Chapitre 19 : Une Requête Imprévue


Fils légitime de l'Empereur, Josepho avait vu sa mère être tuée par la première concubine impériale. Personne n'avait pu prouver qui était derrière ce meurtre, mais il savait qu'elle en était la cause. Car cette femme avait elle aussi un petit garçon, qu'elle souhaitait faire monter sur le trône. Et pour cela, elle devait se débarrasser de tous ceux qui lui barraient la route.

Et Josepho était l'ultime obstacle.

Contre toute attente, lui qui avait hérité des pouvoirs de la lignée impériale, était parvenu à survivre. Mais tout n'était que lutte. Il ne pouvait se fier à personne. Ni à son père, qui se désintéressait de son premier né pour les charmes flamboyants de sa nouvelle femme, ni à ses demi-frères et demi-sœurs, qui convoitaient tous sa place d'héritier de la couronne.

Jusqu'au jour où il avait fait la connaissance de la Chevalière Sanglante.

Cette dernière avait reconnu sa force, avait vu son désespoir. Alors, avec l'autorisation de l'Empereur, elle l'avait emmenée avec elle, dans sa forteresse creusée dans la roche, aux confins du royaume. Il avait douze ans, alors. Il luttait depuis trois ans déjà pour sa survie.

Il avait découvert ce que c'était que de vivre, sous le toit des Macklar.

Il était devenu ami d'un roux caractériel de son âge, le fils de la Marquise. Il avait appris à réellement se battre, à maitriser ses pouvoirs, en même temps que cet enfant grossier. Il était tombé amoureux, aussi, de Margareth. Ce symbole de femme forte qui l'avait extirpé de sa condition précaire en dépit du faste dans lequel il évoluait. Mais il s'était bien vite fait remettre à sa place, quoiqu'avec gentillesse, par le Marquis. Gustave était un homme d'une grande douceur, à la santé fragile. Tout le contraire de son épouse, vigoureuse et athlétique.

Malheureusement, parce qu'elle l'avait aidé, elle avait été assassinée lors d'un séjour à la capitale. Le Marquis avait tout fait pour les protéger, tout en cherchant une solution pour guérir son fils. Mais lors des seize ans de son enfant, il avait été assassiné à son tour, pour avoir osé protéger le premier né de l'Empereur. L'impératrice était prête à tout pour le tuer.

Logan avait fait alors une promesse à Josepho, lors des funérailles de son père : il le mettrait sur le trône. Il lui ferait prendre le pouvoir par la force s'il le fallait, et alors, ils feraient payer à tous les responsables de la mort de ses parents, mais également de celle de l'ancienne impératrice.

C'était ainsi qu'avait débuté la légende du Chevalier Sanglant. Revêtu de son armure rouge, faite sur le modèle de celle de sa mère, le Marquis de Macklar avait taillé un chemin à Josepho. Ce dernier avait obtenu tous les soutiens nécessaires, avait formé une véritable armée. Les Cimeterres et les Lomarques, deux grands duchés de Kashar, avaient rejoint ses rangs.

L'impératrice était morte. Ses enfants exilés.

Margareth, Gustave et sa mère avaient été vengés.

À vingt ans, Josepho était devenu Empereur, et Logan était resté son bras droit un long moment, avant de se retirer sur ses terres. Jusqu'à la guerre contre Finiance. Jusqu'à ce qu'il découvre la magicienne, et qu'il lui demande de partir soigner son ami de toujours.

-Une histoire classique de succession, en somme, conclut Josepho avec un sourire triste. Mais les dommages collatéraux ont été les parents de Macklar. Il n'a jamais... réellement accepté leur meurtre.

Ils avaient continué leur conversation directement dans le bureau de l'Empereur, pour des raisons de confidentialité évidentes. Après tout, il lui avait expliqué toute l'histoire derrière sa vie, sa survie, son couronnement. Et tout cela était étroitement lié au Marquis, dont le destin familial avait été brisé.

