Chapitre 11

Pardon pour le retard j'étais sur une île sans internet 😂 Voici la suite en espérant qu'elle vous plaira ! Le prochain sera l'épilogue ~

— Je t'avais pourtant dit de ne pas sortir.

Son couteau étincelait dangereusement, captant chacun des éclats de lumière qui nous entourait. Il polarisait toute mon attention, me pétrifiait telle une proie prise au piège par son prédateur. Sa véritable menace ne m'avait jamais paru aussi écrasante qu'aujourd'hui. Jamais un couteau d'une telle envergure ne s'était alors dirigé vers moi, dans l'objectif concret de me blesser.

— Je te l'avais interdit.

Ma main s'était instinctivement agrippée au pull de Shane que je sentais trembler imperceptiblement. Il refusa pourtant de s'éloigner de moi, se montrant protecteur malgré ses propres terreurs.

— Et tu oses revenir avec lui ?
— S'il te plaît, laisse-le s'en aller.

J'étais si terrifié. D'une façon ou d'une autre, Céleste nous avait tirés à l'intérieur avant même que nous puissions rebrousser chemin. Son corps bloquait toute échappatoire, elle avait de toute façon verrouillé l'entrée dans un bruit sinistre, puis s'était retournée si lentement qu'un long frisson d'angoisse m'avait parcouru. Son rire empreint de folie me glaça le sang, jamais elle ne s'était dévoilée ainsi hors de ces murs.

— Le laisser partir ?

Le pas qu'elle effectua vers nous, nous força à reculer loin d'elle.

— Crois-tu avoir droit à l'amour Shame ? Avoir droit au bonheur ? Toi qui n'aurais jamais dû naître ?
— Non !

La précipitation de sa réponse tout autant que l'absence d'hésitation me firent comprendre que ce n'était pas la première fois qu'il y faisait face. Et qu'il pensait réellement ce qu'il disait, à force de les répéter.

— Et pourtant te voilà à sortir en douce, à outrepasser mes interdictions pour... un garçon.

Elle me dévisagea avec un tel dégoût que cela me rendit terriblement mal à l'aise.

— Je-je suis désolé, je ne recommencerai pas, je te le promets.

Elle rit à nouveau, de ce son grave et léger, presque dément. La lueur de ses yeux fut telle que je fus persuadé qu'il demeurerait à jamais gravé dans ma mémoire. Le regard d'un humain prêt à en tuer un autre ne mentait jamais.

— Je savais que l'enfant de ce salopard ne pouvait être qu'aussi détraqué que lui. Il m'a sali de sa semence répugnante pour créer un monstre qui lui ressemblerait à la perfection.
— Pardonne-moi je t'en supplie, je ferai tout ce que tu voudras, mais ne lui fais pas de mal.

Je me raccrochais à lui, terrifié à l'idée de le laisser seul avec elle. Partir sans lui n'était pas une option, je refusais de l'abandonner ici.

— J'aurais dû faire cela plus tôt...

J'observai les alentours à la recherche d'une échappatoire, n'importe laquelle tant que nous quittions cet endroit maudit. Cependant, toutes les fenêtres étaient closes et la porte verrouillée dans son dos. Je devais forcer l'ouverture de l'une d'elles, je devais...

— Tu aurais dû mourir avant même de naître.

Elle leva sa lame en même temps que Shane me poussa loin d'eux.

— Va-t'en Aedan ! Cours !

Et je courus, non pas pour m'enfuir, mais pour déterminer un moyen de nous sauver. Le vacarme résonnait avec une telle force que j'étais persuadé qu'ils se battaient dans le couloir.

Des cadres se brisaient, des coups résonnaient alors même que tout objet à portée se faisait projeter pour exploser dans un bruit sourd.

Je me précipitai vers la seule issue qu'il me restait : la porte arrière. Elle avait été réparée il y a quelques années, néanmoins Shane trouvait toujours un moyen de la laisser déverrouiller pour sortir en douce. Alors je m'écrasai contre elle et enclenchai la poignée dans l'espoir qu'elle s'ouvre. Ce ne fut pas le cas, quand bien même je la secouai de toutes mes forces malgré mes larmes de terreur qui me submergeaient. La peur me fit taper d'autant plus fort contre le battant tout en hurlant à l'aide dans l'espoir que quelqu'un, n'importe qui nous entende.

Le cri de douleur de Shane me fit tressaillir. Je me retournai tout aussi vite, pour le voir tenir son épaule ensanglantée.

