Chapitre 37

La terreur qui me secoue les épaules est à son paroxysme, accentuée par ce qui me fait face en ce moment même.

Deux hommes, dont celui à qui appartient cette voix qui hantera mon esprit encore longtemps. Une longue cicatrice commence au dessus de son œil droit et s'arrête à la fin de sa joue. Ses prunelles noires me dévorent de haine, je le vois. En lui. Ses cheveux, aussi noirs que ses pupilles, lui tombent sur le visage. Habillé sombrement, on pourrait croire qu'il n'est autre que la Faucheuse elle-même. Son comparse, à ses côtés, sourit de toutes ses dents, tel un psychopathe dans toute sa splendeur, les yeux bleus si translucides que j'ai l'impression qu'il voit à travers ma peau. Il se lèche d'ailleurs les babines et je grimace, certaine de ne pas vouloir savoir ce que ça signifie.

À chaque fois que j'avance un peu plus, mon innocence est menacée de mort. Je recule encore, peureuse pour ma vie. Je ne veux surtout pas retourner avec lui, l'auteur de mes cauchemars et le responsable des tourments de la déesse de la lune. Je ne pourrai jamais l'aimer, même combien il essayera de m'y forcer.

— Putain, grogne Alex.

— Vous êtes fait comme des rats, ricane l'ami de l'homme à la cicatrice.

— Rive n'est pas un gentil toutou, rajoute en ricanant l'autre.

— Je pourrais en dire tout autant de toi, Dower.

Je continue de reculer, le cœur battant à toute vitesse, qui attend son heure fatidique tandis que celle-ci arrive lentement. Ceux en face de nous n'ont pas peur, au vu de la nonchalance qui guide chacune de leurs postures. Ils ne nous craignent pas et je sais pourquoi. Nous sommes les proies, ils sont les prédateurs, prêts à nous croquer.

— Vous voyez, reprend l'homme à l'allure de Faucheuse, nous aimons prendre le temps de torturer nos proies, seulement celle qui sont visées évidemment. On touche pas à la princesse.

Il ne se gêne pas pour me lorgner, avec son rire gras, comme pour m'assurer qu'il évitera de toucher à la marchandise qu'il faut transporter. Mon cœur me fait d'autant mal quand je comprends que je ne représente qu'un vulgaire morceau de viande à rapporter à son maître. Je ressers mes bras contre moi, à distance raisonnable de ces hommes et de leurs yeux de charognes.

— Donc on va bien vous déchiqueter, un par un, pour prendre minimum notre plaisir puis on s'occupera bien de la princesse.

Mes yeux me piquent inlassablement tout le long de leur stupide petit discours qui ne fait qu'accélérer ma tension artérielle. Je suis si concentrée sur l'homme et sa cicatrice, et sur les trois loups aux poils noirs clairs qui s'avancent derrière eux, que je me rends compte qu'au dernier moment que ma meilleure amie s'est avancée face aux hommes :

— Jamais ! hurle-t-elle.

Et sans plus attendre, elle enlève son haut et dévoile son soutien-gorge couleur crème. Son frère, qui souffle bruyamment son prénom, détourne aussitôt le regard, agacé. Quelques secondes plus tard, c'est son pantalon, qu'elle jette plus loin, qui part. C'est de mes yeux écarquillés, que je la vois faire. J'étais prête à dire quelque chose mais Dower, un sourire pervers qui me donne envie de vomir, collé sur son visage, se permet de lui faire des avances :

— Une femelle plutôt désirable. Changement de plan, on va s'amuser et après, la Mort viendra te chercher.

Alexander, devant moi, passe rageusement sa main dans ses cheveux. À travers son tee-shirt, ses muscles dans son dos se tendent considérablement. Il respire une colère intense par tous les pores de sa peau, je peux le sentir même à quelques mètres derrière lui.

— Et visiblement, ton frère ne semble pas de mon avis, ricane cette saleté Dower.

