Chapitre 4 : Conviction (1/2)

Une fois chez elle, Magdelaine sortit son pendentif et invoqua sa magie. Dans sa paume levée se forma alors une boule d'eau qui prit bientôt la forme basique d'un petit quadrupède avec des yeux aqueux. Elle lui murmura quelques mots et la créature s'évapora.

La jeune femme revêtit ensuite une autre robe, posa sa cape de rechange sur ses épaules et redescendit sans adresser un regard à monsieur Landec qui l'ignora, encore énervé par leur échange. Dehors, l'averse avait cessé mais l'eau ruisselait toujours au milieu du chemin, charriant nombre d'immondices que la jeune femme évita tant bien que mal.

Après quelques minutes de marche, elle atteignit la rue Tristin et sentit l'air chargé d'énergie magique l'envelopper. La sensation familière lui tira un sourire qu'elle ne chercha pas à dissimuler.

Elle se dirigea sans s'arrêter vers une petite cordonnerie, passant ce faisant devant une menuiserie dont elle salua l'artisan d'un signe de la main. Ce dernier la reconnut et lui retourna son geste avant de se remettre au travail. Derrière lui, elle aperçut sa femme, une bougie qu'elle venait de créer à la main.

Elle passait très régulièrement dans cette rue, mais savait qu'une fois qu'elle l'aurait quittée, que ce soit en entrant dans une boutique ou en rejoignant les voies adjacentes, les humains ordinaires l'oublieraient complètement. Tel était l'un des effets des sortilèges qui protégeaient la rue ainsi que le lieu où Magdelaine se dirigeait en ce moment même.

Quand elle poussa la porte de la cordonnerie, la clochette tintinnabula et un petit homme bossu s'approcha à vive allure.

C'était une personne d'un certain âge aux cheveux poivre et sel qui tombaient sur ses épaules en mèches grasses et mal peignées. Il était vêtu d'une chemise jaunie aux manches retroussées et d'un tablier en cuir qui lui arrivait au niveau des genoux.

Il fixa la nouvelle venue de ses petits yeux bleus nerveux et inclina rapidement la tête.

― Mademoiselle Morglas, vous voici de retour. Comment s'est passée votre entrevue ? demanda-t-il d'une voix enrouée.

― Très bien, Baudouin, je vous remercie. Je me rends aux Archives pour y faire des recherches concernant notre... amie.

Le petit homme s'inclina à nouveau.

― Mais certainement, mademoiselle Morglas, certainement. L'Inquisition accepte-t-elle l'aide de l'Assemblée ?

Tout en discutant, Baudouin indiqua le fond de la boutique à sa visiteuse et celle-ci l'y suivit.

― Effectivement, répondit-elle. Nous partagerons toutes les informations dont nous disposons. Il est d'ailleurs regrettable que cela n'ait jamais été fait auparavant. Nous aurions alors été débarrassés de la Sorcière depuis longtemps.

― Vous êtes une visionnaire, mademoiselle Morglas, minauda le vieil homme. Personne n'aurait eu l'idée d'aller proposer son aide à l'Inquisition. Je prie les Primordiaux pour que vous trouviez des compagnons désireux de vous accompagner dans cette entreprise. Je me serai volontiers joint à vous si je n'avais pas été le gardien de ce lieu...

La jeune femme se demanda s'il disait la vérité ou s'il voulait simplement entrer dans ses bonnes grâces. Venant de lui, elle penchait plutôt pour la seconde option.

Ils atteignirent l'arrière-boutique et Baudouin ouvrit la porte, invitant Magdelaine à le précéder.

Derrière se trouvait une pièce assez vaste pour une telle échoppe. Des outils et des morceaux de cuir étaient entreposés sur des établis et de petites bougies éclairaient les murs de pierre de leur lumière chevrotante.

Baudouin se dirigea vers le centre de la salle et entreprit de rouler le tapis coloré qui s'y trouvait. Il découvrit ainsi un cercle orné d'inscriptions anciennes et de dessins rituels gravé profondément dans le sol.