— Shane !
— Va-t'en !

Il repoussa sa mère et s'empara d'une lampe qu'il jeta sur elle afin de l'éloigner. La fureur qui traversa son regard m'incita à me précipiter vers les fenêtres pour tenter de les ouvrir. Aucune ne daigna le faire, car elles étaient toutes fermement verrouillées. Nous étions enfermés. Je criai à l'aide en tapant contre les vitres avant d'analyser les alentours afin de trouver quelque chose pour les briser.

Le temps ne fut pas en ma faveur, car Shane se trouvait à terre, tenu en respect par sa mère qui l'étranglait d'une main et levait son arme de l'autre, prête à l'abaisser sans la moindre once d'hésitation. Je fis alors ce que mon cœur et mon âme me hurlaient de faire, et courus vers elle, la projetant de toutes mes forces loin de lui avant qu'elle ne le tue.

***

La toux qui m'éveilla fut si virulente qu'elle sembla déchirer mes poumons. Je me tournai sur le côté, enfonçant mon nez contre mes draps pour atténuer l'odeur éprouvante de... fumée. La réalisation me fit sauter du lit, ce qui manqua de me faire chuter tandis que je me retrouvais désorienté par mon environnement. Je toussai à nouveau en cherchant mon téléphone, captant rapidement qu'il était deux heures du matin alors que j'allumais les lumières pour comprendre ce qu'il se passait. L'odeur autant que l'urgence de la situation me permirent tout juste de repousser la panique qui m'effleurait malgré la sueur qui coulait le long de mon dos. Elle n'avait rien de comparable à celle d'une cigarette, mais plus...

D'un incendie.

Je m'habillai à toute vitesse, du moins autant que le tremblement incessant de mes mains le permettait. D'où provenait-elle ? Je descendis de l'étage en cherchant activement son origine. Ne discernant aucun foyer, je sortis de la maison pour me figer d'horreur en apercevant celle de Shane brûler. Le rez-de-chaussée était en proie aux flammes.

— Shane !

J'écarquillai les yeux et sortis mon téléphone pour appeler les pompiers. Mes propos furent saccadés, mais restèrent suffisamment cohérents pour qu'ils se rendent sur place. Je tentai ensuite de l'appeler, mais tombai sur la messagerie après d'interminables tonalités. Pitié, pitié ne me dites qu'il est là-dedans. Et où pourrait-il bien être à deux heures du matin ? Terrassé par l'angoisse, je fis les cent pas devant sa porte, ignorant les voisins qui commençaient à se rassembler sur le trottoir d'en face.

— Aedan éloigne-toi de cette maison c'est dangereux ! me lança l'un d'eux.

Je mordis l'ongle de mon pouce en tournant comme un lion en cage devant l'entrée principale. Je voulais entrer, je le voulais plus que tout, mais les fenêtres étaient closes et le souvenir d'y avoir été piégé me frappait avec autant de puissance qu'un uppercut écrasant. Comment pouvais-je seulement plonger là-dedans alors même que le feu me rendrait prisonnier et qu'aucune putain de sortie n'était perceptible d'ici ?

— Aedan !

En combien de temps un feu pouvait-il devenir chaotique ? Quelques minutes ? Ou plutôt... quelques secondes ? Bon sang pourquoi ne sortait-il pas !? Je continuai de l'appeler à m'en briser la voix tandis que l'angoisse ravageait chaque parcelle de mon être. Les fenêtres étaient verrouillées, si je les brisais, le feu pourrait s'en alimenter pour s'intensifier. Je ne peux pas entrer si elles sont fermées je...

Je fermai les yeux, pris une inspiration tremblante, puis mordis ma main à sang pour que la douleur supplante la peur. Avant même d'y penser, je me retrouvai à l'intérieur à refermer la porte derrière moi. Les cris à mes arrières n'étaient que des bourdonnements à mes oreilles. Ils furent remplacés par le crépitement des flammes et le mur de chaleur suffocant qui me percuta. L'odeur étouffante m'obligea à poser mon avant-bras contre mon nez.

— Shane !

Mon appel resta en suspens sans obtenir de réponse. Je toussai et me baissai aussitôt pour inspirer le moins possible de cette fumée toxique. Le feu n'était pas encore dévastateur, mais déjà trop présent à divers endroits pour pouvoir en venir à bout d'un simple extincteur.

— Shane !

Je montai à l'étage en m'assurant d'ouvrir chaque porte sur mon passage.

— Cours Shane !

