Chapitre 9

Les jours suivants s'écoulèrent à un rythme assez paisible et constant. Je poursuivais les rénovations de ma maison la matinée, partais au garage l'après-midi pour aider Shane à réparer sa Harley, puis laissais mon imagination déborder sur mes peintures le soir venu.

Mes cauchemars perclus de sang s'accentuaient davantage nuit après nuit, bien que je n'arrive ni à les comprendre, ni à déterminer s'ils étaient réels ou fictifs. Le savoir me terrifiait alors je préférais ne pas y songer. Ils ne s'étaient pourtant jamais montrés si persistants et virulents.

J'avais la sensation que quelque chose se débloquait, cependant cela m'effrayait tant qu'une fois ma panique apaisée, je me forçais à penser à autre chose.

La maison avait meilleure allure que lorsque je m'y étais installé. Parfois Shane m'apercevait en train de bosser devant l'entrée et me rejoignait, l'air de rien. Cela me faisait toujours sourire, car il prenait ensuite un outil qui traînait et m'aidait en silence.

Je n'avais rien dit, ce n'était pas nécessaire. Les mots n'étaient que des sons superflus dont nous pouvions nous passer. Tant qu'il restait à mes côtés, je me sentais bien. Le soleil tapait sur nos peaux, nos souffles se faisaient parfois difficiles sous l'effort, mais tout était parfait. À sa place.

Aujourd'hui la chaleur n'en était que plus intense face à l'été qui s'approchait à grands pas. J'avais hésité à mettre un t-shirt à cause de la longue cicatrice qui barrait mon avant-bras. Néanmoins je m'étais souvenu que Shane connaissait déjà son existence et que je me fichais des remarques des autres.

Alors j'avais revêtu ce haut et j'avais rejoint le garage. Je ne savais pas comment faisait Shane, mais il portait constamment son Keffieh – je ne l'avais jamais vu sans – et cette veste en cuir qui lui allait si bien. Il devait mourir de chaud, pourtant cela ne semblait pas le déranger.

Lorsque j'arrivai, il dut sentir ma présence, car sa tête se redressa hors de sa moto. Je lui souris en lui faisant un clin d'œil avant d'aller saluer Walter. Il ne se trouvait cependant ni dans son bureau, ni dans le garage alors je retournai vers Shane et lui tendis son café du jour.

— Merci.

— Je t'en prie.

Je désignai sa Harley d'un coup de tête.

— Ça avance ?

— Hum, j'ai commandé les dernières pièces, elles ne devraient pas tarder à arriver. Je pense que d'ici une ou deux semaines elle sera comme neuve.

— Est-ce que tu m'emmèneras faire un tour ?

Il but une gorgée de son café puis me jeta un regard en coin.

— Où veux-tu aller ?

Je haussai les épaules.

— Peu m'importe. J'aime sentir le vent quand tu roules. Nous n'aurons qu'à nous arrêter lorsque le paysage nous semblera parfait ?

Il resta silencieux un moment, se contentant de me fixer intensément avant d'acquiescer.

— D'accord.

— D'accord, souris-je.

Et cela suffisait. Rouler, se sentir libre d'aller où l'on souhaite tout en étant avec lui. Une fois nos cafés terminés, je l'aidai dans ses réparations sans voir le temps défiler. J'aimais la routine que nous avions instaurée si naturellement. J'aimais le rejoindre, entendre sa voix brisée et rauque me parler, sentir son corps me frôler lorsqu'il me montrait quelque chose. Nous étions dans une bulle qui nous appartenait.

— Walter revient quand ? demandais-je.

Il regarda l'heure sur son portable avant de le ranger dans sa poche arrière.

— Il ne devrait pas tarder, il est parti dépanner une voiture en ville.

J'essuyai la sueur sur mon front en maudissant intérieurement la chaleur extérieure. Le moindre effort suffisait à nous mettre en nage. Shane avait d'ailleurs retiré sa veste il y a un moment. Inconsciemment, il releva ses manches pour chercher un peu d'air frais et poursuivit ses réparations comme si de rien n'était. Ça aurait pu l'être, mais je me figeai instantanément à la vue de ses bras. Ou plutôt des innombrables cicatrices qui les parsemaient.

— Aedan, va-t'en !

Je ne pouvais plus bouger. Je ne pouvais pas bouger.

— Aedan ! S'il te plaît !

J'aurais dû courir, je savais que j'aurais dû le faire. Mais elle me tétanisait. Et puis où aurais-je pu partir ? Tout était...

— Aedan ?

