Chapitre 3 : La grotte mystérieuse

     L'impétueux sportif sautillait partout, débordant d'énergie. Il avait réveillé tout le monde tôt le matin, prétextant alors la montée de la marée vers dix heures. Impatient, il pressait tout le monde, en particulier Yona et Amy qui prenaient tout leur temps. Wina était déjà prête, revêtue d'une tenue d'aventurière, saluée par son compère, arborant le même type de tenue qu'elle. Kenneth était aussi prêt et Stitch n'avait pas eu l'envie de les faire attendre. Amy n'eut guère le choix qu'arrêter son petit jeu quand ce fut sa sœur qui lui intima de se presser, obligeant alors la passionnée de ruban artistique à s'activer, une légère boule dans la gorge. Qu'allait-elle faire ?

Sur le trajet, elle ne pouvait s'empêcher de psychoter sur tout, se remettant au Destin, espérant de tout cœur que Jona respectera sa promesse. Les têtes meneuses du groupe n'étaient pas de son côté, elle ne pouvait rien faire en faveur de ses mauvais pressentiments.

En réalité, elle n'eût pas le temps de faire monter son angoisse, la grotte obscure était plus près de la maison qu'elle ne le pensait. Les pionniers retrouvèrent le carrefour rocheux aux bras de l'étendue océanique, les dents de la Mer, et ce sable d'or devenant progressivement acajou.

Dès que les nouveaux découvrirent les peintures d'un rouge brillant sur les parois sombres ou la caverne éclairée par la mystérieuse lumière verte, l'atmosphère un tantinet brumeuse, ils sautillèrent d'impatience, riant à gorge déployée, exprimant une profonde excitation. Elle ne fit qu'augmenter face au rocher qui bloquait globalement l'entrée vers la mystérieuse enceinte.

Quant à Yona, ses picotements avaient repris avec intensité, devenant presque douloureux dès que ses yeux traversèrent l'ouverture, tandis que le rocher bloquant l'accès tremblait à cause de l'effort de Jona, Kenneth et Wina tentant de le dégager ou au moins le décaler davantage.

Ce qu'elle voyait était cauchemardesque. Enfin, cette première impression provenait de l'ambiance et l'état d'esprit toxique qu'elle avait depuis deux jours, puisqu'en réalité, l'Autel était minutieusement sculpté, presque élégant. Ce n'était pas un vulgaire lieu de culte en vue des détails. L'Autel, d'une plutôt imposante envergure, convergeait vers son centre où un artefact sûrement antique reposait. Il reposait sur trois étages de roche polie, de longueur de plus en plus courte pour y exposer le fameux artefact alors entouré par deux lances aux pointes de basalte croisées. L'ensemble était entouré par ce qu'il semblait être un jet de flamme, sculpté en pierre d'un vert brillant. Derrière l'artefact et les lances le surplombant, il y avait plusieurs arcs de cercle, dont les branches de bronze ondulant vers l'extérieur donnaient l'impression d'être un soleil de feu, avec l'extrémité des branches rougeoyantes et l'extrémité des cercles en or. L'Autel n'avait pas été conçu n'importe où, la pierre l'entourant était elle aussi d'un effet vert brillant, très succinctement éclairée par la lumière du ciel.

Les autres semblaient fous d'impatience d'approcher pour y découvrir l'Autel de plus près, Kenneth semblait se ravir de l'artefact qu'il conservait.

- Allez, allez ! encourageaient vigoureusement l'Otaku et la Voix de la Sagesse face à leurs amis croulant sous l'effort.

La boule dans le ventre de Yona s'était épaissie et son picotement devenait presque douloureux, même s'il n'y avait rien : aucune entaille, aucune rougeur. Ce fut même pire lorsqu'elle entendit le rocher se déplacer, causant comme un grand claquement. Il était dorénavant possible de circuler, une personne par une personne, peu importait sa morphologie.

Ils traversèrent tous derrière Kenneth et Wina, l'un avait son matériel pour analyser tandis que l'autre prenait tout en photo. Jona attendit la jeune brune avec un grand sourire, lui tendant la main. D'un bras, il l'emporta près de lui et lui déposa un bisou sur la joue.

- Allez, t'inquiète pas. Arrête de psychoter. Tu te montes la tête toute seule. Il va rien se passer.