Je le tirai à moi et le forçai à me suivre dans les escaliers. Il fallait nous enfuir de là avant qu'elle ne nous attrape.

— Shane !

Un bruit sourd me fit lever les yeux vers le grenier. Il tambourinait contre la porte avec la force du désespoir.

— Aedan !

Sa voix était étouffée par la distance qui nous séparait.

— Vous ne vous échapperez pas de là !

Elle attrapa ma jambe, me faisant tomber dans les escaliers à la frontière de l'étage.

— Aedan !

Sa voix se superposait à celle de mes souvenirs, bien différente de sa clarté d'autrefois. Mon corps se tendit davantage tandis que je jetais un regard inquiet en arrière, comme si elle allait apparaître à tout instant. Non. Elle est morte. Elle ne reviendra pas. Je secouai la tête d'un geste vif, puis m'approchai du grenier.

— Shane !
— Ils m'ont enfermé Aedan, je ne peux pas sortir !

Je tambourinai contre le battant, puis tentai de la faire céder par tous les moyens.

Nous avions réussi à nous cloîtrer dans une pièce. Il n'y avait cependant aucun verrou, ce qui nous contraignait à nous appuyer dessus pour l'empêcher d'entrer. Chacun de ses coups se répercutait dans nos corps alors que nous retenions la seule frontière qui nous protégeait de sa folie. Comment pouvait-elle avoir tant de force ?

— Ouvrez cette foutue porte !

J'avais la tête qui tournait. Mon esprit refusait de me laisser en paix, préférant m'envahir de souvenirs alors même que je devais me concentrer pour rester focus sur la situation. Cette maison était la clé de ce qu'il me manquait. La résolution de toutes mes questions. Parce que tout s'était déroulé en ces lieux, et que j'avais refusé d'y poser les pieds tant elle m'avait terrifié.

Malgré ma toux, je pris une profonde inspiration afin de tenter d'ignorer la terreur qui ressurgissait de ces fragments mémoriels, ainsi que l'absence d'échappatoire tandis que l'incendie ravageait le rez-de-chaussée.

Un cadenas jumelé à de grosses chaînes verrouillait la pièce, les mêmes qu'à l'époque. Elles étaient reliées au mur afin de bloquer la porte et contrecarrer toute sortie. Je n'arrivais pas à les briser, seulement à m'écorcher les mains et tentant de le faire. Il fallait que je trouve quelque chose d'autre pour l'en libérer.

— Je reviens !

Je retournai sur mes pas afin de chercher un outil, ou n'importe quoi capable d'en venir à bout. La fumée devenait de plus en plus protubérante tandis que le parquet sous mes pieds chauffait davantage. Les flammes ne tarderaient pas à le traverser si ça continuait ainsi. Je fouillai les pièces sans trouver quoi que ce soit susceptible de détruire la barrière qui le maintenait prisonnier. Shane continuait de tambouriner contre elle, je l'entendais d'ici malgré la distance.

La haine pouvait visiblement amplifier la force, car elle parvint à nous repousser pour pénétrer dans la pièce. Mon cœur tambourinait si fort qu'il m'en donnait la nausée. Mon corps entier tremblait d'effroi tandis qu'elle refermait le dernier obstacle qui nous séparait d'elle. Nous ne pûmes que reculer jusqu'à percuter le mur.

— Terminons-en.

Shane s'empara d'une chaise de bureau qu'il plaça tel un bouclier entre elle et nous. J'en profitai pour ouvrir la fenêtre, cependant même celle-ci demeura verrouillée. La briser était une option, seulement nous étions à l'étage. Je n'étais pas persuadé que nous sortions indemnes d'une telle chute.

— Ne t'approche pas !

La voix de Shane tremblait légèrement, bien qu'elle demeurât déterminée.

— Tu oses me menacer ?
— S'il te plaît, laisse-nous partir et je disparaîtrai de ta vie définitivement. Tu ne me reverras plus jamais.
— Oui et je m'en assurerai personnellement.

Shane jeta sa chaise sur elle lorsqu'elle s'élança vers nous, son couteau ensanglanté en main.

Mon angoisse s'amplifia à en devenir quasi intolérable, pourtant je me forçai à rester concentré malgré l'assaut infernal de ma mémoire. Je fouillai la salle de bains en la retournant dans tous les sens sans rien trouver. Paniqué, je changeai de pièce pour me retrouver dans une chambre déserte. Probablement celle de ce monstre, car rien ne semblait avoir été dérangé. La poussière maculait les lieux, cependant je l'ignorai afin de chercher de quoi briser le cadenas ou la porte. Mon regard se posa alors sur les rideaux, puis la barre métallique qui les soutenait. Je tirai de toutes mes forces pour les arracher, ce qui fit tomber par la même occasion l'objet de mes désirs.