-Et pourtant, il ne m'en a jamais voulu... ajouta l'Empereur en se passant une main tremblante dans les cheveux. Jamais... jamais il ne m'a fait le moindre reproche. Il m'a toujours dit que cela était le choix de ses parents... Qu'ils avaient choisi de s'exposer à la vindicte de la nouvelle impératrice. Car ils pensaient qu'il n'était pas juste pour un enfant de se retrouver ainsi exposé à la mort. Il souhaitait honorer leur position. Et faire payer à ses ennemis.

Respectant son silence, Liliane regarda par la fenêtre. Contre toute attente, face à ces révélations, il faisait beau, dehors. Des oiseaux chantaient, comme une dissonance entre la violence des propos tenus et la vie qui continuait à l'extérieur.

Tout cela... Elle comprenait mieux.

Elle comprenait beaucoup mieux le positionnement du Marquis.

Lui qui avait perdu son identité en devenant Arlette la moitié du temps, il avait également perdu ses parents dans la violence. Mais aussi...

-Je ne crois pas que ce soit juste pour respecter leur mémoire, Josepho, fit-elle doucement. Logan vous aime beaucoup. Ça se voit. Il a fait ça pour vous aussi.

L'Empereur l'observa un instant, avant de lui adresser un sourire désarmant de sincérité.

-Bah. On a combattu ensemble. Forcément, il doit y avoir un peu d'affection, là derrière ! On ne donne par un empire à un homme pour rien !

Elle voyait bien le Marquis sur-le-champ de bataille, dans son armure intégrale destinée à dissimuler son corps de femme. Combien de combats avait-il menés ainsi ? À se cacher du jour, mais en restant d'une férocité extrême, au point de devenir le Chevalier Sanglant ? Pour venger ses parents. Pour sauver son meilleur ami d'une mort certaine. Car si Josepho ne montait pas sur le trône, il était un homme mort.

Or, ce que l'Empereur ne disait pas, c'était sa détermination à sauver la vie de son meilleur ami. Il disait que le Marquis l'avait mis sur le trône, mais... Josepho avait hérité des pouvoirs impériaux. Il était lui-même d'une puissance létale effrayante. Ce trône, il l'avait pris avec Logan. Pour le Marquis, et pour tous ceux qui étaient morts pour lui.

*

-Vous pouvez me dire pourquoi je dois travailler avec vous ? grogna le Duc de Karth.

-Je n'en ai pas plus envie que vous, maugréa Logan. Mais vous êtes dans une situation bancale, à Kashar. Je vous sers de sauf-conduit.

-Pas besoin. J'assume mes actes.

-L'Empereur et moi n'avons aucune envie de régler les problèmes après votre passage.

L'irascible Duc poussa un juron, sans cesser de marcher.

Les deux hommes ne passaient pas inaperçus dans les rues de la capitale. Si le Marquis avait des caractéristiques physiques connues de tous, ici, les citoyens se demandaient qui pouvait bien l'accompagner. En tenue complète, avec chemise, veston brodé et redingote surpiquée d'or, les deux hommes affichaient leur titre et leur fonction. Nul ne pouvait ignorer qu'ils faisaient partie des personnes les plus puissantes de Kashar.

-Si cette feignasse de Josepho avait voulu s'occuper de ça, ce serait réglé depuis longtemps, soupira le Marquis.

-Finiance est mon problème.

-C'est également le nôtre. Je vous signale, mon cher, que le problème s'est déporté jusque dans mes terres, et que cela a conduit a... heu...

-Mmh... un souci, Arlette ?

Le Marquis poussa un juron, tandis que le Duc ricanait de sa réaction. Lui... Il allait le lui sortir jusqu'à leur mort ! Déjà que sa sœur lui en faisait voir de toutes les couleurs ! Il était mal barré ! D'ailleurs, en parlant de mademoiselle Liliane... En repensant à tout ce qu'il avait pu faire pour justifier la fureur du Duc, il se félicita d'avoir été assez discret pour que cela n'arrive pas à ses oreilles. Il n'avait aucune envie de faire de la peine à la magicienne en devant affronter son frère.

En arrivant devant le club pour hommes, ils abandonnèrent toute taquinerie. Ils avaient du boulot.

