Chapitre 28

Un énorme brouillard gris couvre totalement mon champ de vision et reste parfaitement statique de manière irréelle. Je ne sais pas ce que je fais au beau milieu, encerclée. Je crie, maintes et maintes fois, dans l'espoir qu'on m'entende mais pas une âme qui vive. Je suis toute seule, livrée à moi-même, dans cet endroit étrange.

Je ramène mes bras sur moi-même en sentant la chair de poule me traverser. Seule, il peut se passer des tas de choses... Comme un signal que m'envoit mon esprit, je suis certaine que quelque chose se tapit par delà le brouillard et m'observe, attendant patiemment que je baisse ma garde. Des pairs d'yeux, que je ne distinguerais jamais, doivent guetter chacun de mes gestes, et se préparer au moment où je mourai.  J'ai beau observé de tout mon soûl, personne ne se prononce. Je vais rester bloquer... Sans aucune issue, sans l'aide de personne, je suis condamnée à rester emprisonnée.

— Quelqu'un ! Je vous en prie !

Mon sentiment de danger s'accentue soudainement et je serre mes bras contre moi, les paupières fermées. Pitié, que quelqu'un vienne, je vous en prie ! Non non, je ne peux pas mourir. Pas maintenant. Pas qu'enfin, j'ai trouvé un semblant de foyer, des personnes qui semblent bien m'accepter et m'aimer comme je suis, avec mes défauts et mes qualités.

Je ne peux réfréner cependant les larmes qui dévalent mes joues. Mais qui peut s'amuser comme cela de moi ? Léo... Oui c'est le seul. Mon corps est pris de terribles tremblements quand je pense à lui. Depuis que le collier a stoppé le charme, tout ce que je ressens pour Léo n'est que haine et peur. Oui, il n'y a que lui qui peut me torturer ainsi et m'isoler où je ne sais. Soudainement, les ténèbres prennent place, dissipant la lumière du lieu pour l'en recouvrir de la pénombre. 

Quelque chose de froid, fin et long, glisse sur mon épaule doucement et la terreur m'envahit pleinement quand je la sens remonter vers mon cou. On va me tuer... Malheureusement, je ne peux pas esquisser un geste, statufiée et prise d'horreur. Ce que je n'arrive pas à identifier enserre mon cou et descends dans mon dos.

Au secours ! voudrais-je crier mais mes cordes vocales ne marche plus. Il n'y a plus que des sons graves qui sortent de mon gosier. Les larmes brouillent ma vue et je ne distingue plus que la fumée encore épaisse qui recouvre tout le sol. Tel un serpent, la terreur recouvre mon corps de son poison et bientôt, je suis à l'entière merci de cette chose. 

— Léana... Tu seras à moi, pour l'éternité. Tant que tu ne m'appartiendras pas, je te prendrai tout ce qui t'es cher et le réduirai en cendres. C'est une promesse, Nana... Ne l'oublie pas : le loup revient toujours vers sa proie.

Je veux hurler mais mes lèvres restent désespérément fermées. Pourquoi prononce-t-il les mêmes mots que la Luna ? Entre temps, la chose s'est changé. Des mains enserrent de plus en plus mon cou et je sens l'air se rarifier. Je serre ses poignets pour le faire lâcher mais c'est impossible. Mon corps plie sous la peur de mourir. Non ! Je ne partirai pas sans me battre. Pas face à Léo.

Je bouge dans tous les sens dans l'espoir de me dégager, ou bien qu'il abandonne. Sans effet puisqu'il accentue la pression. Je ferme les paupières quand mes larmes reprennent le pas sur la peur.

— Regarde bien, me chuchote-t-il.

Sa voix me laisse des frissons dans le cou et la dangerosité qui perce dans sa voix me fait abandonner toute ma retenue.

— Non jamais ! je lui hurle.

Si j'avais pu lui cracher au visage, je l'aurais fait et plutôt deux fois qu'une. Résolu à me faire regarder je ne sais quoi, il pose une main sur ma hanche et m'oblige à rester statique malgré tous mes efforts pour me dégager de son emprise malsaine.

— Vois.

De ce brouillard sort...non. Je veux reculer mais je ne peux pas. Son aspect misérable me fait horreur. Léana Ier n'est plus elle-même. Du sang poisseux coule de ses yeux envahis de ce liquide et vient tacher sa belle robe blanche. Ses lèvres gercées sont cousus fraîchement d'un fil noir et ses cheveux blancs ne sont plus qu'un enchevêtrement de mèches tachées elles aussi de sang.