Ils se tendirent leur auriculaire qu'ils serrèrent entre eux, ce qui parvint à rassurer Yona pour de bon, signifiant qu'il réaffirmait sa promesse. Cela lui fit décocher un sourire, ignorant totalement alors ses avertissements organiques, presque apaisée quand elle traversa l'ouverture, quelqu'un assurant ses arrières.

Stitch et Amy étaient subjugués par ce qu'ils voyaient, presque comme des enfants. On pourrait même rajouter Jona dans le lot, tellement il était énergique. Wina bombardait toujours l'Autel de clichés, sous tous les angles, tandis que Kenneth tentait de récolter le plus de données possibles pour son intelligence artificielle. Manquerait plus que sa blouse, et on aurait dit une opération scientifique officielle ! Mais, non, rappelons qu'ils n'étaient que des adolescents.

Yona se rapprocha alors de l'Autel, qu'elle devait avouer être plutôt élégant si elle ne le sentait pas aussi néfaste, pour voir ce qu'il retenait en son centre. Sur un piédestal de pierre verdoyante, se tenait une planche rousse aux abords courbés, avec de nombreuses écritures. Elle remarqua bien vite l'alphabet de manière hautement stylisée comme au Moyen-âge, une écriture inconnue en haut, entourée par deux mots « Grata » et « Vale » ainsi qu'un « Ita » et un « non » inscrits en bas. À côté de la planche ressemblant presque à une vague, se trouvait un élément de la même matière ressemblant au symbole d'une goutte avec un cercle vide à l'intérieur.

Les yeux de Yona s'écarquillèrent, sa bouche trembla, comprenant immédiatement. Elle avait vu trop de films, trop de séries sur les thèmes de l'occulte et du paranormal pour ne pas reconnaître cet artefact impie. Sa mâchoire se décrocha dès qu'elle entendit la photographe proposer avec une joie perverse de l'emporter :

- Regardez, une planche Ouïja ! On sait ce qu'on fera ce soir, lança Wina, d'une voix mielleuse. Les petits, vous avez envie d'une petite frayeur ?

- Allez ! s'enflamma Stitch, tandis qu'Amy semblait mitigée.

Plusieurs répliques allèrent dans ce sens. Yona ne put s'empêcher d'exploser d'angoisse, son corps lui ayant réaccorder le droit de la parole.

- QUOI ? Mais vous vous rendez compte ?! On va pas ramener ça ! Ça date d'une époque lointaine, on sait pas ce que les gens ont fait avec ! Quels mauvais esprits y sont retenus. On réveille pas les morts, les esprits, tout ce que vous voulez !

Wina semblait faire les gros yeux, soufflant exaspérée. Elle murmura à l'attention de Kenneth et Amy :

- Eh, ta copine a pété une durite...

- Elle a peut-être raison d'être aussi inquiète, riposta sa petite sœur, fermée. Même si je crois pas à ces choses, mieux vaut rien tenter. On sait jamais.

Le petit génie manqua, quant à lui, une occasion de se taire.

- De toute façon, les esprits, ça existe pas. On a rien à craindre, et ça serait si intéressant que Royken'ay puisse l'analyser de ses propres yeux... exclama-t-il à l'ensemble du groupe.

Des groupes se formaient, minoritaires et décroissants du côté de Yona. Rapidement Amy avait préféré se taire, fidèle à son rôle de Voix de la Sagesse. En réalité, Yona livrait bataille contre le monde entier, déterminée à respecter ses mauvais pressentiments, prête à tout pour préserver ses amis du pire. Hélas, personne ne semblait véritablement laisser sa place, son morceau de vérité.

Toutefois, contre toute attente, Jona, alors silencieux, avait pris le parti de notre héroïne. Dès qu'il leva l'index, tout le monde s'était tu pour l'entendre.

- Vous avez pas vu les crânes à l'entrée ? Les gravures sur les murs ? Ce sont des mises en garde très claires qu'il fallait pas approcher de cet endroit et encore moins le piller de ses artefacts.

- Mais... qu'est-ce qui te prend ? T'étais partant pour l'expédition, pourtant, pointa Wina, vexée.

Elle se disait sûrement que c'était la p'tite sorcière qui lui avait lavé le cerveau.