Ils reçurent un accueil glacial en entrant dans les locaux. Ici, tous appartenaient à Finiance, et étaient fidèles à l'ancienne couronne. Il y avait des otages de familles aristocratiques emmenés par Josepho jusqu'à la capitale, afin de calmer le jeu dans le territoire conquis. Mais aussi d'anciens citoyens, venus servir celui qui fut l'un de leurs princes, et qui se croyait plus malin que tout le monde.

Néanmoins, ces gens étaient des assassins, des chevaliers et des mercenaires.

Dés que les portes se refermèrent sur les deux hommes, ils n'hésitèrent pas à les attaquer. Lui, le traitre. Et lui, le bras droit de Kashar.

Alors, dos à deux, la Foudre du Nord et le Chevalier Sanglant firent un carnage.

Ils n'avaient jamais combattu ensemble. Néanmoins, ils connaissaient très bien les capacités de l'autre. Car rien n'était plus important sur un champ de bataille que de bien connaitre son ennemi. Et s'il ne pleuvait pas, Liam de Karth restait toujours d'une dangerosité remarquable. Son épée nimbée de foudre, il fondait sur ses ennemis à une vitesse inhumaine. Ceux d'en face, en revanche, ne s'étaient jamais retrouvés face au Duc. Ils n'avaient jamais pris la peine de faire attention à ses capacités, outre dans les gestes chantées par les bardes. Des chants exagérés, c'était bien connu.

Ou pas.

Dans tous les cas, l'ancien prince comprit le message : si le commanditaire des attaques, où qu'il se trouve dans Finiance, recommençait à s'en prendre à Liliane ou au duché de Karth, il en paierait les conséquences. Et rien au monde n'empêcherait la Foudre du Nord et le Chevalier Sanglant de le retrouver et de le tuer dans les pires souffrances imaginables.

*

Ce soir-là, une main posée légèrement sur le bras de son frère, Liliane prit une profonde inspiration. Liam baissa ses yeux pâles sur elle, un sourcil haussé.

-Ne t'en fais pas. Tu n'es pas toute seule.

-Je sais, gémit-elle. Mais je déteste les bals, les banquets et tout ça...

-Tu n'es pas ici en qualité de magicienne de Karth. Tu es ici en tant qu'invité de l'Empereur en personne.

-Et sœur du Duc de Karth, marmonna-t-elle.

-Ça, c'est ta malédiction.

-Tu es ma malédiction ? Je préférais me transformer en homme, tiens.

-Oh, je pense que notre bon Marquis serait plutôt contrarié, si c'était le cas.

-Hein ?

Les lourdes portes s'ouvrirent devant eux, épargnant une réponse à son frère.

La salle de bal impériale était d'une splendeur... sans commune mesure. L'Empereur l'avait qualifié de « caprice hors de prix » datant de sa belle-mère l'impératrice. Elle comprenait mieux. Huit imposants lustres en cristal descendaient du plafond, éclairant une foule de personnes dans un décor aussi riche que somptueux. Des fleurs fraiches décoraient les lieux, ajoutant de superbes couleurs à l'or et le bois délicat qui composait la pièce. De grandes tables de buffets lourdement chargées se trouvaient sur un côté de la salle de bal, dégageant largement la piste de danse et les lieux de rencontre aménagés aux abords de cette dernière.

C'était à couper le souffle.

Mais ce ne fut pas cela qui bloqua la respiration de Liliane.

Ce furent les centaines de paires d'yeux braqués sur elle et son frère, alors que le héraut les annonçait d'une voix de ténor :

-Le Duc de Karth, héros de guerre de Kashar, et sa sœur Liliane de Karth, magicienne de Kashar !

C'était Josepho qui avait donné ces intitulés, c'était évident. Ainsi, il affichait exactement la position actuelle des deux anciens patriotes de Finiance. Nul ne pourrait les insulter dans cette salle de bal sans s'exposer aux foudres impériales.

*

Elle arriva, nimbée de lumière.

Sa robe d'un bleu aussi pâle que ses yeux, rehaussée de perles et de broderies délicates, mettait en valeur son teint de porcelaine, soulignant sa chevelure châtain clair. Son port de tête dégageait sa gorge parée d'un collier en diamants, lui conférant l'allure de ce qu'elle était : la magicienne de Finiance, la sœur du Duc de Karth.