Il y avait des cris qui résonnaient dans ma tête. Des supplications, de la peur, de l'horreur. Il y avait tous ces hurlements qui s'élevaient avec une telle intensité qu'ils m'en coupaient la respiration.

— Hé.

Il attrapa mon bras et m'aida à m'asseoir au sol tandis que je vacillais. J'avais envie de vomir. Je fermai les yeux en m'adossant au mur et inspirai difficilement.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

L'inquiétude semblait le submerger. Bien évidemment qu'il l'était. Je voulais pleurer, mais je ne pus que le dévisager, le cœur au bord des lèvres.

Rien n'aurait pu m'empêcher de trembler alors que je m'emparais de sa main. Il avait de nouveau abaissé ses manches. Je les relevai. Il posa ses doigts contre les miens. Nos regards se croisèrent, et ce qu'il y vit le força à me libérer. Lentement, comme si lui aussi était terrifié. Et peut-être était-ce le cas. Nous l'étions tous les deux. Comme des enfants pris en flagrant délit. Je me figeai à cette pensée. Mon cœur tambourina si fort que je dus me forcer à me calmer, avant de relever davantage sa manche.

Je savais qu'elle lui avait fait du mal. Je m'en souvenais. Mais se souvenir n'était pas voir. Et ce que je voyais me donnait envie de hurler. De colère, de haine contre cette femme qui avait commis tant d'atrocités sur lui. De ce qu'il avait subi en silence pendant qu'elle prenait un plaisir malsain à blesser son propre enfant. À lacérer sa peau, à la brûler du bout de ses cigarettes. Il possédait tant de cicatrices que ça me rendait malade.

L'une d'elles paraissait plus profonde que les autres. Elle encerclait son poignet comme s'il avait été ligoté tellement fort que la corde avait déchiré sa peau pour la marquer à jamais. J'effleurai l'estafilade du bout des doigts tandis qu'une myriade de sentiments me submergeait.

Du dégoût de ne pas avoir pu l'empêcher, à la haine que cela m'inspirait. Je ne savais même plus si tout cela était dirigé envers moi ou cette maudite femme. Peut-être un peu des deux.

Il glissa sa main contre ma joue avec une telle délicatesse que j'en frémis intensément. Son pouce essuya des larmes que je n'avais pas senties m'échapper.

— Je suis tellement désolé.

Ma voix tremblait d'émotions. Je n'avais aucune idée de pourquoi je m'excusais, mais j'étais persuadé de devoir le faire. Il secoua la tête.

— Tu n'y es pour rien.

J'attrapai son Keffieh du bout des doigts, puis tirai doucement dessus. Je sus avant même de le voir ce qu'il dissimulait. L'écharpe se déroula lentement tandis qu'il s'empêchait difficilement de la retenir. Je savais. Et cela ne me fit que trembler davantage. Lorsqu'elle céda en glissant jusqu'au sol, je ne pus me détourner de son cou.

Je m'entendais hurler son prénom, sentais l'angoisse ramper au creux de mes entrailles, la peur devenir intolérable. J'eus la sensation d'être retourné à ce jour où elle avait complètement perdu la raison. D'être piégé dans une boucle intemporelle qui se mêlait à la réalité.

Je levai mes doigts tremblants et parcourus la longue cicatrice qui barrait son cou dans sa largeur. Elle expliquait le son de sa voix rauque et brisée. Rien que de penser à ce qui aurait pu lui arriver me fit tourner la tête.

Shane. Shane. Shane. Elle a manqué de te tuer. Elle aurait pu te tuer. Elle aurait pu...

La terreur me rendait malade. Il dut s'en rendre compte parce qu'il tenta de me calmer en frictionnant doucement mon bras tandis que son autre main caressait ma joue trempée. Je m'étouffai dans mes propres sanglots, tel un enfant désarmé face à la brutalité d'un cauchemar éveillé.

— Shh...

Il y avait tellement, tellement de sang.

— Je te l'avais pourtant interdit, cracha-t-elle. Ne te l'avais-je pas dit ?

Elle brandit son couteau vers lui, faisant manquer un battement à mon cœur.

— NE TE L'AVAIS-JE PAS DIT ?

— Aedan reste avec moi.

Je n'arrivais pas à respirer. J'étais bien trop terrifié pour y parvenir. Par pur réflexe, je réussis à glisser ma main dans ma poche afin de lui confier mes médicaments. Comme j'étais incapable de parler, je tapotai le dosage contre sa cuisse en priant pour qu'il comprenne.

Il disparut dans la seconde, pour réapparaître tout aussi vite avec les cachets ainsi qu'une bouteille d'eau. Je les avalai dans la précipitation, me fichant bien de trembler si intensément que la moitié s'écoula à côté. Mon cœur battait si violemment que j'avais la sensation qu'il allait s'arrêter à tout instant.

