Chapitre 14
Le regard du jeune homme est hypnotisant mais je m'efforce de détourner vite fait les yeux. Ils se sont tous tournés vers moi et je me sens rapetisser sous leurs regards scrutateurs. Même la meute entière n'attend plus que de voir ce qu'il va se passer.
Je sens mon cœur se serrer petit à petit dans ma cage thoracique à fur à mesure du temps qui s'allonge. Je sais bien que je ne suis pas à ma place, mais tout ces regards qui me fixent n'arrangent rien. Comme une étrangère qui n'a rien à faire ici.
Mais contre tout attente, la jeune fille finit par s'avancer doucement dans ma direction et je ne peux pas m'empêcher de retenir mon souffle. Je ne connais personne à part l'alpha et il se peut qu'ils me rejettent tout simplement parce que je suis humaine. Je n'ai aucune idée de comment les relations évoluent, depuis le temps que je suis enfermée dans ma tour.
Surprenante, elle esquisse un magnifique sourire qui vient étirer ses joues et dévoiler ses dents blanches. Son visage est si parfait, surtout à côté du mien. Je ne savais pas que la perfection existait, mais chez les loups-garous, elle semble naturelle. Je crois avoir trouvé la femme parfaite. Elle baisse le regard sur mes mains entremêlés et tremblante. Elle sourit une nouvelle fois et détache précautionneusement mes mains avant de les prendre.
— Bienvenue dans la meute ! Je ne sais pas qui tu es, mais il me semble que mon père te connait.
— Effectivement, intervient Rodric. À vous tous, je vous présente Léa, la fille de Sarah. Je vous en avais parlé d'elle. Elle va venir habiter avec nous, sa mère a...un petit problème, disons.
— Oh ! Sarah ? Ton amie magicienne ?
Rodric acquiesce à l'intention de sa fille et celle-ci se retourne de nouveau vers moi, toute excitée.
— C'est génial ! Tu vas donc venir habiter avec nous ? J'ai vraiment hâte. Trop de garçons chez moi, et pas assez de femmes, rigole t-elle.
Je lui souris en échange et Rodric s'approche lui aussi en souriant.
— Si ça ne te dérange pas Léa, tu vas devoir dormir avec Alexia, nous n'avons pas d'autres chambres mais ne t'en fais pas, sa chambre est gigantesque.
— Pas de problème, je réponds.
— Oui ! s'exclame la dénommée Alexia. En plus c'est l'été, on va pouvoir s'éclater tous les soirs.
Son excitation me laisse tellement choquée que je finis pas sortir de ma torpeur d'un petit rire nerveux et une petite larme discrète coule de ma joue. Je l'essuie sans que personne ne le voit. Je le sais, c'est un immense soulagement qui m'atteint.
Ma dernière amie remonte à celle que j'ai tué, et depuis, je ne savais plus ce que ça faisait d'avoir quelqu'un d'énergique à ses côtés. Je ne connaissais plus la chaleur d'une âme. En quelque sorte, son enthousiasme m'apaise. Elle me rappelle tellement quelqu'un.
— Avant tout, Léa, je te présente (il fait un geste à l'encontre de ceux qui sont restés derrière lui) un des anciens qui logent dans notre meute, Balec, puis mon fils, Alexander.
— Alex, corrige froidement son fils.
Il n'a pas l'air d'apprécier puisqu'il envoie un regard froid à l'égard de son père et se contente, juste après, de me regarder, moi.
— Bonjour, me dit-il simplement.
— Salut..., je réponds.
Tout le monde doit sentir la tension car Rodric prend la parole pour me prendre mon sac des mains. Nous passons le marché pour entrer dans une ruelle avec la maison de l'Alpha, quelques pâtés plus loin.
— Rodric, je...je peux le porter tu sais.
— Ne t'inquiètes pas Léa, tu es notre invitée et c'est tout à fait normal.
— Il va falloir t'y faire, me chuchote Alexia. Ici, la femme est très précieuse et parfois chouchoutée.
Je grimace. Je ne suis pas contre cette façon de faire, seulement, ça veut souvent dire que les femmes sont considérés comme des vases faibles, qu'il faut protéger de tout. Or, ce n'est pas vraiment le cas. Je n'ai pas envie de m'emballer, je ne connais rien ici.
— Vous avez le droit de vous battre ?
— Bien sûr ! s'exclame la jeune fille. Je te rassure, ce n'est pas parce que la femme est chouchoutée qu'elle est considérée comme faible. Nous sommes toutes fortes et nous savons nous protéger. Et nous nous battons aussi, même contre les hommes ! Ici, nous ne faisons pas de différence. Tu n'as pas à t'en faire. Nous ne sommes pas comme les humains, à réduire les femmes à l'état d'objets.
