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Sherrilyn ouvrit difficilement l'armoire à pharmacie se tordant en deux sous la douleur, et sortit sa bouteille d'oxygène. Lorsqu'elle mit le masque sur son visage et qu'elle ouvrit la vanne, la panique l'envahit. Elle était pratiquement vide !
Elle reprenait peu à peu sa respiration lorsque la bouteille donna des signes de fatigues, avant de s'arrêter totalement. Sherrilyn n'avait pas totalement récupéré, mais elle n'avait pas d'autres choix. Elle devait aller en ville avec son ordonnance, en espérant que le pharmacien soit assez gentil pour lui fournir une bouteille de plus, sachant que son ordonnance était dépassée. Mais il ne pouvait pas la laisser mourir !
Depuis quelques jours, les crises se rapprochaient, et cela commençait à l'effrayer. Elle savait très bien ce qu'elle devait faire dans ses cas-là, mais n'avait tout simplement par le courage de le faire. Elle ne voulait pas retourner à l'hôpital.
Elle enfila ses chaussures et sortit de chez elle. Immédiatement, un sourire fleuri sur ses lèvres. Elle ne se lassait pas des beautés de la nature. La première fois qu'elle était tombée nez à nez avec une rose rouge, elle avait passé des heures à la contempler, à s'enivrer de son parfum suave. L'autre jour, elle était tombée en extase devant une petite fille qui apprenait à faire ses premiers pas avec sa mère. La petite fille tanguait sur ses petites jambes potelées, faisant un pas après l'autre, avant de tomber, soutenue par les bras de sa mère.
Sherrilyn n'avait jamais pu assister à ce spectacle avec ses neveux et nièces, et elle avait trouvé cela fantastique.
Elle poussa la porte de la pharmacie et sourit à la jeune femme derrière le comptoir. Cette dernière lui renvoya son sourire, mais aussitôt, elle secoua la tête en signe de dénégation.
- Désolée Mlle, mais nous ne pouvons plus vous avancer de bouteille. Nous risquons des problèmes avec l'agence de veille sanitaire si nous le faisons.
Les larmes montèrent aux yeux de la jeune femme, mais aussitôt, elle les remplaça par un immense sourire. Elle ne devait pas se laisser abattre. Cela faisait déjà six mois qu'elle vivait seule, et elle s'en sortait à merveille.
Elle avait eu un peu de mal au départ pour ce faire à manger, mais depuis qu'elle avait trouvé des livres de recette à la librairie du coin, elle se débrouillait comme un chef. Elle avait eu du mal avec le lave-linge, au point d'avoir quelques vêtements teints en noir au lieu d'être blanc. Mais tout était rentré dans l'ordre. Pour le reste, elle avait réussi à gérer comme une chef !
Ce qu'il lui pesait le plus, était qu'elle n'avait plus aucun contact avec sa famille. Ça aurait été trop dangereux. Avec ses frères et leurs techniques infaillibles, ils auraient réussi à la retrouver en moins d'une semaine.
- Ce n'est pas grave. C'est juste que je ne voulais pas retourner chez moi pour voir mon médecin.
- Vous n'êtes pas obligée de rentrer en ville mademoiselle. L'hôpital est très compétent. Ils ont des docteurs fabuleux.
- Je n'aime pas trop les hôpitaux. Mais je vais peut-être y aller faire un tour.
Elle offrit un dernier sourire rayonnant à la pharmacienne et sortit sous le soleil printanier. Elle se promena pendant plusieurs heures, chantonnant pour elle-même.
Lorsqu'elle sentit son souffle se faire plus rauque, et se rendit compte qu'elle avait de plus en plus de mal à inspirer, elle sut qu'elle n'avait plus le choix. Elle devait faire un tour à l'hôpital.
La mort dans l'âme, elle poussa les portes battantes, la main posée sur le cœur, et se rendit au bureau des admissions. En face d'elle se trouvait un homme d'âge indéterminé, brun, bien bâtit, avec une barbe de plusieurs jours, et portant une blouse bleue. Il releva la tête et le sourire sur son visage donna des contractions dans le bas du ventre à la jeune femme. C'était la première fois que Sherrilyn ressentait ce genre de choses, mais ne trouvait pas ça désagréable.
- Que puis-je faire pour vous belle demoiselle ?
Sherrilyn se sentit rougir de la racine des cheveux jusqu'à la pointe de ses pieds. Elle savait qu'elle n'était pas moche, puisque Laura Lee se faisait sans cesse draguer, et qu'elles se ressemblaient presque comme deux gouttes d'eau. Mais c'était la première fois qu'on lui disait à elle.
