné...?, questionnais-je, la voix brisée par les larmes.
- T'aurais pas autant perdu les pédales. »
Il savait que ma question était multiple. Elle voulait tout dire et à la fois rien, et il avait choisi de répondre avec facilité, n'argumentant que sur ce qu'il s'était passé il y a à peine cinq minutes.
Un bruissement retentit dans mon dos et je m'apprêtai à me tourner quand la main de Taehyung plaqua ma tête contre lui.
« - Ne te retourne pas. »
Il se détacha progressivement de moi et sa chaleur me quitta. Un bruit caractéristique à une coupe nette et violente précédé d'un son métallique résonna, bientôt suivi par un fracas sourd. Rompant l'ordre de Taehyung, je me retournai progressivement pour découvrir un corps purulent à ses pieds. Il glissa la machette entre sa ceinture et son pantalon et se tourna de nouveau vers moi. Voyant mes yeux rougis accrochés au cadavre, il soupira.
« - Je t'avais dit de ne pas te retourner..., souffla-t-il »
Je ne répondis pas, mon corps toujours secoué par de petits spasmes.
Il se pencha pour attraper le sac noir qui jonchait le sol.
« - On rentre. »
Je hochai lentement la tête, et il me dépassa pour s'enfoncer dans les bois.
- - - - - ✵ - - - - -
Alors que les dernières herbes se mêlaient à l'asphalte abîmé, on quitta finalement la forêt dense. Les semelles des Rangers beiges raclèrent le sol alors qu'au loin, on apercevait le toit abîmé de la grange. Quelques tremblements secouaient parfois mes membres, mais je m'étais globalement ressaisi, rassurant Taehyung d'une inquiétude qu'il n'avait pas.
« - Dépêche-toi, il commence à faire nuit. »
Ce fut les seuls mots qu'il me décrocha après une dizaine minute de marche. Il s'était aussitôt replongé dans son mutisme et son ignorance pesante.
Il accéléra la marche et on arriva rapidement à l'entrée de la ferme. Le soleil se couchait, peignant le décor rural d'une teinte rouillée.
Arrivé au grand portail qui clôturait la ferme, Taehyung frappa trois fois la clôture qui dépassait à peine nos têtes.
« - On est là., annonça-t-il de sa voix rauque. »
Seul un silence lui répondit. Il fronça les sourcils et attendit quelques secondes de plus.
« - Hey ! Y a quelqu'un ? »
Toujours rien.
Taehyung jura et lâcha le sac au sol. Avec de l'élan, il grimpa sur le portail, prenant soin de ne pas s'empaler sur les pieux qui protégeaient la ferme. Il retomba de l'autre côté dans un bruit sourd.
« - Balance le sac. »
Exécutant ses ordres, je le lui lançai non sans difficulté au vu du poids qu'il pesait. Il ne me remercia pas.
Je me retrouvai alors seul, sans défense, à l'extérieur des murs sécurisants de la ferme. Instinctivement, je croisai mes bras sur mon torse, jetant des coups d'oeil furtifs aux alentours.
Pendant une seconde, je crus qu'il n'allait pas m'ouvrir, mais aussitôt un bruit métallique résonna et l'allée gravillonnée s'étendait devant moi. Je m'y engageai sans attendre une seule seconde. Je vis Taehyung trottiner devant moi, le sac rebondissant sur sa hanche droite. Je refermai le portail et le suivis. Il ne m'attendait pas, courant vers la voiture qui s'était garée devant l'imposante maison.
J'essayai de le rattraper.
De loin, je le vis ralentir sa course avant qu'il ne se stoppe laissant l'anse du sac noir glisser sur son épaule et s'écraser au sol dans un son que même une bonne dizaine de mètres plus loin, j'entendis. J'arrivai bientôt à ses côtés, découvrant les visages graves des résidents de la ferme.
Avant de tous reporter leur regard sur Taehyung, ils observaient un homme que je ne connaissais pas, adossé à la carrosserie de sa voiture, avec deux autres jeunes. Ils demeuraient recouverts de sang sec, eux aussi les traits tirés.