Ses allusions me donnent envie de vomir, et je me retiens considérablement pour qu'ils ne voient pas combien je suis touchée par ses mots, une aversion que je ne peux pas contrôler à l'intérieur de moi. J'arrime mes mains contre ma bouche, le dégoût qui cogite, comme un monstre qui fait remue affreusement, en plein dans mon palpitant.

— Je ne me laisserai pas toucher par une merde comme vous ! crache Alexia. Alex, prends Léa et partez.

— Mais t'es folle ! réagit aussitôt son jumeau. Je te laisse pas.

— C'est ma faute.

Sans écouter davantage, elle se transforme en loup tandis qu'Alex soupire bruyamment. Ses articulations craquent dans un affreux bruit, des poils couvrent sa peau, son museau et sa bouche s'allongent et elle grogne, montrant toutes ses dents.

— Alexia ! Non !

Mais c'est trop tard. Alexander n'a pas eu le temps et je sais que quoi qu'il aurait dit, elle ne l'aurait pas écouté. Alexia est un rayon de soleil mais aussi un électron libre, elle décide quoi faire, même si ce sont de grossières erreurs. Aujourd'hui, plus que les autres jours, je m'en rends compte.

Elle s'est élancée vers Rive, mais le loup aux yeux bleus s'y était préparé. Elle le chevauche et essaye de le mordre sauvagement au visage mais il la tient respectivement à distance, puis en dessous d'elle, d'un coup de pied, il l'envoie valser contre l'arbre le plus proche à deux mètres. Avec un glapissement, elle se révèle, et grogne de nouveau comme si la propulsion ne lui avait rien fait.

J'aimerais l'aider mais la peur terrassante qui me cloue l'estomac et le corps m'empêche de faire un geste. Mais mon cœur, lui, bat toujours et a mal à chaque fois que je vois Alexia en mauvais état. Elle essaye de me sauver. Et ce seul constat ravive le coin de mes yeux qui me brûlent de nouveau avec une ardeur renouvelée. Comment les aider ? Mais je n'ai rien pour me défendre, et en tant qu'humaine, mon potentiel succès est réduit à zéro face à des loups.

La louve s'apprête de nouveau à se battre contre Rive, même si cela doit se solder par un échec je suppose, malgré la première tentative ratée.

— Alexia, grogne Alex.

Celle-ci s'arrête aussitôt d'avancer mais j'ai bien l'impression qu'elle ne perd pas pour autant son dédain. Quant aux autres, Dower observe la scène avec une satisfaction malsaine et son sourire, aussi écarté que possible. Je regarde de droite à gauche, peu rassurée quant à la fin de cette encontre. Mon cœur me le fait bien savoir en cognant fort contre ma cage thoracique. Je dois retenir une grimace tout en les regardant se fixer en chien de faïence. Mais ça ne m'empêche pas de reculer le plus doucement possible, au cas où.

Alexia, elle, n'a plus bougé depuis l'avertissement qui a percé dans la voix de son frère. Elle se contente de rester sur la défensive et de montrer les dents aux monstres qui nous font face. Je me mords la lèvre. Le temps s'étire et semble ralentir de plus en plus. Les minutes qui suivront seront décisives, autant pour nous que pour eux. Mais ce qui m'inquiète encore plus que les hommes de Léo, c'est la posture et le comportement d'Alexander. Nonchalent, il les regarde sans une once de peur. Bon dieu, il a quoi ?

Mais ça, l'homme à la cicatrice l'a bien compris.

— Je vois qu'on nous ne craint pas. Tu feras bientôt plus le malin. Armon !

Derrière lui, un loup s'avance sans faire de bruit. Son pelage, marron clair, détonne dans la pénombre qui commence à s'installer. Ses pupilles, d'un profond vert, nous fixent, prêtes à faire de nous leur dernier repas. Je déglutis, le ventre encore plus serré qu'à l'accoutumée, et me plaque presque contre le tronc d'arbre juste dans mon dos.

Quand il ouvre la gueule, ses dents luisent et sont pleines de sang. De quoi donner des cauchemars. Je détourne les yeux car la vision m'est insupportable. Bientôt, tout mon sang va se figer dans mes veines.

