3. La timide du bar

  Une fois dans le bateau, l'odeur nauséabonde du sel marin, qui mijotaient dans son estomac une envie de vomir, s'envola. Johan prenait davantage le goût de la sueur des jeunes filles qui s'alcoolisaient devant lui, ou encore du champagne qu'on était en train de verser sur les fesses bombées d'une qui twerkait au beau milieu de la partie inférieure du yacht.

  — Touche même pas avec les yeux, lui gronde Yann. Je connais bien sa mère, c'est la marraine de mon grand frère.

  — Roh, tu vas pas me dire que le mec qui est en train de lui balancer du champagne dans les fesses n'est pas son cousin, son frère ou une autre connerie du genre ?! grommèle Johan.

  — Bah c'est son mec et il ne vient pas d'ici. Je suppose que oui, du coup.

  — Mais dis-moi que c'est une blague. Y a littéralement aucune fille bonne que je peux mater sans me dire qu'elle est probablement de ma famille !

  Johan s'assieds sur des sièges en cuir aux abords d'un SPA avant de prendre une grande inspiration.

  — J'ai envie de me mettre une race, pas toi ?

  Yann le regarde un moment, dubitatif, avant d'achever par un grand sourire.

  — Je sais ce qu'il nous faut ! Reste-là ! Je vais nous concocter un planteur du feux de Dieu ! s'écrie Johan.

  De loin, Yann lui fait simplement un signe de main afin de lui indiquer le bar.

  Une dame à la corpulence d'un réfrigérateur commençait à le toiser avant de lui demander ce qu'il voulait.

  — Tu es l'enfant de qui ? demande la voix criarde.

  — Je suis le fils de Christine Rasa... Dorade, se reprit alors Johan en secouant de la tête.

  — Christine ?! Ça doit faire cinq ans que je ne l'ai pas revu ici ! s'exclame la vieille dame pendant que son rictus monotone laissait place à un visage illuminé.

  Elle penche sa carcasse au dessus du comptoir en bois et se met à pincer les joues de Johan avec ses doigts dodus. Le garçon se découvrit une peau élastique par la même occasion.

  — Ça alors, tu ne lui ressembles pas du tout ! On dirait un indien.

  — Oui, oui, j'ai tout pris du côté de mon père. On me le dit souvent, balbutie Johan qui commençait à suer de gêne.

  — Qu'est-ce que je te sers, alors ? Fais-toi plaisir !

  — Euh... euh, bien, je dirais... un...

  — Quoi ?! Tu veux un peu d'alcool ? Je ne vais pas le dire à ta maman si tu n'en abuses pas ! ricane-t-elle avant de lui donner une tape à l'épaule.

  — Non, non ! Je ne m'inquiétais pas, menti Johan. J'étais en train d'hésiter entre une bouteille d'eau et... un planteur...

  — Pour la victoire de Livan, ça sera un planteur ! Et avec sa spécialité : rhum blanc, sucre, desperados red, ananas, citron vert, goyave et fruit rouges !

  « Tiens ?! C'est exactement le mélange que j'ai l'habitude de faire »

  — Parfait ! Ça me fera combien ?

  — Roh, pas de ça ici ! ricane la vieille dame avec son timbre de sorcière. Je ne vais quand même pas faire payer au fils de Christine un petit malheureux punch planteur.

  — Ça-ça en fera deux... pour moi et mon cousin. M-merci.

  — Mais de rien ! Tu peux m'appeler tatie, nous sommes de la même famille, tu sais !

  Surpris, il se contente de gratter sa tête pour dissiper le sentiment de gêne qui l'envahissait pendant que la dame se retourne pour préparer les verres. Johan se retourne, comme pour ne pas se contenter d'observer bêtement la tatie lui concocter ses verres. Il balaye le yacht du regard. De droit à gauche. Jusqu'à...

  — E-excusez-moi... c-c'est bien ici qu'on sert l'alcool ?

  Johan écarquille des yeux. Il songe d'abord à une enfant lorsque la voix s'émane dans son dos. Elle sonnait toute douce, innocente. Une fille qui lui arrive au niveau des épaules peine à s'avancer pour s'appuyer sur le comptoir.

  — Parle plus fort ! gronde la tatie. Je n'entends rien de ce que tu dis !

  Son grand front commence à perler quelques gouttes de sueurs. Pendant qu'elle tripote ses mains, Johan lui remarque une manucure parfaitement limée. Ses lèvres pulpeuses se retroussent alors qu'elle tente de se pencher davantage. Elle s'étouffe pendant qu'on entend un raclement de gorge.

  — Elle demandait juste un petit truc à boire, rien de méchant, répète Johan qui arrive à sentir son angoisse.

  — Ah ouais ? Tu veux quoi ? aboie la dame.

  La jeune fille, déjà les sens en alerte, évita un filet de postillon de la bouche de la tatie en se penchant par la droite. Son front frôle l'épaule de Johan. Une odeur de vanille l'étreint par la gorge.

  « Oups, pardon ! » Elle pose une main sur le bras de Johan comme pour s'excuser. Une palpitation vient lui couper le souffle pendant qu'il prend son inspiration.

  — Une Despérados Red, s'il vous plaît ! dit-elle.