Quelque chose explosa en même temps sous mes pieds, faisant littéralement trembler l'ensemble de la maison. Je crus un instant qu'elle s'effondrait sur ses fondations, néanmoins elle n'en fit rien. En revanche les miennes furent mises à rude épreuve tandis que je m'écroulais à genoux, pris d'une quinte de toux qui me parut interminable. Mes poumons autant que ma gorge me brûlaient tant la fumée se faisait intolérable.

La fenêtre s'était brisée sous l'impulsion, propageant de multiples éclats dont certains s'étaient enfoncés contre mes paumes en me rattrapant au sol. Le sang me troubla un instant, amplifiant mon mal de crâne de façon presque insoutenable.

Sa lame déchira mon bras de toute sa longueur tandis que je tentais de le protéger. La douleur fulgurante remonta jusqu'à mon âme au point de me faire hurler face à l'intensité de la souffrance.

— Aedan !

Shane s'interposa tandis que je drapais ma main sur la plaie béante afin de contenir l'hémorragie. Ce fut comme si toutes mes forces venaient de se faire drainer d'un seul coup. Incapable de tenir debout plus longtemps, je me laissai glisser au sol tandis que Shane confrontait sa mère dans l'objectif de s'emparer du couteau. Alors qu'elle s'apprêtait à le poignarder dans la poitrine, il immobilisa la lame en l'agrippant à main nue pour l'en empêcher. La douleur que cela lui procura fut perceptible sur son visage alors que le sang suintait violemment de l'entaille. Leurs mains tremblaient sous l'effort. Malgré mon vertige, je ramassai un morceau de la chaise brisée puis me précipitai vers eux pour la repousser. Cela fonctionna quelques instants à peine, ce qui suffit à l'éloigner de Shane qui put reprendre son souffle. Elle me repoussa aussitôt contre le mur avec une brutalité emplie de rage. Ma tête se cogna si violemment que je manquai de perdre connaissance. Plusieurs points noirs troublèrent ma vision tandis que je m'effondrais contre le mur. Elle leva alors son couteau, prête à m'arracher la vie.

Concentre-toi. Ma respiration se faisait de plus en plus sifflante entre la brûlure de l'air toxique et ma panique. Je les ignorai difficilement pour rejoindre la porte du grenier. Du coin de l'œil, je vis certains endroits s'enflammer à l'entrée du couloir alors que l'incendie ravageait déjà les escaliers du premier étage.

— Éloigne-toi de la porte ! hurlais-je en tenant la barre de mes deux mains.

Je me positionnai de sorte à ne pas tomber à la renverse dès mon premier coup et frappai les chaînes de toutes mes forces. Encore et encore, ignorant la souffrance que cela procurait à mes mains. La sueur s'écoulait dans mes yeux, mon dos et mes paumes. Elle imbibait chaque parcelle de mon corps suffocant de chaleur. La fumée quant à elle n'avait de cesse de me faire tousser, pourtant cela ne me fit en rien relâcher mes efforts. Mes poumons pouvaient cracher du sang et mes membres trembler de douleur autant qu'ils le voudraient, pour rien au monde je ne l'abandonnerais ici. La structure était vieille et usée, ce qui me permit de faire céder les chaînes pour libérer le passage.

Shane la repoussa avant qu'elle ne me tue. Tout était vague et ma tête me faisait tellement souffrir que je ne perçus rien pendant un moment. Il y avait des cris, des menaces et des coups. Des halètements et un vacarme sans précédent. Pourquoi faisait-il si froid ? Mon corps entier tremblait, tout était si flou que le monde me paraissait intangible. Lorsqu'il se stabilisa à peu près, la seule chose que je vis fut Shane qui tenait sa gorge ensanglantée en reculant, les yeux écarquillés d'horreur. Mes lèvres s'entrouvrirent sans qu'aucun son ne puisse s'y former. J'aurais voulu hurler, appeler de l'aide, crier si fort que quelqu'un m'entendrait. Mais le choc me rendait muet de stupeur... alors que le froid semblait m'engourdir tout entier.

