Chapitre 21

De l'aide. C'est tout ce que je demande. Et comme par magie, je vois, à travers mes yeux remplis de larmes, que quelqu'un arrive.

Plusieurs pas, des hoquets étouffés et un grognement, faible mais profond à travers les cris du loup à côté de moi. Aussitôt, Alexia m'attrape pour me mettre de côté tandis que je suis toujours à moitié abasourdie, le visage ravagé par les pleurs.

Je crois...je ne suis pas sûre, que je ne réalise toujours pas ce qu'il se passe. Alex est si violent, même endormi. Comme quelqu'un d'absolument torturé par quelque chose que je ne connais pas. Et ce simple fait me donne la nausée.

Je suis une experte en mauvais rêves et savoir que Alex en fait aussi me met mal. Je ne souhaite à personne de souffrir de ses pires cauchemars...ou de vivre la vie de quelqu'un d'autre. Même si, c'est certain, qu'à choisir, je garderai mes rêves plutôt que de les troquer avec ceux du jeune homme.

L'effroi qui se peint sur son visage crispé et endormi, les discrètes larmes qui coulent sur ses joues menacent de m'achever. Je ne supporte pas cette vision. Et Alexander qui se secoue comme un fou.

Rodric est à son chevet, essayant par tous les moyens de le réveiller. Mais c'est très compliqué. Je serre les dents et regarde autre part. Les cris de douleurs suffisent déjà à me torturer et je ne veux pas voir plus. Alexia elle, retient à peine ses larmes. Son doux visage n'est qu'un amas de douleur et de détresse.

C'est à ce moment-là que l'amour qu'elle porte à son frère jumeau me saute aux yeux. Elle se crispe à chaque fois que Rodric peine à le réveiller et serre les poings, dévastée. Sa peine me touche. Profondément. Mais une question demeure.

Pourquoi semble-t-elle si mal ? Même si le mal-être d'Alex me met mal, il n'est pas sur le point de mourir. Alors j'observe plus son visage et remarque quelque chose que je n'aurais jamais pensé trouver.

La peur.

Elle tremble. Pas parce qu'elle pleure mais bien parce qu'elle semble craindre quelque chose d'inconnu, hors de ma portée. De nouvelles larmes viennent rouler sur ses joues et mon cœur se serre au même moment. Seulement je ne sais pas quoi faire... Devrais-je la prendre dans mes bras ? Lui dire que tout ira bien ? Je ne sais tout bonnement par quoi dire pour la réconforter. Trouver les mots justes n'est pas mon point fort. Peut-être qu'être là, lui suffit ?

— Alexia...? finissé-je par murmurer.

Elle ne répond pas. C'est comme si elle ne m'avait pas entendu. Ale fixe sans relâche son frère, ne dévie pas une seule fois. Je déglutis, ne voulant pas la déranger. Mais il me faut la décrocher car je suis certaine qu'elle se fait plus de mal que nécessaire.

— Alexia, je recommence tandis que les cris continuent.

Cette fois-ci, je ponctue avec ma main. Je la pose doucement sur son épaule et Alexia cligne des yeux plusieurs fois, retournant peu à peu à la réalité. Elle semble s'en rendre compte car elle tourne son visage mouillé vers moi et me regarde avec des yeux brouillés.

Le plus déstabilisant, c'est qu'elle me prend dans ses bras la minute suivant et me serre comme un enfant s'accrochant à sa mère.

So...Sophie, pourquoi tu pleures ?

Papa et maman...

Mais elle arrive pas à terminer sa phrase, entrecoupée par ses sanglots qui ravagent son visage. Je veux tellement la prendre dans mes bras. Ma copine...elle a besoin d'un câlin !

— Ils vont pas rester ensemble, papa et maman.

Elle éclate de nouveau et je me sens mal. Je sais pas quoi faire pour l'aider. Mes bonbons feront-ils l'affaire ? Je crois pas. Je regarde, mon amie et je tends la main vers elle. Je vais lui faire un câlin, elle en a besoin.