Les négociations rapides décidèrent deux camps fermement opposés : Wina et Stitch, ainsi que Jona et Yona de l'autre. Kenneth s'était rétracté, moins expressif devant la ferveur impulsée de sa meilleure amie, même si son désir intense était de récupérer la planche et Amy avait préféré se retirer au profit de la neutralité, même si ces histoires allaient bien trop loin de ce qu'elle était capable de tolérer comme possible.

Jona arrêta la conversation, rappelant au groupe que la marée pouvait monter très vite. Alors ils firent un vote anonyme et le vote fut sans appel : Majorité pour prendre la tablette. Ni une, ni deux, Wina la prit à pleine main et Jona guida la troupe pour remonter le plus vite possible.

Si Yona était à fleur de peau, le joueur avait les joues rouges, particulièrement agacé sur le retour. Le temps pressait, la marée commençait déjà à remonter, et le meneur était vraiment échauffé... et nulle n'avait vu de tornades comme ceci au sein de son regard taquin, ou alors dans de très rares occasions.

Au retour à la maison des grands-parents de Jona, l'ambiance était terrible. Le repas se déroula dans des conditions désastreuses, pour peu que certains avaient l'envie de manger, partagés entre l'excitation et la nervosité. Wina horripilait Yona, hyper fière de brandir l'objet qui provoquait des nausées à celle-ci. Elle réprimandait chaque personne qui parlait de séance de spiritisme. Elle était exaspérée de voir Stitch aussi passionné face aux histoires de la photographe. Jona s'était replié durant des heures dans le fond du jardin, visiblement peu enclin à apprécier la compagnie des siens. Kenneth tentait désespérément d'entrer en contact avec la jeune brune, sans succès. Celle-ci s'était renfermée dans un mutisme. Amy, tiraillée par la division des siens, s'était repliée dans la chambre.

Yona, usée de mener une guerre inutile, était devenue terriblement nauséeuse, pénalisée par d'intenses maux de ventre, préféra se poser dans l'interstice entre la salle de jeu et la chambre, un minuscule placard avec quelques gadgets dont un hamac. Elle pouvait même regarder le jardin, donnant sur la piscine avec cette petite fenêtre.

Lassé et surtout blessé, le petit génie parvint, après des encouragements de Wina et Stitch, à rassembler son énergie pour analyser les photos et la planche avec Royken'ay. Dès qu'il le revit, son air robotique jovial, le réconforta, à la manière d'une flamme d'espoir dans les ténèbres.

Le Soleil commençant à se coucher, le groupe d'amis s'était réuni pour l'habituel apéritif d'avant-repas, Kenneth et Wina les ayant convoqués pour effectuer un retour sur les recherches de la tablette antique. Il était important de noter que deux d'entre eux n'y étaient pas par pur enthousiasme, leurs raisons d'existence divergeant avec l'assemblée de toute évidence. Ils étaient dehors, profitant de la longue table sur la terrasse de derrière. Kenneth s'était levé, Ray lévitant à ses côtés, adroit et solennel tandis que Wina montrait l'artefact avec une profonde énergie. Même le petit génie semblait obligé de la ralentir, prétextant la fragilité de l'objet à travers les âges... même s'il n'en était rien.

- Hum, hum. (Il se racla la gorge :) Royken'ay et moi-même avons entamé des recherches sur l'objet mystérieux déniché sur l'Autel de la grotte sombre aux peintures rouges. (À l'appel de son nom, le robot roucoula doucement avant de se ressaisir :) La tablette que nous avons découverte a été conçue durant des temps immémoriaux, comme en témoigne la matière et les écritures. Il est difficile de dater précisément la provenance de l'artefact. Il y a plusieurs écritures qui pourraient faire référence à plusieurs civilisations étendues dans le temps, et au-delà, sous les mots en Latin, il serait possible que leur version en grec ancien soit gravée derrière mais que la planche a été remise au goût de son époque, puisque le nom de l'œuvre provient du grec ancien.

