Chapitre 20 : La Confession de Macklar

Liliane s'était jetée dans la gueule du loup sans même réfléchir.

Et à présent, enfermée dans le bureau de l'Empereur avec ce dernier, son frère et le Marquis, elle avait l'esprit éclaté en mille morceaux.

Debout près de la porte, elle avait les mains crispées sur ses jupes, tandis que Liam et Josepho discutaient. Le Marquis, lui, venait de se laisser tomber sur un tabouret, tête basse, avec un air si contrarié qu'elle n'osait pas l'approcher.

Elle s'en voulait.

Se mordillant nerveusement la lèvre, elle regrettait son geste. Elle n'avait jamais voulu le forcer au mariage. Cela n'avait jamais été son intention. Mais... Mais son frère... Elle ne pouvait pas le laisser sacrifier sa vie de couple pour elle. Il avait déjà tant fait pour elle... Elle...

Le cœur lourd, elle releva le menton, pour se diriger droit vers le Marquis.

-Monsieur Macklar... Je suis désolée.

Il la considéra, sourcils froncés.

-Comment ça, vous êtes désolée ?

-Je sais que vous ne voulez pas de ce mariage, et je vous y ai forcé. Je suis navrée.

-Que je ne.... Mais bordel, je n'ai jamais dit que je ne voulais pas me marier avec vous !

Confuse, Liliane se dandina d'un pied sur l'autre.

-Alors, pourquoi avez-vous l'air si... contrarié ?

-Parce que je...

-Ouais, pourquoi, Logan !? lança l'Empereur, un verre de champagne à la main, sa couronne en biais sur la tête.

-Parce que je voulais la demander en mariage demain soir ! explosa le Marquis en jetant le premier truc qui lui tombait sous la main sur Josepho. Voilà pourquoi !

Quoi ? Le temps parut se suspendre, l'espace d'un instant, où elle considéra le regard vert de Logan. Il était plein de doute, d'incertitude, et pourtant... Il allait... Il avait prévu de la demander en mariage ? Demain ?

Une douce chaleur s'épanouit en Liliane.

-Sérieux !? Mais pourquoi tu ne m'as rien dit !? s'exclama l'Empereur.

-Parce que tu es une putain de pipelette ! Tu as tout gâché, espèce de sale petit fouineur !

-Mince, on a précipité les choses pour rien, alors.

Cette simple remarque, venant de Liam, détourna l'attention de sa sœur du Marquis. Appuyé sur le bureau de Josepho, il souriait d'un air mutin. Qu'est-ce que...

-Attend. Tu veux dire que vous avez fait exprès ? s'écria-t-elle avec des yeux ronds.

Duc et Empereur se regardèrent, avant de sourire de toutes leurs dents. Oh les...

-Bande de connards, gronda Macklar. Vous saviez que Liliane allait se porter volontaire ! Si quelqu'un d'autre avait...

-Si tu ne t'étais pas prononcé en faveur de ce mariage, je t'aurais tué de mes mains, susurra Liam. Ça fait des semaines que tu sautes ma sœur, tu as intérêt à l'épouser !

-Q... Quoi !? Mais pas du tout !

-Ça fait que deux jours !

L'intervention de Liliane fit rougir Logan jusqu'aux oreilles, tandis que Liam et Josepho en restaient comme deux ronds de flan.

-Attend... Tu dors avec elle depuis des semaines sans rien lui faire !? bafouilla l'Empereur, incrédule. C'est si récent que ça !?

-Je...

-J'hésite encore à le tuer, gronda Liam. Je prends ça pour une grave insulte.

-Attendez ! Je me comportais honorablement !

-Pourquoi, elle ne te plait pas, ma sœur !?

-Mais... mais bordel, comment on en est arrivés là, hein !? Tu devrais me féliciter d'avoir tenu aussi longtemps sans la toucher, au lieu de prendre ça pour une insulte ! Ça fait des semaines que je ne dors plus parce que j'ai envie de la...

-Ah, la ferme, je ne veux pas entendre ça ! On parle de ma sœur !

-Ah, faudrait savoir, hein !

-ÇA SUFFIT !

Les trois hommes les plus respectés de l'empire Kashar se turent face à la colère de Liliane. Les bras croisés, le dos droit, elle les fusillait du regard, tout en tapant du pied de manière particulièrement irrité. Ils se dirent, en cet instant, qu'ils auraient mieux fait de se la fermer.

-Liam de Karth, gronda-t-elle. Explique-toi immédiatement.

