Chapitre 8
Voilà la suite avec un petit jour de retard ! Sorry ma journée fut très chargée donc je n'ai pas trouvé le temps de publier plus tôt mais le voici ! Comme d'habitude n'hésitez pas à commenter ça fait toujours énormément plaisir ! ❤️
Je pris une grande inspiration tremblante en touchant mes lèvres du bout des doigts. Le souvenir semblait s'être imprégné, comme si ce baiser venait tout juste d'arriver. Mon cœur battait si fort qu'il en noyait presque l'afflux de mes pensées.
Je l'avais toujours su, inconsciemment. Quelque chose m'avait lié à lui dès l'instant où mes yeux s'étaient ancrés aux siens. Quelque chose que je n'avais jamais pu expliquer, mais qui m'avait empêché de me détourner de lui.
Tout semblait plus logique désormais. Qu'il s'agisse de la raison pour laquelle il m'était impossible de m'éloigner de lui malgré les avertissements, à celle qui me m'apaisait profondément quand je demeurais à ses côtés.
J'avais été si curieux à son sujet, si intrigué par son attitude. Incapable de comprendre pourquoi le trou dans ma poitrine semblait toujours se combler lorsque je l'apercevais.
Nous étions sortis ensemble.
Je l'avais aimé.
Le simple fait d'y penser me réchauffait tant que je ne doutais pas de la temporalité de mes sentiments. Ils n'avaient jamais réellement disparu. Qu'importe le temps qui s'était écoulé, quand bien même je l'avais oublié. Mes souvenirs s'apparentaient à une boîte de pandore scellée au plus profond de mon subconscient. L'ouvrir ravivait tout ce que j'avais vécu et ressenti, comme si rien n'avait changé.
Était-ce semblable pour lui ? Avait-il tout enterré le jour où j'étais parti ? Ou bien éprouvait-il encore des sentiments à mon égard ? Ses regards me disaient oui, mais ses actions et le fait qu'il me repoussait constamment me faisaient douter. Il fallait que je le confronte, que nous mettions les choses au clair.
Je baissai les yeux sur le carnet et continuai de le lire. Shane avait toujours été introverti, à un point où son silence prédominait sur ses souffrances. Il avait pris l'habitude d'encaisser sans jamais révéler qu'il était sévèrement blessé. Comment en aurait-il pu être autrement alors qu'il n'avait eu personne vers qui se tourner ? La seule envers qui il aurait dû placer toute sa confiance était celle qui le maltraitait.
Avait-il seulement vu d'autres êtres humains avant ma venue ? Je n'en étais même pas convaincu. Je me souvenais qu'il minimisait constamment ce qui lui arrivait parce qu'il était persuadé que c'était normal, qu'il le méritait d'une façon ou d'une autre. Et cette pensée me fit si mal qu'elle me serra le cœur.
« Urgent. Demain vingt-trois heures »
C'était la dernière phrase que j'avais traduite. Je me levai brusquement pour aller récupérer le papier où j'avais inscrit les mêmes mots en croyant avoir réellement entendu ces coups il y a quelques jours.
« Urgent. Demain vingt-trois heures »
J'alternai mon regard de l'un à l'autre alors qu'un sentiment d'angoisse s'amplifiait en moi. La dernière traduction. Notre dernier échange. Quelque chose avait dû mal tourner ce jour-là.
Shane ne s'exprimait jamais de façon si claire, il ne montrait jamais l'amplitude de ses émotions. Cette soirée avait sûrement été l'élément déclencheur où tout avait basculé. Je ne m'en souvenais pas encore, mais la frayeur que j'éprouvais en cet instant m'en persuadait.
J'avais besoin de prendre l'air. Les murs semblaient se rapprocher petit à petit, pareil à un piège qui se renfermait sur moi afin de m'emprisonner. J'enfilai rapidement ma veste et sortis, clignant des yeux face à l'éblouissement du soleil malgré l'heure matinale.