— Non Léana Ier...Cours ! je lui crie mais elle reste aussi statique qu'une statue de sel.

Sa soudaine apparition me donne la force de me battre encore une fois et je tente le tout pour le tout. Je donne un coup de coude dans son ventre mais évidemment, c'est comme si j'essayais de battre un mur. Cependant, étonnamment, il me lâche avec un rire qui ne me laisse pas sereine.

— Regarde-la se consumer.

Et comme un brasier, la déesse prend feu et hurle aussi fort que possible. Ses cris de douleurs sont une mélodie qui me torture. Je ne peux que regarder la voir se consumer dans les flammes. Non... L'instant d'après, je la vois me regarder, le visage en sang et les yeux presque éteints.

— Il te torture, peine-t-elle à dire. Il torture ta conscience. Entends moi, tout ça est faux. Ne l'écoute pas.

Elle veut rajouter quelque chose, je le vois à ses lèvres qui bougent mais c'est trop tard. L'instant d'après, elle tombe en poussière, comme si elle n'avait pas existé  une seule fois. En poussière... L'image se superpose à celle de Sophie, qui meurt à cause de moi, ne restant d'elle rien. Je sens l'effroi prendre possession de mon visage. Je fixe inlassablement et les dernières barrières s'effondrent. Je tombe au sol, en détresse. 

— Tu l'as tué, Léana, achève-t-il. Tu sèmes mort et destruction et tu es parfaite pour rester à mes côtés. Tu les tueras tous, n'en doute pas. Tu détruiras tout sur ton passage. 

Ses mots me font si mal...Elles sont aussi puissantes et piquantes que des coups de poignards et je me sens me perdre encore plus. Je lève une main tremblante vers ce qui était autrefois la déesse de la lune mais il n'y a plus rien. Tu l'as tué, Léana, résonne la voix malsaine de mon bourreau. Oui, comme j'ai tué Sophie. Sauf que je ne le voulais pas.  Comment le pourrais-je ? Je désirais simplement qu'elle me laisse en paix. Mais maintenant, plus personne ne pourra répondre à mes questions. Non, maintenant que je souhaitais la revoir pour qu'on puisse discuter, elle est morte devant mes yeux, par ma faute encore une fois, me laissant cela comme dernière image douloureuse d'elle. Cette constatation me brûle autant que le feu. Tout mon corps crie à la douleur quand je me sens sombrer peu à peu dans les ténèbres.

Encore encore et encore des morts. Puis, en fond, le rire lugubre de l'homme qui a détruit ma vie résonne de plus en plus fort dans mes oreilles avant que mes yeux ne se ferment pour de bon.

Je me réveille, pantelante, la sueur qui me colle sur chaque partie de mon corps et la respiration sifflante terriblement douloureuse à chaque goulée d'air. Je réalise, la seconde d'après, que je suis dans mon lit, recouverte de ma couverture et non dans l'étrange endroit. Quelque chose de salée vient humidifier mes lèvres sèches et je comprends que j'ai continué de pleurer sans même m'en rendre compte. Ma poitrine se soulève à un rythme irrégulier, le coeur battant encore à toute vitesse après cet horrible cauchemar. Je pose mes mains sur mon front. Tout me hante, absolument tout. Et maintenant, par ma faute, elle s'est envolée. Je frisonne rien qu'à y penser et je sens de nouveau mes yeux me piquer. Non. Je ne veux pas pleurer, pas alors que Alexia est juste à côté. 

Il faut que je me recouche sinon je ne survivrai pas à cet énième cauchemar. Mais comment le faire quand je tremble de manière incontrôlable, incapable de me calmer ou même d'effacer de mon esprit cette hantise ? Les minutes qui s'égrènent me semblent interminables mais quand je sens qu'il est temps de me rendormir, je me glisse de nouveau sous ma fine couverture, l'esprit en proie à pleins de pensées. Je ne sais pas combien de temps j'ai pris pour sombrer dans les bras de Morphée mais à mon réveil, je ne me sens pas du tout reposée. 

— Lélé, ça va bien ? me demande Alexia, qui semble septique face à ma tête.

Je comprends déjà de quoi elle parle et je ne sais pas exactement à quoi je ressemble après avoir passée une nuit riche en émotions mais j'en suis certaine : je suis un zombie. Bien sûr, ça n'est pas passé inaperçue. Malheureusement pour moi et comme pour les autres jours —, je dois aller apprendre me battre avec Darrow.