Et la Foudre du Nord déglutit nerveusement.

-Disons qu'un frère sait quand il doit se retirer pour laisser vivre sa vie à sa petite sœur. J'ai compris que vous vous attiriez mutuellement alors je vous ai laissé le champ libre. Je te connais assez pour savoir que tu t'en sortirais très bien. Mais comme je n'avais toujours pas de demande en mariage de la part de ce misérable petit co... de ce charmant Marquis, nous en avons discuté avec Josepho. Et nous vous avons tendu un piège pour précipiter les choses.

-Quoi ? Mais à quel moment tu as compris que...

-A la façon dont tu le regardais, et surtout à tes lettres. Il était évident que chaque jour passé te faisait tomber un peu plus amoureuse de lui. Et Herald m'a confirmé la chose dans ses rapports. Le comportement du Marquis était criant de vérité, aussi. Lui qui est si désagréable et antipathique, il a tout de suite été gentil avec toi. Il te portait même tous les soirs jusque dans ton lit !

Elle n'en croyait pas ses oreilles. Que Liam ait compris tout cela seulement en lisant ses lettres, c'était...

-Tu as peut-être raison pour moi, tu me connais bien. Mais Logan n'est peut-être pas tombé amoureux de moi ! Et par votre faute, il se retrouve bloqué dans un mariage avec moi !

-Quoi ? Tu n'as toujours pas fait ta confession ?

Tous les regards se tournèrent vers Logan, dont le regard se riva à celui de Liliane.

-J'étais censé faire ma demande demain, je vous rappelle, dit-il d'une voix calme, sous-jacente de colère pour les deux crétins.

-Faire une demande n'est pas synonyme de sentiments, murmura la magicienne. Je ne veux pas que vous m'épousiez par devoir.

-En quoi cela serait-il un devoir d'épouser la femme que j'aime, Liliane ?

Quoi ? Confuse, elle le vit s'avancer vers elle. Liam recula, pour passer un bras autour des épaules de Josepho, qui fit mine de se moucher d'un air théâtral. Mais ni Logan ni elle ne le remarquèrent. Car il posa une main délicate sur sa joue, avec toute la tendresse du monde.

-Liliane, tu es entrée dans mon existence comme un ouragan. Et ma vie n'a jamais été aussi belle que depuis que je te vois chaque matin, te parle chaque jour, te tiens dans mes bras chaque soir.

Son pouce dessina la courbe de sa mâchoire, avant d'effleurer le renflement de ses lèvres.

-C'est cela que je voulais te dire demain, sous les glycines de mes parents. Je voulais te demander de faire partie de ma vie, pour toujours. Car sans toi, elle ne vaudrait pas la peine d'être vécue.

Elle oublia tout le reste. Son frère, l'Empereur, leur machination, le fait qu'il était censé se déclarer le lendemain, qu'un bal se déroulait dans le bâtiment. Au lieu de cela, elle lui sauta au cou en l'embrassant, avec un rire plein d'allégresse.

*

Quand ils revinrent au bal, des regards curieux les assaillirent de toutes parts. Mais en voyant leurs visages souriants, le Marquis qui tenait la main de la magicienne de Karth, tous voulurent savoir de quoi il en retournait. Mais Macklar fit barrage, empêchant tous les curieux d'inviter Liliane à danser. Il fut son unique partenaire de la soirée, au grand soulagement de la magicienne. Ils ne cessèrent de discuter, même alors qu'il se faisait écraser les orteils en virevoltant sur le parquet. Ils vinrent sauver la mise à Liam plusieurs fois, qui commençait a désespéré de parler à autant de femmes. Ils surent se tenir sages en rejoignant Josepho, qui, paré de son costume d'Empereur, se devait d'être inaccessible.

Ils étaient fiancés.

Et le bal avait été leur fête de fiançailles. Liliane n'en aurait jamais demandé autant. Jamais elle n'aurait pensé pouvoir se retrouver ainsi avec Logan, pouvoir l'embrasser sans peur, avec tout l'amour qui avait grandis en elle ces dernières semaines.

Tout était parfait. À tel point qu'ils prolongèrent les festivités chez le Marquis, en petit comité. Liam et Josepho riaient de les avoir si bien coincés, tandis que Logan décida de s'éclipser avec sa fiancée.

Cette fois-ci, ils ne firent même pas mine de se cacher. Ils ne passèrent ni par les chambres séparées ni par le passage dissimulé dans l'armoire. La prenant dans ses bras comme une jeune mariée, il l'embrassa à en perdre haleine, lui faisant tourner la tête.

