Chapitre 13
Joachim ouvrit de grands yeux vers sa mère.
— Mais, Maman... Héléna ne vient pas souvent ici ! Pourquoi je peux pas rester avec elle ?
Sa mère s'essuya les mains sur son tablier, jeta un regard soupçonneux à Héléna, puis s'approcha de la porte et regarda au-dehors. Elle soupira.
— Désolée, ma fille, mais tu sais que je préfère que Joachim ne soit pas vu près de toi. Surtout par les temps qui courent... Les gens pourraient croire que... Enfin...
— Oui, je sais, soupira Héléna.
C'était toujours la même chose.
— Il vaut mieux que vous ne vous attiriez pas d'ennuis par ma faute.
La boulangère soupira.
— Tu sais que mon mari croit aussi à tout cela ?
Sans attendre de réponse, elle poursuivit :
— Je fais comme si j'étais d'accord avec lui, mais je pense que vous n'avez rien fait. Il semble avoir oublié que ta mère nous a aidés, à la naissance de Joachim...
Elle demeura un instant perdue dans ses pensées, le regard rivé à l'extérieur, tandis que le rythme de la pluie se faisait entendre. Joachim se blottit dans les bras d'Héléna.
— Ne vous inquiétez pas. J'ai l'habitude.
— C'est une bien triste habitude, pourtant. Tous les villageois ne pensent pas pareil, tu sais ? Les Dubois, les Lédard... Nous sommes nombreux à compter sur vous, et à ne pas croire les paroles du Pape. Même si, évidemment, certains le suivent...
Héléna se douta qu'elle faisait référence aux deux femmes qui venaient de quitter la boutique.
— Mais tout le monde a peur. Il paraît que vous seriez les suppôts de Satan. Certains savent que ce n'est pas vrai : pendant des années, vous nous avez soignés, aidés... Je ne vois pas pourquoi tout devrait changer. Vous ne faites rien de mal, que je sache ? Vous sauvez seulement des vies.
— Madame Volure, vous savez bien que votre opinion n'est pas partagée. Aussi longtemps que la peur sera maintenue, nous serons rejetées, et ce n'est pas parce que nous avons aidé certaines personnes que cela fera la différence. La reconnaissance est éphémère.
— Tu as raison, ma fille.
Semblant soudain sortir de ses pensées, elle reprit :
— Je suppose que tu n'es pas venue pour parler de ceci. De quoi as-tu besoin ?
La jeune fille se détacha de l'étreinte du petit garçon.
— Eh bien, deux miches de pain devraient faire l'affaire. Au fait, saviez-vous qu'Amalric était de retour ?
— Oui, tout le monde sait bien que le bateau a accosté. Tu lui passeras le bonjour de ma part.
Elle tendit à Héléna le pain, encore empreint de la chaleur du four.
— Dix sous, s'il te plaît.
Héléna lui tendit les pièces.
— Héléna... Tu vas pas partir maintenant, si ?
Elle se pencha de nouveau vers le petit garçon, qui paraissait au bord des larmes.
— Mais je vais revenir, tu sais ?
— Bientôt ?
— Oui, bientôt, affirma-t-elle.
— Et tu me raconteras des histoires ?
— C'est promis. Allez, Joachim. À bientôt.
Celui-ci lâcha enfin sa main.
— À bientôt...
— À tantôt, madame Volure !
— Prends soin de toi, ma fille ! la salua la boulangère.
La porte refermée derrière elle, Héléna attendit une petite accalmie pour courir en direction de chez elle.
Elle déposa sa capeline détrempée à l'entrée, s'essuya les pieds sur le paillasson et déposa le pain sur la table à manger. Sa mère, en pleine discussion avec sa patiente, lui adressa un sourire reconnaissant.
Héléna rejoignit de nouveau son frère, afin de terminer leur discussion. Ils conclurent ensemble que la signification de cette étrange phrase, « Les songes sont la clef », ne pouvait être qu'une seule chose : les rêves d'Héléna lui apporteraient la solution.
Mais elle ne pouvait pas commander ses rêves à volonté. Il n'y avait plus qu'à espérer que la nuit lui porte conseil...
La même femme. C'est toujours elle. Elle me tend la main, me sourit. Elle ouvre la bouche, elle parle, mais je n'entends rien. Je ne parviens pas à lire sur ses lèvres. Elle ne s'en rend pas compte, continue à parler. Je ne parviens pas à lui indiquer que je ne saisis rien.
Mais soudain, une voix se fait entendre. Non... Ce n'est pas une voix... C'est le vent. Il murmure... Toujours la même phrase, en boucle... « Là où le toit est sec » Qu'est-ce que ça peut bien signifier ?
— Héléna...
J'entends enfin ce que la femme dit.
— Héléna ! Ton temps est compté.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top