Et la plus belle femme qu'il ait jamais vue.

Mais aussi une damoiselle particulièrement intimidée par la situation.

Il pouvait voir ses doigts crispés sur la manche de son frère, qui lui donnait le bras. Lui aussi était d'une beauté à couper le souffle, mais il devait l'avouer, il était franchement insensible à son charme.

Les femmes du bal, en revanche... Les jeunes dames se ruèrent sur lui comme des chiens sur un os, prêtes à tout pour le charmer. Cela aurait franchement amusé le Marquis, si Liliane ne s'était pas retrouvée au milieu de la mêlée. Elle devait faire face à des attaques de la part de ces langues de vipère, quand bien même elle n'était pas la fiancée du Duc, mais sa sœur. D'ailleurs... L'une d'elles dut faire une remarque de trop, car la Foudre du Nord dirigea son regard glacial sur la donzelle, qui fit un pas en arrière.

-Monsieur de Cimeterre, monsieur de Lomarque, fit-il pour les deux hommes avec lesquels il conversait. Nous devrions aider le Duc de Karth, il est harcelé par ces dames.

-Effectivement, déclara Lomarque en vidant son verre d'une traite. Quoique, vu sa mine meurtrière, nul doute qu'il peut se dépatouiller tout seul.

-Cela vous permettra peut-être d'enfin trouver femme, mon grand, déclara Cimeterre. Vous aussi, Macklar.

-Ne vous en faites pas pour ça.

En s'approchant, il remarqua le petit éclat de panique dans le regard de Liliane, la façon qu'elle avait de sourire sans parler. Sans parler. Cela lui paraissait tout simplement inconcevable qu'elle ne parle pas

-Bonsoir, Liam.

L'arrivée du Marquis provoqua un émoi chez ces dames, accentué par la présence des deux Ducs derrière lui.

-Bonsoir, Logan. Messieurs ?

-Je vous présente Lomarque et Cimeterre.

-Nous nous connaissons déjà, déclara le premier. Vous avez un sacré coup d'épée, Karth ! Mais certainement un foutu caractère pour pouvoir nommer notre ami par son prénom.

-Je dirais que j'ai eu un très bon intermédiaire, susurra Liam en baissant les yeux sur sa sœur.

Cette dernière, statufiée, regardait le Marquis avec des yeux pleins de détresse.

-Je vous laisse faire connaissance, déclara Macklar. Mademoiselle Liliane, me feriez-vous l'honneur de m'accompagner ?

La gratitude qu'il lut dans son regard l'aurait fait éclater de rire en d'autres circonstances. Mais face à un tel public, ravi de décortiquer leurs moindres faits et gestes, impossible d'être naturel.

Extirpant la magicienne de cette bataille mondaine, il l'entraina directement vers le buffet. Ces dames se jetèrent sur le Duc de Karth et ses amis, les laissant en paix. Ça, plus le fait que d'un regard, le Marquis fit comprendre aux aristocrates du bal que ce n'était pas le moment d'approcher.

-Vous allez bien ? s'enquit-il en lui donnant une petite assiette, ainsi qu'une fourchette.

-Ça va mieux, maintenant que vous êtes là.

Son sourire le désarma totalement.

-C'est la première apparition publique de votre frère. Ce sera plus calme demain.

-Demain ? Il y a un autre évènement ? fit-elle avec horreur, son couvert planté dans un petit four.

Il ne répondit pas tout de suite, tant il était perdu dans la contemplation de la magicienne.

-Vous étiez superbe tout à l'heure, mais vous savez quoi ? Je vous trouve magnifique quand vous êtes vous-même, comme maintenant.

Et quand vous rougissez ainsi.

-Vous... Vous cherchez à me troubler en public ? grommela-t-elle en croquant dans son petit four.

-Mmh... Peut-être, avoua-t-il avec un petit sourire. Vous êtes en beauté, ce soir. C'est la première fois que je vous vois maquillée et en tenue de bal.

-Et moi, c'est la première fois que je vous vois coiffé. Vous avez un visage charmant, en fait.