- Comme le disait mon Grand Ami Kenneth, il y a différentes écritures. Cette planche comporte comme nom « Tárăką » qui s'inspirerait du grec ancien. Ensuite, sur les rayures, d'autres mots en Latin sont gravés : « Grata » qui signifierait « Bonjour, salut » ou autre salutation permettant d'ouvrir une conversation ; « Vale » qui signifierait « Au revoir, bye » ou autre salutation permettant de fermer une conversation. Les lettres de l'alphabet, stylisées comme les reliures des contes de l'amour courtois, pourraient datées du Moyen-Âge. Et les différents symboles entourant la plaque, sur ses différents côtés, ou sur l'élément qui lui est associé, semblent être des marques de tribus primaires en quête de protection divine, type de vieilles sorcelleries ou religions, animées par des mythes oubliés, en quête de bouleversement des forces qui les dépasseraient.

L'assemblée écoutait attentivement, plutôt passionnée, surtout Stich, alors que deux autres semblaient simplement aux aguets pour savoir quand est-ce qu'ils pourraient soulever cette mascarade. Kenneth reprit, osant mettre les mots sur ce qu'était cet artefact, inaugurant la révélation, le seul moment qui importait à la photographe qui avait fini par somnoler.

- La provenance du Grec ancien et du Latin laisse penser que la tablette aurait été créée durant l'Antiquité, mais les écritures alphabétiques ont l'air d'avoir été réalisé au Moyen-Âge. Et les symboles semblent dater de tribus beaucoup plus modernes. (Kenneth s'éclaircit la voix pour récupérer l'auditoire perdue :) Bon, de toute façon, vous l'avez remarquée, il s'agit d'une planche Ouïja. Et elle ne semble pas du tout provenir d'un banal magasin de paranormal.

Les deux intrus se regardèrent et Yona se leva, calme mais forte.

- Normal, on vous a dit qu'elle était dangereuse. C'est un artefact mystique. Les objets antiques doivent rester où ils sont ou dans les musées.

Jona approuva son accord en applaudissant silencieusement, agitant les mains, dont l'usage peut être courant dans le milieu associatif.

- Il est certain qu'elle a plus de chance de fonctionner par rapport à celles du commerce. Cela pourrait être important pour la Science. Alors, pour l'heure, la question est plutôt de savoir si nous allons l'essayer ou l'envoyer à des autorités compétentes.

- Moi, je propose qu'on l'essaye. Ça sera fun ! Et ça permettrait à notre génie favori de faire ses preuves dans la communauté scientifique ! s'exclama Wina, immédiatement, totalement partisane des expériences frissonnantes, sous les acclamations du passionné d'animation.

- Je refuse qu'une séance de spiritisme se tienne dans la maison de mes grands-parents, s'éleva le petit-fils des propriétaires, sortant de son mutisme, vaillamment.

- Jona... dis-moi pas que tu as peur d'un simple fantôme ? C'est juste une petite discussion.

- J'ai pas peur, ragea-t-il, son ego piqué au vif. Juste je refuse de jouer avec ces énergies-là.

- Oooh... t'étais drôle avant. C'est dommage, continua Wina, culpabilisante.

- De toute façon, les esprits, ça n'existe pas, non ? Alors pourquoi ressentir autant de frayeur ? questionna l'IA volante, totalement innocemment, causant un soudain silence.

Durant ce moment, la petite brune murmura :

- On va réveiller des forces qui nous dépassent... ça va être la catastrophe, s'enquit Yona, les yeux mouillés, presque inaudible, les poings serrés.

Contre toute attente, Amy prit la parole, claquante mais sans aucune cruauté.

- Yona, arrête de flipper autant. Tu te rends malade. Les séances de Ouïja ont jamais tué personne. Enfin, sauf dans les séries. En général, elles sont fakes ; dans d'autres, ce sont des petites discussions. Et peut-être, je dis bien PEUT-ÊTRE, qu'un mauvais esprit peut s'attacher à nous et nous donner la poisse, nous faire déprimer, mais... ça s'arrange et ça condamne pas la planète entière. Alors oui, ça peut éventuellement être mauvais, mais ça tue pas.

Tout le monde la félicita. Yona se mit à pleurer et Jona, son ego encore grandement blessé, fut contraint de s'incliner.

- C'est... c'est d'accord pour la séance. Mais je veux pas que ça soit à minuit, en pleine nuit. Et je veux que ça suive toutes les mesures de sécurité pour qu'elle se déroule bien. Wina, tu t'y connais bien ?

Elle sourit, soulagée, comme si elle avait retrouvé son ami.