— Montre-leur, prononce durement Dower au loup.

Celui-ci grogne et en quelques secondes, la situation dégénère.

— Léa ! hurle Alexander, en sortant un objet qu'il lance à mes pieds. Garde-le.

Il ne m'en faut pas plus ; je me baisse pour me saisir d'un objet long puis je vois une lame rangé dedans et je comprends tout, avec effarement. Aussitôt, je dirige mon regard vers le jeune homme, les yeux écarquillés mais il est trop tard. Un hurlement rauque et perçant sort de la gorge du loup qui maintenant, s'est jeté sur Alexander.

Je me fige, le souffle court et mes yeux me piquent alors je cligne des yeux. Ce qui suit, je n'arrive pas à le comprendre. Le loup arrive à toute vitesse sur le frère d'Alexia, qui lui, lève un bras et attrape fermement le dénommé Armon au cou. L'animal glapit et gesticule pour se défaire de l'emprise déconcertante et surprenante d'Alex mais le fils de l'Alpha tient bon, toujours aussi fermé. Alors, sûrement dans un accès de rage et de désespoir, le lupin mord sauvagement le bras qui le tient.

Mon cœur s'arrête et je porte instantanément la main à mes lèvres tremblantes. Bientôt, c'est tout mon corps qui suit et je trébuche au sol en voulant reculer un peu plus. Mais ce qui me choque le plus, c'est que le visage d'Alex ne montre aucune douleur, malgré les horribles lacérations qui barrent son bras et le sang qui s'écoule de la plaie béante. Non, au contraire, sa mâchoire se serre, ses yeux se rétrécissent en une fente et d'un coup sec, un son que je n'oublierai jamais, il lui fracture les cervicales à la base du cou.

Terminé.

C'est avec horreur, la gorge obstruée par la terreur, que je vois le loup-garou s'effondrer au sol, aussi inerte qu'une tombe. Malgré moi, ma bouche s'ouvre, sous le choc.

Non... Non, il a vraiment...? Il l'a...?

Je ne peux pas le croire. Alex a bien dit qu'il refusait de se battre et sa sœur a même dit qu'il ne savait pas. Mais alors, comment....? Il l'a tué.

Il l'a tué. Cette information, malgré le fait que je l'ai devant les yeux, refusent de s'imprimer. Il a tué un loup, malgré sa blessure, malgré le fait qu'il ne sache pas se battre. Ma vision se brouille et je comprends que ce n'est nul autre que des larmes qui obstruent mes yeux.

Alexia gémit de douleur, aussi atterrée que moi par la situation je suppose.

Même les loups en face de nous n'en croient pas leurs yeux. Les deux lupins sous leur forme animale reculent en gémissant, les oreilles baissées. Dower et son acolyte écarquillent des yeux. La seconde d'après, Rive hurle de rage :

— Comment ! Qui es-tu fils de pute ? Je vais t'égorger !

Sa voix n'est plus que colère, haine et vengeance, un méli-mélo de sentiments négatifs qui percent à travers sa peau. Les yeux remplis de folie, il est prêt à se jeter sur Alex mais Dower l'en empêche de son bras.

— Qui es-tu ? prononce aussi à son tour Dower. Comment as tu pu le tuer à mains nues ? Réponds-moi sale chien !

Alex, toujours aussi dénué d'émotions, décide cette fois de répondre à nos agresseurs :

— J'osais espérer que vous ne seriez pas assez idiot pour risquer la mort. Visiblement, si.

— Réponds lui ! continue Rive. Sinon je te jure que je te tuerai pour lui !

Les poings d'Alex se serrent si fort que je crains qu'il ne se coupe la circulation sanguine, tandis que les veines de sa main ressortent à travers sa peau. Tout son corps suit le même chemin et se contracte, prêt à bouger ou à répliquer.

— Et tu crois que c'est qui qui gagnera ? répond Alex sous le même ton aussi tranchant que la lame qu'il m'a donnée. Certainement pas toi, Rive. Je peux te le jurer.

