4 - Molly
Nous étions déjà vendredi soir et tante Molly avait envoyé mes cousines au cinéma avec Fabrice pour pouvoir rester seule avec moi. Son visage rond respirait le bonheur et ses joues généreuses et fraîches, s'arrondissaient et luisaient comme les cupcakes qu'elle préparait toutes les semaines avec amour. Ses yeux riaient naturellement et son petit front chaleureux achevait de vous mettre en confiance.
— Tu sais, l'année prochaine ce sera au tour de Ludiwine de se préparer au bal des 18 ans, déclara-t-elle en examinant mes robes dans la penderie.
— Qui parle encore de bal, Molly ? Franchement !
— Ah ! tu sais grand-mère a toujours gardé cette appellation. Tu veux que je dise quoi un party ?
— Oui !
— En tout cas, bal ou fête d'anniversaire, party ou je ne sais quoi, j'espère que d'ici là nous aurons fêté ton mariage ! Et qui sait... peut-être déjà attendras-tu un petit bébé ?
Le bouchon de mon flacon de parfum m'échappa des mains. Heureusement que j'étais assise en face de ma coiffeuse sinon je serais tombée de ma chaise. Elle était folle. Tout allait si vite. J'avais la gorge serrée, les mains moites. Bon sang ! Je ne sortais même pas avec Quentin ! Qu'allait-il se passer pour moi si je ne lui plaisais pas ? Et puis un marmot ! Houla, il était temps de se calmer. Je n'en étais pas rendu là, du tout. Mais pas du tout ! On est au vingt et unième siècle, mes tantes, je vous rappelle. Déjà que nous n'avons plus besoin de nous marier, alors un bébé dans la foulée... Pourquoi brusquer les choses ? marmonnais-je silencieusement. Tandis qu'elle me tressait les cheveux, Molly dut se rendre compte de mon malaise, car elle s'arrêta et mit ses mains gonflées sur mes épaules.
— Je te brusque, hein ? Je suis désolée, ma chérie. Cela fait beaucoup de choses pour toi, mais il faut que tu comprennes que le suicide de Patricia et...
— Le suicide ? La coupai-je. Je croyais qu'elle était morte noyée ?
— Oui, oui c'est cela. Elle se mordit la lèvre et je sentis ses mains trembler.
— Tu en as trop dit ma tante. Que s'est-il passé ?
Elle vérifia qu'Éléanore n'était pas dans le coin, car elle aussi craignait le courroux de sa sœur.
— OK, ne dis pas que je te l'ai dit, hein ? Ni à Éléanore ni à ta grand-mère. Puis elle reprit : Patricia s'est jetée du haut d'une falaise à Sutton, car elle ne pouvait pas supporter la malédiction.
J'étais horrifiée.
— Mais quelle malédiction ? En quoi consiste-t-elle ?
— Ah ça non ! Je ne peux pas te dire ! Demandes à ta grand-mère. Elle seule a le droit de te révéler le processus.
Son front s'était plissé d'indignation et ses doigts s'agitaient nerveusement autour de mes nattes.
— Je voudrais tellement que ça finisse ! Toutes nos filles ! Vous êtes toutes sous l'emprise d'un coup du sort et ça ne s'arrêtera que lorsque.... Elle se mordit la lèvre à nouveau...
— Alors on peut l'arrêter ? Je plantai mes yeux bruns dans les siens.
— Oui. Elle me retourna face à la coiffeuse et me tapota l'épaule. Mais ce ne sera pas de mon vivant, ma chérie. Seule la troisième fille de la troisième fille le peut !
— La troisième fille de la troisième fille ?
— Oui... ta mère est la troisième fille de la comtesse. Et si ta maman avait eu deux autres filles, et bien, la troisième pourrait arrêter la malédiction.
— Mais comment ?
— Je ne sais pas. Parles-en à Grand-Mère, mais de toute façon, ce n'est pas pour cette génération. Il ne reste plus à espérer que parmi tes cousines et toi, l'une d'entre vous ait trois filles et que la troisième fille de la cadette éteigne cette atroce malédiction !!
— C'est pourquoi nous allons tout faire pour que tu rencontres l'amour de ta vie, ma chérie... Crois-moi !
Tout cela me pesait énormément. Je savais que nous avions un secret. Il y avait un accord tacite d'éviter d'en parler, mais cela faisait tout de même beaucoup à absorber. Ma tante dut s'en apercevoir, car elle me prit dans ses bras et me prit le menton.
— Je sais chérie, c'est difficile. Mais nous serons là pour t'épauler, à tout moment. Jamais nous ne te laisserons. Mais n'oublie pas, personne en dehors des femmes de cette famille, ne peut être au courant, Chenoa. Entends-tu ? Même pas Fabrice.
J'acquiesçai du menton, impossible de prononcer quoi que ce soit, tout en passant les doigts dans mes cheveux pour apprécier la finesse des nattes françaises que Molly avait tressées.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top