Rosée

Taehyung avait dormi pendant quatre jours. 

La tête nue et vide, il avait demeuré silencieux et cadavérique pendant ces longues heures. 

Le soleil avait beau eu teinté le grain de sa peau, il avait semblé si éteint. 

Les mouvements de sa poitrine avaient beau eu marqués son souffle, il avait semblé si mort.

Et même les regards empreints de son dégoût et de sa haine me manquaient presque autant que son toucher épineux. 

Mais finalement, au milieu de la nuit d'un jour que je ne connaissais pas, ses paupières s'étaient rouvertes. 

Il était lourdement tombé de son lit, réveillant le groupe qui ne dort que d'un oeil depuis des mois. Aussitôt les pas précipités de Jimin avait fait gémir le vieux parquet du couloir et on aurait presque cru que la porte de la chambre était sortie de ses gonds tant il avait mis de force pour l'ouvrir. Je n'avais pas non plus attendu longtemps pour débarquer dans la pièce, le souffle court et les yeux grands ouverts. 

Taehyung était écroulé au sol, sa paume de main collée contre le haut de sa tête et l'autre se cramponnant au bord de son lit. Dans la pénombre de la pièce, ses yeux brillaient, écarquillés et observateurs du vide. Il paraissait souffrant mais surtout complètement perdu, lointain et désorienté.

Jimin s'était agenouillé à ses côtés, encerclant fort ses épaules tout laissant tomber de chaudes larmes rondouillardes. Il hoquetait bruyamment, soulagé, heureux. 

« - J-j'ai cru que tu te réveillerais jamais. » 

Taehyung n'avait pas répondu à l'étreinte révélatrice de leur amour platonique. Il tentait sûrement de comprendre ce qu'il se passait, pourquoi lorsqu'il passait ses mains sur son crâne, un simple duvet brun se dressait sous ses doigts. Pourquoi ses lèvres étaient sèches et son estomac si vide qu'une nausée aux glaires ardents campait dans sa gorge.  

Mais lorsqu'il avait tripoté les points de suture qui laçaient sa peau, il avait semblé comprendre un peu. 

Toujours à l'entrée de la porte, je m'étais fait brusquement bousculer par ChinHo. Il avait rejoint Jimin et son fils, tombant à son tour sur ses genoux. Le premier arrivé s'écarta immédiatement, laissant au père l'intimité qu'il méritait. Alors ChinHo l'avait enlacé fort, toujours sans que le convalescent n'exerce un simple mouvement d'amour. 

« - Mon fils, mon fils..., incantait-il sans s'arrêter. » 

Jimin s'était finalement relevé et s'était dirigé vers moi, les lèvres tremblotantes et la goutte au nez. Il s'était collé à mon torse, passant ses bras autour de ma taille pour me serrer avec puissance. J'avais alors caressé ses cheveux chatouillant mon menton et l'avais légèrement bercé, me balançant d'un pied sur l'autre.

« - Il s'est réveillé, t'as vu Jungkook, il va bien il s'est réveillé., il avait soufflé contre le coton de mon t-shirt. » 

Oh oui, j'avais bien vu. 

Car par-dessus l'épaule de son père et par-dessus celle de Jimin, on s'étudiait, se dévorait, se contemplait, se parlait, se caressait, se mordait, s'insultait, s'embrassait, prunelles brûlantes et humides. 

- - - - - ✵ - - - - - 

On ne pouvait pas dire qu'une tension sexuelle s'était installée entre les deux protagonistes, mais une réaction étrange et chimique animait l'air et le corps quand ils se croisaient. Quelque chose d'un peu magnétique et de curieux. 

C'était Taehyung qui s'était le plus métamorphosé. Surtout son regard, Jungkook dirait. Il était beaucoup plus méfiant et une lueur intriguée y brillait sans cesse. Rien n'enlèvera encore cette teinte de dégoût, mais c'était déjà une petite évolution.