— Qui t'a engendré petit ?

Dower ne semble pas patient pour un sou et n'est pas décidé à lâcher sa question. Alex reporte son attention sur lui et soupire, sans toujours dire un seul mot. Les muscles du visage de Dower se plissent et il profère sa menace avec sa langue de vipère :

— Écoute petit. Je suis pas patient moi. Alors soit tu me dis qui tu es et qui est ton père, soit nous vous tuerons tous ensemble, ta soeur et toi.

Alexia, que j'avais un instant oublié, grogne et hurle de colère, prête à en découdre au vu de ses pattes écartées, en position d'attaque. Dower affiche un sourire digne de rivaliser avec les pires psychopathes de ce monde et ricane.

— Et bien, il semblerait qu'on doive se battre finalement.

— Non, coupe Alex. Dernier avertissement. Partez et ne revenez plus jamais. Je ne veux pas avoir à vous tuer et vous ne voulez sûrement pas voir mon autre forme. Je ne veux pas la mort, vous avez compris ?

L'instant d'après, Dower est de nouveau décontenancé par les propos du jeune homme. Il fronce des sourcils, la mâchoire elle aussi aussi tendue qu'un ressort. Mais il ne semble pas se formaliser de tous les propos du jeune homme.

— Comment... Tu ne peux pas avoir une telle force. À moins que...(il fronce des sourcils, pensif). Tu ne peux pas être lui. Impossible.

— Nan mais t'es fou ? hurle à ses côtés Rive. Attends...tu envisages, un instant, que c'est lui ? Si Léo l'apprend, t'es foutu ! Il sera aussi enragé que la rage lui-même.

Mais Dower ne répond pas et continuer de fixer Alexander inlassablement.

— C'est ce que nous allons voir.

Et d'un coup de tête, il incite tous ses loups à se lancer corps perdu dans la bataille, ce qu'ils font aussitôt. Alexia crie de toutes ses forces et s'élance tandis que Dower et Rive se transforme en leur forme animale. Alex se tourne une dernière fois vers moi, les yeux désolés, inquiets et les sourcils froncés.

— Va-t-en et ne te retourne pas.

— Alex, je..., tenté-je minablement quand je vois avec terreur que le combat commence vraiment.

— Va-t-en, m'ordonne-t-il.

Ma peur, retenue difficilement jusque là, explose dans mon cœur et détruit tout sur son passage mais une part de moi est retenue ici. Est-ce que je peux vraiment les laisser alors qu'ils ne font que me protéger ? Mais ce que j'ai vu... Mes yeux s'embuent de nouveau tandis que la voix dure d'Alex résonne dans mon crâne comme un dernier avertissement. Je dois fuir. Obéis Léana.

Malgré ma vue brouillée, je garde en main le poignard que m'a donné Alexander plutôt, ramasse dans un accès de panique le sac et m'enfuit dans les tréfonds de la forêt sans me retourner, la respiration déjà sifflante et le cœur tambourinant en une musique qui ne s'arrêtera jamais. Je me prends plusieurs fois le pied dans une racine, tombe au sol et goûte à la terre mais la peur qui me terrasse m'oblige à continuer ma route malgré mes genoux lancinants et mon corps meurtri. Mes cheveux, sous la vitesse, se collent à ma bouche et m'obstruent quelques fois la vue mais je n'en n'ai rien à faire. Il faut que je fuis. Même en boitant.

Après quelques minutes, je m'arrête et m'appuie sur un tronc d'arbre, la respiration douloureusement saccadée. Il n'a pas un seul bruit de pattes foulant le sol autour de moi alors je m'autorise à souffler un peu. J'expire l'air par goulées. J'ai du mal à respirer et mon cœur me serre avec une force incommensurable. Alex....Alexia. Où sont-ils maintenant ? Mes doigts se serrent sur le tronc. Je les aies abandonnés mais je ne pouvais pas faire autrement.