Le café fut ma première destination. Je n'avais rien déjeuné alors je comptais bien le faire là-bas, entouré par les sons rassurant des gens. Plusieurs habitués s'y trouvaient déjà, dévorant leurs assiettes chargées avant leur journée de travail.
— Aedan ! Comment vas-tu mon grand ? m'interrogea Sheila.
— Ça peut aller et toi ?
— Tout va bien pour le moment, j'ai eu des échos de ce qu'il s'est passé au garage est-ce que tout le monde va bien ?
J'entendis quelques rires discrets qui me firent me retourner, cependant le groupe semblait seulement discuter entre eux.
— Shane a été blessé, mais il a l'air de le supporter.
Comme il l'a fait pendant tant d'années.
Cette pensée me déprima aussitôt, ce dont Sheila s'aperçut immédiatement. Je lui fis un faible sourire pour la rassurer.
— Je vais déjeuner ici si tu veux bien, je n'ai encore rien mangé.
— Bien sûr mon chéri ! Assieds-toi, je t'apporte ce que tu prends d'habitude.
Je pris place sur le côté, patientant seulement quelques minutes avant que du bacon, des œufs, des tranches de pain ainsi qu'un café ne soit déposé sous mes yeux.
— Merci.
— Je t'en prie.
La nourriture ici était délicieuse, je ne serais allé nulle part ailleurs en sachant cela. Le bruit de fond des conversations était agréable. Je ne prenais pas la peine de les écouter, mais cela me faisait du bien d'être entouré. J'avais presque fini mon café lorsque les discussions cessèrent d'un coup.
— Bah alors on s'est fait tabasser comme une mauviette ? rit l'un d'eux.
Je me tournai vers la voix, puis la personne qui était entrée. Shane. À la lumière du jour, ses hématomes semblaient bien plus accentués que la veille. Mon cœur s'accéléra si brutalement à sa vue que je m'en figeai de surprise.
Malgré ses blessures, son charme si particulier ne me laissait pas de marbre. Peut-être que je me sentais juste encore plus lié à lui depuis que je me souvenais que nous avions été ensemble. Il ignora royalement le connard qui avait balancé ça, son masque demeurant parfaitement impassible tandis qu'il se rendait face au comptoir.
— Mon Dieu tu es bien amoché, s'inquiéta Sheila. Est-ce que tu vas bien ?
— Oui. Deux cafés s'il te plaît.
— Tu devrais virer cet enfoiré une bonne fois pour toutes, je ne peux plus me voir ce meurtrier.
Plusieurs autres acquiescèrent à vive voix. Je me tétanisai sous le choc tandis que Shane leur jetait un simple regard sans prendre la peine de répondre.
— Nous l'avons accepté ici trop longtemps.
— Ferme-la John tu veux ? cracha Sheila. À dernière nouvelle cet établissement m'appartient, ce qui signifie que j'y accueille qui je souhaite alors tu ferais bien de te taire avant que je ne te vire de là à coups de pied.
— Tu prends toujours sa défense même en sachant ce qu'il a fait ? Il a tué sa propre mère bon sang ! Quel être humain pourrait faire ça sans même montrer le moindre remords ?
Je serrai ma tasse entre mes mains, me forçant à la fixer tandis que j'essayais de me maîtriser. M'énerver ne réglera pas les choses. M'énerver ne...
— Est-ce que tu ne trouves pas ça horrible pour Aedan ? Non seulement il lui a fait perdre la mémoire et l'a envoyé à l'hôpital, mais en plus il continue de se montrer devant lui.
Mes doigts blanchissaient à vue d'œil alors que je sentais la colère s'amplifier en moi. De quel droit se permettait-il de parler pour moi ?
— Tu as mérité ce qu'il s'est passé au garage. La prochaine fois quelqu'un te tuera puisque t'es visiblement incapable de le faire toi-même.
