16. La colère d'Adrian
— Au fait, pour l'autre soir...
— Je croyais que tu ne voulais pas en parler, disait Lucie. Qu'est-ce qui t'arrives ? Ça t'intéresses ?
« Eh merde ! Elle croit que... »
Johan grince des dents et secoue sa tête avec frénésie.
— A-absolument pas. Je voulais juste te dire que je n'en ai parlé à personne.
— Qui te croirait, surtout ? Je n'ai que seize ans.
— À part moi, personne ne sait que tu fais des...
— Humpf ! ricane la jeune fille. Viens récupérer ton poisson, le détraqué.
— Au fait, je sais pas si je te l'ai déjà dit, mais je m'appelle Johan.
« Rooh, mais qu'est-ce que je suis en train de faire ?! Si je commence à me présenter, elle va peut-être interpréter des choses »
— Ouais, je sais. Olive, elle a parlé de toi et Yann, hier.
— Ah bon ? Elle... elle t'as parlé de moi ?
— Ouais ! dit-elle tandis que son sourire en coin devenait un sourire. Olive a dit que vous étiez avec elle à une soirée et Coralie a dit que vous vous êtes tous les deux pissés dessus quand un malade a commencé à forcer avec elle.
— Hein ?! Quoi ?!
« Je savais que cette histoire de merde allait me suivre... pourquoi ne n'ai pas réagi, ce soir-là ?! »
— Non, non ! C'est pas vraiment ce qui s'est passé, je t'assure.
— Mais oui ! renchéri Lucie, qui ne semblait pas du tout convaincue. Après tout, qu'est-ce que tu pourrais faire face à un mec taillé comme une allumette...
— Attends, t'es en train de te moquer de moi, là ? Je t'assure que j'essayais de contrôler la respiration-euh-la situation !
« Pourquoi j'ai dit respiration au lieu de situation ?! C'est son regard aguicheur qui m'a perturbé ? »
— Non, non, t'avais bien dit : tu gérais ta respiration seulement ! Ah, ah !
— Ça ne s'est pas passé comme ça ! Et puis, d'abord, comment Coralie pourrait se souvenir de quoique ce soit ?! Elle était complètement torchée et elle dansait sur le podium pendant que Yann et moi on protégeaient Olive !
Soudain, alors qu'il ne s'y attendait pas, Lucie continua de rire tout en s'avançant vers lui. Elle posa une main sur son torse sans rien dire. Il se rendit compte qu'il s'emportait pour rien.
— Contrôle ta respiration, Josué, dit-elle en lui décochant un clin d'œil. Ça va, je plaisante.
— O-ouais, j'le savais ! répondit-il, sentant la honte l'accabler. Et c'est Johan, mon prénom !
— Par contre si demain je décide d'aller en soirée avec toi, faudra p't'être que tu me protège un peu mieux que ça, lui susurre la jeune fille en posant son autre main sur son biceps. Je suis une princesse, moi.
« Eh, eh, eh ! Mais qu'est-ce que l'enfant est en train de faire ?! »
Elle continuait de lui caresser le bras. Il reconnaissait la douceur de celle d'Olive mais avec un plus petit format. En effet, Lucie était littéralement sa version miniature. À la seule différence que ses traits du visage étaient beaucoup plus fins et son menton nettement plus long. Il en avait presque oublié l'allure chevaline de la structure osseuse de sa mâchoire.
— Hmm... tu devrais te mettre à la salle, t'es pas assez musclé pour que je t'emmène avec moi. Il me faut des gardes du corps plus solides que ça !
— Tu te fous de moi, j'espère ?! C'est la seule raison pour laquelle tu m'inviterais à venir avec toi quelque part ?
— On est pas amis, à ce que je sache. Et puis, t'as l'air un peu bizarre.
Johan fit une grimace pendant qu'il respirait, il venait d'avaler de travers.
— Quoi ?! Comment ça « bizarre » ? J'te rappelle qui était en train de faire des choses bizarres dans sa chambre ?
— Ma chambre, mon intimé ! Je suis sûr que t'as kiffé ce que t'as vu, en plus !
— T'es complètement barje ! s'écria Johan. Je suis ton cousin et t'es une gosse... t'as le corps d'un petit garçon ! Qu'est-ce que j'en ai à foutre de te voir danser comme une strip-teaseuse sur un live pour des vieux porcs qui se branlent en te regardant derrière un écran ?!
— On est dans la Queue du Hareng, dit-elle en levant un sourcil. Tu crois que je connais pas vos messes bizarres ? Tout le monde est consanguins dans ce quartier.
— Tu crois que je suis comme eux ou quoi ?! Je viens à peine d'arriver ici, moi aussi !
— Bah, tu vois, José... c'est très bizarre... parce que...
« Mais elle fait quoi, là ?! »
Lucie commence à glisser sa main le long du torse de Johan. Elle love son corps, comme le ferait un serpent. Bientôt, elle slalome au niveau de son nombril. Johan sent quelques spasmes lui sursauter la cuisse. Jusqu'à ce qu'elle arrête sa trajectoire pile avant d'aller là où une cousine ne devrait pas.