  — Tu as des bons goûts, toi.

  — Merci.

  « Wow, bah dis que je te dérange aussi ! Y a pas à être aussi sec ! J'aurais mieux fait de me taire, va » pense alors Johan pendant qu'il observe le visage rigide de la jeune fille.

  Il se retourne et tente de la scruter discrètement sur les côtés. Son short mayonnaise donnait l'impression de dessiner un galbe fessier particulièrement petit mais ferme. Elle ne portait qu'un haut de bikini de la même couleur qui ne laissait pas paraître ne serait-ce que la naissance de sa poitrine tant ses seins étaient petits.

  « Hmm... une petite skinny chic » comme il s'attelait à les renommer.

  Il se penche un peu plus bas et...

  « Ô, mon Dieu ! Ne me dites pas que c'est ce que je vois ? Ils sont magnifiques ! »

  — Qu'est-ce que tu regardes ?!

  « Giiih ! » grimace alors Johan. Il se gratte à nouveau l'arrière du crâne avant d'oser la regarder dans les yeux.

  — Rien, rien... je... je regardais si mon cousin Yann était derrière moi. Comme... comme j'ai prit les tequilas... des planteurs, pardon ! Des punchs planteurs !

  — Attends, tu parles de Yann ? Yann Murène ?

  Son timbre de voix agressif se dissipait. Johan fronce des sourcils sans comprendre se revirement d'humeur.

  — Tu le connais ? demande Johan.

  — Il est où ? Ça fait tellement longtemps que je ne l'ai pas vu ! disait-elle, le sourire aux lèvres.

  Il arrivait à voir ses toutes petites dents se dessiner sur son sourire pour la toute première fois. Ce n'était pas le plus beaux qu'il ait vu jusqu'à présent, mais ça restait mignon.

  — Ça te fera sept euros ! l'interrompit la tatie en faisait glisser la bière sur le comptoir.

  La jeune fille sorti sa carte avant de la passer en sans contact sur la machine. Sans dire un mot, elle attrape sa despérados et la dévisage d'un regard noir. Johan, quant à lui, se contenta d'un timide « merci, tatie » avant de repartir les mains chargés de ses deux verres de punch planteurs.

  Johan essaye de se concentrer pour semer un chemin entre toutes les personnes qui s'enjaillaient autour de lui sans faire tomber les verres qu'il avait entre les mains. Il arrive encore à sentir l'odeur de vanille. La jeune fille au bikini mayonnaise était dans son dos.

  — Ça alors, je ne savais pas que vous vous connaissiez ! Il doit être super grand, maintenant.

  — Euh, pour ça... ricane Johan. Tu jugera par toi-même.

  — Comment vous vous connaissez, tous les deux ?

  — Les repas de famille, je crois. C'est un de mes cousins.

  — Ça, alors ! Moi aussi, c'est mon cousin !

  « Ne me dites pas que... »

  — Si ça se trouve, on est cousins aussi. Tu ne penses pas ?

  — Je ne connais même pas ton prénom, lui assène Johan en s'arrêtant brusquement. Je pense que si on était apparentés, toi et moi, ça ferait bien longtemps que ça se saurait, non ?

  — En vrai, c'est possible. Ça doit faire à peine une semaine que je suis revenue en Martinique. Et dès que j'ai mis les pieds ici, ma mère m'a expliqué que tous les gens qui vivaient dans le quartier étaient nos cousins.

  — Ma mère m'a dit la même chose, lâche Johan d'un profond soupir. Mais je n'y crois pas. C'est impossible qu'on soit tous de la même famille, enfin ! Ça n'a pas de sens.

  — Tu ne connais pas les gens d'ici, toi non plus ?

  — Mes parents viennent à peine de divorcer. On a été obligé de revenir ici après que mes darons aient décidé de vendre la maison qu'on avait sur Améthyste. J'ai pas du tout l'habitude de ce quartier.

  — Au moins on est deux. Après, je viens de Nouvelle-Calédonie. Comparé à toi, j'ai vraiment été coupée du monde, disait-elle sur un ton presque niais.

  — Je comprends mieux pourquoi la dame du comptoir te regardait aussi mal ! ricane Johan. Elle devait se demander d'où tu sortais pour venir parasiter le yacht de l'autre con.

  Une fois arrivés au niveau des sièges en cuir, Johan pose les punchs sur la petite table en bois qui dessert en face. Yann était debout, penché sur le rebord du yacht, en train d'observer quelque chose à la surface.

  Un garçon venait de prendre panne sur son jet ski, juste à côté du yacht de Livan. L'un des concurrents à la course nautique de la catégorie Jet Ski venait d'apparaitre.

  — Tu feras mieux la prochaine fois, Carl ! lui hurle son frère. Bouge pas, je vais demander à Livan de t'envoyer une bouée.

  — Alors, là ! grommèle le garçon. Je préfère encore me noyer ici.

  Yann se retourne et commence à chercher Livan du regard, il tombe nez-à-nez avec la jeune fille.

  — Ça, pour une surprise !

  — Tu me reconnais ? dit-elle en lui attrapant les mains.

  — Olive ! Ça, alors... ma cousine est devenue une femme.

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