Le bruit d'une tasse qui se brise me ramena au présent. Ma respiration était haletante de fureur tandis que je me redressais brusquement, faisant crisser ma chaise contre le sol.
Je remarquai à peine que la tasse m'appartenait et qu'elle dégoulinait à présent des restes de mon café le long du mur. Tout ce dont je fus conscient, fut d'empoigner le t-shirt du connard pour le jeter contre la cloison et l'y retenir.
— Répète un peu ça pour voir ? le menaçais-je d'une voix que je ne me reconnus pas.
— Allez Aedan, tu sais que j'ai raison. Cet enfoiré mérite de crever pour ce qu'il a fait, il n'a même pas payé pour ses crimes.
— Ferme ta grande gueule avant que je ne te le fasse regretter. Tu ne sais strictement rien de ce qu'il s'est réellement passé ce jour-là, tu n'étais pas là. Vous tous n'étiez pas là ! criais-je à l'intention des autres. Alors je vous interdis de parler à ma place de ce que JE ressens à ses côtés.
— Regarde-toi, il t'a déjà lavé le cerveau, tu ne sais même plus ce que tu dis.
Je vis rouge. Les mots semblaient insignifiants face à la virulence de ma colère, alors je cessai de me retenir et le frappai au visage avec une telle force que la douleur éclata à mes phalanges. Ça n'avait pas d'importance.
Je l'empêchai de chuter seulement pour le jeter sur le côté, le projetant contre une table qui manqua de se renverser sous son poids. Le cri de Sheila ne fut qu'un bruit de fond que j'entendis à peine. Tous ses potes se levèrent, prêts à le défendre tandis que j'avançais vers lui.
À ce moment, tout ce dont je désirais était de lui montrer à quel point la souffrance pouvait être intolérable. À quel point cela faisait mal de se faire tabasser comme ils l'avaient fait à Shane. Œil pour œil dent pour dent, n'était-ce pas ce qu'on disait ?
Seulement une poigne ferme m'en empêcha en m'immobilisant sur place. Je savais sans même me retourner, à la chaleur qui se diffusait autour de mon poignet qu'il s'agissait de Shane.
— Je t'ai dit de ne pas parler à ma place, crachais-je malgré tout.
— Ça suffit, gronda Shane.
Mais je ne l'écoutais pas. J'étais si furieux que mon corps entier tremblait de rage.
— Je sais ce que vous avez fait. Faites-lui encore une seule fois du mal et vous saurez ce que ça fait de se faire tabasser bandes d'enfoirés.
Le connard essuya sa lèvre en tentant de se relever pendant que Shane me tirait de force vers la sortie.
— Essayez encore une seule fois et je vous promets que je ne vous raterai pas ! hurlais-je alors que nous quittions l'établissement.
L'air frais fut pareil à un choc thermique tant mon corps bouillonnait de rage. Je leur en voulais pour ce qu'ils avaient fait et ce qu'ils pensaient être juste alors qu'ils ne savaient rien.
Shane me poussa brutalement contre le mur à l'arrière du café puis me fit face.
— Calme-toi.
Sa voix cassée était dure et ses yeux aussi furieux que les miens. Nous étions tous les deux si énervés que la tension était à son comble.
— Calme-toi ? riais-je à bout de nerfs. As-tu seulement vu comment ils te traitent ?
— Leur répondre ne fera qu'empirer les choses.
— Ne pas le faire les autorise à poursuivre toutes ces merdes ! Si personne ne dit rien qui les empêchera de détruire une nouvelle fois le garage ? De te surprendre dans un coin de rue pour te battre à mort ?
Cette vision me rendit aussitôt nauséeux.
— Reste en dehors de tout ça ! Ce ne sont pas tes affaires !
Sa fureur alimenta davantage la mienne. Je lui donnai un coup à l'épaule, irrité qu'il ose me mettre sur le côté.
— Ça a tout à voir avec moi et tu le sais très bien !
— Fous-moi la paix Aedan, ça ne te concerne pas !
