5. La petite Grenade Explosive

  Les deux s'éclipsent vers un couloir exigu. Olive s'arrête devant une porte dont la pancarte en bois accrochée à celle-ci indiquait le mot « TOILETTES ». On ne pouvait pas faire autant plus explicite.

  — Quand tu as fini, lave-toi les mains dans la salle de bain. Elle est sur la deuxième porte, à ta droite. Le robinet de celle-ci à un petit problème, il faut qu'on appelle quelqu'un pour le réparer.

  — D'accord, merci.

  — De rien.

  Alors qu'elle lui donnait son dos pour revenir au salon, Johan lui attrape la main. Il avait l'impression d'avoir du velours qui caressait la paume. Le garçon était tellement émoustillé que sa voix s'imprégna d'une teinte suraiguë lorsqu'il prononça son nom. Elle se contenta de répondre par un petit ronronnement que son cerveau associait maladroitement à un gémissement.

  — Est-ce que ça va ?

  — Oh... fit-elle suivit d'un profond soupir. Ne t'en fais pas, j'ai l'habitude.

  — Tu es sûre ?

  — Mais oui, t'inquiète ! dit-elle en lâchant un sourire.

  Elle approche son visage du sien avant de piquer le bout de son nez avec son index.

  — Je savais pas que tu pouvais être aussi... chou.

  — Hein, balbutie Johan. M-mais non ! J'ai vu que t'as fait une tête bizarre. Je voulais savoir si c'était à cause d'elle, c'est tout !

  Il recule et ferme la porte comme pour se cacher.

  « Mais attends, Johan. Tu es noir, elle peut pas voir si tu rougis »

  Il attend encore quelques minutes cloitré, pour être sur d'entendre ses pas s'éloigner. Le bruit de ses pieds embrasser le sol. Tout ce pourquoi il avait demandé initialement à rejoindre les quatre murs intimes de ces toilettes.

  Bien qu'il n'avait pas eu le temps de prendre une photo, cette image était comme « imprimée » dans son esprit. Il voyait chaque contour de ses orteils, chaque forme galbée de voûte plantaire se dessiner peu à peu dans sa tête, à l'instar d'un cliché fraîchement sortie d'un Polaroïd.

  Il se laisse porter par toute cette pression qui l'assaillit. Johan sentait comme des picotements lui traverser la peau. Une sueur froide lui attrapait les aisselles et dessinait des auréoles sur sa belle chemise. Pas question de la salir, il l'accroche à la poignée avant de s'asseoir sur la cuvette.

  Perdu dans ses pensées, les murs deviennent noirs. La scène de la table basse se répète encore et encore dans son esprit. Le cliquetis de sa ceinture cède à la pression de son entrejambe, Johan baisse son pantalon.

  Pendant qu'il commence à ressentir cette sensation agréable, une sorte de crie strident se met à percer les murs. Le voile sombre qui le cerclait autrefois se dissipe. L'image des pieds en éventail sature. Johan ouvre brusquement les yeux avant de se relever. Il enfile son pantalon et colle son oreille contre la porte.

  « C'est moi ou y a quelqu'un qui est en train de regarder un putain de porno ? »

  Il ouvrit lentement la porte, au point où on ne pouvait que discerner une feinte de lumière dans le couloir. Le bruit venait de la porte situé juste à sa droite. C'était un gémissement de jeune femme. Pendant que Johan rêvassait sur la cuvette, il songea initialement que c'était le fruit de son imagination qui le faisait imaginer le son de la voix d'Olive. Cela n'était aucunement le cas.

  Le garçon ouvre complètement la porte avant de marcher sur la pointe des pieds jusqu'à celle de droite. Il tente d'enfiler sa chemise tout en gardant une oreille collé à l'autre porte. Des bruits de succion assaillissent les murs et s'échappent au-dessous de la porte. « Soit la personne mettait ses vidéos sur une enceinte de soirée, soit quelqu'un était véritablement en train de se faire pomper » pensait alors Johan qui n'en revenait pas.

  Il essaye de se concentrer sur le bruit. Ça s'intensifie, il accélère.

  « Raah, enfonce-toi dans ta mère là ! » Johan tente de garder l'ouïe scotchée à la porte pendant qu'il appuie sur le bouton de sa manche. Il se rendit compte qu'il venait de cogner son coude contre la porte, trop tard pour la jouer discret. La porte venait de s'ouvrir et Johan tomba nez à nez avec une petite silhouette penché sur un bureau.

  — Putain de bordel de chiotte !

