20. Touché-Coulé

  Le vacarme venait de réveiller Layana. Elle traîne son doudou sur le sol et baille en frottant ses yeux.

  — M'man ? M'man ?

  — LAYANA ! hurla Adrian en posant un pied sur sa balustrade. T'inquiètes pas, tonton est là ! Il va t'emmener loin de ce gros pédophile de merde !

  — Surveille ton langage devant la petite ! gronda Coralie. Tu vois pas que tu lui fais peur.

  L'enfant reste immobile et serre son doudou aussi fort que ses bras le pouvaient. Elle se met à fixer Adrian en baissant la tête puis lui fait un timide signe de main. On arrivait à peine à entendre un « coucou, tonton »

  — Comment tu as pu faire la petite monter à bord du bateau de cet imbécile ?! T'imagines si elle se serait noyée ?! C'est pas ce guignol qui allait faire quelque chose !

  — Peut-être pour ça qu'on a fait Olive venir, dit-elle d'un ton sec. Elle s'occupe très bien de sa nièce, t'inquiète pas pour ça !

  — Oh, marmonna Olive. C'était juste pour ça...

  — Papa !

  Adrian fronça des sourcils. Il n'arrivait pas à croire que le son venait de sortir de la bouche de Layana. Voyant le jeune homme tremblant, elle se mit à courir vers lui avant de lui tendre ses bras comme pour lui demander de la porter.

  — Ça va aller, ma chérie. Ne t'en fais pas.

  — JE MARCHE SUR LA TÊTE OU MA NIÈCE VIENT D'APPELER CE GROS BOUFFON « PAPA » ?! CORALIE !!!

  — Ne le prends pas comme ça ! disait-elle avec une voix moins assurée que tout à l'heure. Elle... elle n'a jamais connu son papa, tu le sais très bien. A-alors... à chaque fois qu'elle voit une figure masculine, Layana a tendance à l'appeler papa. C'est trois fois rien. Elle a fait ça ce matin avec l'épicier, le facteur et l'électricien. Pas vrai, Olive ?

  — Je sais pas, j'étais pas là, marmonnait-elle en jetant à sa grande sœur un regard noir.

  Le visage refrogné de Coralie semblait dire « attends un peu qu'on rentre à la maison, pour voir » mais elle ne pouvait pas l'exprimer devant Adrian qui observait le moindre de ses faits et gestes.

  — Je suis sûr que c'est ce p'tit connard qui lui a demandé de l'appeler comme ça !

  — Écoute, mec... relax...

  — FERME TA GUEULE, TOI !

  Un bruit détonne dans l'air. Adrian venait de tirer dans la trajectoire de Salomon. La balle lui frôle la joue, le jeune homme arrivant à sentir l'air se couper à quelques millimètres de ses pores.

  — Ô Seigneur ! OK, OK... On se calme, tout va bien se passer, d'accord ? Layana sait bien que je ne suis pas son père et que je suis juste le gentil cousin de sa maman.

  — Tu parles ! Layana, monte sur le bateau de tonton ! Et ça vaut pour vous aussi ! disait-il en braquant son arme sur Coralie puis Olive pour les désigner.

  — A-attends, tu comptes me tirer dessus ?! demanda Olive d'une voix tremblante.

  — Non, imbécile ! Prends Layana et montez sur mon bateau.

  — Je savais même pas que tu avais un bateau. C'est nouveau, ça, renchérit Coralie qui ne se sentait pas du tout menacée par les gestes de son cousin.

  — Carl a été un bon gars, il m'a prêté pour que je vienne jusqu'ici.

  — Pourquoi je n'arrive pas à te croire...

  — Arrête de parler et monte !

  — Et si je décide de rester, qu'est-ce que tu vas faire ?

  Sans même prendre le temps de répondre, Adrian abaisse son canon scié puis le pointe droit sur le franc-bord. Une énième détonation fendit l'air. Les bulles commençaient à cerner le navire.

  — Mais tu es complètement fou ! s'exclama Coralie en jetant ses lunettes de soleil d'un revers de main.

  — On verra si tu joues encore les intéressantes, Coco ! annonçait Adrian en agitant son arme dans les airs.

  Un cri strident interrompit son élan. Olive respire bruyamment et jette des regards apeurés de tous les côtés. Elle attrapa Layana avant de l'étouffer contre sa petite poitrine et détaler à toute vitesse à l'arrière du bateau.

  — J'espère que tu es fier de toi, espèce d'abruti ! gronde Coralie. Tu lui as fait peur et elle s'est barrée avec ma fille.

  — Elle a simplement voulu la cacher, je pense... ajouta Salomon.

  — Toi, ferme ta gueule ! Je commence à en avoir assez !

  Adrian coince son fusil à l'arrière de son pantalon avant de poser un pied sur la balustrade. Salomon s'éloigne un peu plus de Coralie lorsqu'il comprend que l'autre type est prêt à monter son bateau.

  — On va voir si tu continues à jouer le gangster en face de moi !

  — ARRÊTE ÇA, ADRIAN ! hurle Coralie.