— Ne leur permet pas d'agir en toute impunité ! Tu n'as pas à subir tout ça encore une fois sans réagir. Je refuse de garder le silence comme tu m'avais supplié de le faire à l'époque. Jamais tu m'entends, jamais je ne pourrais me pardonner d'avoir laissé les choses durer ainsi ! Alors il est hors de question que je reste à nouveau les bras croisés pendant qu'ils te font du mal ! Ne me le demande pas une seconde fois, fulminais-je en m'approchant de son visage.
Il sembla surpris que je m'en souvienne, mais reprit son foutu masque d'indifférence. Et cela ne fit que m'enrager davantage.
— Arrête de faire ça ! Crie, hurle, défends-toi ! Pourquoi est-ce que tu devrais encore encaisser en silence pendant que ces connards prennent un malin plaisir à tout détruire autour de toi !?
— Qu'est-ce qui te fait penser que je ne le mérite pas ? cracha-t-il d'un air mauvais.
Le fait qu'il le croit si sincèrement me blessa tant que j'en eus les larmes aux yeux.
— Tu ne le mérites pas Shane.
— Tu ne sais rien ! hurla-t-il en frappant sa paume contre le mur, à quelques millimètres de ma tête.
Je restai de marbre face à son éclat de colère. Nos respirations haletantes s'échouaient comme de la braise contre nos visages.
— Tu n'étais pas là ces dernières années.
— Je n'ai pas peur de toi.
— Tu devrais, me menaça-t-il.
— Je n'aurais jamais peur de toi, quoi que tu fasses parce que je me souviens de toi.
— Les gens changent Aedan.
— Mais mon cœur lui, n'a pas changé.
Avant même qu'il ne puisse se dérober, j'attrapai sa nuque et écrasai ses lèvres contre les miennes avec virulence. J'y insufflai tout ce que je pus, ma fureur contre ces enfoirés et sa mère qui l'avaient tant blessé, ma rage de l'avoir oublié, la peur d'avoir manqué de le perdre.
Je dévorai sa bouche, encore énervé par l'altercation et toutes ces années où j'avais été forcé de m'éloigner de lui. Tout ce temps que nous avions perdu loin de l'autre, à jamais irrécupérable.
Lorsque le baiser cessa finalement, nous étions tout d'eux à bout de souffle, nos fronts posés l'un contre l'autre. Ses mains s'étaient ancrées à mes hanches d'une poigne si ferme qu'elle marquerait ma peau de leur présence. Son corps demeurait pressé au mien comme si le moindre centimètre qui nous séparait lui paraissait insupportable.
— Je ne laisserai pas ce cauchemar se reproduire une nouvelle fois, soufflais-je entre nous.
Il ferma les yeux, comme si lutter devenait douloureux. Et c'était probablement le cas.
— Sais-tu à quel point c'est difficile de te repousser ? As-tu la moindre idée de ce que ça m'a coûté de m'éloigner de toi chaque jour ?
— Je n'ai jamais désiré cela.
— Je voulais seulement te protéger, murmura-t-il.
— Je ne veux pas l'être. Je refuse de t'oublier et de vivre loin de toi. Je ne t'abandonnerai pas une nouvelle fois.
Un soupir tremblant lui échappa tandis que ses bras se serraient autour de ma taille.
— Je ne veux pas te blesser.
— Ça n'arrivera pas.
— Mais tu te souviendras.
La peur qui se refléta dans ses yeux me retourna l'estomac. Je glissai ma main contre sa joue et l'embrassai plus doucement cette fois-ci.
— J'ai confiance en toi.
Il ferma ses paupières en me serrant davantage, comme s'il s'accrochait désespérément à son ancre. Je le laissai faire, car d'une façon ou d'une autre il était devenu la mienne. Pour la première fois depuis bien longtemps, je pus véritablement respirer, comblé par le trou de mon cœur qui semblait enfin se refermer.
