Chapitre 11 : Des mots qui blessent
En temps normal, je me serais ébahi devant la salle des étoiles. À l'image de celle que nous quittons, elle est ronde et sans fenêtres, mais c'est son plafond qui attire l'œil : une somptueuse imitation de la voûte céleste. Même si je suppose que l'objectif est plus pratique — assurer une qualité de communication constante — qu'esthétique, cela reste impressionnant. Malgré l'éclat artificiel des astres, l'aria qui en émane m'envoûte et m'enlace dans une dangereuse torpeur. Farouk m'envoie un coup discret sur le bras pour me ramener sur le plancher des vaches. Déjà, l'air se trouble et un décor d'ailleurs resplendit dans l'ovale noir de la pièce.
Resplendir est un grand mot. Zineb apparaît dans ce qui ressemble à une cave ou une boutique particulièrement encaissée, avec ses récipients en argile d'un autre temps qui encombrent des étagères et une telle poussière qu'elle semble flotter jusqu'à nous.
L'homme qui présentait plus bas la situation de crise clame dans un gyssien écorché, néanmoins maîtrisé :
— Je suis Mourad Abdelkhefir, ordonnateur émérite de la Ziggurat kemethi. Je me dois de vous informer que vos paroles seront prononcées dans le cadre des accords diplomatiques de Kel e-Merah entre l'Assyr et le Gyss et que vous engagerez la responsabilité de votre patrie dans ce qui pourra être...
— Nous n'avons pas le temps pour ces considérations géopolitiques arriérées. Les sujets dont je dois vous faire part dépassent cela. Je vous remercie d'avoir accepté cette communication, mais je parlerai en mon nom seul et n'engagerai que ma responsabilité.
Bien sûr, le parterre de ces messieurs de l'âge de mon défunt grand-père tique. Déjà qu'ils ne doivent pas apprécier qu'une femme à la tête découverte et aux cheveux ras les dévisage sans ciller, si en plus cette dernière les rabroue... Pendant une seconde, je crains que la fierté assyrienne et les rivalités entre les deux pays n'avortent cette tentative de rapprochement.
Abdelkhefir finit par trancher d'un raclement de gorge.
— Dans ce cas, nous vous écoutons.
— Après être sortis la zone d'interférences du Kur, nous sommes arrivés à Bormeh en milieu de matinée. C'était trop tard. Des troupes de mages wahidites se revendiquant d'Ahriman avaient dévasté la ville. Le palais de l'émir Al-Thueban était en feu et ce dernier a été pris en otage avec bon nombre de ses proches et personnes sous sa protection. Les autres émirats n'ont pas encore réagi officiellement, mais on peut déjà considérer que l'attaque a été rapide et violente. Les témoins parlent d'une cinquantaine de mages, tout au plus. En revanche, leur leader a fait montre d'un pouvoir colossal.
Zineb déblatère tout cela avec si peu d'émotions tandis que des visions d'apocalypse dansent devant mes yeux. Une ville en flamme, un ciel rouge et pointillé de créatures affamées, Hasna en pleurs... Par Ohrmazd ! Hasna et Ashkan ! Je voudrais m'alarmer de leur sort, mais ma position ne me permet pas d'intervenir. Abdelkhefir prend le relai de sa voix sans âme :
— Avez-vous pu identifier ce leader ?
Nulle surprise n'a allumé les traits flétris des dirigeants de la Ziggurat à ces révélations. Ils les auront déjà apprises de leurs espions. Gyssiens ou Wahidites...
Une grimace tord la bouche de Zineb.
— Oui et non. Je ne sais pas si vous êtes croyant, Cheikh, mais c'est Ahriman lui-même, sous les traits d'un simple humain qui a mené ce carnage. La personne qu'il possède ne saurait être tenue responsable de ses actes, elle-même victime d'une vile manipulation. Si ce sont des responsables que vous cherchez, c'est à mettre sur le dos des Wahidites.
Mon estomac se retourne dans mon ventre. Je refuse de me figurer Hussein en conquérant sanguinaire ; Hussein et sa liberté, soumis à un pouvoir déviant et implacable.
— Où sont-ils à présent ?
— Ils sont partis pour Dur-Umma. Malheureusement, je ne sais pas comment s'est déroulée la lutte sur place. L'armée de l'Esgir est affaiblie depuis les dernières escarmouches avec votre pays.