Des bras chauds et puissants m'étreignirent aussitôt, rapidement suivis d'une main qui s'engouffrait dans mes cheveux tandis que l'autre formait de lents cercles dans mon dos.

Mes oreilles sifflaient tant que j'étais incapable de comprendre ce qu'il murmurait. Cependant le son de sa voix parvint peu à peu à me calmer, avec l'aide des anxiolytiques. Je ne sus combien de temps s'écoula, mais lorsque je repris pied avec la réalité, les cris dans ma tête s'étaient enfin atténués.

Mon cœur retrouva une cadence normale et mes tremblements cessèrent. Je restai pourtant accroché à sa chemise, refusant désespérément qu'il s'éloigne de moi. Sa chaleur me rassurait autant qu'elle réchauffait mes os glacés.

— Je la déteste, finis-je par murmurer d'une voix rauque.

— Moi aussi.

Il posa son front contre le mien en soupirant profondément. Son souffle chaud s'échoua contre ma peau, si ferme et tangible que cela me fit un bien fou.

— Elle ne reviendra pas, pas vrai ?

— Plus jamais.

Je n'avais jamais souhaité la mort de qui que ce soit. Néanmoins, j'étais plus qu'heureux qu'elle ne soit plus là. Qu'elle ne puisse plus jamais poser la main sur lui. Du bruit attira notre attention, me faisant sursauter dans ses bras. J'essuyai rapidement mes joues en tentant de recomposer mon expression au mieux.

— Ça va aller, chuchota-t-il.

Je hochai la tête en ignorant l'intensité de mon mal de crâne. Il embrassa ma tempe avec une telle tendresse que je me sentis fondre, puis m'aida à me relever d'une poigne ferme.

— Ces connards méritent tous une bonne leçon, cracha Walter alors qu'un bruit sourd nous parvint.

Nous nous dirigeâmes vers son bureau dont la porte était grande ouverte. Walter semblait furieux, ce qui se répercutait contre chaque objet se trouvant un peu trop sur son chemin.

— Que se passe-t-il ? l'interrogea Shane.

Je glissai ma main contre la sienne et me rapprochai de lui, tant le besoin de l'avoir près de moi après ces bribes de souvenir était écrasant. Il se laissa faire, ce qui réchauffa mon cœur.

— Ce qu'il se passe ? grinça-t-il. Ces enfoirés ont lancé une pétition en ville pour te forcer à partir !

Je sentis ses doigts se crisper contre les miens ainsi que chaque parcelle de son corps se tendre. La peur fut aussitôt reléguée en second plan face à l'irritation qui me submergea.

— Est-ce qu'ils ont le droit de faire ça ? demandais-je.

— Rien ne les en empêche, et ils n'ont pas l'air de se gêner pour faire en sorte que ça arrive. Ces connards sont en train de récolter toutes les signatures de la ville.

Il repoussa un gros manuel qui chuta au sol de façon assourdissante, tel un écho de la fureur que nous éprouvions. Elle s'écrasa contre le mur calme et silencieux que dressait Shane malgré la tension.

L'indignation accentua mon mal de crâne, m'empêcha de trouver les mots justes pour m'exprimer. C'était injuste et tellement... Shane ne méritait pas de subir cela après avoir survécu à tant d'années de maltraitance. Je refusais que ça arrive. Moi vivant, je ne resterais plus jamais les bras croisés, témoin d'une souffrance que je pouvais déjouer. Parce que je n'étais plus un enfant, j'avais les capacités d'agir. Et s'il fallait que je me batte pour lui alors je suerais sang et larmes sans rechigner.

La pression qu'il exerça sur ma main attira mon attention sur lui.

— Allons finir de réparer la Harley.

Je le fixai, abasourdi par ses paroles.

— Quoi ?

— La Harley.

— Tu... Est-ce que tu réalises ce qu'il se passe au juste ?

Ses épaules se haussèrent tandis qu'il pivotait vers sa moto.

— On ne peut rien faire contre cela, alors autant se concentrer sur des choses réellement importantes.

Je lui donnai un coup dans l'épaule avant même de m'en rendre compte.

— C'est important ! m'indignais-je. Ils sont en train de foutre ta vie en l'air !

— Ils l'ont toujours fait Aedan, un jour de plus ou de moins ne changera rien à cela.

Il me lâcha pour se diriger vers sa Harley. Walter semblait lui aussi sans voix, sidéré par l'absence de réaction de Shane. S'il croyait pouvoir s'en tirer ainsi, il se mettait le doigt dans l'œil. Quelques pas me suffirent pour le rattraper tandis que j'agrippais son poignet afin de l'obliger à se tourner vers moi.