***
Nous avions fini par rejoindre le garage ensemble. Sans les cafés. Walter nous salua en levant un sourcil, mais ne dit rien lorsqu'il n'eut pas sa boisson du jour. Nos visages devaient être suffisamment expressifs sur la raison de leur absence.
J'avais prévu d'aller les chercher plus tard dans la journée, le temps que ma colère redescende peu à peu. Pour l'instant, j'avais profondément besoin de demeurer aux côtés de Shane. Alors je l'aidais à nettoyer les dégâts du garage.
Nous travaillions ensemble dans un silence paisible qui apaisa les tensions de mes muscles. Parfois, nous nous effleurions ou échangions un léger coup d'œil et chacune de ces actions réchauffait mon cœur.
Walter nous amena de quoi nous rassasier lorsque l'heure du déjeuner arriva. Nous nous assîmes tous ensemble dans la salle de pause et dévorâmes la pizza en discutant. Walter et Shane parlèrent beaucoup mécanique, assurance et emploi du temps en fonction des véhicules des clients.
J'effleurai mon genou contre sa cuisse. Nos regards se croisèrent brièvement, avant que sa jambe se colle à la mienne. Je souris, stupidement heureux par ce petit geste.
Sa chaleur propageait des centaines de frissons le long de ma colonne vertébrale. Le sentiment était si incroyable que je me demandais comment j'avais pu vivre sans si longtemps.
Nous reprîmes le nettoyage peu après, jusqu'à ce qu'il soit l'heure de la pause-café. Shane était accroupi face à sa moto, évaluant les dégâts d'un œil critique. Je m'approchai et glissai ma paume contre sa nuque, la caressant légèrement du pouce.
— Je vais chercher les cafés, tu veux quelque chose ?
— Ça ira merci.
Il se redressa, posant presque inconsciemment une main contre ma hanche. La mienne n'avait pas bougé de sa place.
— Est-ce que ça va aller ? Elle n'est pas trop en mauvais état ?
Son expression semblait contrariée lorsqu'il l'observa, avant de soupirer.
— Ça risque de me prendre un moment pour changer les pièces, ils l'ont bien amochée.
Je pinçai mes lèvres, pleinement conscient que cela le blessait malgré le fait qu'il n'en montrait rien. Il tenait beaucoup à sa Harley, alors la voir dans un tel état devait être démoralisant. Je m'approchai afin de déposer un léger baiser au coin de ses lèvres.
— Me laisseras-tu t'aider à la réparer ? Je n'y connais pas grand-chose, mais si tu m'expliques comment faire, nous irons peut-être plus vite à deux ?
Son regard fut si intense que j'en eus presque le souffle coupé.
— Ce serait... bien.
Je lui souris en voyant au-delà de ses mots. Cela me rendit si heureux que je l'embrassai intensément avant de reculer.
— Cool. À tout à l'heure alors.
Il hocha la tête tandis que je me détournais. Son regard me brûla la nuque jusqu'à ce que je quitte le garage. Lorsque j'arrivai au café, Sheila s'excusa avec force tout en insultant le groupe qu'elle avait aussitôt viré en leur gueulant dessus après l'altercation.
Elle me jura qu'ils ne poseraient pas un seul pied ici avant un bon moment, et qu'elle les menacerait au fusil de son mari s'ils osaient la contrarier à nouveau. Et puis de toute façon « Jay est au courant, il a intérêt à garder un œil sur eux ou il sera lui aussi privé de café ».
Sa diatribe me fit rire, pourtant je m'assurai de la remercier chaleureusement, appréciant le fait qu'elle soit de notre côté. Je commandai alors trois cafés, une tarte aux mûres et un gâteau au chocolat – que je me souvenais être l'un des préférés de Shane.
Je m'excusai aussi pour avoir perdu mon calme dans son établissement, chose qu'elle balaya d'un revers de main. « Ils le méritaient et puis si tu ne l'avais pas fait, je l'aurais frappé », me dit-elle. Je ne l'en appréciai que davantage. J'embrassai sa joue avant de partir et retournai directement au garage.