  Trop tard, il a déjà enjambé la balustrade du bateau de Carl et commence à fléchir ses jambes. La seconde où Salomon cligna des yeux, un fracas s'écrasa contre la coque de son bateau. Adrian apparaît en face de Coralie et fouille son dos à l'aide de son bras.

  — Je ne suis pas un pédé, je vais te battra à la loyale. Avec la crosse de ma titine !

  Pendant qu'Adrian tapotait le canon scié contre la paume de sa main, Salomon le regardait faire en jetant un regard oblique vers Coralie. Il prend un élan de respiration avant de se mettre en position de combat, les poings serrés devant son visage.

  — Ah, ah, ah ! Je savais que tu n'allais pas te défiler devant Coco ! lui souriait Adrian qui ne semblait pas du tout apeuré par la posture que Salomon venait d'adopter. Allez, viens !

  — Tu ne vas quand même pas rentrer dans son jeu ?! s'énerva Coralie en jetant un regard courroucé à Salomon.

  — À partir du moment où il a tiré sur mon bateau, ce n'était plus qu'un simple jeu.

  Elle se tut avant d'enfouir ses mains dans son visage.

  — J'espère que tu as pensé à amarrer ton bateau avant de monter ici, lui adresse Salomon en regardant par-dessus l'épaule d'Adrian.

  Ce dernier se retourne en grattant son crâne. Il fronce des sourcils et se demande, pendant une fraction de seconde, que signifiait le mot « amarrer ».

  — Je comprends rien à ton charabia, t'essayes de blablater dans ma tête pour retarder le moment où tu vas mourir !

  — Il y a toujours du courant sur la mer. Si tu n'amarres pas le bateau, il risque de partir dans le sens où se dirige le vent. Ça serait pas bon pour nous tous vu que le miens va bientôt couler à cause de toi.

  — On va tous se noyer ?! s'exclame Coralie.

  — Mais non, mais non ! marmonne Adrian en agitant son fusil devant le nez du jeune homme. Des bêtises qu'il raconte, là !

  — Comment tu comptes faire alors ? demande Salomon. Le bateau est déjà en train de s'éloigner de nous.

  — Je sais que tu mens ! Ah, ah, ah ! Joris est dedans ! C'est lui qui contrôle la situation !

  — Joris ? répéta Coralie. J'ai jamais entendu parler de ce type.

  — Mais si ! Le boug avec la chemise qui était au réveillon de tatie Marie-Lise !

  — Tu parles de Johan, le petit frère de Mélanie ?

  — Ouais, tu m'as compris. Bref, on s'en fout ! Il est venu avec moi ! Il est dans la tite cabine de mon bateau.

  — Tu l'as menacé avec ton fusil à la con pour qu'il monte avec toi ?!

  — Pas du tout ! Il l'a fait de bon cœur.

  — Quel « bon cœur » ?! Je suis persuadée que c'est faux ! vociféra Coralie.

  Johan entendait tout depuis le début mais ne tenait absolument pas à réagir. « C'est pas le moment pour moi de me faire des ennemis. Il faut que je trouve un alibi. Si Olive apprenait que j'avais fait tout ça juste pour la voir, elle commencerait à se douter d'un truc »

  Il ouvre une fenêtre rectangulaire et penche sa tête au-dehors du cockpit.

  — Ah non, rien à voir. Je voulais juste faire une petite balade en mer, perso.

  Toutes les attentions se braquent sur lui. Coralie sursaute, son regard vide laissait supposer qu'elle n'arrivait pas à croire que ce soit vraiment lui.

  — Est-ce que ça va ? demanda-t-elle. Il ne t'as pas trop fait de mal ?

  Adrian commence à râler.

  — D'ailleurs, comme vous avez l'air très occupés...

  Le moteur se met à gronder, des hélices qui sillonnent l'arrière du bateau recommencent à fendre l'eau.

  — Je pense que je vais partir, hein.

  — Mais qu'est-ce que tu fabriques ?! s'écria Coralie.

  — REVIENS-LÀ, SALE PÉDÉ ! tempêta Adrian en pointant son arme en direction du bateau.

  Salomon s'approche de lui et pose sa main sur la sienne pour abaisser la direction du canon sur la surface de la mer qui les encerclait.

  — Comment tu veux qu'on revienne d'ici vivant si tu t'apprêtes à couler l'autre bateau ?

  — Me touche pas, toi !

  Par réflexe, Adrian fait une clé de bras à Salomon avant de le projeter contre le sol. Coralie se contente de hurler pour couvrir l'impacte des bruits que faisait la crosse du canon scié contre le crâne de Salomon.

  — Johan, Johan ! Il faut que tu m'aides ! hurlait la jeune femme en sanglot.

  Elle regarde de gauche à droite, ne sachant plus quoi faire. Adrian et Salomon se roulent dessus, l'un chevauchant l'autre. Quand l'un frappait dans les testicules, l'autre tentait de mordre la jambe.

  Coralie s'appuya contre la balustrade. Elle réalisa que le bateau de Carl venait de disparaître. Le sillage de bulles semblait se répandre jusqu'à l'arrière du bateau de Salomon, comme si Johan s'était contenter de contourner celui-ci.

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