Chapitre 10 : La Théorie du Baiser


-Liliane... Ce n'est pas une bonne idée, gargouilla le Marquis en reculant le plus possible.

-Monsieur, arrêtez donc de faire votre jeune premier, rétorqua-t-elle, les mains solidement accrochées à son veston pour l'empêcher de s'enfuir.

-Je suis sûr que ce n'est pas ça !

-Vous allez finir par me vexer, enfin ! Qu'est-ce que ça vous coute de m'embrasser !?

Tout mon contrôle.

Bloqué sur son fauteuil, la magicienne ayant posé un genou sur l'assise pour mieux s'agripper à lui, il sentait ses bonnes manières se faner sous la pression. Si elle l'embrassait, il ne répondait plus de rien !

Ils avaient conclu que, comme elle lui avait accordé un chaste baiser sous sa forme masculine, elle devait le faire de nouveau en pleine nuit, pour pouvoir repousser l'activation de sa malédiction le jour. La logique de ces suppositions le dépassait totalement, mais avec une Liliane à présent à califourchon sur lui, il commençait à se foutre de la logique !

-Comme vous voudrez, grogna-t-il enfin.

Il ne lui laissa pas le temps de sourire de victoire. Passant une main derrière sa nuque, il décida de renverser la situation. Elle se jouait de lui ? Très bien. Elle allait voir ce que c'était qu'un vrai baiser !

En prenant possession de ses lèvres, il la sentit surprise. Néanmoins, elle se laissa faire, certainement désireuse de l'embrasser pour le bien de sa malédiction.

Ah... Elle était chaude et douce. Brulante contre lui.

Allant à la rencontre de sa langue, il la sentit sursauter, tandis que ses doigts se refermaient plus étroitement sur son veston. Il perdit pied, se noyant en elle. Ce ne fut que lorsqu'elle émit un petit gémissement qu'il s'arrêta net. Diantre ! Il avait passé un bras autour de sa taille, l'attirant à lui, ainsi qu'une main dans ses cheveux, pour approfondir leur baiser !

Les joues rougies, Liliane le regarda un instant, les paupières mi-closes, avant de battre frénétiquement des cils en se redressant d'un bond.

-Heu... Je crois que ce sera suffisant pour voir si notre théorie est la bonne.

Une théorie ? Quelle théorie ? Oh bordel ! La théorie du baiser !

Se passant une main sur le visage, Logan se dit qu'il s'était tenu un peu trop prés du bord du gouffre, là. Elle allait le faire craquer, avec ses inconvenances !

-D'accord. Très bien. Je viendrais vous chercher avant l'aube pour voir le résultat, alors.

Elle hocha la tête, avant de partir se coucher en trottinant. Il fut un instant déconcerté. Il avait fini par prendre l'habitude de l'avoir avec lui jusqu'à ce qu'elle s'endorme sur son canapé. Il considéra un instant ce dernier, pour rapidement se fustiger. Mademoiselle était une invitée, il ne devait pas prendre de mauvaises habitudes ! Une fois la malédiction levée, elle repartirait à Karth avec son infecte de frère !

Néanmoins...

Le lendemain, sous les rayons du soleil levant, ils durent se rendre à l'évidence : cette théorie n'en était pas une. Elle était véridique !

Logan considéra la magicienne qui, un grand sourire aux lèvres, le contemplait d'un air émerveillé, dit minutes après l'aube.

-Je dois donc vous embrasser pour que vous restiez un homme !

C'est ce moment que choisit son alter ego pour refaire surface, dans un nuage de vapeur et de souffrance. Dépité, il poussa un profond soupir en rejetant sa tête arrière, lorsqu'elle apparut de nouveau dans son champ de vision. Debout à côté de son fauteuil, elle le considéra avec des yeux amusés.

-À votre avis, combien de fois dois-je vous embrasser pour repousser le plus longtemps possible votre malédiction ?

Ah...

Finalement, était-ce une mauvaise chose, cette malédiction ?

Attendez. Depuis quand je pense comme ça, moi ? La fatigue me rend dingue.

-Aucune idée, avoua-t-il. Et puis, qu'est-ce qui me prouve que m'embrasser une seconde fois va faire quelque chose ?

-Nous n'avons qu'à tester.

Oui. Juste à tester... Il la vit songeuse, probablement en train d'établir un nouveau plan pour le tourmenter. Qu'avait-elle donc prévu, cette fois-ci !? Danser nue devant lui sans qu'il puisse la toucher ? Le faire dormir avec elle, sans rien faire !?

Bordel, mais pourquoi pensait-il à cela, lui !?

-Arlette ?

-Je ne suis pas Arlette ! rugit-il.

Le sourire fourbe de mademoiselle Liliane lui fit comprendre qu'elle l'avait fait exprès pour attirer son attention. Il s'était fait avoir, mais ça avait bien fonctionné.

-Je pense que nous devons établir un plan d'attaque, déclara-t-elle en contournant son fauteuil, pour aller s'installer dans le canapé. Sentez-vous des prémices quand vous allez vous transformer ?

Il réfléchit rapidement.

-Oui.

-Combien de temps avant ?

-Heu... Je ne saurais pas vous dire exactement. Je n'ai jamais réellement considéré la chose, étant donné que je n'ai jamais pu contrer la venue d'Arlette.

-Il faudrait que vous tentiez d'identifier les symptômes, réfléchit-elle en faisant des annotations dans son fameux calepin. Ainsi, si vous pouvez anticiper la transformation, peut-être pourrions-nous la stopper.

-D'un baiser ? fit-il avec un petit sourire.