Pour le coup, il éclata de rire. Cela attira aussitôt l'attention de toutes les personnes alentour, provoquant des ragots instantanés. Le Marquis de Macklar ? Rire ? Cet homme si froid et désagréable ? Comment cela était-il possible ? Avec une femme, en plus !? Qui était-elle donc !?

-Je vous remercie, ajouta-t-elle. C'est juste que j'ai du mal à accepter les compliments. Je n'ai pas l'habitude.

-Vraiment ? Pourtant, il me semblait vous en avoir fait beaucoup, ces deux dernières nuits...

La tape sur l'épaule, il la méritait clairement. Heureusement qu'il avait parlé à voix basse !

-Si mon frère vous entend, vous êtes un homme mort, vous le savez, ça ?

-Mmh, oui. Mais il n'en reste pas moins que je suis sincère : je vous trouve belle, Liliane, que ce soit dans cette tenue d'apparat ou dans le plus simple appareil.

-Je... Je... Vous aussi... Que ce soit en homme ou en femme.

La peste ! Son petit ricanement le fit sourire, bien malgré lui. Elle allait lui payer cette référence, c'était certain ! Surtout que... Il se souvint soudain de l'affaire de la rivière, où elle l'avait forcée à se baigner avec elle, entièrement nue, alors qu'il était en Arlette. Il l'avait trouvé tellement belle, alors. Avec la lumière tamisée des arbres, créant des ombres sur son corps généreux, l'eau dégoulinant le long de ses courbes, ses yeux opalescents...

-Logan... Mangez ça, au lieu de me regarder comme si vous vouliez me dévorer.

Il n'eut pas le temps de hausser un sourcil qu'elle lui fourrait un friand dans la bouche. Les commères autour poussèrent des « oh » de derrière leurs éventails, tout en observant avec avidité ce couple inattendu. Mais pour le moment, le si vigilant Marquis de Macklar n'en avait pas conscience.

-C'est bon, hein ? fit-elle avec des yeux brillants.

Hochant la tête, il lui désigna un autre mets, qu'il lui recommanda. Ils passèrent vingt bonnes minutes ainsi, à gouter les plats, tout en bavardant sur des sujets moins sensibles. Ils se moquèrent de Liam qui semblait, même à cette distance, de plus en plus froid envers les convives qui se pressaient autour de lui. En vérité, il n'aimait pas plus ces mondanités que sa petite sœur. Mais en tant que Duc, il se devait de s'y plier de temps à autre.

-Mesdames et messieurs, Sa Majesté l'Empereur !

Tous les regards se tournèrent vers l'autre bout de la salle. Logan avait l'habitude, mais c'était la première fois que Liliane voyait Josepho dans son rôle de souverain.

Paré d'une lourde cape brodée d'or, une couronne de rubis sur la tête, il dégageait une aura charismatique qui la laissa sans voix. Tous posèrent un genou à terre devant lui, avant de se redresser sur son ordre. Même son sourire était différent. Il en imposait, en somme.

-C'est bien le même type bourré qui a roulé sous la table hier soir ? chuchota Liliane à son oreille.

Logan dut se mordre la lèvre pour ne pas éclater de rire.

-Merci à vous tous d'être venus ce soir, déclara Josepho d'une voix claire et profonde. J'ai organisé ce bal, non pas pour le simple plaisir de nous amuser, mais afin de vous annoncer deux choses. La première, c'est que le Marquis de Macklar a décidé de reprendre son poste de premier conseiller du roi !

Des murmures se propagèrent, tandis que tous les yeux se braquaient sur lui. Par réflexe, Liliane se cacha à moitié derrière le Chevalier Sanglant, mal à l'aise.

-C'est un honneur, votre Majesté, déclara-t-il en levant son verre pour Josepho, dont les yeux pétillaient d'amusement face à cette vision.

-Tout l'honneur est pour moi, mon ami. Et je devrais remercier la jeune femme avec vous. C'est grâce à elle si je peux de nouveau vous avoir à mes côtés. Merci, mademoiselle Liliane de Karth. Sans vos dons de magicienne, le Marquis n'aurait pas pu reprendre ses fonctions.

-Oh... Ce fut un plaisir... Votre Majesté.

Elle avait eu un mal de chien à ne pas dire « Josepho ».