- T'inquiète pas Jo ! Je maîtrise. On fera ça demain après-midi, avec les personnes qui veulent, celles qui veulent juste observer. On dira bien bonjour, au revoir, etc., etc.

- Le pentacle de protection, faire brûler de la sauge blanche, aussi, rappela Yona, à fleur de peau. Et bien le au revoir, le au revoir...

Sur ces mots, Jona s'exila de nouveau sur le côté droit de la maison où se tenait un petit salon extérieur, où il se reposa dans un cocon tournant et Yona repartit dans sa chambre, tandis que l'intégralité du groupe revint à l'intérieur pour manger. Ray fut chargé de conserver la planche Ouïja jusqu'à ce que son créateur ou son « Grand Ami » comme il l'avait fait surnommer, lui demandera.

Sans attendre, la jeune brune récupéra son ruban rouge et doré et partit dans le fond du jardin. Elle y démarra sa musique et se laissa emportée par celle-ci, laissant son ruban voler après le vent et ses gracieux mouvements dansants. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas permise de danser, de souffler, et mine de rien, cela lui était extrêmement bénéfique. Seule avec elle-même, seule avec la Lune, seule avec la fraîcheur nocturne, seule avec la musique joliment accompagnée par certains cris d'oiseaux ; Yona pouvait se ressourcer dans ce cadre idyllique où elle avait plus que besoin de retrouver son équilibre, comme celui de l'Awen.

Elle ne s'arrêta de danser seulement pour boire quelques gorgées de sa bouteille d'eau, et encore. Dansant au rythme du vent, son ruban rougeoyant et brillant défilant à la suite de ses mouvements, elle était inarrêtable. La Lune pleine lui ouvrait ses bras, écoutant sa peine, exfoliant ses doutes. Yona ne s'arrêta même pas pour la silhouette qui s'était approchée dans l'ombre, la regardant, et peut-être l'admirant, dont seuls ses yeux bleus-verts brillaient dans l'obscurité lumineuse de l'astre lunaire.

- Waouh, je savais pas que tu savais aussi bien danser. Quelle souplesse ! s'exclama le terrible jeune homme, très expressif malgré son chuchotement, brisant le silence.

Le poil frissonnant, elle s'arrêta, terminant tout de même sa chorégraphie par une posture de fin de spectacle, et commença à le replier.

- Merci. C'est vrai que je vous ai tenu à l'écart de cette passion, haha.

- Bah... à part quelques vidéos sur Insta, on savait pas grand-chose de plus. Mais ça nous coupait le souffle à chaque fois. Mais là, te voir en vrai, dans un espace de confiance donc sans compet', sans coach, ni rien, c'est... prodigieux.

Jona semblait réellement subjugué.

- Dis pas ça, quand même pas. Nan mais quel beau parleur celui-là rhalalala ! railla la jeune femme, doucement.

- Non, mais je le pense vraiment, Yona. C'est tellement beau ! répéta le sportif charmeur, avec encore plus de vigueur.

Cette dernière commença à rougir. Il changea de sujet en lui proposant des petites fraises des bois, bien rouges, bordant sa maison. Elle en prit quelques-unes à cœur joie et les goba d'une traite.

Ils regardaient paisiblement le ciel constellé quand Yona descendit son regard vers le sien et lui posa enfin la question qui lui brûlait sur les lèvres :

- Pourquoi est-ce que tu as finalement décidé de me suivre ? Pourquoi tu m'as pas pris comme une folle comme les autres ?

- Mais parce que je te fais confiance, c'est tout, répondit-il, d'un air désintéressé, inébranlable.

La passionnée de ruban artistique persista et il finit par se décider d'avouer. Il lui tendit son auriculaire qu'elle prit avec force de conviction.

- Tu as juré donc tu promets de pas te moquer. D'accord ?

Un doute faisait vaciller sa voix, d'un naturel si confiant. Yona en rigolerait presque, se mordant les joues.

- Mais tu me connais ! J'suis super ouverte. Puis, t'as vu ce que je déblatère depuis quelques jours, si j'suis pas assez ouverte pour toi haha !

- Bon, d'accord. Comment dire... je t'ai soutenue parce que je te fais confiance mais... aussi parce qu'il y a autre chose. Ça va te surprendre, mais je suis baptisé catholique, j'ai fait quelques communions dans mon enfance et...