-D'un baiser.

Très sérieuse, elle releva la tête.

-Je vais faire en sorte d'être non loin de vous, afin de pouvoir vous embrasser dès que nécessaire. Cela vous convient-il ?

Il resta coi. Elle venait réellement de dire cela ? Elle proposait réellement de l'embrasser n'importe quand ? Juste pour l'aider ?

-Monsieur ? Cela vous... dérange ? Je sais que je ne suis pas la plus belle femme à...

-Cessez donc de dire des âneries, râla-t-il en se passant une main sur le visage. Qui ne voudrait pas vous embrasser, franchement ? Mon seul regret est de le faire dans ces circonstances. Enfin, bref. De toute façon, nous devons nous occuper de cela demain matin avant l'aube. Ce soir, je tâcherai d'identifier les prémices à ma transformation. Ça vous va ?

-Oui, monsieur.

*

Elle n'osait pas faire face au Marquis.

Terrée dans la salle des mages, qui était devenue son antre après sa chambre, elle tentait d'éliminer de son esprit les récents évènements avec Macklar.

Mais c'était peine perdue.

Effleurant ses lèvres, elle se dit qu'ils n'avaient pas la même conception du « baiser ». Le sien avait été beaucoup plus... plus... intense. Mais, elle ne devait pas se fourvoyer ! Tout cela, c'était pour lever la malédiction ! Ni plus ni moins.

Elle avait juré de faire tout ce qu'elle pouvait pour l'aider, donc elle le ferait.

Quitte à se sacrifier en l'embrassant.

Tu parles d'un sacrifice, songea-t-elle en rougissant. Il va me dévorer vive s'il fait de nouveau ça !

Mais... non. Elle poussa un profond soupir en enlevant ses lunettes. Il ne servait à rien de se leurrer. Vu la réticence du Marquis, il était évident que la situation lui déplaisait. Il n'avait aucune envie de l'embrasser.

Soucieuse, elle considéra la lune, par la fenêtre.

Elle devait trouver rapidement une solution, afin de ne pas l'incommoder trop longtemps avec cette histoire.

-Tout va bien, mademoiselle ?

Herald déposa une tasse de tisane devant elle, plein de sollicitude.

-Oui, oui.

-Un rapport avec le Marquis ?

Tournant brusquement la tête vers lui, elle vit le chevalier hausser un sourcil.

-Dois-je régler le problème ?

-On dirait Liam. Non, tu ne le tueras pas.

-Vous en êtes certaine ? J'ai quand même vu quelques petites choses qui mériteraient cette sentence.

-Herald ! Non !

-Soit. Mais si vous avez l'air si peinée, je risque de devoir au moins lui refaire le portrait.

-J'ai dit non ! Bon sang, mon frère a déteint sur toi !

-Peut-être.

-Va te coucher, Herald, soupira-t-elle. Ne t'en fais pas. Je me prends juste la tête avec la malédiction du Marquis.

Il parut hésiter, avant d'acquiescer en disant que de toute façon, Macklar ne quitterait pas le manoir cette nuit. Il pouvait dormir sur ses deux oreilles. Pour qu'Herald dise cela, c'était qu'il respectait les capacités de guerrier du Marquis.

Elle songea au peu qu'elle en avait vu.

Cette fameuse nuit pendant la guerre, où il l'avait sauvée. Il était vrai qu'il avait tué à mains nues une plusieurs hommes, avant de parvenir à la faire sortir de là. Elle se souvint brusquement de ce que lui avait dit Arlette, quelques jours plus tôt. Enfin, le Marquis.

Qu'avait-il dit ? Qu'elle ne devait pas donner trop de crédit à Macklar, car il n'avait pas fait cela par altruisme ?

-Vous réfléchissez trop, Liliane, susurra-t-on à son oreille.

Faisant un bond, elle découvrit le Marquis masculin à ses côtés. Il était déjà si tard !?

-B... Bonsoir, bafouilla-t-elle. Je ne vous ai pas entendu entrer.

-Vu votre évidente contrariété, c'est normal. Un souci ?

-Non, non, tout va bien.

-Bien. Dans ce cas, je peux réellement vous dire bonsoir.

Pardon ?

Quand il attrapa son menton pour redresser son visage vers le sien, elle crut son cœur sur le point de s'arrêter. Mais il s'emballa d'un coup lorsque ses lèvres prirent possession des siennes, avec une assurance et une efficacité qui la laissèrent haletante.

-Il va falloir vous y faire, murmura-t-il contre sa bouche. Cela risque de devenir notre petit rituel, mademoiselle.

-Je... Il va falloir que je m'habitue. Vous êtes le premier homme que j'embrasse, après tout.

-Je vous mentirais si je vous disais que je n'en suis pas ravie.

Hein ? Que voulait-il dire ?

-Vous devriez aller vous coucher, ajouta-t-il. Je viendrais vous chercher demain avant l'aube.

-Mais...

-Allez-y. La journée de demain risque d'être longue pour vous.

Qu'entendait-il par là ?

Elle le sut bien vite lorsque, au petit matin, elle se retrouva en travers de ses genoux, un chronomètre à la main, les joues rougies.

-Bien. Je me suis organisé pour libérer ma journée, mademoiselle, déclara-t-il en faisant sauter les premiers boutons de sa chemise. Nous allons donc pouvoir mener à bien nos petites expériences, pour voir combien de temps nos embrassades repoussent les symptômes de la transformation.

Il lui fit un sourire un brin arrogant.

-Préparez-vous à être baisée toute la journée.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top