Elle avait du mal à croire en sa chance. À son bonheur.

Pourtant, en fondant dans les bras de son amant, de son amour, elle se dit que le destin n'aurait pas pu mieux choisir. Car l'homme qui l'avait sauvé, six mois plus tôt, et Logan, étaient une seule et même personne. Parce qu'il était d'une immense douceur et d'une grande gentillesse. Parce qu'elle l'aimait, et qu'il l'aimait en retour. Elle, l'allumée qui avait renversé sa vie sans état d'âme, balayant toutes ses croyances sur l'homme qu'il était. Le Chevalier Sanglant avant un cœur immense qu'il ignorait depuis trop longtemps.

Le lendemain matin, elle se félicita de pouvoir se réveiller en paix à ses côtés. De pouvoir poser la tête sur son torse, de sentir sa main qui lui caressait doucement les cheveux, sous les rayons naissants du jour.

-Logan, murmura-t-elle au bout d'un moment, en posant son menton pectoral. Tu m'as dit que tu ne m'avais pas sauvé que par altruisme, durant la guerre. Pourquoi ?

Le Marquis haussa un sourcil. Ses cheveux roux brillaient sous l'éclat du soleil, ses yeux verts se peuplant soudain d'ombres. Il lui fallut un certain temps pour répondre, sans que sa main ne cesse de jouer avec les mèches soyeuses de sa désormais fiancée.

-Pendant la guerre, nous avons entendu parler d'une magicienne, une soigneuse qui officiait chez l'ennemi. Elle se trouvait dans les camps, à retaper tous les blessés qu'elle pouvait. Cela était une sacrée épine dans notre pied.

-J'imagine, souffla-t-elle en se rappelant soudain que, des années durant, ils avaient été ennemis.

-Mais... Un jour, nous avons attaqué l'un des campements. Cette soigneuse se trouvait déjà à un autre endroit, à notre grande surprise. Nous avons compris pourquoi lorsque Syl nous a parlé.

-Syl ?

-Syl est le fils d'Alfred.

Oh, le fils de son majordome ?

-Il combattait avec moi durant la guerre contre Finiance, continua Logan. Mais il a été capturé. Il nous a raconté qu'il était aux portes de la mort, jusqu'à ce que cette magicienne vienne le soigner. Elle serait venue de nuit, à l'insu des soldats, pour guérir tous les blessés de Kashar. Oh... Le chef du campement n'a pas été content du tout en découvrant que ses ennemis étaient en pleine forme, le lendemain matin !

Oui, elle s'en souvenait très bien. C'était la première fois que le colonel levait la main sur elle. À vrai dire... Il avait fallu qu'un de ses subordonnés l'arrête, pour l'empêcher de la tuer. Il était fou de rage, alors. Il l'accusait de trahison, d'être une traitresse, tout comme son frère, qui refusait de prendre part à la guerre. Lui qui était à l'orée du Marquisat de Macklar, il ne voulait prendre part à des affrontements qu'il ne cautionnait pas, et qui de surcroit il jugeait inutiles. Tant que Macklar ne menaçait pas les gens du duché, il n'avait aucune raison de prendre part à la guerre.

Conscient de cela, le Marquis s'était tenu à l'écart de Karth. Tant que le Duc n'entrait pas dans les affrontements, la situation restait simple. Mais voilà...

Liliane, en guérisseuse de talent, avait choisi de soutenir les blessés de guerre. Elle ne pouvait ignorer la souffrance d'autrui, cela lui était impossible. Elle avait donc rejoint le front, afin de s'occuper de tous ces gens aux portes de la mort. Tout le monde était ravi de sa présence.

Jusqu'à ce que l'on s'aperçoive qu'elle guérissait aussi l'ennemi.

Mais ils étaient si jeunes, alors... ils avaient tous des femmes, des enfants, étaient tous le fils de quelqu'un. Comment aurait-elle pu tous les laisser mourir, alors qu'elle avait la capacité de les soigner ?

Il fut alors décidé de l'enfermer, de la garder sous surveillance, mais surtout, de la garder cachée.

Car ils accusèrent Macklar de la disparition de la guérisseuse. Tout était crédible, le Marquis se trouvant avec ses troupes juste à côté du campement où elle avait été vue pour la dernière fois par Finiance, officiellement.

La rage du Duc de Karth avait été sans commune mesure.

