Chapitre 1
Héléna se réveilla en sursaut, et observa longuement autour d'elle, laissant ses yeux s'accoutumer à la pénombre environnante. Haletante, elle mit plusieurs minutes à se rappeler du lieu où elle était, et sa respiration se calma enfin. Elle venait encore de faire ce cauchemar, qui venait la tourmenter toutes les nuits de pleine lune. Elle se rallongea sur son lit mais ne put se rendormir, car elle ne cessait de se repasser en boucle son cauchemar. La sensation de terreur... et puis la chute. Elle calqua sa respiration sur la brise calme du dehors, inspira puis expira profondément, et parvint enfin à se calmer. Au bout d'un moment, agacée de ne pas trouver le sommeil, elle se leva et marcha jusqu'à la fenêtre, ses pieds nus faisant craquer l'antique bois des planches.
Elle ouvrit les volets entrecroisés, et se pencha pour sentir la fraîcheur de cette nuit de décembre, cette fraîcheur qu'elle aimait tant, contrairement à beaucoup.
La lune faisait étinceler la surface mouvante de la mer, au loin, et la cime des grands pins qui poussaient en contrebas ondulait sous la légère brise. Si des marins avaient regardé avec une longue vue, ils auraient vu une tache blanche à la fenêtre d'une maison à flanc de colline. La pleine lune faisait scintiller la chemise immaculée d'Héléna, ainsi que ses longs cheveux qui voletaient autour de son visage, flammes rousses semblant s'échapper de celui-ci.
Observant ses propres boucles, elle se mit à songer à celles-ci, que beaucoup de gens jugeaient magnifiques et jalousaient. Sa beauté lui avait toujours valu d'être moquée et solitaire. Elle n'avait jamais eu aucun ami. Souvent, elle entendait dans son dos des murmures à peine dissimulés la traitant de sorcière. Au fond d'elle, elle savait bien qu'elle n'était pas entièrement comme les autres enfants. Elle avait un don. Celui de communiquer avec les animaux. Elle voyait sous forme d'images leurs pensées, et parvenait à les mettre en confiance pour les soigner, car sa mère lui avait appris les secrets des plantes. Cette dernière était également soupçonnée de sorcellerie, mais elle soignait bien les villageois, qui faisaient en retour preuve d'une certaine tolérance à son égard.
Héléna avait également un frère d'un an de plus qu'elle. C'était auparavant son compagnon de jeux, lorsqu'elle était plus jeune ; il était maintenant son plus grand confident. Leur père était mort en mer lors d'une tempête, un mois après sa naissance, si bien que la jeune fille n'en avait aucun souvenir. Elle était la seule rousse de sa famille ; elle pensait donc ressembler à son père, comparable pour elle à un être de légende.
Perdue dans ses pensées, elle se releva lentement et commença à refermer les volets, lorsqu'un mouvement à la périphérie de sa vision la fit les rouvrir vivement. Elle scruta la mer, et il lui sembla qu'un petit navire voguait doucement vers l'horizon. Elle eu beau plisser les yeux, elle ne pût en voir plus : l'embarcation avait purement et simplement disparu. Elle fronça les sourcils ; elle avait du mal voir...
Soudain, l'éclat de la lune sembla s'intensifier. Mue par un instinct vieux de milliers d'années, Héléna tendit sa main tremblante vers celle-ci, et un rayon de lumière partit de l'astre lumineux pour venir frapper sa paume ouverte. Une chaleur diffuse se propagea à l'intérieur de son corps telle un feu de forêt s'étend, et une étrange aura sembla se former lentement autour d'elle. Au même moment, le hurlement d'un loup troua le silence, et quelques oiseaux nocturnes quittèrent précipitamment les branches sur lesquelles ils étaient perchés.
Héléna demeura un instant ébahie, pensive, avant de se reprendre. Curieusement, elle n'était pas inquiète, ni surprise outre mesure. Elle ne doutait pas de ce qu'elle avait vu, et savait pertinemment qu'il ne s'agissait pas d'un rêve. Au contraire, elle était confiante, presque soulagée. Comme si elle avait toujours su qu'un tel évènement devait un jour se produire, comme si elle l'avait toujours attendu... Comme si un tel évènement était dans l'ordre des choses. Elle retourna s'allonger dans son lit, sans être bouleversée d'une quelconque manière et s'endormit cette fois aussitôt que sa tête eut touché l'oreiller. Je résoudrais ce mystère plus tard, si mystère il y a, eut-elle à peine le temps de penser.
À quelques centaines de mètres de là, dans une boîte en bois de chêne cerclée de fer, fermée depuis des années et enfouie des mètres sous les racines d'un olivier centenaire, un médaillon s'illumina d'une douce lumière. À côté de lui, attendant également leur heure, se trouvaient des carnets et un rouleau de parchemin jauni par les années.
La brise semble toujours chuchoter des mots à qui veulent bien les entendre. À cet instant, soufflant parmi les milliers d'arbres de la forêt d'Irtæ, elle semblait souffler « bientôt ».
Et ce murmure sonnait comme une promesse...
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