Qu'est-ce qui se passe ? Qui sont-ils?
Les inconnus me jaugèrent un instant du regard et cela fut suffisant pour qu'un mauvais pressentiment ne dresse les poils de mes bras.
Je laissai à mon tour mon regard courir sur leurs corps marqués par ces 3 mois. Un seul des trois retint vraiment mon attention. Une barbe sale soulignait son visage patibulaire et il semblait être le leader du trio. Les deux autres étaient tout aussi musclés malgré qu'ils soient plus jeunes, mais n'avaient pas cette prestance et aura qui réveillait mon instinct de méfiance.
Ils rabattirent vite leur regard sur Taehyung, qui n'avait pas bougé depuis mon arrivée. Une lueur que je ne pus traduire passa dans les yeux de l'homme à barbe et il s'appuya davantage sur la voiture poussiéreuse.
Un silence tendu régnait entre nous. Silence bientôt brisé par la voix tremblante de rage de Taehyung.
« - Dites-moi que c'est pas ce que je crois. »
Un silence plana quelques secondes et l'intégralité des personnes baissa les yeux. L'homme au visage inconnu commença :
« - Taehyu-»
Sans laisser lui le temps de finir sa phrase, Taehyung se jeta sauvagement sur lui, lui décochant une droite brutale et sonore.
Ils tombèrent au sol sous les exclamations des spectateurs. Taehyung le roua de coups ravageurs, le bruit des os qui craquaient faisant échos à ses cris de frénésie.
« - ILS NE PEUVENT PAS ÊTRE MORTS !., hurla-t-il, faisant résonner sa douleur dans le plus profond de mon être., TU AURAIS DÛ LES PROTÉGER ! CONNARD ! »
Jimin apparut d'entre les spectateurs immobiles et tira Taehyung en arrière.
« - LÂCHE-MOI JIMIN ! IL LES A TUÉS PUTAIN ! C'EST DE SA FAUTE !
- Calme-toi Taehyung ! »
Les deux acolytes de l'homme le relevèrent, le visage en sang, détruit par les poings de Taehyung.
Crachant du sang, il hurla à son tour :
« - Ils se sont fait bouffer, c'est pas de ma faute !
- TU FAISAIS QUOI HEIN ? TU LES REGARDAIS ? TU TE GRATTAIS L'CUL ?
- J'pouvais rien faire !
- SI ! T'AURAIS PU MOURIR À LEUR PLACE DAEHO ! »
Ledit DaeHo, pris d'une pulsion, voulut se jeter à son tour sur son vis-à-vis, mais fut bien vite stoppé par les deux jeunes qui l'avaient relevé.
« - C'ÉTAIT DES FAIBLES, DE GROSSES TAPETTES ! ILS NOUS AURAIENT TUÉS AVEC LEURS CONNERIES ! DE PAUVRES MERDES, VOILÀ CE QUE C'ÉTAIT !, hurla-t-il alors
- J'VAIS LE BUTER, J'VAIS LE BUTER ! »
Taehyung commença à se débattre entre les bras de Jimin qui lui, le maîtrisait du mieux qu'il pouvait. Ce dernier soufflait des paroles inaudibles à l'oreille de Taehyung qui progressivement, stoppa ses mouvements. Alors, Jimin le lâcha, sachant qu'il ne tenterait rien d'autre.
« - Taehyung, tu verras, leur mort nous sera bénéfique., assura l'homme au visage ensanglanté, calmé lui aussi.
- Va bien te faire enculer DaeHo. »
Il cracha à ses pieds et pénétra la maison grinçante, ne se retournant pas.
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J'suis désolée, ce chapitre est un déchet de l'extrême, il est vraiment pas bon.
Je vous promets que j'essaierai de me rattraper la prochaine fois et que je sortirai quelque chose de plus potable que ce torchon.
à la prochaine <3
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