Et s'ils mourraient ? Qu'est-ce que je ferai sans eux ? Une larme dévale ma joue dans un silence tandis qu'une autre la suit. Je ne peux pas risquer de les perdre, ce sont mes amis. Mes amis qui se battent pour moi en ce moment même. Et moi, je suis partie... La douleur qui monte progressivement dans mon être me tue.

Mes jambes me lâchent et je tombe lourdement au sol, le corps secoué de spasmes. S'ils meurent, je ne sais pas ce que je ferai. S'ils meurent, ce sera de ma faute. Exactement comme Sophie. Pourquoi je suis là au lieu d'être à côté d'eux ? Parce que tu es faible. Les mains pressées contre mes paupières, c'est avec écarquillement que je me rends compte que je pleure des larmes de sang...

Les sorcières pleurent des larmes de sang.

Alex.

Il est là-bas. Avec sa soeur. Et moi, je les aies laissé se battre, alors qu'il s'agit de moi. La douleur qui me broie en ce moment même ne porte pas de nom. Je pose ma main contre mon cœur pour l'atténuer mais elle redouble d'effort, tel un rapace qui ne cherche qu'une chose : me dévorer toute entière. Je ne peux pas. Je ne peux pas rester là tranquillement, assommée de peur, de doute et de tristesse tandis qu'ils risquent leur vie pour que je puisse être heureuse et libre.

Il me faut y retourner, même si je sais que je vais en payer fortement le prix. Je n'ai rien ; rien qu'un poignard mais si je peux les aider ne serait-ce que d'une infime façon. Je sais ce que je risque ; me faire kidnapper mais ils ne peuvent pas me tuer. Je me relève à l'aide de mes doigts salis de terre, et me retiens au tronc pour ne pas tomber à cause de mes jambes flangeolantes.

Je dois y retourner.

— Elle est là.

Je sursaute, sur le qui-vive et ma tête me hurle que le danger est là. Non... Une présence surgit derrière moi. Je comprends qu'ils m'ont retrouvée, malgré mes maigres efforts. Ils sont arrivés jusqu'ici et sont prêts à m'avoir pour m'offrir sur un plateau d'argent à leur maître bien-aimée : Léo. Non. Je refuse. Je refuse totalement.

Les larmes qui se sont taris menacent aussitôt de reprendre. Mais je me retiens ; je ne peux pas me laisser aller maintenant. Ni à la douleur sourde qui tient en cage mon cœur ni la peur qui affole mes sens. Le calme, je dois rester calme.

— Elle ne bouge pas, t'as vu Dower ? recommence Rive, avec sa voix haineuse.

Je me retourne lentement pour voir Rive, accompagné d'un loup au pelage gris tacheté que je reconnais aussitôt. Dower. D'ailleurs, celui-ci grogne et menace de s'avancer.

— Mec, vas y, il faut qu'on réveille sa partie loup. Faut que tu la mordes.

Ma...quoi ?

Je recule, terrorisée par leurs paroles et ce qu'ils prévoient de faire. Me mordre. Non, je refuse. Je ne sais pas ce qu'ils veulent dire mais il est hors de question que je me laisse faire. Je suis prête à me retourner pour tenter une dernière fois de les fuir.

— Maintenant ! hurle Rive.

Mais n'ai pas le temps de cligner des yeux qu'il est déjà sur moi. Le hurlement qui sort de ma gorge me paraît inconnu, tant par sa frayeur qui sort du plus profond de mon être que par mes cordes vocales qui me font mal. Mais ce n'est rien comparé à ce qu'il suit car avec une force, il mord mon bras, m'arrachant un nouveau cri tout aussi aiguë que le premier. Je me débats malgré la douleur qui irradie dans tout mon bras jusqu'à mon épaule et qui me le cloue. Je peux voir les yeux perçants de Dower qui me terrifient. Il va me tuer, c'est ça ? Je...je ne réponds plus de rien et surtout, je ne peux rien y faire. Mes parents, Sophie, Alexia, Alex... Moi aussi, je vais les abandonner ? Des larmes roulent de mes yeux et finissent sur le sol discrètement tandis que le loup garde mon bras toujours dans sa gueule. Je n'aurais pas cru qu'il allait me mordre jusqu'au sang. Ma tête me tourne horriblement et je repense à mes amis, ma famille. Je ne veux pas laisser ça ici.