— Je sens vraiment quelque chose de louche, chez toi...
— C'est Johan, pas José ! répéta-il d'un son de voix à peine audible tant il ne lui manquait plus d'air.
— Qu'est-ce qui t'arrive, Jocelyn ? lui murmurait-elle alors que ses lèvres se rapprochaient un peu trop de sa nuque – elle était trop petite pour faire face à son visage. Tu frissonnes. De peur ? De stress ? T'es angoissé ? Ou peut-être excité ?
— Arrête de raconter n'importe quoi ! explose Johan. Tu me fais juste flipper, voilà tout !
Soudain, alors qu'ils se pensaient seuls, une voix détonne à l'autre bout de la barrière. Marie-Lise apparait sur la terrasse, une assiette à la main.
— Lucie ! Qu'est-ce que vous faites, dehors ?!
— Oh, rien, maman. On était juste en train de discuter entre cousins. On rentre ! répondit la fameuse Lucie en empruntant la voix d'une petite fille innocente.
« Regardez-moi ça, on aurait presque dit une saine. Si seulement sa mère savait... » pensa Johan alors qu'il la suivait à l'intérieure de la maison.
« Quant à moi, je vais devoir un peu plus faire gaffe à cette Lucie. Elle me semble un peu trop vicieuse à mon goût. Je suis sûr qu'elle meurt d'envie de se venger de la fois où je l'ai surprise en train de faire du strip-tease en ligne. C'est la seule explication plausible que j'ai pour comprendre son obsession à vouloir me trouver des défauts que je n'ai pas »
***
Il y avait des mouches qui tournaient autour du sachet de vivaneaux. Johan respirait par la bouche et menti à la tante Marie-Lise en présumant un rhume. L'odeur de frais qui s'émanait du poisson le dégoutait, tout simplement. Mais comme il s'agissait là de la prise du fameux oncle Hervé, il ne fallait surtout pas le critiquer d'après les dires de sa mère parce qu'il était sans aucun doute l'un des pêcheurs les plus expérimentés du quartier. Johan, songea seulement que le népotisme dont ce fameux « oncle Hervé » faisait preuve en donnant à ses cousins du poissons à moitié prix, attirait davantage la sympathie de la famille que ses faux dons pour la pêche.
« Est-ce que la pétasse m'aurait pas donné un sachet de poissons périmés ? C'est pas possible que le truc shlingue comme ça ! » se disait Johan en faisant un sourire forcé à la tante Marie-Lise pendant qu'il se retenait de déglutir sur sa terrasse en voyant un liquide visqueux s'échapper du sachet.
Il y a un bruit de pétard qui couvre son « au revoir » empli d'hypocrisie. Johan se tourne et remarque la Golf Polo du réveillon de Noël se garer en face de la grande barrière blanche. Il réfléchit cinq secondes avant de se rappeler à qui appartenait la voiture.
— Tatie ! Tatie ! tempêta une voix sans prévenir.
Johan vit l'un des manches du sachet lui glisser des doigts. Sa sueur froide venait de se confondre avec le liquide visqueux. Mais il était bien trop stressé pour être dégouté. Adrian détonna le loquet avant d'ouvrir la barrière avec une rage déconcertante. Elle se cogna contre le mur de ciment qui cadrait à sa droite tandis que l'impact du choc résonnait jusqu'à la terrasse.
— Mais qu'est-ce qui se passe, ici ?! gronda-t-elle en ôtant son tablier.
Johan en aurait profité pour fuir à toute vitesse, mais il voulait garder la face devant le cousin à la tête de dealeur. À peine le type se rapproche de lui que Johan remarque déjà ses yeux rougis et ses paupières à mi-fermées.
« Comment on peut conduire dans cet état ? » se demanda-t-il.
— T'inquiète c'est l'habitude ! Bien vu !
Johan sursauta. Il avait parlé trop fort. Il redoutait de dire qu'Adrian répondait avec des mots aléatoires de peur qu'il n'arrive à rentrer dans sa tête.
« Est-ce que le cannabis qu'il consomme lui donne des super-pouvoirs ? »
Il veille à sa bouche, cette fois-ci. Mais Adrian passe devant lui sans même lui porter attention.
« M-mais attends... il a un... »
Canon scié. Le manche est de marbre tandis qu'un serpent est gravé sur la partie en acier.
— Ils veulent faire parler titine ! Ils vont faire parler titine ! Faudra assumer, après !
« Putain de merde ! Il faut que je sorte d'ici avant qu'il fasse une dinguerie ! Ça se trouve, la drogue lui est trop montée à la tête et il prend tante Marie-Lise et Lucie pour des cibles à abattre »
Johan aurait aimé les prévenir de fuir, tout comme lui, mais en voyant la réaction indifférentes des deux femmes, il se rétracta. C'était à peine si Lucie l'observait. La jeune fille restait allongée sur le divan de la terrasse, la lumière de son iPhone 7 projeté sur son front béant pendant qu'elle regarde Les sirènes de Mako sur Netflix.
— Où elle est ?!
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