Il était entré en guerre, déchainant sa rage sur Macklar et ses hommes. Ces derniers, épaulés par l'Empereur, purent encaisser le choc de cette nouvelle force se déversant sur eux, mais de justesse. Ils ne durent leur survie qu'aux capacités de combat du Marquis et de Josepho. Sans leur magie, ils seraient tous morts.

Josepho avait découvert que l'arrivée du Duc dans les affrontements n'avait rien d'anecdotique. On accusait Macklar d'avoir enlevé, violé et tué la magicienne de Karth. L'Empereur ne savait pas quels étaient ses liens avec le Foudre du Nord, mais il supposait qu'il s'agissait là de son épouse.

Puis Logan avait attaqué le campement où était retenu Syl. Ce dernier avait assisté à l'arrestation de Liliane, accusée de trahison pour l'avoir soigné, entre autres personnes. Conscient de l'importance de cette information, il avait informé Josepho qu'il allait chercher cette femme, et la sortir de là. Si Finiance avait bel et bien poussé Karth à la guerre par la trahison en manipulant la soigneuse, alors... tout pouvait changer.

Le puissant Duc était la clé de voute de la force armée ennemie.

Et son point faible était cette magicienne.

-J'ai donc fait en sorte de me faire capturer par Finiance, en plein jour, sous mon apparence d'Arlette, expliqua-t-il. Par les hommes du campement où tu étais retenue prisonnière. Quand je disais que je n'étais pas altruiste... Je suis sincère, Liliane. J'aurais aimé dire que j'ai agis comme un preux chevalier, mais... pas du tout. Je devais t'utiliser pour renverser le cours de la guerre. Tout simplement.

Elle considéra son fiancé, qui soutint son regard, plein d'incertitudes. Pourquoi culpabilisait-il ?

-Je te l'ai déjà dit, murmura-t-elle en embrassant tendrement ses lèvres. Quelles que soient les raisons de ton geste, je te suis redevable pour tout, Logan. Car tu m'as sauvé la vie.

Il sourit alors, en lui rendant son baiser.

-Quand je suis arrivé, que je t'ai vu dans cette cage... j'ai compris que je devais te sortir de là, confessa-t-il. Tu étais une ennemie, un pion sur un échiquier... Mais tu étais aussi la femme qui avait sauvé Syl, le fils d'un homme qui me servait loyalement, moi et ma famille, depuis des années. Je t'étais redevable.

Il pleuvait des trombes d'eau, ce jour-là. On ne voyait pas à deux mètres devant soi, ce qui arrangeait plutôt bien Logan. En vérité, Josepho avait ordonné que l'on provoque un énorme orage sur la région, faisant cesser aussitôt les affrontements. Les chevaliers, chevaux et soldats ne pouvaient combattre dans la boue épaisse des champs de bataille.

Ce temps affreux avait permis au Marquis de se faire prendre par l'ennemi, alors qu'il faisait mine de se faufiler dans les bois. Avec sa longue chevelure rousse d'Arlette, même en pleine tempête il était visible à des mètres à la ronde.

On l'avait accusé d'être une espionne, ce qui n'était pas tout à fait faux. Et sous une pluie battante, on l'avait trainé jusqu'à la petite prison du campement, en attendant de l'interroger, de façon musclée.

C'était là qu'il l'avait vue.

Recroquevillée dans une cage suspendue au-dessus du sol, le front posé sur ses jambes repliées, la magicienne de Karth ne bougeait plus. N'étant pas protégée des intempéries, elle était trempée jusqu'aux os, ses vêtements devenus marron de saleté pendant lourdement au travers des barreaux.

Il avait été choqué de voir que l'on traitait une dame, une magicienne et guérisseuse de surcroit, de cette façon.

Syl avait assisté à la scène trois semaines plus tôt.

Elle se trouvait là-dedans depuis trois semaines.

Les seuls moments où ils la sortaient de sa cage, c'était pour aller soigner les blessés. Ils l'utilisaient, épuisaient son pouvoir, et la remettaient là-dedans en la traitant de traitresse. Le tout en envoyant son propre frère en guerre pour la secourir de l'ennemi.

Logan avait été dégouté par ce qu'ils faisaient à Liliane.

Il avait prévu d'agir à la nuit tombée. Son corps dissimulé sous sa lourde cape, il pouvait aisément cacher sa transformation en homme. Mais il n'eut pas le temps de sortir de sa prison ridicule que des soldats s'étaient saisie de Liliane. Ils l'avaient jeté à terre, se moquant bien que, recroquevillée comme elle l'était à longueur de temps, ses jambes ne puissent plus la soutenir. Elle tomba à terre sous les yeux de Logan, sous la pluie, dans la boue, à la lueur des torches des guerriers de Finiance.