Dur-Umma, capitale de la région de l'Esgir, ancienne cité phare de l'empire astréien, époque à laquelle ce fichu dieu est mort si je me souviens des gravures du tombeau du Kur et de la langue qu'il a parlé. Y a-t-il un rapport ? Ou ont-ils ciblé Dur-Umma pour sa position centrale ? Si le projet de ces fous est bien d'asservir toute la Péninsule, comme au temps des Astréiens, alors Dur-Umma est un choix stratégique.
Une fois encore, les pontes de la Ziggurat prouvent qu'ils ne font que tester la fiabilité de Zineb. Car ils savent déjà ce qu'il s'est passé à Dur-Umma.
— La ville est tombée il y a une heure, annonce l'une des barbes grises. L'émir Sagi e-Pravesh a été décapité et le gros de ses troupes s'est rallié aux Wahidites sous la menace. Il est évident qu'ils préparent leur prochain assaut contre l'Assyr. Notre armée compte plus d'effectifs, mais des semaines de combats contre l'haiwa l'ont harassée et les forces obscures en jeu rendent l'issue de cette guerre incertaine. Nos pays ont été ennemis par le passé, nous sommes aujourd'hui face à un ennemi commun. L'Assyr est la dernière puissance encore debout devant l'haiwa, aussi avons-nous besoin de toute information susceptible de nous aider.
Zineb baisse la tête. Des plis discrets froissent son front. Fière comme elle est, se savoir — même indirectement — responsable de la chute de son pays et contrainte de collaborer avec des rivaux historiques doit lui asséner un coup dur. Elle relève néanmoins le menton, déterminée.
— Nous avons capturé l'un des leurs parmi les troupes restées en faction à Bormeh. Nous espérions en apprendre davantage sur leur organisation et leurs chefs, hélas, celle-ci s'avère particulièrement horizontale et secrète : les membres ne se connaissent pas entre eux et s'identifient à leur capacité à manipuler l'anti-aria plutôt qu'à leurs noms ou leurs visages. En revanche, nous avons appris que leur regroupement à Dur-Umma n'est pas fortuit. Ils exploitent une mine d'obsidiennes qu'ils ont découverte à Yrdu, au nord de la ville.
Enfin quelque chose qu'ils ne savaient pas. Ils s'agitent, agrandissent leurs bouches d'effroi et jurent en assyrien.
— Une mine d'obsidiennes ? Ils seraient capables d'excaver des yeux célestes ?
Zineb hoche la tête et je ne peux que partager les inquiétudes de ces messieurs. J'ai vu les ravages que pouvait causer une seule de ces gemmes, alors en savoir quantité en circulation...
— C'est un point stratégique, la source de leur pouvoir terrifiant, dit-elle. Les Wahidites feront tout pour la préserver.
Les hommes chuchotent entre eux et Abdelkhefir s'en fait à nouveau le relai :
— Merci pour votre collaboration, Cheikha. Nous aurions besoin de cinq minutes pour nous concerter. Nous reprendrons cette conversation juste après.
Et avant même que Zineb ne puisse protester, son image fond sur la voûte céleste. La brutalité avec laquelle ils l'ont exclue dès qu'ils ont obtenu leur morceau de pain me choque.
Le conciliabule de barbes grises interpelle Farouk. Par réflexe, je le suis, mais il me barre la route de son bras.
— Reste avec Lamia.
Je m'apprête à protester ; mon amie a déjà accroché ses mains sur mes épaules pour m'en dissuader. Les délibérations politiques assyriennes ne me concernent pas. Je ronge mon frein et regarde, impuissant, Farouk s'entretenir avec ses supérieurs dans une langue que je ne comprends pas.
— De quoi ils causent ? sifflé-je à Lamia.
Jarir aussi est convié à cette contre-soirée, il ne reste que nous deux sur la touche. Je m'attendais à ce que Lamia me résume la situation en quelques mots, mais elle m'ignore. Les sourcils froncés et l'air grave, elle tente de suivre le flot de chuchotis discrets.
Comme devant un film muet, je tire ce que je peux des expressions et des mimiques. Celles de Farouk sont éloquentes. Entre sa mine confuse et les œillades angoissées qu'il jette dans ma direction, il m'évoque un enfant qui chercherait à échapper à une punition. Et cela n'est pas pour rassurer. Pourquoi en voudrait-on à Farouk ?