  La silhouette en question ne devait pas faire plus d'un mètre cinquante cinq. Johan songea d'abord à une enfant avant de constater le corset en cuir qui épousait ses petits seins et son fessier à peine rebondi. Au moment où son regard perçant heurta les yeux exorbités de Johan, elle lâcha les menottes sur son bureau et ôta de sa bouche le bout d'une sorte de matraque noire. Elle essuie les filament de bave qui se tissent comme des toiles aux abords de ses lèvres d'un revers de main.

  — Mais t'es qui toi, espèce de pervers ?! gronde la petite fille avant de fermer l'écran de son ordinateur.

  — Hein, moi ? J'étais juste parti chier ! Promis, je ferai comme si j'avais rien vu !

  « Que se passe-t-il, ma petite Grenade Explosive ?! »

  Johan sursauta. Une voix tremblotante, presque étouffée, s'émana de nulle part. Il avait beau fouiller du regard tous les recoins de la pièce, il ne voyait personne. En voyant qu'il était surpris par la voix qu'il venait d'entendre, la jeune fille maintenu son regard face à lui. Il entendit un simple bruit de clapet. Elle venait de fermer le MacBook Air sur son bureau, posté juste à côté de sa matraque baveuse.

  Avant même qu'il n'ait le temps de lui placer un mot, elle claqua la porte au nez de Johan. Il resta pendant quelques secondes à fixer la porte dans le vide avant de se résilier à longer le mur jusqu'au salon. En faisant demi-tour, il avait comme l'impression de d'avoir entendu sa petite voix suraiguë pousser des jurons derrière les quatre murs de sa chambre.

  — Où est ma Lucinette ?! tempêta une voix dans la pièce. Où est mon petit bébé ?

  « J'espère qu'elle ne parle pas de la naine qui était habillée super sexy dans l'autre chambre » pensait alors Johan qui n'arriva pas à dissimuler un sourire en coin.

  La grosse tante Marie-Lise venait de faire, elle aussi, irruption dans le salon. Elle portait toujours des moufles, son tablier cachant difficilement ses poignets d'amour qui ressemblaient davantage à des bouées.

  — En train de faire des TikTok dans sa chambre, pour ne rien changer, soupira Olive. Tu avais dit à ta petite fille qu'on devait toutes rester au salon pour accueillir la famille, elle s'en fiche, comme d'hab.

  — Qu'est-ce que tu racontes, encore ?! Ta grande sœur et toi n'avez même pas enfilé une tenue descente pour diner ! Vous croyez peut-être que vous allez vous asseoir avec vos mini-shorts de dévergondées avec toute la famille ?!

  L'oncle Hector manque une respiration et commence à tousser. Il continue pour masquer les paroles de la tante Marie-Lise à ses trois filles qui regardaient Raiponce sur leur iPad.

  Olive lâche un soupir en voyant la défense implacable que sa mère venait de lui asséner pour prendre la défense de la même peste pourrie gâtée qu'était sa petite sœur. Elle se lève et croise Johan à l'entrée du couloir. Une palpitation attrape le garçon quand, dans le couloir exigu, le pied nu d'Olive marche sur sa chaussure par inadvertance. Malgré sa paire de Adidas Stan Smith, il arrivait à sentir la douceur du dessous de pied de la jeune fille.

  — Excuse-moi, chuchote-elle entre deux râles à l'encontre de sa mère.

  — Oh, t'inquiète. Y a pas de soucis.

  Pour calmer son érection, Johan se força à tourner le regard sur la tante Marie-Lise qui venait de faire la bise à l'une de ses sœurs – ou plus exactement, elle donna un grand coup de sa grosse mâchoire carrée contre la pommette osseuse de la nouvelle tante qui faisait irruption dans le salon.

  Derrière la maigre femme qui pouvait passer par la fente de la porte d'entrée, la suivait un garçon qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau. À la seule différence qu'il arborait des locks aussi impressionnante que la chevelure de Samson et qu'il avait une barbe en friche mal rasé de plusieurs semaines. Ses yeux étaient aussi rouges que le sang et il avait un regard presque endormi. La croix chrétienne tatouée sous son œil gauche n'annonçait rien de sain chez ce type.

  Johan arrivait à sentir l'odeur de cannabis qui nimbait son polo Lacoste alors qu'il était à quelques mètres de lui, mais ça n'avait pas l'air de déranger la tante Marie-Lise ni les vingt autres membres de la famille présent dans le pièce. Ils se mirent tous à les saluer en chœur d'un timbre de voix claironnant – tout l'inverse de l'accueil qui lui avait été réservé.

  — C'est qui le gros pédé qui a griffé ma voiture ?

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