- Certaines personnes sont baptisées mais ça change rien à leur vie d'athée, releva-t-elle en même temps.

- Oui, t'as raison. Bref, c'est pas le plus important. Mais, tu vois, c'est peut-être archi idiot, mais je crois aux anges gardiens. Eux aussi ont semblé me prévenir quand on est arrivés dans l'enceinte de l'Autel. Et ça continue de bourdonner en moi, comme si le Mal n'était pas écarté. Voilà... avoua-t-il, avant de soupirer longuement, comme s'il se sentait plus léger.

En réalité, la véritable révélation était celle-ci. Jona, croyant ? Ce mec hyper septique, anti-religion ? Quel excellent retournement de situation. Comme quoi, ils se seront appris tout deux des choses l'un de l'autre.

Il se tourna vers Yona et lui prit les mains, les yeux brillants.

- S'il-te-plaît, veille à ce que la séance de demain se déroule au mieux. Je t'en conjure. Que tu y assistes ou que tu espionne juste. Il faut pas que ça tourne mal, je le sens vraiment pas.

La jeune femme était plutôt indécise sur sa réponse, se sentent étrangement illégitime à intervenir.

- Mais... pourquoi pas toi ? C'est ta maison. Si ça te dérange tant que ça, pourquoi pas juste l'interdire ? Récupérer la Planche et l'envoyer aux autorités compétentes ?

- J'arrive pas à leur dire non. Ils comprennent pas ce qu'on ressent. Sont pas aussi sensibles que nous. Pour eux, c'est qu'un jeu. Et...

- Et...? Qu'est-ce qui nous empêche de sous-tirer la tablette ? continua Yona, indéfectible.

- J'ai, j'ai... j'ai la trouille. Je te le demande car je peux juste psychologiquement pas approcher la Planche. Vraiment pas. Comme j'ai été incapable de m'approcher de l'Autel alors que toi, oui. (Une lueur d'espoir ou peut-être de fierté apparut dans son regard :) Toi, tu peux lutter, t'as la force et les armes pour. Tu l'as dit toi-même, même si tu crois pas à toutes les histoires de Grand-mère Melwyn, tu as baigné dans cet univers, tu maîtrise les coutumes qui m'échappent. Tu sais quoi faire pour que tout se passe bien, même si ça a l'air fou que ça puisse arriver.

Yona n'en croyait pas ses yeux. Ses yeux ne se retenaient pas de pleurer. De toute sa vie, elle n'avait jamais eu de compliments aussi forts, aussi intenses. Elle n'aurait jamais cru que Jona aurait peur de quoi que ce soit, et surtout pas de délires paranormaux. Plus que ça, elle ne pensait pas qu'il la trouverait courageuse, puissante, alors qu'elle n'aurait jamais utilisé ces mots pour se décrire.

- Mais... tenta-t-elle, désireuse subitement de se délier à son destin, profitant de l'unique occasion.

Il se tourna vers elle et posa ses mains sur les siennes. Ses yeux étaient partagés entre la peur et la confiance qu'il lui portait. C'était si étrange, aussi terrifiant que mielleux.

- Non, Yona. Fais-toi confiance. Sur ce combat-là, je l'avoue, je suis faible. Je préfère fuir. Je te le demande car je sais que, toi, tu en es capable. Tu as plus de ferveur que moi pour défendre nos amis, tu sais ce qu'il va arriver. Tu sais ce qu'il faut faire, tu es protégée par tes esprits protecteurs, ta grand-mère, alors, s'il-te-plaît, fais tout ce qui est en ton pouvoir pour empêcher le Mal de se produire.

Cette discussion était surréaliste mais Yona avait cessé de pleurer, deux écoulements pourtant bien marqués sur ses joues, mais ses lèvres s'étirèrent. Elle hocha la tête.

- Je te le jure. Je vais protéger nos amis, déclara-t-elle, renaissant dans un nouvel élan de détermination et de confiance, fixant ses yeux dans les siens.

Ensuite,un silence, guère gênant, s'installa. Leurs regards se mêlaient, décalant detemps à autre autour de leurs lèvres. Leurs sourires s'élargirent et ils seprirent dans les bras, admirant les magnifiques constellations nageant dans leciel nocturne, jusqu'aux premières lueurs du jour, signe que l'irréversibleallait se produire, signe que tout allait se jouer prochainement.

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