Lamia finit par m'éclairer :
— Je crois qu'ils veulent négocier une alliance avec les sahir de Zineb et demandent à Farouk de jouer les intermédiaires.
Est-ce qu'ils savent seulement que ces deux-là se détestent ? Se détestent, certes, mais croient en leurs probités respectives, pour une raison qui me dépasse.
Farouk finit par hocher la tête et s'avance au centre de la pièce. Il me tourne le dos et s'efforce de ne surtout plus me regarder. Les étoiles se troublent et la cave empoussiérée de Bormeh réapparaît. Zineb attend.
— Cheikha Benhassem, quels sont vos projets désormais ? attaque directement Farouk.
Elle hausse un sourcil sceptique.
— Je suppose que nous allons chercher des alliances avec les sahir rescapés des Émirats, puis engager un front de résistance.
— Vous supposez ? Dois-je comprendre que les forces du Gyss sont pour l'instant désorganisées ?
La remarque agace Zineb et son ton le fait savoir.
— Les forces du Gyss ont toujours été ainsi. Chaque émirat a sa gestion autonome des affaires magiques. Les évènements sont encore frais, mais il est évident que nous allons nous rassembler et lutter. Le Gyss n'a pas l'intention de courber l'échine face à l'haiwa.
— Et je ne doute pas de votre sincérité sur ce point, mais c'est à vos Ziggurats qu'incombe cette tâche. Allez-vous vous rallier à elles ou mener une résistance parallèle ?
Cet interrogatoire me met mal à l'aise. Où est-ce que Farouk veut en venir ? Zineb n'est qu'une sahir parmi des milliers dans le Gyss. Qu'est-ce que cela peut bien lui faire qu'elle continue à jouer les électrons libres ?
Un reniflement de dédain échappe à Zineb.
— Vous savez la foi que je voue aux Ziggurats, ironise-t-elle. Cependant, vient un temps où l'alliance est nécessaire.
— Y compris avec l'Assyr ?
Un ange passe.
— Êtes-vous en train de suggérer que mon groupe devrait se rallier à vous ?
— Avec tout le respect que j'accorde à vos confrères du Gyss, la vraie bataille se jouera très bientôt à Yrdu ou Dur-Umma. Elle engagera essentiellement l'armée et les sahir d'Assyr. Nous avons besoin de vos connaissances sur l'haiwa, sur les Wahidites, sur vos anciens membres impliqués...
— Une ancienne membre, rectifie-t-elle. Hussein n'est pas responsable.
Merci Zineb.
— Et nous voulons le sauver, tout comme vous, afin d'éliminer le fléau qui en a pris possession. Nous serons plus efficaces dans cette tâche en mettant nos capacités en commun.
Une hésitation flagrante fait ciller la chercheuse. Des voix diffuses émergent derrière elle. Je crois reconnaître celle de Marsha, puis celle de Jamila pour s'opposer ; néanmoins, impossible de discerner ce qu'elles disent. Zineb s'éloigne quelques minutes le temps de se concerter avec ses troupes.
De notre côté, Farouk demeure droit, mains enlacées sur son giron. Tout le monde patiente, et moi, je trépigne. Mille questions et scénarios embourbent ma tête. Pourquoi tant d'empressement de la part de la Ziggurat à proposer une collaboration ? J'approuve l'idée, mais je n'attendais pas cela de ces vieux hommes trop fiers pour reconnaître le talent d'une femme. Sans compter les accusations qu'ils font peser sur elle à la moindre occasion. Est-ce que son pas en avant pour les informer de la situation des Émirats l'a blanchie ?
Zineb revient devant l'oculus, l'air décidé.
— Nous allons vous rejoindre. Si vous escomptez mener un assaut sur Yrdu, nous pouvons y arriver en trois ou quatre jours, selon les difficultés que nous rencontrerons sur la route...
— À pied ? C'est trop dangereux. Téléportez-vous directement ici. Nous allons vous transmettre les coordonnées pour établir un portail.
La surprise écarquille ses yeux.
— Dans le panier à crabes de la Ziggurat ?
— C'est vous qui voyez. Kemeth est bien plus sûre que le Gyss et vos alliés ont besoin de régénérer leurs forces après les épreuves que vous avez affrontées.
Une ombre traverse son visage. J'aimerais savoir ce qui se trame dans sa tête, mais c'est un territoire que Zineb ne laisse accessible à personne.