Lorsque la porte s'ouvrit pour révéler la silhouette de Shane, une nouvelle détonation nous fit chuter. Il prit appui sur le mur en me serrant contre lui pour éviter que je ne tombe à la renverse. Je toussai violemment, suffocant sous le poids de la fumée. Respirer le moindre filet d'oxygène devenait une réelle épreuve.

— Nous ne pouvons pas rester là ! m'écorchais-je la gorge en attrapant sa main.

Les sirènes semblaient bien plus proches que jamais, néanmoins même si cela me rassurait, nous n'étions pas encore sortis d'affaires.

— Sa chambre... la fenêtre est ouverte dans sa chambre, toussai-je.
— Suis-moi.

Il me tira à lui en se dirigeant à toute vitesse vers notre porte de sortie. Quelle ironie lorsqu'on savait que cette même pièce avait manqué de nous arracher la vie. Je vis avec horreur la fumée s'enflammer brusquement au plafond, ce qui nous força à nous jeter à terre pour éviter d'être touché. Le sol sous nos mains brûlait tant que fûmes contraints d'avancer accroupi, t-shirt contre le nez. Des gerbes de flammes éclataient autour de nous, si proches que seules l'adrénaline et la terreur me forcèrent à avancer en sentant certaines d'entre elles lécher ma peau.

Puis sans prendre garde, le parquet craqua sous mes pieds et se disloqua en emportant ma jambe dans son sillage. Mon corps entier aurait suivi si seulement Shane ne m'avait pas tiré à lui brusquement. Loin de cette faille mortelle, mon cœur eut du mal à reprendre un rythme supportable. Je sentis à peine sa main tapoter mon jogging pour éteindre les flammèches qui s'y étaient installées. Le sol brûlait mon dos, mais me relever semblait trop difficile. Je n'arrivais plus à respirer, alors bouger...

— Allez Aedan !

Qu'importe mon état, Shane me poussa au-delà de mes limites, refusant de me laisser stagner ici. J'étais si épuisé. Mon corps entier me faisait souffrir à l'extérieur autant qu'à l'intérieur. Mes poumons n'étaient que cendres, ma tête tournait tant que je me demandais encore comment j'arrivais à avancer. Le reste... tout n'était que souffrance.

Nous réussîmes pourtant à nous engouffrer dans la pièce en fermant la porte derrière nous. Le lit était déjà en proie aux flammes, mais tout ce qui nous importait était de rejoindre la fenêtre. Les lumières bien trop vives du camion de pompier me brûlèrent les yeux tout en accentuant mon mal de crâne.

— S-Shane...

Sa voix me paraissait si lointaine que j'aurais pu douter de le savoir à mes côtés si seulement il ne me soutenait pas à moitié. J'étais persuadé de m'effondrer s'il me lâchait.

— S-Shane... Respi... Je... arrive plus à respirer.

Tout était si obstrué. Était-ce la panique qui me submergeait si violemment ou la fumée qui m'avait détruit les poumons ? J'entendais des voix crier, mais n'en comprenais plus le moindre sens. On me ballottait dans tous les sens, jusqu'à ce qu'enfin je sois allongé, et que de l'air pur vienne à ma rencontre. J'aurais pu pleurer de soulagement, mais peut-être que la main qui glissait sur ma joue les effaçait. Penchée sur moi, la silhouette floue semblait me parler, mais j'aurais pu me trouver sous l'eau que l'effet aurait été le même. Il y avait tant d'ombres qui se déplaçaient autour de moi, tant de bruits incompréhensibles. Il n'y eut pourtant que sa main qui me permit de sombrer, comme s'il m'accompagnait vers un sommeil libérateur alors que ses doigts glissaient dans mes cheveux.

Parce que même aux portes de la mort, j'aurais reconnu sa présence entre mille.

***

Allongé sur le sol, Shane tentait de réprimer l'hémorragie au niveau de sa gorge. Je la vis s'approcher pour lui donner un coup fatal, mais l'en empêchai sans savoir comment. Tout semblait vague alors que ma tête était plongée dans un brouillard sans fin. Je sentais du sang s'en écouler, mais étais incapable de déterminer si c'était grave ou non. La seule vue de ce monstre s'approchant de lui m'avait permis de me redresser pour la bousculer. Elle en perdit son arme que je tentai d'attraper en trébuchant. Les vertiges qui me submergèrent furent si violents que je manquai de vomir.