— Ça me rassure, je lui souris.
— Je peux comprendre putain, marmonne-t-elle.
Je rigole devant sa remarque et quand nous arrivons devant la maison, je ne peux pas m'empêcher d'avoir la bouche qui pend. La maison tient au moins sur deux étages, et elle est gigantesque. Les arbres l'entourent, comme un halo qui rassurent et protègent. Même la nature semble leur obéir. C'est si époustouflant.
— Mais c'est moi où ?
Le rire d'Alexia retentit si fort qu'il s'entendrait jusqu'au moins trois kilomètres.
— Tu me fumes Léa. Ta réaction est tellement marrante.
— Tais-toi, ordonne Alexander à Alexia. Papa est déjà montée alors fais pareil.
— Nan mais je rêve ! rispote-t-elle.
Je lui prends la main et lui dit de se bouger. Main dans la main, nous nous les rattrapons en courant. Nous montons vite fait les escaliers en béton et rentrons dans un petit vestibule. À ma droite, un porte-manteau ainsi que un placard blanc à ses côtés. Alexia dû me pousser un peu pour que je veuille pénétrer dans la maison.
Je n'ose jamais rentrer chez les gens. Comme tout le monde, je retire mes chaussures et entre dans la maison. Dès lors, je regarde tout avec des yeux écarquillés. La cuisine, sur ma gauche, est énorme. Son plan de travail gris impeccable, pareil pour le frigo, les placards, etc. Tout brille comme si le ménage avait été fait il y a à peine cinq minutes. On se croirait dans un château.
Les murs sont blancs, aucun motif bizarre de canards ou de dauphins. C'est parfait. En face de la cuisine, une grande table longue d'au moins deux mètres me fait face. En bois, elle scintille. Rodric me rend son sac avec un petit sourire avant de déclarer qu'il doit terminer quelque chose. Il sort sans plus de cérémonie.
— Viens, y'a les autres pièces.
Je suis Alexia et passe une porte. Quand j'arrive dans celle-ci, il y a une grande télé, bordée par plusieurs longs et grands canapés gris. Il y a même des consoles de jeux juste en dessous de la télé.
— Mais vous êtes riches !
Alexia rigole doucement et secoue quelque peu la tête.
— Ça fait des années qu'on est ici, on a eu le temps de bien s'installer et de tout mettre.
Nous partons de nouveau vers un autre escalier qui mène au second étage. Quand j'arrive, je n'arrive pas à y croire mes yeux. Il y a trois portes, menant à, ce que je suppose, trois chambres.
— Alors, il y a la porte tout à gauche, c'est la chambre des jumeaux. Tu ne les as pas encore vu mais nous sommes quatre. Bref, tu vas avoir du mal à les différencier mais ça ira après. La porte du milieu, c'est pour ma chambre. Et celle à droite, c'est celle d'Alex. Donc te trompes pas de porte sinon ça risque d'être problématique, tu sais. Voir des choses qu'il faudrait pas voir.
Je rougis d'un coup et mets ma main sur mon visage. En voyant ma réaction, elle rit et m'emporte, moi aussi, et nous nous retrouvons là, à rire sans pouvoir nous arrêter.
Son rire est très communicatif et je sens déjà qu'elle est quelqu'un de bien. Quand nous entendons des pas derrière nous marteler les planches de l'escalier, nous nous retournons, synchronisés.
Ce n'est que Alex, qui nous fixe un sourcil levé. Il finit par sortir un sourire arrogant.
— Vous avez l'air de deux folles qui rigolent toutes seules. Ça fait peur à voir, vous savez.
— Oh mais on t'emmerde toi, l'insulte Alexia.
Il ne l'écoute même pas et fonce dans sa chambre sans un seul regard.
— Rah, le sale connard, jure Alexia.
— Wow, ça ne te dérange pas de l'insulter, je remarque. C'est gentillet ?
— Dans certains cas oui. Tu n'as jamais insulté tes amis pour rigoler ou pour vous chamailler ?
Je déglutis et baisse la tête. Mon souffle s'alourdit et je me sens toute chaude. Elle vient juste de me rappeller que je n'ai aucun ami, que je n'ai jamais connu la chaleur humaine à part celle de ma mère. Une pique sournoise perce sous mon cœur.
— Ah. Désolée..., on a appris pour ta malédiction. Bien, reprend-t-elle. Viens voir ma chambre !
— D'accord, je te suis.