Les deux sœurs avaient toutes les deux des cheveux noirs qui tiraient sur le bleu, mais tandis que Laura Lee les portait court, Sherrilyn avait décidé de les laisser pousser. Ils lui arrivaient sous les fesses, et elle en était fière. Elles avaient toutes les deux les yeux bleus, mais ceux de Sherrilyn portaient la marque de la maladie contrairement à ceux de sa sœur.
Il n'y avait réellement que leurs corps pour les différencier. Alors que Laura Lee était tout en muscles, Sherrilyn était la faiblesse incarnée.
La jeune femme reporta son regard sur l'infirmier et lui fit un petit sourire avant de tendre ses papiers.
- J'ai besoin de voir un pneumologue.
- N'est-ce pas un peu extrême pour un souffle court ?
Un sourire désabusé se dessina sur les lèvres de Sherrilyn. Si seulement ça ne pouvait être qu'un souffle court.
- Je suis atteinte d'une mucoviscidose, et je suis à court d'oxygène. Sans une nouvelle ordonnance, la pharmacie ne voudra pas m'en fournir. Donc si vous pouviez accélérer le processus et m'appeler un pneumologue tout de suite, ça m'arrangerait.
Le jeune homme perdit tout de suite son sourire, et décrocha son téléphone. Il parlementa pendant plusieurs minutes qui laissèrent tout le temps à la jeune fille d'examiner son environnement. Elle eut une mine désabusée en constatant que cet hôpital ressemblait en tout point à celui qu'elle fréquentait à New York. À croire que tous les hôpitaux de ce pays étaient construits sur le même modèle.
- Le docteur Harris va vous recevoir d'ici quelques minutes. Montez au deuxième étage, prenez sur votre gauche, et vous y serez.
Sherrilyn le remercia d'un sourire et prit la direction qu'il lui indiquait. Elle prit les escaliers, mais regretta vite son choix. À peine avait-elle atteint le premier étage que son souffle se bloqua dans sa gorge. Elle prit le temps de retrouver un semblant de souffle avant de continuer son ascension.Quelle idée de mettre le service de pneumologie au deuxième étage du bâtiment ?
Elle parvint enfin à bon port et trouva rapidement le bureau du médecin. Elle entra après avoir frappé, et fut accueillie par le magnifique sourire de la secrétaire.
- Asseyez-vous mademoiselle. Le docteur Harris va vous recevoir d'ici quelques minutes.
- Merci de me recevoir sans rendez-vous.
- D'après ce que j'entends, de toute façon, il aurait été obligé de vous recevoir.
Sherrilyn s'assit sur une des chaises en plastiques et attrapa le premier magazine qui se trouvait sur la table basse. Elle savait comment ça fonctionnait dans les hôpitaux. Leurs minutes étaient des heures pour les autres.
Mais cette fois ci, ce ne fut pas le cas.
Rain finit de dicter son compte rendu dans son dictaphone et se passa une main lasse dans les cheveux. Lorsque l'année dernière, il avait accepté ce travail, il ne pensait pas qu'il serait autant submergé. Il pensait n'être que le second du service. Mais contre toute attente, le médecin en chef avait pris sa retraite et lui avait laissé les rênes.
C'était inespéré pour lui. À son âge, être déjà chef de service, ça relevait de l'exploit. Même si ce n'était que dans un petit hôpital de campagne, il pourrait dorénavant prétendre à des postes plus prestigieux. Et mieux payés !
Il se leva de son siège et fit quelques étirements. Encore une journée qui n'en finissait pas. Et une fois de plus, il se demandait s'il avait fait les bons choix dans sa vie.
Il venait d'une famille un peu particulière. Ses parents étaient d'anciens hippies qui n'avaient jamais compris l'importance d'avoir un travail. Ils vivaient des petits concerts qu'ils pouvaient faire.
Tout allait bien jusqu'à ce qu'il naisse. L'arrivée d'un enfant n'était pas vraiment prévu dans leur programme, et ils n'avaient pas les moyens de l'élever. Outre un prénom ridicule, Rainbow avait très vite compris qu'il allait devoir s'occuper d'eux. Et avait cru ne jamais y arriver lorsque sa sœur Sunshine était arrivée dans leur vie.
Rain et sa sœur avait dix ans d'écarts, mais cela ne les empêchaient pas d'être très proche. Le jeune garçon avait pris soin de sa sœur, s'occupant d'elle lorsqu'elle était bébé, l'accompagnant à l'école par la suite, avant de lui payer ses études.