Jungkook, lui, semblait un peu plus confiant dans son angoisse. Il « gigotait » toujours, cauchemardait sans s'arrêter et vomissait encore parfois, mais déjà, sa peau prenait davantage le soleil et on arrêtait de le comparer à un fantôme. Aussi, sa récente coupe bien que désastreuse dégageait sa nuque et ses épaules et mine de rien, il semblait plus approchable qu'auparavant, enfin débarrassé de sa cabane de cheveux. Il arrivait qu'il sourît discrètement, sans montrer les dents.  Dans ces moments-là, Jimin l'observait longuement et tout son visage s'illuminait plus qu'il ne l'était déjà. Jungkook se disait qu'il devrait parfois se forcer un peu juste pour voir cela plus souvent. 

D'ailleurs, Jimin passait beaucoup de temps avec lui maintenant. Il l'aidait à penser à autre chose et lui donnait des nouvelles de Taehyung qui se remettait au fur et à mesure.

Ce dernier avait été séquestré dans sa chambre pendant deux jours, le reste du groupe voulant qu'il se repose et qu'il recouvre toutes ses forces. Et finalement, après ces longs jours où on ne l'avait pas vu pointer le bout de son nez, Namjoon l'avait autorisé à sortir un peu, prendre l'air quelques minutes pour aussitôt se cloîtrer de nouveau dans sa chambre de malade. 

C'était là où il avait vu le changement. Quand il l'avait observé par sa fenêtre lors de ses balades de quelques minutes, et que Taehyung avait levé son visage pour croiser leurs regards. Il n'oubliera jamais ô combien les vagues de frissons qui l'avaient assailli à ce moment-là étaient fracassantes.  

Puis finalement, Namjoon avait décidé de convier tout le monde à petit-déjeuner ensemble, le matin suivant. 

Jungkook était partagé. 

Il mourrait d'envie de revoir Taehyung sans fenêtre ni pénombre pour l'empêcher d'étendre le bras et d'effleurer sa peau maladive. D'y recroiser ces prunelles qui avaient changé,  se faire un peu de mal en se laissant observer avec repoussement, mais s'impatienter d'y voir la curiosité y briller et enfin admirer un peu honteusement la marque qui happait son cou. 

Et puis d'un côté, lui qui n'avait pas non plus quitté sa chambre une seule fois après que Taehyung se soit réveillé, il avait un peu peur. Du regard des autres, de leur réaction, de revoir la pleine lumière du jour et observer ses mains qui tremblent. Jimin l'avait pourtant poussé à sortir de cette maudite pièce qui sentait le renfermé mais il était tout simplement terrorisé. Après tout, si Taehyung était dans cet état, c'était aussi un peu de sa faute ; il avait complètement pété un câble cette soirée-là. 

Il lui restait quelques heures pour décider si oui ou non, il se mêlerait aux paires d'yeux jugeuses. 

Perdu dans son débat intérieur, il n'entendit presque pas les trois légers coups sur sa porte. 

« - Jungkook ? Tu dors ? » 

Reconnaissant la voix fluette de son ami -il aimait se dire que ça l'était-, il s'extirpa de ses draps et alla ouvrir la porte. 

La silhouette familière de Jimin se découpa dans la pénombre matinale du couloir, il lui souriait doucement, l'air fatigué. 

« - Je peux rentrer ? » 

Jungkook s'écarta seulement de l'encadrement de la porte et laissa Jimin pénétrer sa grotte d'ermite. 

« - Je te réveille ? 

- Non, je réfléchissais. » 

Jimin hocha la tête, et se coucha dans le lit du noiraud. Il soupira, se frotta les yeux et attrapa un coussin entre ses jambes et un autre entre ses bras. Il avait l'air d'un petit enfant, recroquevillé contre les draps en serrant fort les oreillers comme des doudous. De vilains cernes creusaient le dessous de ses petits yeux. 

« - T'arrives pas à dormir toi., constata Jungkook.