Non.

Je continue de gigoter en hurlant sous sa gueule mais il ne semble pas décider à me lâcher. La douleur est telle que je suis presque assommée. Bientôt, je ne serai plus capable de continuer à lutter et des points noirs commencent à apparaître devant mes yeux. Je ferme les yeux, prête à abandonner quand je sens Dower brutalement arraché à mon bras et je viens rouler sur le côté.

Ma bouche s'ouvre en grand et malgré les points, j'arrive à discerner la carcasse lacérée du corps de Rive. Son ventre est à moitié ouvert et... Un haut-le-cœur si puissant me prend à la gorge et je dois me retenir de vomir en mettant ma main devant la bouche. Je suis incapable de regarder plus alors je me tourne plus loin. Un énorme et grand loup gris furieux hurle comme un beau diable et donne de violents coup de gueule à Dower...

Je vois, pour la dernière fois, Dower gigoter puis il se ramollit, son dernier souffle envolé dans les airs. Je me fige en comprenant qu'il est mort, tué par le gigantesque loup devant moi. Mon cœur n'arrête pas ses soubresauts ; au contraire, je suis incapable de rester inerte face à cette scène. Les points devant mes yeux commencent tout doucement à disparaitre mais la peur panique qui me prend à la gorge n'arrange pas la chose.

Je recule tout doucement, le cœur au bord du gouffre tandis que l'énorme lupin se tourne lentement vers ma personne. Je déglutis mais après ce que j'ai tout traversé, je ne peux pas abandonner maintenant. Qui est cet énorme animal ? Je continue de reculer tout en espérant que je le connais. Le loup.

Quelques secondes après, le tronc d'arbre fait office de barrage alors je détourne un peu le visage pour me décaler mais l'instant d'après, le loup-garou est en face de moi. Je manque de crier une nouvelle fois mais mon cœur se calme aussitôt quand je rencontre des yeux gris que je ne connais que trop bien.

Alex.

Comme si on avait soufflé sur ma terreur, elle s'évanouit et mon cœur, que j'entends toujours battre rapidement, commence à se calmer.
Mais malgré ça, j'écarquille des yeux, le souffle court. Il n'a plus rien du même loup que tout à l'heure. Il est deux fois plus grand et me surplombe de toute sa hauteur. J'en suis bouche-bée car je crois n'avoir jamais vu un loup de cette taille. Après tu n'en n'as pas vu beaucoup, de loups. J'ignore cette petite voix intérieure et reste concentrée sur Alexander.

Ses yeux gris sont las, ils semblent terriblement désolés pour la situation et je coule un œil derrière lui, non sans grimacer en voyant les corps sans vies qui jonchent sur le sol froid. Ce qu'il a fait... J'en ai encore des frissons. Mais avait-il vraiment le choix ? La réponse est claire : non. Il m'a sauvée.

Sans lui, je serai déjà entre les mains de ce psychopathe de Léo et pour ça, je ne peux que lui en être reconnaissante mais dévastée de ne pas avoir pu les aider. Le fils de l'Alpha continue de s'avancer à pas de loup et baisse le museau, sûrement sans oser s'approcher de moi. Je déglutis, avale une grande goulée d'air et avance la main pour caresser son museau.

Je n'ai pas peur.

Je sais d'avance qu'il ne me fera aucun mal. Le loup relève brusquement la tête, comme surpris que je puisse le caresser alors je lui souris le plus tendrement possible malgré la situation catastrophique qui nous entoure. Cependant, Alexander baisse de nouveau la tête, et ça me serre le cœur sans que je puisse comprendre. Alors je ne réfléchis plus. Mon esprit se met sur off, mon cœur, lui, me crie de le prendre dans mes bras, ce que je fais.