C'est pour ça qu'à l'âge de seize ans, alors qu'il rêvait de devenir musicien, il s'était orienté vers la médecine. Il savait que c'était un métier qui payait bien. Grâce à son salaire, il pouvait rembourser l'emprunt de sa maison, payer les charges de ses parents, et entretenir sa sœur. Les fins de mois étaient difficiles, mais il s'y était habitué depuis toutes ses années.
Pourtant, il n'avait jamais abandonné la musique. Dans la maison qu'il avait acquis l'année précédente, il avait fait totalement insonoriser une pièce du sous-sol afin de pouvoir jouer à toute heure du jour ou de la nuit. Même s'il n'avait pas de voisin immédiat, il ne voulait pas qu'on sache que le chef du service de pneumologie était un fervent adepte de la guitare. Son prénom jouait déjà assez en sa défaveur.
Soudain, un visage passa sur ses paupières closes. Il grogna de mécontentement. Cela faisait deux ans maintenant qu'il avait croisé cet ange, et il ne cessait de la revoir, encore et encore. Elle lui avait pourtant bien fait comprendre qu'il ne l'intéressait pas du tout, étant mariée, enceinte, et heureuse. Mais inlassablement, son visage revenait le hanter.
Il se frotta les yeux comme pour effacer l'image de cette sirène et retourna s'asseoir à son bureau. Sa journée n'était pas finie. Loin de là ! Il venait même de se rajouter un rendez-vous imprévu. Mais vu le ton de l'infirmier des urgences, ce cas était urgent.
- Valérie, faites entrer mon prochain patient je vous pris.
- Bien monsieur.
Rain était un peu mal à l'aise. D'habitude, lorsqu'il recevait des patients, il pouvait se cacher derrière leur dossier lorsqu'il perdait pied, mais cette jeune femme était venue les mains vides. Il lui faudrait donc faire rapatrier son dossier rapidement.
La porte s'ouvrit, et il plaqua un sourire de circonstances sur ses lèvres pour accueillir cette nouvelle patiente. Mais son sourire s'évanouit lorsqu'il la reconnu. C'était elle, mais en même temps, une autre femme.
Ses cheveux étaient beaucoup plus longs que dans son souvenir, son corps semblait plus fragile, et ses yeux bleus semblaient morts. Enfin, cette toux reconnaissante entre mille. Cette jeune femme était très malade.
Il se leva et avant de vraiment s'en rendre compte, il était à côté d'elle et l'aidait à s'asseoir dans le fauteuil face à son bureau. Par réflexe, ses doigts partirent à la rencontre de son poignet pour prendre son pouls, mais il fut surpris par la décharge qu'il reçu. Elle leva la tête vers lui avec un sourire d'excuse, et ce fut le plus beau sourire qu'il n'est jamais vu.
Rain sentit son cœur s'emballer, son sang pulser dans ses veines, et son bas-ventre se faire douloureux. En bon scientifique qu'il était, il avait reconnu les signes du désir, mais il n'avait pas le droit. Cette jeune femme venait voir le médecin, pas l'homme.
Il se releva et posa sa main sur son front. Il voulait se persuader que c'était pour prendre sa température, mais en réalité, il voulait juste de nouveau percevoir le coton de sa peau.
Rain fit le tour de son bureau et s'assit difficilement dans son fauteuil. Une érection comme il en avait rarement eu le gênait gravement. Il se racla la gorge plusieurs fois pour essayer de faire passer la boule qui s'y était formée, mais sans grand succès.
- Je suis désolée de venir sans rendez-vous docteur Harris, mais j'ai un besoin urgent d'oxygène.
Un long frisson parcourut son épine dorsale lorsqu'elle prononça ses mots. Elle avait la plus belle voix qui lui était donné d'entendre. Suave, aérienne, et légèrement rauque. Le genre de voix qui vous fait monter au septième ciel.
Mais de toute évidence, elle ne se souvenait pas de lui. Elle avait hanté ses jours et ses nuits ses deux dernières années, et elle ne se souvenait même pas l'avoir rencontré.
Il essaya de cacher le trouble qu'elle provoquait en lui, visiblement avec succès, puisqu'elle ne lui fit aucune réflexion.
- Je vous en prie mademoiselle, nous sommes un hôpital, pas une clinique privée.
Il se racla une fois de plus la gorge avant de prendre son ton le plus professionnel possible.
- Alors d'après ce que j'ai cru comprendre, vous êtes atteinte d'une mucoviscidose.
Elle hocha la tête, et Rain trouva ce geste très sexy.