Shane était concentré sur sa Harley, mais je sus qu'il m'avait senti lorsqu'il marqua un léger arrêt avant de se reprendre. J'aimais la façon dont son corps trahissait ses pensées et envies.
Il avait passé sa vie à dissimuler ce qu'il éprouvait alors il nous faudrait du temps pour qu'il comprenne qu'il avait parfaitement le droit de les exprimer sans se faire réprimander.
Je déposai en premier un café ainsi qu'une part de tarte sur le bureau de Walter, ce qui le fit sourire malgré la fatigue d'une journée passée à appeler ses assurances et le propriétaire probablement furieux de la voiture brûlée.
— Tu es le meilleur.
— Ne le dis pas à Shane, ris-je.
Je le rejoignis sans tarder en glissant ma main contre ses mèches.
— Je suis de retour.
Il se redressa et l'initiative qu'il prit en m'embrassant me surprit tant que j'en restai presque bouche bée. Cela me combla pourtant de joie et élargit mon sourire.
— J'ai acheté ton gâteau préféré, m'enquis-je en le sortant du sac en papier.
Je sus qu'il était ému lorsqu'il le fixa un moment sans bouger.
— Tu t'en souviens ?
— Ouais. Je me rappelle de beaucoup de choses, comme ton livre favori, ton lieu préféré, que l'eau glacée est ton pire cauchemar, mais que si je tombe dedans avec toi, alors ça va puisque ça te fait tellement rire.
Il sourit légèrement en se remémorant cette soirée où la rivière semblait plus froide que jamais. Cela ne l'avait pas empêché de m'y jeter sans la moindre considération. J'en étais ressorti avec une telle expression de trahison, qu'il s'en était tenu le ventre à force de rire. Et c'était si rare venant de lui que je préférais tomber malade en me gelant dans l'eau juste pour entendre ce son si mélodieux.
— Je me souviens aussi de notre premier baiser.
Son corps entier sembla se raidir légèrement, ce qui me fit hausser un sourcil. Il ne dit cependant rien et tendit la main vers son gâteau.
— Merci.
Je laissai couler pour cette fois et dévorai ma tarte à ses côtés. Il me parla de sa Harley, des réparations que nous aurions à effectuer dessus ainsi que du temps que ça pourrait prendre. Puis il me raconta l'histoire de cette moto qui lui avait été offerte par Walter à son anniversaire.
Shane n'appréciait pas vraiment cette date, alors il n'avait eu aucun intérêt à l'en informer. Cependant Walter ne s'était pas gêné pour fouiller dans les papiers d'embauche afin de la dénicher.
C'était la première fois qu'il obtenait un cadeau de la part de quelqu'un d'autre que moi. J'avais été le seul à le fêter avec lui, ce qui avait été réellement difficile au début étant donné que cela lui paraissait trop étrange pour l'accepter.
Ce jour-là était généralement l'un des pires de sa vie, car sa mère semblait plus furieuse que jamais envers lui. Ses coups étaient démesurés, ses cris d'autant plus enragés et l'humiliation atteignaient leur paroxysme.
Nous étions souvent contraints d'attendre plusieurs jours pour qu'il s'en remette avant de le fêter avec un petit gâteau au chocolat et un cadeau. Je l'avais tellement haï de lui faire ça. Ça me rappelait à quel point j'étais effrayé qu'elle le tue durant cette période.
Cela assombrit mon humeur jusqu'à ce que je sente la main de Shane se presser contre ma cuisse. Il sembla savoir à quoi je pensais, car il ne dit rien et se contenta de la serrer.
Et rien que pour cela, je ne fis que l'aimer davantage.
Cet homme si courageux qui avait supporté tant d'horreurs depuis si longtemps.
Cet homme incroyable que je voulais tant protéger.
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