Je m'accroche à son encolure de toutes mes forces, les larmes brûlantes qui me piquent les yeux mais je lutte pour les retenir en fermant les yeux. Il n'est pas question que j'inquiète le jeune homme plus qu'il ne l'est déjà. Je n'ose même pas imaginer l'état dans lequel il doit se trouver. Je ne sais pas combien de temps il se passe pendant que je reste à le câliner mais c'est quand je sens son souffle chaud dans la base de mon cou que je réalise qu'il s'est transformé.

Mon cœur sursaute si fort que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine et je ne fais plus aucun geste. Son torse s'abaisse et monte laborieusement et son souffle semble saccadé.

— Désolé, souffle-t-il. Désolé, je les aies tués. J'ai tué, désolé, désolé.

Mon rythme cardiaque s'accélère sans raison et ma gorge s'assèche sans que j'en comprenne la raison. Sentir son souffle sur moi... Je frissonne et dois me contrôler pour qu'il ne sente pas à quel point notre proximité me touche, le visage chaud. Néanmoins, je mets de côté car je ne peux pas le laisser s'excuser alors qu'il a essayé d'éviter tout ça. Il s'en veut, exactement ce que je pensais. Je le serre alors plus forte contre moi. Il ne doit pas se laisser ronger par la culpabilité, il n'a fait que m'aider. Aussi, des questions me brûlent la langue mais ce n'est pas le moment propice pour les lui poser et je ne suis pas certaine qu'il ait envie de s'étaler sur comment il a pu se débarrasser d'eux.

— Ne t'excuse pas, je prononce.

Il ne se passe rien jusqu'à ce qu'il se détache de notre étreinte et plonge ses yeux gris dans les miens. Instantanément, sans que je le vois arriver, je m'y perds dans cet océan gris, comme tant de fois avant, et je ne vois plus que son beau visage rongé par la douleur. J'ai presque envie de lever ma main pour enlever cette tristesse qui me tord l'estomac. Il m'a sauvée. J'en profite, pour le regarder de tout mon soûl. Les lignes de sa mâchoire, ses lèvres, son nez rectiligne et son visage ovale. Tout ce qui fait lui.

Mes yeux se promènent impunément tandis que je me rends compte qu'il fixe avec intensité mes....lèvres ? Mon cœur tambourine tellement que je le sens battre avec force dans mes tempes et je suis comme attirée de force par celui qui se tient en face de moi. Tout doucement, il se penche et le monde disparaît de plus en plus à fur et à mesure qu'il rompe la distance entre nos deux corps respectifs. Non, il ne reste plus que lui et quand je crois qu'il va faire ce que je pense, il écarquille les yeux et s'arrête, comme s'il avait pris soudainement une douche froide.

Je déglutis, la gorge aussi asséchée que tout à l'heure et la bouche un peu entrouverte mais voilà qu'il se reprend, cligne des yeux et recule un peu. Toujours perdue dans ce monde qui avait pris possession de moi plus tôt, je fronce des sourcils quand le retour à la réalité me claque la figure.

Mais que.... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Quand je comprends ce qui a failli se passer, mes joues chauffent comme si j'avais passé des heures à griller au soleil et je me retiens pour me cacher le visage dans les mains. Alex, lui, se racle la gorge et détourne les regards.

— Il faut que je me change...

— Hein ? je bafouille bêtement.

Puis mes yeux se promènent sur son torse assez ciselé, où commencent à se dessiner des abdos, que je comprends qu'il n'est pas habillé. Aussitôt, mes joues s'enflamment encore plus et je mets ma main droite sur mon visage pour éviter de regarder là il ne faut pas. Je grimace et peste contre moi-même, terriblement gênée.

De son côté, j'entends un petit rire et Alex me frôle pour se lever et se saisir de je ne sais quoi. Je ne sais pas combien de temps je reste le visage couvert par mes mains mais une voie rageuse et des bruits de pas me parviennent aux oreilles :

— Mais c'est quoi ça, Alex ? Tu m'expliques ? hurle une voix féminine.

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