Je cligne des yeux. Le potager m'apparaît de nouveau ainsi que la pression des bras de Alexia autour de moi. Je la regarde pleurer tandis que mon cœur enserré par un étau me fait mal. En déglutissant, je vois en elle mon ancienne amie, Sophie. Celle qui avait besoin d'un câlin, d'un réconfort. Et je ne lui ai offert que mort et désolation.

Mon cœur me le fait savoir en me lançant une piqûre de rappel. Il ne faudrait pas que j'oublie pourquoi je suis là. Pourquoi j'ai besoin qu'on me protège et pourquoi j'étais enfermée. Pour éviter de semer la mort tout autour de moi.

Par chance elle ne touche pas les loups-garous, mais je ne peux pas réfréner la culpabilité qui me domine. Surtout celle de voir en Alexia, Sophie. C'est tellement cruelle pour ces dernières... Je me sens coupable de penser à elle dans un moment pareil en la voyant en Alexia. Son souvenir m'est douloureux, bien après l'incident.

Je n'ai compris que trop tard que je l'avais tué. Et ce jour-là, j'ai arrêté de regarder par delà la fenêtre, d'espérer sortir. Pourtant aujourd'hui, c'est le cas.

Alexia continue de serrer, ses larmes mouillant mon haut. Je lève un peu les bras, tremblants, mais j'hésite toujours à refermer ceux-ci sur elle. Mais ses larmes ne se tarissent pas alors c'est avec beaucoup d'effort, une longue inspiration et des tracas que je referme mes bras sur elle.

Aussitôt, elle se fige, sûrement surprise mais celle-ci s'évanouit rapidement puisqu'elle resserre un peu. Je ne sais pas vraiment combien de temps nous sommes restées comme ça, dans les bras l'une de l'autre mais je me rends compte que les cris ont cessé.

Alexia releve aussitôt la tête. Son frère est réveillé, les yeux grands ouverts et encore mouillés après avoir pleuré. Sa respiration est saccadée après ce terriblement cauchemar. En le regardant, pâle comme la mort, j'ai soudain l'impression qu'il a vieilli de cent ans.

Tout dans son regard semble plus vieux. Comme si il avait passé une épreuve de plus qui l'avait à jamais changé en quelques minutes. Qu'est-ce que ce sont, ces rêves ? Sont-ils aussi puissants ? Aussi dérangeant ou monstrueux que les miens ? Je sens que je n'aurais pas la réponde de si tôt.

— Alex ? chuchote sa soeur. 

Elle essaie de s'approcher de lui, qui, entre-temps, s'est relevé. Mais il ne la laisse pas faire. Il secoue la tête et sa pomme d'Adam remue nerveusement. Ses sourcils finissent par se plisser en une moue colérique et il secoue une seconde fois, comme pour dissuader sa soeur encore une fois et rentre sans attendre dans la maison, nous laissant plantés là. Ale ne dit rien pourtant je sens qu'elle est terriblement nerveuse. Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil à ses ongles rongés et la main qu'elle porte à sa bouche. Je n'ose pas. Que me dirait-elle si j'ose poser la question ? Je ferme les yeux. Je devrais le dire, tôt ou tard. Autant y aller maintenant.

— Alexia ?

— Oui ? demande-t-elle.

— Pourquoi tu...tu es si mal ? 

Elle doit remarquer ma voix nerveuse et tremblante mais décide de ne pas faire de commentaire à ce sujet et continue de se ronger les ongles avant de me répondre :

— Cette fille le détruit, déclare-t-elle de but en blanc.

— Hein ?

— Je n'ai jamais pu avoir son nom. Il ne dit rien, protège cette fille parce qu'il l'aime. J'en mettrais ma main à couper. Mais je la déteste ! crache-t-elle, les larmes coulant de nouveau.

Par réflexe, je recule après cet accès de rage. En cet instant je ne reconnais plus Alexia, les traits plissés. Plusieurs émotions semblent passer sur son visage mais je ne sais pas laquelle domine. 