— Si nous acceptons, je veux votre parole que mes amis seront en sécurité et bien traités, assène-t-elle avec gravité.
— L'Assyr a accueilli plus de cent mille réfugiés depuis la survenue de la Faille.
Oui, mais dans quelles conditions... songé-je en me remémorant l'amer souvenir de leur « centre ».
— Votre parole, Cheikh Bekrit.
Farouk inspire, comme s'il cherchait ses mots. Ou hésitait.
— Vous avez ma parole que vous-même et les vôtres serez traités comme invités d'honneur de la Ziggurat de Kemeth et de l'Assyr.
Elle hoche la tête, puis les détails de la création du portail sont échangés. La conversation terminée, la salle se pare d'agitation pour préparer l'arrivée des invités. De nouveaux sahir emplissent les lieux et j'assiste, confus, à tout cela. Farouk revient vers moi, une mine indescriptible sur le visage.
— On va y aller, Nafi.
C'est tout juste s'il ne m'empoigne pas le bras pour m'entraîner avec lui. Je me dégage.
— Comment ça ? Zineb est censée arriver d'une minute à l'autre, non ? Si Layla ou Marsha sont avec elle, je dois leur demander pour Hasna et Ashkan. Ils étaient à Bormeh.
Farouk m'adresse un regard navré qui n'augure rien de bon. Même l'enjouement habituel de Lamia n'est pas au rendez-vous pour une éclaircie d'optimisme.
— Qu'est-ce que vous manigancez ? grogné-je entre mes dents serrées.
Un bruit sourd déchire la salle, comme le roulement du tonnerre un jour particulièrement sec. La distorsion grandit là où la bulle de communication a éclaté plus tôt, et des silhouettes surgissent.
Ils sont là. Ou presque tous. Ils ne sont plus que dix contre les dix-sept qui ont affronté le Kur. Farid et Sara ont péri là-bas. Je ne vois pas non plus Sherine et Baligh. J'espère qu'ils n'ont simplement pas voulu suivre. En revanche, je retrouve Marsha, toujours aussi solide et déterminée à sauver son frère. Même Jamila est présente, malgré la défiance ostensible la maintient en retrait. Layla est à ses côtés.
— Nafi !
Je ne peux retenir un sourire idiot en la revoyant. Elle a l'air aussi épuisée que je l'étais en arrivant ici, quelques jours auparavant. Épuisée, mais soulagée d'être encore en vie, d'une certaine manière. Nos regards se croisent, nous esquissons un pas l'un vers l'autre...
Les sahir assyriens frappent à ce moment-là. Leurs sorts zèbrent la zone d'éclairs et entourent le vortex d'une gangue aux reflets troubles où l'aria défaille instantanément. Dans ce piège, plus aucune magie ne saurait exister, mais les gardes de la Ziggurat n'ont pas besoin de cela : ils franchissent la barrière et s'en prennent physiquement à la bande avec qui j'ai partagé des semaines intenses. Leurs mains se retrouvent menottées avec des entraves brillantes de jade. Une pierre qui absorbe l'aria.
Je me retourne vers Farouk.
Même quand Golshifteh m'a trahi, je n'ai pas ressenti une telle bouffée de rage. De la peur, de la haine, pour sûr ; pas cette sensation de souillure au plus profond de mon être. Je ne faisais pas assez confiance à Gol. Contrairement à Farouk.
Je voudrais hurler. Je ne sais même pas quoi. Toutes sortes d'insanités. Ça ne vient pas. De la magie — de la foutue magie ! — se glisse dans ma bouche et étouffe mes protestations. Même mon corps me fait l'effet d'un brin de réglisse fondu au soleil : plus aucune consistance. Il se laisse traîner contre son gré hors de la salle par la poigne de Farouk, et je pense n'avoir jamais eu autant envie de le frapper. Non, pas juste le frapper ; lui faire mal.
Je dois probablement être le seul ici surpris par cette trahison. Zineb affiche un rictus mauvais et ironique.
— C'est donc la valeur que vous accordez à votre parole, Cheikh Bekrit ! s'exclame-t-elle avant que nous disparaissions derrière la porte.
L'interpellé l'ignore et m'entraîne loin, trop loin, au bas d'escaliers. Lorsque sa magie me libère enfin, je me précipite pour les remonter. Farouk me rattrape et me plaque contre la rampe avec une force qui me coupe le souffle. Je brandis mon poing, droit vers son visage, il l'intercepte et me maintiens les poignets dans une chorégraphie qui ne manque pas d'attirer des regards outrés dans notre direction. Je m'en fous.
