Le lundi suivant, Wendy vit immédiatement sur mon visage que cela n'allait pas :

— Oh mais ma chérie, ce n'est pas la fin du monde ! Il n'a pas rompu. Il te dit juste qu'il part voir sa famille comme c'était déjà prévu et que vous vous revoyez après !

— Oui, mais il ne reste au lac Brome que deux semaines. Après il part pour l'Australie !

— Oh ! Et quand rentrera-t-il d'Australie ?

— Au mois de mars !

— Et bien, je sais que cela paraît long pour toi mais cela va permettre de tester ta relation, tu sauras d'ici le mois de mars si cette relation est faite pour durer !

— Mais tu ne comprends pas !

— Je ne comprends pas quoi ?

— Je dois me marier avant mes dix-neuf ans !

J'aurais voulu ravaler ce que je venais de laisser échapper. Je n'avais pas le droit d'en parler. Elle me scruta, interdite.

— Quoi ? Que dis-tu ?

Je me mordis la lèvre. Je lui en avais trop dit.

— Enfin, Aurora, arrête de faire la gamine. On ne se marie plus à cet âge. Pourquoi voudrais-tu t'engager alors qu'on a tout le temps d'explorer les relations ?

— Je n'ai pas le choix, Wendy !

— Que veux-tu dire, tu n'as pas le choix ?

— Ma grand-mère, tante Éléanore....

— Tu n'arrives pas à résister à la pression de ta famille mais tu te sens prête à te marier ?

Elle fit une pause....

— Oh, ça y est j'ai compris ! Tu veux te marier pour échapper à ta famille !

Je ne voulais pas l'en dissuader.

— Mais tu sais Aurora, que ce n'est pas une bonne idée, même si je comprends ta précipitation.

Je ne disais plus rien.

Elle me prit dans ses bras pour me réconforter :

— Et puis, comme je l'ai dit, les dés ne sont pas jetés avec Quentin alors ne dramatise pas...

Elle avait fait tout ce qu'elle avait pu pour me rassurer mais elle ne pouvait pas comprendre. Et je ne pouvais pas lui expliquer. Comment le pourrais-je ? Je ne savais pas moi-même à quoi m'attendre.  Tout ce que je savais c'est que j'aimais Quentin. Il avait besoin d'espace et je devais lui en laisser.  Que risquais-je au fond ? Mais Quentin m'aimait-il vraiment ? Qu'allait-il se passer si je ne me mariais pas ?

J'assistai au reste de mes cours tel un zombie. Assaillie de doutes, je remarquai à peine Ethan qui faisait le pitre dès que le prof avait le dos tourné pour m'arracher un sourire. Mais rien n'y fit. J'étais terrorisée à l'idée que Quentin puisse ne plus m'aimer. Que m'importaient alors le mariage et la malédiction quand seule sa présence m'aurait comblée ? Je me rappelais ses yeux pétillants entourés de cils de chaume. Je me rejouais sa voix suave et tendre. Et soudain je me souvenais qu'il avait fini ses cours et n'avait plus besoin de revenir à la fac. Le mot pause résonnait en boucle dans ma tête. Mon cœur allait s'arrêter de battre. Comment pourrais-je seulement survivre sans son souffle sur ma peau, sans la caresse de ses mains ? Tout mon être s'ébranlait, mon futur disparaissait. Comment allais-je pouvoir m'en sortir ?