Magdelaine vint se placer en son centre et attendit. Le vieil homme se tint à l'extérieur du cercle et sortit un pendentif bleu brillant d'une faible lumière. Il le serra dans une main et tendit l'autre au-dessus du cercle. Les gravures s'illuminèrent d'une douce lueur, laquelle s'intensifia jusqu'à en devenir éblouissante et, tout à coup, Magdelaine se retrouva plongée dans la pénombre.

Quand ses yeux se furent accoutumés à cette soudaine absence de lumière, la jeune femme s'accorda quelques secondes pour contempler l'endroit où elle se trouvait.

L'arrière-boutique avait cédé la place à une cavité d'une centaine de pieds de large aux parois brutes recouvertes de cristaux brillant faiblement d'une multitude de couleurs. À ses pieds était gravé un cercle identique à celui qu'elle venait de quitter, quoiqu'aux dimensions autrement plus imposantes.

Magdelaine se dirigea vers l'unique sortie, une trouée lumineuse dans les parois de la grotte.

― Maggie ! Maggie !

Un bourdonnement résonna à son oreille droite et elle sentit une masse légère se poser sur son épaule. Elle tourna la tête et découvrit une petite créature pas plus grande que sa main à la peau de jais et à la chevelure d'or qui la fixait de ses yeux de la même couleur. Elle agita ses ailes de libellule iridescentes et sourit de toutes ses petites dents blanches acérées.

― Lili disait que tu serais morte, mais t'es pas morte ! s'exclama-t-elle de sa petite voix fluette.

Un second bourdonnement se fit entendre et une autre fée apparut. En parfait contraste avec la première, celle-ci avait la peau d'or tandis que ses cheveux et ses yeux étaient noirs de nuit. Elle s'approcha de Magdelaine et l'observa, les bras croisés.

― Pas encore trépassée, à ce que je vois, la railla-t-elle.

La jeune femme lui adressa un sourire courtois.

― Pas encore, non.

― Qu'est-ce que tu veux, cette fois ? Si tu ne t'es pas dégonflée, ta mission devrait être terminée...

La dénommée Lili s'interrompit. Un sourire narquois se dessina sur ses lèvres.

― À moins qu'il y ait eu là-bas quelqu'un d'assez idiot pour accepter l'aide qu'une certaine demeurée lui proposait... susurra-t-elle.

Magdelaine soutint son regard sans ciller. Considérant l'absence de réponse comme un aveu, Lili éclata d'un rire qui vrilla les tympans de la jeune femme.

― Je ne donne pas cher de sa peau quand son cher Pape l'apprendra... Ni de la tienne. Enfin bon, les Morglas ont toujours été bizarres. C'est à se demander comment votre lignée a pu survivre aussi longtemps.

Magdelaine ne s'était jamais très bien entendue avec Lili. Et même si sa petite sœur Lulu pouvait paraître plus joviale, la jeune femme ne détourna pas un instant son attention de la fée posée sur son épaule. Les créatures n'étaient pas les gardiennes du portail pour rien et le moindre faux pas en leur présence pouvait signer son arrêt de mort.

Sentant que Lili s'apprêtait à poursuivre sur sa lancée sarcastique, Magdelaine prit les devants.

― Je me rends aux Archives de l'Assemblée. Il me faut des informations sur la Sorcière au Corbeau, déclara-t-elle en fixant la deuxième fée dans les yeux.

Cette dernière perdit aussitôt son air condescendant et tout son corps rayonna d'une haine qu'elle ne tenta pas de dissimuler.

― Je ne t'apprécie pas beaucoup, Morglas, mais celle-là, je l'aime encore moins.

Sur ce, elle s'écarta du chemin et laissa la voie dégagée pour Magdelaine. Alors que celle-ci reprenait sa route vers la sortie, Lulu lui murmura à l'oreille :

― N'oublie pas... Certaines des choses que tu découvriras dans la Bibliothèque...

― Jamais ne doivent atteindre les oreilles des gens d'Au-Dessus. Je ferai attention, la rassura-t-elle.

La petite fée dévoila une nouvelle fois sa dentition létale et rejoignit sa sœur dans les airs.

― Ne meurs pas tout de suite, Maggie ! conclut-elle en agitant la main.

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