— Je regrette chaque jour de mon existence d'avoir laissé les choses aller aussi loin avec elle. Je regrette de t'avoir écouté et de n'avoir rien fait alors que je savais qu'elle te maltraitait. Nous étions trop jeunes pour réagir correctement, mais ce n'est plus le cas Shane, et si tu crois que cette fois-ci je vais assister à ce harcèlement sans bouger le petit doigt, alors regarde-moi bien.

Sur ces mots je me détournai pour quitter le garage tout en faisant la sourde oreille à ses appels. Cela ne me prit que quelques secondes pour me retrouver dans mon véhicule en direction du centre-ville. Je desserrai mes doigts du volant pour appeler Jay et lui donnai rendez-vous au café.

J'attendis ainsi qu'il me rejoigne à l'intérieur, ignorant royalement la présence des habitués en qui je n'avais plus aucune confiance. Pour moi, ils étaient désormais tous des ennemis contre lesquels je devais me battre pour prouver l'innocence de Shane.

La moitié de mon café se trouvait dans mon estomac lorsque Jay arriva dans sa tenue de service. Il salua Sheila, prit sa commande puis s'installa face à moi.

— Salut.

— Salut.

Ma froideur lui fit lever un sourcil alors qu'il retirait son stetson pour le déposer à ses côtés.

— Tu voulais me voir ?

— J'ai besoin de toi. En tant qu'ami et shérif.

Il sembla comprendre le sérieux de la situation, car il se pencha, pleinement concentré sur notre discussion.

— Dis-moi.

— As-tu entendu parler de la pétition contre Shane ?

— Oui, elle a été lancée hier il me semble.

— Écoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Shane est innocent et Céleste méritait la mort ou la prison à perpétuité.

Ses sourcils se froncèrent aussitôt.

— Tu devrais faire attent...

— Non écoute-moi s'il te plaît. Je me souviens. Je me souviens d'accord ? Pas de tout, pas encore, mais ça me revient.

— Vraiment ?

J'acquiesçai d'un signe de tête.

— La première fois que j'ai rencontré Shane, il avait été jeté dans son jardin et pleurait. Je n'en avais même pas conscience parce que je n'avais que huit ans. Tout ce qui m'intéressait était de jouer. Alors c'est ce que nous avons fait, malgré les larmes sur son visage, nous avons simplement joué. Parce que nous étions des enfants.

Je pris une grande inspiration en serrant mes mains contre ma tasse.

— Céleste maltraitait Shane.

Mes paroles furent pareilles à une bombe, elles me libérèrent autant qu'elles me firent souffrir. La peur résidait, telle une réminiscence du passé ancré dans mes os par des supplications et interdictions qui m'avaient empêché si fermement d'en parler. J'avais été lié par des chaînes formées par la terreur justifiée de Shane. Aujourd'hui, je nous libérais du poids de ce secret qui nous étouffait depuis tant d'années.

— J'étais trop jeune pour réaliser la portée et l'importance de ce qu'elle lui faisait réellement subir, trop naïf pour comprendre à quel point c'était grave. Mais elle le battait, lui faisait du mal aussi bien verbalement que physiquement. Il n'a jamais mis ne serait-ce qu'un pied à l'école parce qu'elle ne lui a jamais permis d'y aller. Sa prison se fondait dans les murs de sa propre maison. Il vivait dans le grenier, dormait sur un matelas moisi posé à même le sol avec des couvertures qu'elle ne prenait pas la peine de laver.

Il sembla sidéré par ce qu'il entendait, cependant je ne lui laissai pas le temps de répliquer.

— Ça a duré des années. Nous nous voyions en cachette la nuit parce que c'était le seul moment où il pouvait s'enfuir pour découvrir le monde avec moi. Il ne sortait jamais Jay, jamais. Il ne savait pas à quoi ressemblait la mer alors même que nous habitions à côté. Elle le séquestrait chez lui, le privait de tout et se défoulait sur lui à l'abri des regards.

— Mais Céleste...

— Était adorable. C'est ça que tu veux dire ? Toujours si aimable, si sociable et joyeuse. Elle l'était oui, à l'extérieur, avec les autres. Mais jamais avec lui, jamais chez elle. Shane a vécu un véritable enfer. Il avait tellement peur qu'elle le tue qu'il m'a interdit d'en parler à qui que ce soit. Tout ça, nous pouvons le prouver. Il a des centaines de cicatrices sur la peau qui témoigneront pour lui. Et qui l'ont probablement déjà fait au tribunal où les charges ont été abandonnées parce que c'était de la légitime défense. Tu dis avoir lu le dossier, mais as-tu seulement eu accès à tout son contenu ?