Ce dernier, assez gentil pour ne pas la torturer davantage, se tourna alors vers le Duc de Karth.

-La deuxième annonce n'en est pas une. Je suis simplement heureux d'accueillir sous mon toit le héros de la guerre contre Finiance. Merci à vous, monsieur Liam de Karth.

Tous les regards convergèrent vers le Duc. Inébranlable, ce dernier hocha la tête.

-Merci à vous, votre Majesté. Sans votre intervention, la situation désastreuse m'aurait certainement couté la vie, et celle de ma sœur. Et je remercie aussi le Marquis de Macklar de l'avoir sauvée durant la guerre. Sans lui, je n'aurais jamais connu la vérité. Sans lui, j'aurais perdu ma seule famille.

Certains nobles eurent l'air émus, mais beaucoup semblaient curieux. Ils avaient des milliers de questions à poser. Néanmoins, l'Empereur n'était pas décidé à les laisser faire.

Car cette fois-ci, il prit tout le monde par surprise en déclarant :

-Votre reconnaissance me touche, monsieur le Duc. Néanmoins, j'ai bien peur que cela soit insuffisant pour lors. Quelle meilleure façon de lier votre duché à Kashar qu'avec des épousailles ?

Liliane écarquilla les yeux. Quoi ? Que venait-il de dire ?

Le dos bien droit, son frère faisait face sans broncher. Attendez, quoi ?

-Je pense également que cela est la meilleure décision.

-Non !

L'exclamation lui avait échappé, tout comme elle échappa au Marquis en s'avançant vers Liam. Elle qui tremblait sous le regard de toutes les personnes présentes, elle se tint fermement sur ses jambes, le menton levé. Elle n'en avait pas conscience, en cet instant, mais elle dégageait une aura égale à celle de son frère. D'une détermination sans faille.

-Liliane, gronda Liam.

-Votre Majesté, fit-elle en s'inclinant devant Josepho. Pardonnez mon intrusion, mais je ne pense pas que mon frère soit le meilleur choix pour un mariage arrangé.

Un brutal silence s'abattit sur la salle de bal. L'Empereur Josepho n'était pas réputé pour accepter les intrusions de la sorte. Pourtant, il provoqua la surprise en déclarant :

-Quelle est votre suggestion, dans ce cas ?

-Je suis responsable de ce qu'il s'est passé à Finiance. C'est à moi d'endosser cette responsabilité.

-Liliane, non, fit son frère. Tu n'es responsable de rien. Ce sont eux qui nous ont trahis en t'utilisant pour me pousser à la guerre. Tu n'es pas mise en cause.

-Si ! Si je n'avais pas fait vœu de non-violence, tu ne te serais pas retrouvé dans cette situation, Liam ! Je vais endosser cette responsabilité, et toi, tu te marieras par amour ! Je refuse que tu te retrouves dans un arrangement bancal ! Votre Majesté ! Vous avez dit me remercier pour mon aide apportée au Marquis de Macklar. Alors s'il vous plait, entendez ma requête.

Le juron retentissant du Duc de Karth n'échappa à personne. Néanmoins, Josepho n'en prit pas ombrage. Car il souriait à Liliane de sous sa couronne, tout en disant :

-J'entends votre requête, mademoiselle. Vous serez donc l'objet de ce mariage arrangé. Maintenant, il ne nous manque plus qu'un prétendant. Qui se propose d'épouser mademoiselle Liliane de Karth !? demanda-t-il d'une voix forte.

Les mains serrées sur ses jupes, elle tenta de maitriser sa respiration. Elle ne pouvait rien dire. Elle ne pouvait le mettre dans cette position. Elle se refusait à forcer quiconque, même lui, dans des épousailles. Elle ne le pouvait pas. Car si elle le refusait pour son frère, elle le refusait également pour lui.

Si certains firent un pas en avant, attiré par une alliance avec le puissant Duc de Karth, pas un n'eut l'occasion de se prononcer.

Car, arrivant par-derrière, le Marquis de Macklar la saisit par le menton, pour l'embrasser au vu et au su de tous, en un baiser établissant clairement la situation.

-Je serais son époux, déclara-t-il d'une voix forte.


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