Chapitre 6 : Xir (2/2)

Christophe soupira et fit signe à ses subordonnés de faire entrer le propriétaire de la charrette et Marie, restée dehors elle aussi.

― Qu'avez-vous vu et entendu ? leur demanda-t-il.

La domestique s'avança aussitôt d'un pas, très digne malgré le chagrin qui se lisait dans ses yeux.

― Malheureusement, j'ai le sommeil très profond. Même les cris des corbeaux il y a deux nuits ne m'ont pas réveillée, cela avait surpris madame. Je n'ai rien entendu non plus cette fois-ci et mademoiselle s'est retrouvée seule face à ce terrible drame... Elle l'est restée jusqu'à ce que ce monsieur arrive ce matin et la sorte de sa torpeur... Par les Primordiaux, c'est affreux...

Le propriétaire de la charrette, quant à lui, semblait anxieux. Ses yeux se promenaient dans toute la pièce, revenant régulièrement sur les épées pendant à la ceinture des inquisiteurs et sur Marie, qu'il fixait avec insistance, comme à la recherche d'une aide quelconque.

― En ce qui me concerne, finit-il par lâcher, je n'ai rien à voir dans cette histoire, je n'ai rien vu ni entendu. Je venais aider la famille à déménager, rien de plus... Puis-je m'en aller ?

Voyant son agitation, les yeux de Christophe se plissèrent.

― Cacheriez-vous quelque chose ? s'enquit-il d'un ton qui se voulait cordial mais vibrant de menace.

L'homme se raidit davantage, son béret à présent écrasé dans une main. Les subordonnés de Christophe se rapprochèrent de lui et il laissa échapper un petit cri.

― Tout cela ne me concerne pas ! Laissez-moi partir !

Son ton mêlait colère et terreur. Christophe fit un nouveau signe de tête dans sa direction et l'un de ses subordonnés lui saisit les mains tandis que l'autre sortait de sous la chemise de l'homme un pendentif gris brillant.

Le chef des inquisiteurs esquissa un sourire en coin.

― Très belle pierre... commenta-t-il avec ironie.

Quand il se sut découvert, le propriétaire de la charrette tomba à genoux.

― Je vous en supplie, ne me faites pas de mal ! Je n'étais ici que pour aider au déménagement, je vous le jure ! Quand je suis arrivé, j'ai frappé plusieurs fois, personne ne m'a répondu alors je suis entré et j'ai découvert la demoiselle prostrée dans un coin ! Je n'ai rien fait ! J'ai une femme et des enfants, laissez-moi partir, par pitié !

Christophe contempla le pauvre homme un instant sans mot dire, le sourire toujours aux lèvres. Magdelaine ne put le tolérer plus longtemps.

― Monsieur, je doute que malmener cet homme soit d'une grande aide, s'indigna-t-elle.

Elle se tourna vers le sorcier du vent et s'agenouilla à ses côtés, sortant son propre pendentif.

― N'ayez pas peur, vous ne craignez rien, le rassura-t-elle.

Les yeux de l'homme se posèrent sur la pierre brillant d'une lueur bleutée. Son expression montra son étonnement puis son incompréhension. Il se tourna vers les autres personnes présentes. Marie lui adressa un sourire embarrassé. Le propriétaire de la charrette se releva doucement, l'air complètement perdu. Il fixa les inquisiteurs puis les sorcières qui ne disaient mot et recula vers la porte en chancelant.

― Je ne veux pas savoir ce qui se passe... Ne me mêlez pas à vos histoires... Vous êtes complètement dérangés, ma parole...

Il tourna les talons et s'enfuit en courant.

Christophe sembla l'oublier dès l'instant où il franchit la porte. Il se tourna vers Lison et croisa les bras.

― Savez-vous pourquoi votre mère a été prise pour cible par la Sorcière au Corbeau ? l'interrogea-t-il.

La jeune femme secoua la tête.

― Mère avait beaucoup d'influence ici, elle connaissait des gens, les autres venaient souvent trouver conseil auprès d'elle. Nous devions rejoindre la maison d'un de ses cousins en attendant que la Sorcière replonge dans le sommeil, peut-être se savait-elle en danger.

― Ce qui explique la présence de cette charrette, compléta Christophe. Nous allons examiner les possessions de votre mère, nous pourrions trouver une explication plus tangible et déterminer qui ce démon frappera ensuite. Nous la prendrons ainsi de vitesse...

Cette perspective semblait le réjouir. Dans ses yeux, Magdelaine découvrit l'attente et l'excitation d'un chasseur prêt à traquer et débusquer sa proie. Elle déglutit et se félicita de ne pas être sa cible.

Lison se redressa alors, le chagrin sur son visage se muant peu à peu en haine.

― Laissez-moi vous aider, s'exclama-t-elle d'une voix forte. Je mettrai à votre disposition tous les contacts dont ma mère disposait et me joindrai moi-même à la traque de la Sorcière. Laissez-moi venger ma mère.

Les yeux de Christophe se posèrent brièvement sur Magdelaine puis sur les fenêtres derrière lesquelles s'était trouvée la charrette, semblant comprendre pourquoi les sorcières avaient été si peu nombreuses à se présenter à l'abbaye, avant de se fixer à nouveau sur Lison.

― C'est entendu. Votre aide sera la bienvenue.

Ce matin-là, tandis que se créait dans sa forme définitive le front commun contre la Sorcière Primordiale du feu, les corbeaux restèrent silencieux, comme spectateurs attentifs de l'histoire en train de s'écrire.

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