-On la tue en forêt, fit un gradé. Et toi, le mage, tu la brules. On ne doit même pas pouvoir retrouver ses os, compris ? Le Duc de Karth ne doit pas savoir ce qui lui est arrivé. Sinon, nous sommes tous morts.

Il n'avait pas su, à l'époque, à quel point il avait eu raison.

Ils avaient provoqué la mort d'une nation par leurs actes insensés.

Et leur mort immédiate de la main du Chevalier Sanglant, alors qu'ils projetaient de "s'amuser" avec elle avant de l'exécuter.

Nul besoin de son épée pour régler leur compte à ces soiffards. Le mage fut le premier à périr, la nuque brisée, avant que les autres ne suivent dans ce bain de sang. Puis, il inspecta la magicienne, sous une pluie diluvienne.

Ses cheveux devenus bruns de saleté étaient collants de sang, son visage maigre et tuméfié. Ce soir n'était pas la première fois qu'ils la frappaient, c'était certain.

Il avait alors fait un choix.

La prenant dans ses bras, il avait quitté le camp à la faveur du mauvais temps, s'enfonçant entre les arbres. Il ne comprenait pas pourquoi une magicienne de son acabit ne s'était pas défendue, mais elle devait avoir ses raisons. Dans tous les cas, il devait partir tout de suite avec elle.

Et une seule solution s'imposait. Il ne pouvait pas l'emmener avec lui. Son campement était trop loin, elle était trop mal en point. En revanche... Il savait que le Duc de Karth se trouvait non loin. C'était probablement pour cela qu'ils avaient décidé de l'éliminer. La Foudre du Nord était trop proche.

Il courrait sous les arbres, lorsque la main pâle et fragile avait effleuré sa joue. Surpris, il avait croisé deux yeux d'un bleu livide. Même dans la pénombre, ils avaient semblé briller d'un feu intérieur, en dépit de la faiblesse du corps qu'il tenait contre lui. Elle lui avait souri. Puis elle avait de nouveau perdu connaissance.

Merde !

S'assurant qu'elle était toujours vivante, il avait repris sa course entre les arbres. Il devait à tout prix atteindre le campement de Karth ! Elle était amaigrie, avec de la fièvre, et étant donné son affaiblissement, ses plaies auraient pu s'infecter rapidement. Surtout avec cette pluie.

Ce qu'ils lui avaient fait subir était inhumain.

En arrivant près du campement du Duc, il avait découvert que c'était une autre paire de manches de s'infiltrer là-dedans avec une blessée dans les bras. Néanmoins, il y parvint. Son capuchon rabattu sur son visage, il avait réussi à entrer dans la tente de Karth.

Pour se faire accueillir par la pointe d'une épée.

Il ne devait sa vie qu'à la présence de Liliane contre lui.

Pas un mot n'avait été prononcé entre le Duc et lui. Il avait simplement baissé les yeux sur la femme dans ses bras. Liam était soudain devenu pâle comme la mort. Logan avait déposé sur la couchette celle qu'il prenait alors pour la femme de Karth, enroulée dans sa cape brodée de l'écusson Kashar. Puis il était parti, sans rien dire.

Pour ne la revoir que six mois plus tard, en pleine forme, et déterminée à lui enlever sa malédiction.

-Voilà pourquoi je t'ai dit que je ne suis pas venu par altruisme. C'était calculé dans la cadre de la guerre.

Liliane lui sourit.

-Oui. Mais il n'en reste pas moins que tu m'as sauvée.

-Certes. Néanmoins, on a fait plus romantique comme rencontre.

-Mmh, si on omet le fait que je me suis fait tabasser et que je puais, c'est plutôt romantique, un sauvetage.

Il la regarda, un sourire amusé aux lèvres. Les beaux yeux pâles de sa fiancée pétillaient.

-Tu es déterminée à voir les choses sous un jour rose bonbon, c'est ça ?

-Tout à fait !

Lorsqu'ils s'embrassèrent, ce fut le cœur léger. Logan avait enfin pu lever le voile sur le dernier secret qu'il gardait pour lui. Elle ne lui tenait pas rigueur de ces conditions de sauvetage.

Ils n'avaient à présent qu'une hâte, se marier pour pouvoir vivre ensemble, et ainsi mettre Liliane sous la protection officielle de Macklar.

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