Tout de suite, je n'en n'ai pas vraiment envie mais puisque je dois obéir, je m'habille consciencieusement dans la salle de bain. C'est en relevant le regard vers le miroir que je me vois enfin. Mes yeux gonflés ne sont pas beaux à voir, on comprend que j'ai pleuré la plupart de la nuit. Pour couronner le tout, ils s'accompagnent de cernes bien voyantes.

En soupirant, je termine par me chausser. Il est inutile de me plaindre, je ne peux rien à faire à part m'épuiser avec Darrow. Mais l'idée me donne tellement la nausée que je m'accroche au rebord du lavabo aussi étincelant et immaculé que le verre, les membres tremblants.

Cette nuit ne s'effacera jamais. Marquée à fer chaud dans mon esprit, je la revivrai. J'espère simplement que Léana n'est pas vraiment morte... C'est de ma faute et je ne le supporte pas. Mes mains serrent si fort le rebord que je me casse un ongle, non sans un hoquet de douleur.

Il faut que j'arrête. Ressasser sans relâche n'arrangera rien. Je finis par descendre pas à pas les escaliers, en contrôlant ma respiration pour ne pas éveiller les doutes. Pourtant, je m'arrête à mi-chemin. Je m'attendais à trouver n'importe qui, mais pas certainement Alexander, et de si bon matin. Il est encore penché sur une feuille, crayon à la main. Mais de là où je suis, je n'arrive pas à discerner ce qu'il peut bien dessiner. Tout de même, ça me fait sourire.

Il est très beau quand il dessine. J'oublierai presque mon cauchemar en le voyant. Quand je l'observe plus, on dirait qu'il est sur le point de monter au paradis ainsi, un sourire magnifique peint sur son visage et les yeux presque sur le point de briller. Sa mâchoire se contracte quand il se concentre mais je le sais hésitant, sans savoir pourquoi. Je me tortille un peu en me mettant sur la pointe des pieds dans l'espoir de voir ce qu'il dessine. Mais au ledit moment, il range sa feuille dans un classeur et se tourne vers le coin où je suis.

— Descends de là, je t'attends, fait-il avec un sourire narquois.

Je me retiens de grogner. Il m'a découverte depuis que j'ai posé le pied sur l'escalier.

Surprise en plein délit de matage !

J'ai honte et j'essaye de masquer le plus possible mes joues que je sens chauffer en descendant. Lui, comme toujours, a gardé son petit sourire moqueur. J'avais oublié que les loups avaient l'ouïe fine. Très fine même.

— Tu m'attendais ?

— Ouais. Darrow n'est pas là aujourd'hui. Il règle un problème en dehors de la meute.

Je hausse les sourcils, plutôt surprise. Ce qui veut donc dire que... Je peux y réchapper ! Pour une fois. Mais c'est totalement vain.

— Ouais donc mon père m'a dit de me charger de toi, explique-t-il sans masquer son petit sourire.

J'ai clairement envie de lui faire enlever, juste pour le taquiner et le rabrouer de se moquer ainsi de moi. Je ne peux l'expliquer mais à ses côtés, certaines de mes réserves disparaissent. Sans réfléchir, je lève un peu la main mais me ravise au dernier moment. Tu l'as tuée. Tu as tué Sophie.

Je déglutis avec difficulté quand la douleur qui explose dans mon cœur me coupe soudainement le souffle. Ma poitrine se soulève quelques secondes précipitamment avant que je ne reprenne le contrôle. N'y pense plus... Je baisse la tête pour masquer ma grimace douloureuse et répond à Alex :

— C'est d'accord, on peut y aller ?

Je ne suis pas douée pour cacher mes émotions, ça se lit généralement sur mon visage. Alex doit se douter que quelque chose ne va pas à ses sourcils froncés mais il ne fait aucun commentaire, ce qui m'arrange. Je ne me sens pas de taille de parler, et surtout pas de cette nuit.

Nous arrivons très rapidement dans la forêt et une fois que nous y sommes, je jette un coup d'œil interrogateur vers Alex. Il y a des sacs sur le sol ainsi que des flèches. Je me demande bien ce qu'elles font ici et je ne peux pas m'empêcher de poser la question à Alex :

— On va se battre ?

Sans que je comprenne pourquoi, il affiche un air gêné suivi d'un bref coup d'œil.

— Non. Je ne me bats pas, moi. Donc je vais t'apprendre quelque chose de nouveau.

Je fronce des sourcils avant de me souvenir de ce que m'avait dit Darrow. Alors il avait raison quand il disait que Alex ne se battait pas...

