1. Un cliché
La Fiat 500 est garée sur le trottoir d'en face, il prend le temps de monter sa vitre teinté pour passer inaperçu aux yeux de tous les résidents un peu trop fouines qui s'approcheraient de la voiture – que ce soit d'eux-mêmes ou avec leurs yeux, comme faisaient les vieilles retraitées pendues à leurs fenêtres.
Il garde sa casquette bleue en cas « d'extrême urgence », si par malheur quelqu'un arrivait à voir ce qu'il se passait à l'intérieur de la voiture.
La radio est éteinte et il laisse des minuscules fentes aux vitres arrières pour tenter de capturer davantage de bruits provenant de l'extérieur sans griller sa filature.
« C'est elle ! » se disait-il.
La porte de la maison pavillonnaire s'ouvre, et même si Johan ne distinguait que la silhouette qui se trimballait sous le porche, il savait à sa démarche que c'était bien Lydie Roselini qui venait de sortir de chez elle.
Il lui suffit d'un pied qui se plante sur la première marche de l'escalier pour que le garçon la reconnaisse. C'était celui sur lequel s'accrochait une chaine de cheville avec des trèfles en or – l'une des préférées de Johan. Qui d'autre pouvait avoir un vernis et une chaine aussi impeccable à part elle ?
Johan attrape l'appareil photo et bloque sa respiration pour ne pas trembler pendant la capture. Il est vrai que ce genre de sensation qu'il ressentait lorsque l'une de ses proies venaient jusqu'à lui – au cadrage de son appareil – lui donnait des palpitations chaudes. Elles lui traversaient tout le corps, impossible de calmer cette excitation quand la machine était en marche.
« Wow »
Armée d'un sachet poubelle qui débordait de verre, Lydie se tenait sur la pointe des pieds – obligeant sa voute plantaire à courber depuis ses talons – lorsqu'elle longeait l'allée de jardin jusqu'au bac gris de la voirie.
Malgré les vitres fermées et les déchets qui incombe la fille, Johan arrive distinguer une odeur de fruit rouges depuis l'extérieur de la voiture. Il ferme les yeux et inspire jusqu'à s'en étouffer les poumons pour tenter de ressentir chaque facette du parfum de Lydie.
« Si ça continue je ne vais plus avoir assez de sang dans les jambes pour appuyer sur les pédales »
Il ouvre les yeux après avoir frissonné pendant une bonne minute et commence à se pencher vers la vitre. Pris d'un sursaut, il secoue sa tête et colle l'objectif de son appareil photo à la vitre. Johan venait de tomber sur potentiel cliché idéal.
Lydie arrive devant la poubelle de voirie. Elle allait devoir se pencher pour ouvrir le couvercle et lâcher le sachet sans se risquer à rentrer en contact avec les bords. Pour cela, elle allait devoir cambrer ses pieds à son paroxysme et ainsi Johan allait obtenir un superbe cliché dans son appareil.
Il se lèche les lèvres à l'idée d'attraper cet arrêt dans le temps qui lui vaudra bien des paquets de mouchoirs usés et du bonheur à dépenser entre les quatre coins de sa chambre.
Johan attend patiemment, ses yeux convulsent, son cœur cogne pour témoigner de son excitation et son entrejambe menace bientôt d'encastrer cette foutue braguette.
« Ça y est ! Elle se penche, elle se penche... on y est presque ! »
Le bruit du couvercle qui se rabat sur le bas de la poubelle agit sur le corps du garçon comme une palpation. La jeune fille secoue brièvement la tête pour balancer les quelques mèches de ses cheveux bouclés – qui ressemblaient à des vagues dorées – dans son dos.
Il enfonce le bouton, bloque sa respiration. Le flash commence à sortir.
« Putain de merde ! »
Une séquence de xylophone détonne brusquement, le sonnerie de son iPhone retentit. Johan rabaisse le dossier de son siège et s'allonge en grinçant des dents au cas où Lydie se tournerait vers la voiture.
La jeune fille se tourne vers la Fiat 500 pendant qu'il condamne les fentes des vitres arrières, en priant pour qu'elle ne vienne pas jusqu'à la voiture.
« C'est qui, ça encore ? »
Il prend son portable et lâche l'appareil photo sur le siège passager. Johan fronce des sourcils quand il constate le numéro de sa sœur.
— Qu'est-ce qu'il y a encore ?!
— Ça fait deux heures que t'es censé rentrer, t'es où ?!
— Ah, soupir Johan en regardant Lydie refermer le couvercle de la poubelle. Je travaille.
— Tu travailles, tu travailles, mais t'es toujours en train de me demander de l'argent ! C'est quand même ironique, non ?!
— Pourquoi tu me prends la tête, là ? se met-il à soupirer.
— Maman veut que tu rentres à la maison.
— Mamie a encore préparé un repas de famille à la con ?
— Y a un mouvement dans le quartier, elle voulait qu'on y aille tous ensemble.
— C'est bien la première fois que j'entends ça. C'est toujours fantôme dans le quartier de la Queue du Hareng.
— Dépêches-toi de rentrer, alors ! En plus, maman a dit que c'est toi qui va conduire.
— Donc, le seul évènement du quartier, je suis obligé d'y aller avec vous ? Comptez pas sur moi pour rester dans vos basques quand on sera là-bas ! grommèle Johan avant de raccrocher.
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