Elle ouvre la porte de sa chambre et directement, je suis choquée. Sa chambre fait un quart de la superficie de la maison et elle a tout. La télé contre le mur, posée sur un meuble, me fait de l'œil. Une grande bibliothèque remplie de livres par milliers m'attire inéluctablement. Elle a un grand lit queen-size et une autre porte. À côté de ce grand lit, une énorme penderie capable de tenir plus de vêtements qu'il n'en faudrait. Un côte et blanc et l'autre côté rose. Ça me fait si bizarre. Puis je remarque une autre porte.
— C'est la salle de bain, m'informe-t-elle en suivant mon regard.
Elle s'avance et ouvre pour que je puisse la voir. Comme en bas, tout brille et il n'y a aucune trace de poussière. La cabine de douche est à l'italienne cependant, en face, il y aussi une baignoire. Mon dieu, trop de richesse pour moi. Un grand miroir me renvoie mon reflet. J'y vois une fille perdue et seule.
Je n'aime pas mes cheveux bruns, qui forment un tas disgracieux, mes yeux marrons basiques et je n'ai pas de formes. Je suis aussi plate qu'une limande et j'en viens à envier les femmes qui ont des formes. Je trouve ça bien plus joli que de ressembler à une mannequin squelettique. À côté de moi, Alexia est bien plus jolie. Et ses yeux gris brillent. C'est tellement beau. Elle me sourit à travers le reflet.
— Bon, fait-elle en sortant, on va te mettre un lit plus tard, y'a assez de place. Pour les habits, je t'en prêterai.
— D'accord.
Je pose mon sac que j'avais récupéré plus tôt sur le lit de Alexia.
— Au fait, tu as le même surnom que...Alex ? Vu que vous avez presque le même prénom.
— Ahahaha non. On m'appelle Ale.
— Très joli.
— Merci ! J'adore ce surnom. Depuis petite.
Pendant qu'elle s'assoit sur le lit, je défais mes affaires pour les mettre autre part.
— Je peux les mettre dans la penderie ?
— Bien sûr ! Sur le côté droit, il n'y a pas trop d'habits. J'enlèverai le reste plus tard.
— Wow. Même avec autant d'habits et cette penderie, t'arrives à avoir un peu de place ?
— Oui, rit-elle. J'adore les habits, j'en achète bien trop.
— À ce propos, je l'arrête. Vous faites comment ? Pour avoir de l'argent.
— Les magiciens peuvent en créer.
Quand j'entends ça, ma bouche vient prendre jusqu'au sol. Tout m'impressionne. Je n'aurais jamais cru cela possible. Mais les paroles de ma mère me reviennent en mémoire. Les magiciennes ont des pouvoirs très larges, et peuvent faire ce que bon leur semble, tant qu'elles respectent leurs principes.
— Mais du coup, elles peuvent tout faire ?
— Oui, enfin presque tout. Elle ne peuvent pas créer d'humain, mais seulement des objets. Mais comme tout grand pouvoir, grandes responsabilités. Les magiciennes qui utilisent de la magie noire sont appelés les sorcières. La nature est bien faite. Pour éviter que les magiciennes et sorcières confondues puissent utiliser trop de pouvoirs à mauvais escient, leur magie leur prend énormément d'énergie. À ce propos, je suis sûre que ta malédiction se terminera un jour.
— Quoi ? je crie en me retournant si vite que je cogne mon pied contre le mur de la penderie. Je gémis de douleur.
Ale grimace en me voyant avant de reprendre :
— Oui, une malédiction lancée prend chaque jour un bout de son énergie et une partie de son espérance de vie à la sorcière qui l'a lancée. Toute magie noire à un prix. Pour ce qui est de la magie blanche, ça prend seulement de l'énergie. Plus le sort lancé est conséquent, plus la magicienne perd son énergie.
— Je vois... Elle peut donc mourir ?
— Oui. Si elle est faible, blessée, elle peut mourir si elle n'a plus assez d'énergie en elle à ce moment-là. Une magicienne n'est rien sans sa magie ni son énergie. Donc, la malédiction disparaît sans laisser aucune trace.
— Incroyable, je souffle.
— On descend ?
— Bien sûr, je lui réponds.
Nous sortons de la chambre et descendons les marches des escaliers. Perdue dans mes pensées, je réfléchis. Sans le savoir, Ale m'a donné une idée. Pour pouvoir arrêter cette malédiction qui bousille ma vie, je n'ai qu'une seule solution : trouver et tuer la sorcière. Je ne me sens pas à ma place ni à l'aise, je n'ai aucune d'idée de comment m'y prendre.
Le fait de tuer me rebute et je sais bien que je n'ai aucune chance de la battre, pour l'instant. Mais j'attendrais mon anniversaire, quand je saurais enfin quels seront mes pouvoirs.
Et ce jour là, je le jure, je la traquerai et la tuerai.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top