— C'est ? je questionne, la boule au ventre.

Ce n'est pas parce que je suis en compagnie d'Alex que j'ai toujours l'envie d'apprendre à me défendre, enfin, pour aujourd'hui. Même si j'essaie de ne pas y penser, les habitudes reviennent aussi facilement que les mauvaises herbes. Mes cauchemars ne me laisseront pas tranquille de sitôt.

— Un arc. Je vais t'apprendre à tirer, me sourit le jeune homme.

Je ne sais quoi penser alors je reste là, statique, à attendre qu'il sorte les affaires pour tirer à l'arc. Je ne vois pas non plus à quoi ça pourrait me servir et comme s'il lisait dans mes pensées, Alex me répond :

— L'arc va te servir à te défendre à distance. Ses flèches sont faites dans un matériau qui blesse les loups-garous. Les magiciennes manient l'arc quelques fois. On va viser cet arbre là, il est pas trop loin, mais pas trop proche non plus.

Sans envie, je prends ce qu'il me tend et me met en position quand il me désigne l'arbre à proximité de nous. Il s'approche de moi jusqu'à ce que je sente son souffle sur mon visage, ce que mon cœur n'avait pas prévu. Il s'emballe soudainement sans que je puisse rien y faire et mes bras se font plus mous.

— Tu dois viser le milieu de son tronc. Enfin, tu n'es pas obligée, mais tu peux essayer si tu veux. Le tout, c'est de toucher au moins l'arbre.

 J'acquiesce. Je dois avoir une allure pas très juste car il redresse doucement mon bras droit et me force à tendre plus le gauche. Ses mains, sa proximité, je me sens de nouveau toute chaude. J'essaye de ne pas frissonner ni montrer ma gêne quand il met doucement ses mains sur mes hanches pour me mettre droite.

— Maintenant, ne lâche pas des yeux ta cible.

Je respire fort. Je suis prête à tirer, la flèche dans mon champ de vision, en direction de ma cible. Je me tends encore plus mais c'est trop tard.

Tu l'as tuée. Tu as tué Sophie. Les flammes qui l'ont consumée dansent devant mes yeux et je revois ce visage torturé, ces yeux vides et le sang barbouillé. À la vision effrayante de Léana Ier se superpose Sophie, qui tombe en poussière après un hoquet de douleur.

La flèche part. C'est sans étonnement que celle-ci vient se ficher dans l'arbre, mais bien au dessus de son centre. C'est déjà un miracle que je l'ai atteint mais je ne ressens aucune joie. Non, ne reste que le dégoût au fond de ma gorge et un cœur saignant.

— Hé c'est pas mal pour une première f...

Le visage d'Alexander blêmit parce qu'en une seconde, il prend mon visage en coupe. Je ne comprends pas ce qui le rend aussi pâle. Je fronce des sourcils et bouge un peu ma tête mais rien n'y fait.

— Du sang, fait-il en essuyant de ses pouces les larmes qui s'écoulent sur mes joues.

Instantanément, je me décroche de ses mains sans savoir pourquoi. Un besoin pressant que je n'explique pas. Personne ne doit me toucher. La mort... je la répands. Je touche mon propre visage. Mes yeux s'écarquillent quand je réalise qu'il a raison et qu'il essayait simplement de m'aider.

— Désolée, je...

Mais Alex ne me laisse pas continuer. Il se rapproche avec prudence pour me prendre l'arc qui était resté dans ma main et me fait m'assoir.

— Ça va aller ?

Je hoche la tête une fois même si je n'ai pas le cœur à me dévoiler. Il semble le comprendre car il cherche ses mots, le regard rivé vers le sol.

— Ça m'étonne.

Je sais bien de quoi il parle mais je ne réponds pas. Comment expliquer quand je ne comprends pas moi-même ?

— Normalement, reprend-t-il, ce sont les magiciennes qui peuvent pleurer du sang quand elles sont trop fatiguées. Ou les vampires, mais c'est pas le sujet.

— Je...je ne sais pas moi-même, lui confié-je en me sentant m'abandonner.

— On arrête là, c'est pas grave. Je ne dirai rien, promis. Mais tu devrais aller voir la chamane...

Je ne réponds pas mais je relève le regard pour voir le sien rempli de bienveillance. Ses deux boules grises ne me mettent pas mal à l'aise ; au contraire. J'ai l'impression de me perdre dans un océan grisâtre. Alex ne pourra jamais me faire de mal. Sa présence me rassure quand je suis livrée à mes souvenirs.