« reprends-toi mon vieux ! On dirait un adolescent en chaleur ! Tu es médecin. Tu as déjà eu des bombes dans ton bureau, et tu as réussi à résister. Donc résiste ! »
Sa conscience venait à point nommé pour le remettre dans le droit chemin. Il devait rester professionnel.
- Bien dans ce cas, je vais appeler votre médecin traitant et lui demander de nous faire parvenir votre dossier.
- NON !
La jeune femme s'était levée d'un bond de son fauteuil en criant. Rain recula, le dos collé au dossier de son fauteuil, les yeux exorbités par la surprise.
- Mais j'ai besoin de votre dossier si je veux pouvoir vous soigner.
- Vous ne pourrez pas l'avoir.
- Et je peux savoir pourquoi ?
Il fut surpris de voir les larmes affluer dans les magnifiques yeux bleus. Son cœur se serra à cette vue, et il s'en voulut de lui faire du mal de la sorte. Ce qui était tout à fait disproportionné !
Mais il n'avait pas tort ! Il avait réellement besoin de ce dossier pour pouvoir ajuster son traitement.
- Longue histoire.
Rain posa les bras croisés sur son bureau et se pencha en avant, un petit sourire aux lèvres. Peu de ses patients étaient aussi intéressants. Bien souvent, ce n'était qu'une pneumonie qu'il arrivait à soigner en deux temps trois mouvements, ou bien les cancers des poumons. C'était peut-être bien le premier cas de mucoviscidose qu'il devait traiter.
6 Je ne vais pas oser vous mentir en vous disant que j'ai tout mon temps. Mes patients suivant risqueraient d'en prendre ombrage. Mais je vous le répète, j'ai besoin de votre dossier pour pouvoir vous soigner. Je ne l'ai pas, je ne peux rien faire.
6 Et moi je vous dis que c'est une longue histoire. Tout ce que je vous demande c'est de me faire une ordonnance pour des bouteilles d'oxygène. Le reste, je gère.
Elle avait un tel aplomb que cela le fit rire. Cette jeune femme ne se rendait pas compte des risques qu'elle prenait à ne pas se soigner. S'il se souvenait de ce qu'elle lui avait dit, elle était épouse et mère. Elle avait donc le devoir de se soigner.
- Écoutez mademoiselle, pour la dernière fois, donnez-moi votre nom que je puisse récupérer voter dossier et vous aider.
Cette fois-ci, les larmes coulèrent sur les joues de la jeune femme, et Rain sentit son cœur se serrer. Il en venait à penser qu'elle s'était enfuie de chez elle pour échapper à son mari, car il n'y avait plus d'amour entre eux. Mais une mère est-elle capable d'abandonner ses enfants? Certaines, peut-être, mais la femme qu'il avait rencontré, il en doutait.
- Si je vous raconte la désolante histoire de ma vie, vous m'aiderez sans avoir mon dossier ?
Elle avait plongé ses yeux baignés de larmes dans les siens. Rain ne savait plus quoi faire. Elle le déstabilisait complètement. Il était prêt à lui promettre la lune, alors qu'il ne la connaissait absolument pas. Il était prêt à se jeter à ses pieds pour lui jurer fidélité, alors que cela ne faisait que la deuxième fois qu'il la croisait.
Aussi fou que cela soit, il était prêt à tout pour elle. Il hocha donc la tête.
La jeune femme soupira, autant de soulagement que de mélancolie. Elle essuya rageusement ses larmes et releva la tête. Rain pouvait voir à quel point son caractère était fort malgré la maladie. Un bon point pour elle. Généralement, les patients qui mouraient étaient ceux qui avaient perdu tout espoir.
Elle s'installa plus confortablement dans son fauteuil et entama son récit. À chaque mot qui sortaient de sa bouche, Rain frissonnait de plaisir, mais aussi de rage. Comment pouvait-on faire subir un tel enfer à une jeune femme ?
Il comprit rapidement qu'elle n'était pas celle qu'il avait rencontré deux ans plus tôt. C'était tout bonnement impossible étant donné qu'elle était confinée dans sa chambre. Lorsqu'elle parla de sa famille, il comprit.
- Vous avez une sœur jumelle !
Ce n'était pas une question, mais une affirmation, et la jeune femme sursauta. Sa réaction le conforta dans son idée.
Deux ans plus tôt, il avait rencontré la sœur saine. La sœur qui était mariée et avait des enfants. Celle qui n'était pas libre de l'aimer.
Bizarrement, il fut heureux de découvrir qu'elle n'était pas celle qu'il avait rencontré.
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Bon, cette fois, j'espère que ça va passer ! (rrrrh !)
Comme d'hab, votez, commentez, et haut les cœurs !
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