Chapitre 5 - Le sacrifice inattendu
Anna semblait ravie.
La soirée était charmante. Ils dégustèrent les produits rapportés par Laure, accompagnés des vins extraordinaires qu'avait sortis Ludovic de l'immense cave du manoir.
Axel se surprit à se dire que lui aussi pouvait avoir ce genre de vie s'il le voulait.
Il lui suffisait de penser dans sa tête « Asmodée, la malle du Diable », de descendre signer le contrat et...
Mais quel nom aurait-il donné au Démon ? Qui aurait-il pu envoyer à la mort en échange des largesses promises ?
Il y avait bien cette vieille chouette de tante Claire... Elle était veuve, âgée...
- Détends-toi, Axel ! lui dit Ludovic en le tirant de ses pensées. J'espère que tu ne penses pas à des choses désagréables. Reprends un peu de ce caviar, je vais te redonner du champagne. La vie est belle ! Qu'as-tu pensé de la Mac Laren, au fait ?
Anna répondit à sa place :
- Une merveille, dit-elle, ça c'est une voiture ! Et au moins, on accélère ! En plus, tout le monde nous regarde. Et puis ce bruit, c'est envoûtant...
Elle éclata de rire, et Laure aussi.
Axel comprit que le champagne faisait son effet.
Minuit arriva très vite. Il fallut bien rentrer.
Le lendemain, la vie allait reprendre son cours morose : galères, boulot.
Quelques jours passèrent.
Axel n'arrivait pas à prendre une décision.
Il avait toujours été l'honnêteté personnifiée. Aussi, sacrifier sa tante... Il ne pouvait s'y résoudre.
Le samedi matin qui suivit, le téléphone sonna :
- Axel, c'est Ludovic. Comment vas-tu ?
- Moyen.
- Tu as pris ta décision, alors ?
- Non, je ne sais pas quoi faire.
- Réfléchis encore un peu, Asmodée attendra. Dis-moi, un petit tour en avion ce soir, ça vous dirait, avec Anna ?
- En avion ? Mais quel avion, et pour aller où ?
- Ecoute, il y a une soirée à l'opéra de Vienne, Cosi fan tutte, de Mozart. Laure adore cela. On pourrait y faire un tour, c'est à 20 heures, et après, on va dîner. Je vous invite.
- Attends...
- Tu es libre ? Ca te dit ? Appelle Anna.
Cette fois encore, Anna dit oui tout de suite.
En fin d'après-midi, Ludovic et Laure passèrent les chercher avec la belle berline qu'Axel avait vue au manoir, et ils se retrouvèrent à l'aéroport.
Un petit jet les attendait. C'était un avion qui pouvait accueillir une douzaine de passagers et il était aménagé avec tout le confort.
Le pilote les salua, ainsi qu'un homme qui faisait office de stewart.
- Qu'est-ce que c'est que cet avion ? demanda Axel, il est à toi ?
- Ne t'occupe pas de cela, dit Ludovic, profite un peu de la vie.
L'avion volait vite. Ils ne mirent pas longtemps pour rejoindre Vienne.
Anna et Laure semblaient beaucoup s'amuser. Elles étaient très complices et riaient sans cesse.
Axel se dit qu'il n'avait jamais vu son épouse aussi gaie que depuis qu'ils fréquentaient Ludo et sa compagne.
Il la sentait cependant de plus en plus distante de lui et, à plusieurs reprises, il l'avait surprise à le regarder d'un air songeur alors qu'elle croyait qu'il ne la voyait pas.
Quand elle s'était vue découverte, à chaque fois elle en avait paru gênée.
A quoi pensait-elle ? Elle ne pouvait être au courant de la proposition d'Asmodée, pourtant !
Lui en voulait-elle de ne pas avoir été capable de lui offrir une vie pareille ?
Il allait vraiment falloir qu'il se décide...
L'opéra de Vienne, le Wiener Staatsoper comme avait dit Laure, était magnifique.