— Merci, je murmure.

Il ne rajoute rien, ce qui m'arrange. Il se contente simplement de me tenir compagnie et me sourit sans jamais faiblir. Sa compagnie m'est douce... Le soulagement qui s'étend dans ma poitrine me rassure plus que tout ce qu'il aurait pu faire pour me remonter le moral. Mais comme toujours, il y a un grippage dans les rouages.

— Je peux savoir ce que vous faites ?

Nous nous retournons au son de sa voix. Darrow. Il est là, la respiration haletante et le regard dur.

— Vous n'êtes pas censés vous entraîner ? rugit-il. Ce que je vois là n'est pas du tout un entraînement. Ce n'est pas le temps des rendez-vous galants.

Alex se lève calmement, le regard droit. Il ouvre la bouche mais Darrow, méprisant, le coupe :

— Pars. Je m'en occupe.

Je me relève à mon tour car je ne peux pas laisser Darrow assoir son emprise sur Alex. Il peut bien faire ce qu'il veut. Après tout, c'est de ma faute. Je n'ai pas su m'entraîner... Mais en aucun cas, Alex doit payer à ma place. J'essaye pourtant, de parler mais Alex pose une main timide sur mon épaule.

Son visage est parfaitement stoïque. Il n'exprime aucune colère, aucune émotion, comme une armoire à glace. Même Darrow fronce des sourcils, visiblement dérouté par le manque de réaction de Alexander.

— Darrow, commence Alexander. Tu es bêta mais visiblement, ça ne t'empêche pas de parler à tort et à travers, sans savoir. N'oublie pas que je ne suis pas n'importe qui. Alors tu me dois le respect. Dorénavant, tu ne te chargeras plus de l'entraînement de Léa. Est-ce clair ?

La voix d'Alexander est dure et aussi tranchante qu'un rasoir. Je reste bouche-bée. C'est une nouvelle facette de lui que j'aperçois. Il ne se bat pas mais ça ne l'empêche pas de se faire respecter avec les mots. Tout mon contraire et pour ça, il a tout mon respect. Avec admiration, je le vois se retourner vers moi d'un hochement de tête interrogateur. Je le suis. Pour rien au monde je ne veux rester avec Darrow, surtout en cet instant. Il a atteint la limite. Je suis déjà assez mal pour qu'il en rajoute et cela n'a rien à voir avec Alex. 

Au moment où on part, Darrow ne peut pas s'empêcher de le retrancher dans ses propos :

— Pourquoi devrais-je écouter un futur Alpha faible ? crache-t-il.

 C'en est trop. Je ne peux pas le laisser faire ça. Je sais bien que Alex peut se défendre seul mais ce n'est pas pour lui. Plus maintenant. J'en ai assez que Darrow soit comme ça. Insultant, méchant, etc. Je ne peux plus me contrôler ni garder ça. Je dois sortir tout ce que je pense. Darrow arrive au mauvais moment car je sens en moi une rage que je ne reconnais pas. Je suis à bout. Mes cauchemars, Léo, Léana Ier, ma mère, tout ! Ils ont eu raison de moi. Je sens mes traits se plisser avec colère quand la rage, telle une boule dévastatrice, rugit en moi, puissante.

— Léa, tu n'as pas terminé.

Non. C'est terminé, je ne le laisserai pas me contrôler. Il ne cherche même pas à savoir pourquoi nous avons arrêtés subitement, Alex et moi. Il ne pense qu'à lui et ça, ça me sort de mes gongs. 

— Léa.

— T..tais-toi, je murmure entre mes dents. Laisse-moi tranquille Darrow. J'en ai marre que tu prennes les décisions à ma place. C'est bon ! Tu ne cherches même pas à savoir si je suis bien ! Au revoir !

Sans un mot de plus, je dépasse un Darrow plus qu'outré et un Alex un peu décontenancé par ma réaction. Il n'avait sûrement pas pensé que je serais aussi dure mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Je serre les poings jusqu'à ce que mes jointures soient aussi blanches que les nuages  caoutchouteux au-dessus de ma tête. Ils contrôlent tous ma vie. Mes cauchemars, ma mère auparavant, l'autre idiot, tout le monde veut choisir à ma place. J'ignore les appels déchirants de Darrow en me rappelant que je ne dois plus me soucier de lui. Je rentre dans la maison sans un regard, monte les escaliers et me jette sur mon lit, en essayant d'oublier que mon coeur saigne.

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