— Connard ! Espèce d'enfoiré ! Lâche-moi !
— Naf', arrête ! Laisse-moi t'expliquer !
— Qu'est-ce que tu veux expliquer ? Tu as menti ! Tu les as piégés ! Alors qu'ils ne représentaient aucune menace !
— Aucune menace ? Enfin, Nafi ! Ouvre les yeux ! Zineb s'est trahie toute seule. « Les Wahidites se reconnaissent à leur capacité à manier l'anti-aria. » À ton avis, pourquoi Ahriman et Golshifteh se sont-ils tranquillement enfuis du Kur au lieu de les tuer ? Zineb a commandé des mas et percé des chemins dans l'haiwa avec une facilité déconcertante. Elle n'aurait pas pu faire ça sans utiliser l'anti-aria.
Choqué, je relâche la tension dans mes muscles. Je n'avais jamais regardé les faits sous cet angle. Je ne connais rien à la magie, à ses limites, à ses règles... Pour moi, Zineb était juste... douée ?
Je secoue la tête avec véhémence. Quelque chose ne va pas dans son récit.
— C'est faux ! Je l'ai vu faire. Ce n'était pas de l'anti-aria, je... j'aurais senti la différence. Et puis, elle a appris aux autres à contrôler les mas ! Même Hussein le pouvait ! Et Hussein n'est pas un foutu mage noir, j'en suis sûr à cent pour cent ! S'il ne les a pas tués dans le Kur, c'est parce qu'il doit rester une part de lui qui résiste à la possession...
J'ai crié au point de m'en arracher la gorge. C'est ce que j'avais envie de croire... Farouk me renvoie un visage navré. Cette compassion mal placée est insupportable. Les larmes me montent aux yeux et menacent d'échapper à mon contrôle. Alors, le traître reprend d'une voix plus douce.
— Je te crois, Nafi. Je ne pense pas qu'ils soient de mèche avec les Wahidites, sinon elle ne se serait pas rendue. Néanmoins, leurs actes posent question. Cela n'aurait tenu qu'à moi, je me serais contenté de l'interroger, mais on n'est plus à Ourane. Je n'ai aucun pouvoir ici. Si les cheikhs décident de prendre leurs précautions avec Benhassem, je n'ai pas mon mot à dire. Tout ce que j'ai pu faire, c'est de les convaincre de ne pas te mettre aussi aux arrêts pour complicité. Alors, ne va pas ruiner mes efforts en leur donnant une raison de changer d'avis sur ton cas.
Farouk relâche mes poignets. Sous mes yeux embués, la colère ne s'allège pas pour autant. Je lui en veux de suivre leurs ordonnances absurdes, leurs règles stupides...
— Qu'est-ce qu'ils vont leur faire ?
— Aucun mal.
— Comment ça « aucun mal » ? Il y a des aria-sil parmi eux ! Tu réserves quel sort à Layla avec tes saloperies ?
— Ils sont sous la juridiction directe de la Ziggurat, ils ne vont pas les transférer dans des centres. Ils veulent juste s'assurer que Zineb et sa bande ne puissent plus nuire ou aggraver la situation... Ensuite, je suppose qu'il y aura un procès, pour déterminer les responsabilités de chacun dans ce qu'il s'est passé dans le Kur...
— Un procès ? m'étranglé-je. A-t-on entendu la même conversation ? Un putain de dieu se balade dans le corps de Hussein et réduit le monde en cendres sur son passage ! Tu crois vraiment que c'est le moment pour des conneries de procès ?
— Je sais. J'ai pensé chacun des mots que j'ai prononcés devant Zineb. C'est juste que...
Sa voix si assurée décline, puis meurt et s'étouffe dans sa honte. Maigre compensation.
— Dommage que tu les aies prononcés, dans ce cas, asséné-je.
— Si ça n'avait pas été moi, ça aurait été un autre. Ça n'aurait rien changé...
— Ça aurait changé que je ne t'aurais pas considéré comme un traître.
J'hésite à remonter les marches. Ruer dans les brancards ne les fera pas relâcher Zineb. En silence, je quitte la Ziggurat et rejoins la voiture. Farouk me suit, toujours en silence. Et en silence, nous rentrons à la maison.
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