Ils assistèrent à la représentation de l'œuvre de Mozart. Il s'agissait d'une soirée prestigieuse et visiblement, tout le gratin de Vienne était là.
Puis ils prirent un taxi et se retrouvèrent dans un des plus beaux restaurants de la ville, le Rathauskeller, où ils dînèrent somptueusement. Bien sûr, Ludovic avait réservé la table. Il semblait ne reculer devant aucune dépense.
L'avion les ramena à l'aéroport tard dans la nuit. Puis Ludovic, comme à l'aller, les déposa à la maison.
Lorsqu'ils se quittèrent, Axel remercia chaleureusement Ludovic pour cette sortie peu commune :
- Je ne sais pas comment te remercier, lui dit-il.
- Ne t'en fais pas, lui dit Ludovic, je me considérerai comme remercié dans la journée de mardi.
- Mardi ? Je ne comprends pas...
- Ne t'en fais pas, te dis-je, tu auras de mes nouvelles mardi.
Axel vit de nouveau dans ses yeux cet étrange éclat de braise.
Sur ces paroles énigmatiques, Ludo démarra et disparut dans la nuit, Laure à côté de lui.
Du coup, Anna et Axel passèrent le dimanche à la maison tranquillement, car ils s'étaient levés tard.
Au bureau, le lundi fut pénible car le patron d'Axel, préoccupé par une baisse du chiffre d'affaires, fut proprement infect.
Il rentra à la maison assez tard.
Anna n'était pas rentrée. Il trouva cela bizarre : d'habitude elle rentrait bien avant lui.
Puis il remarqua à certains détails, comme la présence de sa sacoche, qu'elle n'était de toute évidence pas allée travailler.
Il était en train de se demander quelle en était la raison lorsqu'elle entra soudain, les bras chargés de paquets et de sacs.
- Mais, tu n'es pas allée travailler ? lui demanda-t-il.
Elle ne répondait pas. Il remarqua alors qu'elle portait une robe magnifique qu'il ne lui connaissait pas et réalisa que les paquets venaient de boutiques de luxe. Elle posa sur la table un superbe sac à main de grande marque.
- Qu'est-ce que c'est que tous ces achats ? Prada, Vuitton, tu es devenue folle ou quoi ? Et pourquoi n'es-tu pas allée au travail ?
- Mon pauvre Axel, décidément, tu ne comprendras jamais rien, lui dit-elle d'un ton venimeux.
C'en était trop pour cette journée. Il décida d'aller prendre une bonne douche et de se servir un verre pour se calmer. On éclaircirait les choses ensuite...
Il se doucha, un peu calmé, et saisit une serviette pour se sécher.
C'est alors qu'en se regardant machinalement dans le miroir de la salle d'eau, il vit la tache, une grosse tache rouge sur son omoplate gauche.
La tache rouge d'Asmodée !
Il se rua hors de la salle de bains, mais Anna avait disparu.
Ludovic, lui, était dans la cuisine.
- Elle n'a pas de famille, elle n'avait que toi à désigner, Axel, dit-il d'un ton lugubre.
- Mais comment... qui l'a mise au courant, c'est toi ?
- Il fallait te décider, Axel. Asmodée lui a juste dit que tu ne signerais pas le contrat. Elle l'a cru. Dès lors, il n'a pas eu beaucoup de mal à la convaincre d'en signer un... Si elle veut renouveler son bail dans 10 ans, il lui suffit de se remarier.
- Mais, c'est toi qui l'a mise au courant, tu l'as fait Ludovic ?
- Oui, elle est descendue dans la malle. Et cesse de m'appeler Ludovic. Tu as vraiment cru que ce pauvre Ludovic avait pu changer à ce point ? Ah ah ah, tu es pitoyable.
Axel s'écroula sur une chaise, anéanti.
- Mais alors, qui es-tu ? demanda-t-il.
- Asmodée prendra livraison de ton âme demain matin et me la servira pour mon repas du soir, dit-il avant de disparaître.
__________
FIN
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