Chapitre 12

Son récit achevé, le ciel au-dehors s'était obscurci. La pluie commença à tomber. Elle avait tout narré à son frère, de la nuit où elle avait vu la pleine lune, à sa visite de la clairière le matin même, en passant par les consultations qu'elle avait dû faire avec sa mère. Lorsqu'elle eut fini, son frère se cala dans son fauteuil et laissa échapper un sifflement qui en disait long sur ses pensées :

— Eh bien... On peut dire que j'ai manqué des choses...

— Comme tu le dis, soupira Héléna.

Un bref moment de silence s'immisça entre eux, qu'ils occupèrent à contempler, dehors, les gouttes qui tombaient.

— Mais, j'ai failli oublier, s'exclama soudain la jeune fille, tu ne m'avais pas dit avoir trouvé la solution de cette liste ?

Son frère fit comme s'il ne l'avait pas entendu.

— Tu n'en as donc pas fait part à Mère, murmura-t-il, songeur. Tu ne penses pas qu'elle pourrait nous aider ?

— Réponds à ma question ! ordonna sa sœur, exaspérée.

— Bon, très bien, si tu y tiens... capitula-t-il avec un demi-sourire. Donne-moi ta plume.

Elle s'exécuta.

— Je te préviens, c'est enfantin, avertit-il en griffonnant sur le parchemin. Tu vas te reprocher de ne pas y avoir pensé...

— Allez, ne me fais plus languir !

— Très bien, soupira-t-il théâtralement.

Il lui tendit la feuille. Elle la parcourut du regard, sans remarquer les modifications qu'Amalric avait apportées. Elle leva sur lui un regard perplexe, auquel il ne rendit qu'un sourire moqueur.

— Tu devrais apprendre à mieux observer, petite sœur, et à ne pas laisser l'impatience prendre le dessus sur ton raisonnement. Il me semble pourtant que c'est ce que doit savoir faire une guérisseuse, non ?

Héléna se mordit la lèvre sans répondre. Il avait touché un point sensible. Elle était trop prompte à agir sans prendre le temps de réfléchir, et elle le savait bien.

Elle se replongea dans l'étude du parchemin.

Lune
Eau de pluie
Soufre commun
Soufre noir
Or ou soleil
Neptune
Genièvre
Eau forte
Sel des Sages
Savon noir
Orpiment
Nuit
Térébenthine
Lait récent
Acide marin
Cendre
Limaille d'acier
Effervescence
Fer

Son frère avait repassé le premier caractère de chaque ligne. Mais pourquoi avait-il bien... ?

Oh.

Il a raison, c'est évident.

Comment cela a-t-il pu m'échapper ? Quelle idiote je fais ! s'exclama la jeune fille. Tu avais raison, Amalric, c'est d'une simplicité enfantine !

Elle secoua ses boucles rousses, lâcha un cri de frustration.

— J'aurais dû y penser plus tôt !

Elle ne s'en remettait pas. Comment avait-elle pu passer à côté ? Il fallait prendre la première lettre de chaque ingrédient, c'était aussi simple que cela ! Et on trouvait... Lessongessontlaclef.

Qu'est-ce que ça pouvait bien signifier ? Ah, mais oui ! Il fallait séparer les mots... Lesson gesson... Non ! Les songes sont... Les songes sont la clef ! Oui, c'était ça !

— Les songes sont la clef ! s'exclama-t-elle victorieusement. C'est ça, pas vrai, la solution ?

Son frère acquiesça sans un mot, en souriant.

— Mais qu'est-ce que ça veut dire ?

— Ça, petite sœur, je compte sur toi pour me le dire !

— Héléna ! appela soudain leur mère. J'ai besoin de toi, s'il te plaît !

La jeune fille sursauta, se leva précipitamment

— Amalric, s'il te plaît... Ne dis pas à Mère tout ce que je t'ai raconté.

— Tu as ma parole. Mais si ça devient trop dangereux pour toi...

— Ne t'inquiète pas. Peux-tu aller poser tout cela dans ma chambre ? Je préfère que Mère ne tombe pas dessus par hasard...

— Je m'en occupe.

— J'arrive, Mère !

Délaissant son frère, Héléna rejoignit sa mère dans la cuisine.

— Qu'y a-t-il ?

— Nous n'avons pas assez de pain, et je dois voir madame Lédard... Peux-tu t'occuper d'aller en chercher ?

— Oui, bien sûr, Mère ! J'y vais de ce pas.

Héléna revêtit de nouveau sa capeline, prit le panier à pain, salua brièvement la femme qui attendait dans le vestibule, et prit le chemin du villa en courant, tentant d'échapper à la pluie.

Elle poussa la porte de la boulangerie, ôta son capuchon. Deux femmes étaient là, discutant avec la boulangère.

— ...nouvelles mesures contre les hérétiques.

— Oui, l'Inquisition. Mon mari m'en a parlé.

— Ce sera mieux ainsi. Le bûcher est une bonne solution.

Héléna tendit l'oreille, mais ne pût en savoir plus :

— Héléna !

Une tignasse blonde juchée sur deux jambes courtes venait de débouler, se jetant dans les bras de la jeune fille. Elle sourit et se baissa pour saluer Joachim, le fils des boulangers.

Derrière eux, la discussion s'était tue. Les deux femmes, après avoir échangé quelques regards lourds de sens, quittèrent la boulangerie.

— Joachim ? Viens ici, s'il te plaît, le rappela la boulangère.

☽⋆⛥⋆☾

Eh oui, un autre chapitre bonus... À la demande de Ayellesunell !

J'espère qu'il vous aura plu, bien qu'un peu court... Je pense qu'il était temps d'introduire les villageois, non ?

Bref, à samedi pour la suite !

Liranda_

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