Son air contrit suffit à répondre à sa place. Il n'en avait vu qu'une infime partie, juste ce que tout le monde savait déjà, parce que le procès avait été tenu en huis clos.

— Ce qu'ils font subir à Shane aujourd'hui, c'est une histoire qui se répète Jay. Ils vont le pousser à bout, le harceler jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Ils ont déjà détruit sa moto et l'ont tabassé, que crois-tu qu'ils feront ensuite ? Je refuse de rester les bras croisés tu m'entends ? Il ne mérite pas cela, et je ne les laisserai pas se méprendre sur la véritable nature de Céleste. Cette femme était un monstre que vous vouliez ou non y croire, c'est un fait. Elle nous a fait cela à tous les deux le jour où elle est morte.

Je levai mon bras où se trouvait une longue et impressionnante estafilade. Nous avions tous deux passé plusieurs mois à l'hôpital suite à ce jour maudit, chose dont il avait parfaitement connaissance. Shane ne s'était pas tranché la gorge tout seul.

— Je ne me souviens pas des détails exacts, tout est encore flou et mélangé, mais je sais qu'il ne m'aurait jamais fait cela, parce que nous sortions ensemble. Nous nous aimions Jay. Et je pense qu'elle a dû nous surprendre un jour et qu'elle ne l'a pas supporté.

— Tu... quoi ?

— Je l'aimais. Et je l'aime encore aujourd'hui. Je ferai tout pour le protéger, donc si je dois me munir d'une batte de baseball pour frapper chacun de ces connards qui nous chercheront, je le ferai Jay.

Je n'avais jamais été aussi sérieux, et il sut que je disais la vérité.

— Est-ce que tu es sûr de tout ce que tu dis ? Bon sang Aedan c'est...

Il paraissait bouleversé et je pouvais le comprendre. Céleste avait si bien caché son jeu que personne n'aurait pu deviner que sous son allure angélique se trouvait un monstre détraqué.

— Pourquoi aurait-elle fait ça ? Pourquoi maltraiter son propre enfant ?

— Pourquoi est-ce qu'elle fait ça ? Est-ce que tu as fait une grosse bêtise ?

Je détestais voir tous ces bleus parsemer son visage et ses bras. La rivière était un refuge dans le tumulte de nos vies. Le son qu'elle produisait avait toujours su nous calmer. Quand bien même il faisait nuit et qu'un prédateur pouvait débarquer à tout instant, je n'avais pas peur. Parce que j'étais avec lui, que les étoiles brillaient de toute leur intensité et que la forêt détenait une atmosphère profondément apaisante. Il observait l'eau d'un air absent, tournant un caillou entre ses doigts égratignés.

— Parce que...

— Parce que c'est un enfant né d'un viol.

Mes mots me glacèrent alors que je me souvenais de ce soir où il m'avait finalement révélé ce qui poussait sa mère à agir ainsi. De ces mots qui m'avaient marqué l'âme au fer rouge.

— Elle a besoin de se venger de ce qu'il lui a fait à travers moi. Et plus le temps passe, plus je lui ressemble et pire c'est.

Mes doigts blanchissaient tant je serrais la tasse. Jay était sans voix, tandis qu'il comprenait probablement l'ampleur du mal qu'ils avaient causé à Shane au lieu de lui venir en aide.

— Il...

Je raclai ma gorge pour retrouver une voix stable.

— Il a appris à subir en silence. C'est ainsi qu'il a toujours vécu, il ne sait pas faire autrement. D'autant plus que vous n'attendiez que ça de lui, qu'il commette une erreur pour pouvoir l'envoyer en taule. Même s'il en a la capacité, il ne s'est jamais défendu face aux coups parce qu'il savait que quoi qu'il se passerait, il serait en tort.

Je ne pouvais m'empêcher de l'accuser à travers la dureté de mes mots. Je lui en voulais de ne pas avoir pris la peine de comprendre. De s'être contenté de supposer comme les autres pour se liguer tous contre un.

— Bon Dieu...

— Ils continueront Jay. Jusqu'à ce qu'il arrive quelque chose de tellement grave que rien ne pourra le réparer. Alors s'il te plaît, sur ce coup-là j'ai réellement besoin de ton aide.

— Que veux-tu que je fasse ?

Il semblait aussi désemparé que perdu. Mais j'avais les pieds sur terre et je savais qu'il n'y avait qu'une solution pour que tout s'arrête.

— Révèle la vérité.

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