— Désolée. Ca me rend folle, c'est pour ça. Je déteste cette fille, c'est vrai, mais ce n'est pas de sa faute..., murmure-t-elle. 

Je déglutis. J'ai peur de me prononcer mal mais je me doute que cette fille soit celle de mes rêves. Le gosier soudainement sec, je me sens de nouveau étrangère. Je ne sais pas ce que je fais ici et pourquoi tout semble lié, comme un enchevêtrement sans fin de fils dont on essaye de défaire. Je ne sais pas quoi lui répondre. Si elle savait que je rêvais de cette fille. Je n'en suis pas totalement certaine, mais ce n'est qu'une question de temps.

— Je sors, reprend-elle. 

— Quoi ? 

— J'ai besoin de sortir, désolée. 

Je n'ai pas le temps d'en dire plus. Elle disparait aussi vite qu'une bourrasque de vent. Sur le moment, je ne sais pas quoi faire mais je décide finalement de courir derrière elle même si cela ne m'avance à rien. Je la vois ; enfin, plutôt son loup, qui se jette dans les fourrés avant de disparaitre dans la forêt. En soupirant, je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est une vraie catastrophe. Je n'ai jamais vu Alexia comme ça, elle qui est d'habitude si enjouée, marrante. Sans crier gare, soudainement, une main se pose sur moi et me fait sursauter de stupeur. Je me retourne pour voir Darrow, l'air désolé.

— Tout le monde dans la meute le sait. C'est connu que Alex fait des crises et chaque fois, Alexia part courir car c'est la seule chose qui la calme, m'explique-t-il.

Je hoche la tête pour lui faire comprendre que j'ai saisi. Je suis donc la seule à ne pas l'avoir su. Après tout, ça ne fait pas longtemps que je suis là, c'est tout simplement normal. Comme si ils allaient m'afficher leurs problèmes personnels.

— Tu veux qu'on aille faire un tour ?

Hésitante, je ne réponds pas tout de suite. Je n'ai pas tellement envie de sortir mais j'aime beaucoup la compagnie appréciable de Darrow alors je ne sais pas quoi dire. Surtout qu'il semble vouloir me réconforter. Je pourrais tout aussi bien le vexer si je répondais par la négative. Il doit sentir mon hésitation car il rajoute pratiquement tout de suite :

— Tu n'es pas obligé, c'est une proposition. 

Je me mords la lèvre. Quelque chose, que je ne peux pas expliquer, me pousse à refuser. Tout de même, j'aime bien Darrow alors je propose autre chose :

— Pas aujourd'hui... Mais ça te dit dans plusieurs jours ?

Son visage s'illumine. Je vois bien que ça lui fait vraiment plaisir que j'accepte de faire une petite balade avec lui. Je souris tandis que ses yeux brillent. Il fait un petit air espiègle et un clin d'oeil.

— C'est d'accord ! J'ai quelque chose à te montrer, qui devrait t'intéresser.

Je hausse les sourcils. De quoi peut-il parler ? Quelque chose serait susceptible de me plaire ?

— C'est quoi ?

Il rit doucement devant ma demande.

— C'est une surprise ! Tu verras bien.

Il prend son air mystérieux et me regarde longuement, tellement que je finis par rougir sous ses yeux scrutateurs. Qu'est-ce qu'ils ont tous, à me gêner, aujourd'hui ? Je vais finir par croire qu'ils aiment ça, intentionnellement. Mais au moment où il se redresse et que je suppose qu'il va partir, il prend ma main doucement et y dépose un baiser doux dessus, avant de reposer ses yeux sur moi. Sauf que cette fois, ce n'est pas le même regard. Il est plus profond, plus intense. Je rougis violemment et l'envie soudaine de retirer ma main me prend. Mais je n'en fais rien et prend mon mal en patience. Il ne pouvait pas faire mieux pour me gêner. 

— A plus, Léa. 

Et il me laisse là, rougissante jusqu'à la racine de mes cheveux et le coeur battant à toute allure. Je me retiens de grogner. Tous autant qu'ils sont, ils aiment me gêner.

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