- Hmm. Je peux pas m'empêcher de penser à des trucs pas cool du coup j'ai un peu de mal. Et puis je me suis dit que tu dormais sûrement pas alors je suis venu. » 

Jungkook enfila un léger pull et alla s'asseoir au rebord de sa fenêtre. 

« - Tu penses à quoi ? » 

Jimin hésita quelques secondes puis haussa les épaules. 

« - Des trucs. » 

Un léger silence s'installa entre les deux hommes. Au loin, dans les couloirs, on entendait un lit grincer, rythmique rapide et brusque. Parfois, quelques cris d'amour passaient la barrière de ces pauvres murs en feuille de cigarette et ponctuaient la mélodie grinçante du vieux meuble.

« - Et bah ça baise dans le coin., souffla Jimin. » 

Cela gêna Jungkook, parce qu'entendre un couple faire l'amour, c'était toujours un peu embarrassant, surtout en présence de Jimin et de ses remarques ; mais il ne pouvait pas s'empêcher de se demander qui pourraient bien être ces adeptes du plaisir charnel.

Curiosité malsaine, dirait-on. 

Jimin roula sur le matelas pour faire face à Jungkook. Il l'observa un moment et se dégagea de l'oreiller pour que Jungkook l'entende souffler : 

« - T'as repris un peu de poids. » 

Jungkook ne regarda même pas son corps car il se doutait que lui n'y verrait qu'une carcasse semblant étrangère. 

« - Sûrement. »  

Le noiraud lui sourit tendrement car il savait que Jimin était rassuré par sa prise de kilos. Il est vrai que quelques semaines plus tôt, on aurait pu croire qu'il allait s'envoler au moindre coup de vent. 

« - Tu viens manger avec nous ce matin ou tu restes dans ta chambre ? 

- Je sais pas encore. 

- Viens, Jungkook. Je comprends pas ce qui te fait peur à ce point. » 

Jungkook quitta le regard de son ami pour le plonger dehors. Il haussa les épaules. 

« - C'est compliqué Jimin. » 

Il entendit l'autre glousser. 

« - Cette excuse de merde ; le « c'est compliqué » à la Jungkook. Belle esquive. » 

Le noiraud retint un maigre sourire et il rapporta ses yeux sur Jimin lorsqu'il soupira longuement. 

« - Et puis même, je suis là s'il t'arrive quelque chose., insista Jimin. » 

Il se redressa en position assise sur le matelas. 

« - Namjoon, Yoongi, Jaewon, Mei, Lily, Taehyung, ils sont tous là. » 

Aussi prévisible et minable que cela puisse paraître, lorsque les syllabes de son prénom avaient roulé sur la langue de Jimin, le corps de Jungkook se banda comme un arc.  

C'était loin d'être passé inaperçu aux yeux de son vis-à-vis et Jungkook l'accusait presque de l'avoir fait exprès. 

Il s'exclama finalement :

« - Raaaah , mais je comprends rien ! Pourquoi est-ce que vous vous tendez comme des strings dès que je parle de l'un ou de l'autre ? Il se passe quoi à la fin ? » 

Déglutissant, Jungkook détourna le regard et contempla le soleil levant. Les rayons se réfléchissaient contre les milliers de perles d'eau, progénitures d'une délicate rosée. 

Dans les mots de Jimin, il entendait sa faiblesse et son espoir. 

Vous ?  

Est-ce que Taehyung subissait ces mêmes spasmes incontrôlables quand son propre prénom vibrait dans l'air ? 

Si la réponse était oui, il ne savait pas trop quoi en penser. 

« - Jungkook ? » 

Sans quitter du regard le paysage, le noiraud acquiesce en grondant. 

« - Il y a quoi entre vous deux ? » 

Il contemplera ciel et herbe clochette, 

Tornade désagréable dans la tête.

Il se perdra lui-même,

Béat dans l'illusion qu'on l'aime.

Jungkook ne répondit pas. 

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