Lorsque le couteau fut entre mes mains, Céleste agrippa ma cheville et me fit glisser à elle avant de me retourner de force. Nous lutâmes avec le couteau au prix d'une force que je ne possédais plus. Néanmoins, le désespoir pouvait faire des ravages, car il me permit d'enfoncer cette maudite lame au creux de son flanc pour la retirer tout aussi vite. Mon instinct de survie oblitéra toute pensée pour retenter l'acte, cependant elle ne me laissa pas faire et brisa presque mon poignet en le tordant pour me faire lâcher prise. Elle repoussa la lame au loin d'un geste brusque, comme s'il ne détenait plus la moindre importance.

Les mots qu'elle prononça ensuite n'étaient que bourdonnement indistinct à mes oreilles. Hurlait-elle ? Murmurait-elle ? Je n'aurais su le dire. Tout ce dont j'avais conscience, était de la présence de ses mains autour de ma gorge qu'elle serrait de plus en plus, les yeux fous d'une rage indicible.

Alors que l'air m'était privé et que ma vision s'obscurcissait, je vis la silhouette floue de Shane se dresser derrière elle, une main sur la gorge, l'autre sur le couteau. Il l'abaissa si violemment dans son corps que je vis la lame transpercer sa poitrine d'un bout à l'autre. Cela m'aurait fait vomir si seulement mon corps réagissait encore. Sa poigne se relâcha aussitôt tandis qu'elle s'effondrait sur moi, inerte. Plus aucun son ne parvenait en dehors de mes oreilles sifflantes et ma respiration erratique. Tout ce que je perçus alors fut le bruit sourd d'une porte qui se faisait défoncer alors que Shane s'effondrait et que je laissais l'obscurité m'envahir.

***

— Aedan.

Mes yeux me brûlèrent lorsque je les ouvris, cependant la chaleur de sa main contre ma joue me réconforta. J'aurais pu les clore à nouveau pour me fondre dans sa douceur et ne plus jamais me préoccuper de rien.

— Hé, bon retour parmi nous.

Je clignai des paupières quelques secondes avant d'observer les alentours. Nous étions dans une chambre d'hôpital.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Ma voix était si rauque que je la reconnus à peine. Quant à ma gorge et mes poumons, ils me faisaient l'effet d'un millier d'aiguilles coincées à l'intérieur.

— La fumée t'a sévèrement intoxiquée. Puis tu as fait une crise d'angoisse, ils ont dû te donner des calmants parce que tu étais... trop agité.

Merde.

— Comment te sens-tu ?
— Mal. Confus.

Je frottai mes paupières et grimaçai à la douleur que cela déclencha au niveau de mes mains. Je les levai pour apercevoir les bandages qui les entouraient. Maintenant que j'y pensais, je sentais plusieurs zones de mon corps se rappeler à moi, dont une plus intense à ma jambe qui avait plongé au cœur des flammes.

— Est-ce que tu vas bien ? lui demandais-je en prenant le temps de l'observer.

Il s'était battu. Ses phalanges étaient rouges et son visage légèrement contusionné. Il portait également un bandage autour de son poignet.

— Je suis vivant.

Il sourit presque ironiquement, puis se pencha pour poser son front contre le mien.

— Merci.

Son souffle contre ma peau me fit frissonner.

— Sans toi je...

Je ne voulais pas y penser.

— Que s'est-il passé ?

Il embrassa ma tempe avant de se redresser.

— John, Matt et Chris se sont introduits chez moi pendant que je dormais. Ils... m'ont agressé en plein sommeil. J'ai réussi à me défendre, puis à reprendre l'avantage avant qu'ils ne s'enfuient en m'enfermant dans la chambre.

— Tu dormais toujours dans le grenier ?

Ses épaules se haussèrent tandis qu'il détournait le regard vers la fenêtre – heureusement – ouverte.

— J'y étais habitué alors...

Il soupira. Cela me fendit le cœur.

— Ils ont profité des chaînes que je n'avais pas pris la peine de retirer pour m'enfermer dedans. Je pense qu'ils étaient vraiment furieux et complètement bourrés parce qu'il a fallu un moment pour qu'ils reviennent mettre le feu.

La rage me submergea si violemment que j'en eus mal au crâne. Je toussai un instant avant de sentir ses doigts se lier aux miens avec délicatesse.

— J'ai porté plainte. Ils se sont faits interpeller par les flics il y a quelques minutes. De ce que j'ai compris ils sont toujours en train de dégriser.
— Tant mieux. C'est ce qu'il fallait faire.

L'alcool n'excusait en rien leurs actes. Ce qu'ils avaient commis était grave. Bon sang, ils avaient planifié un homicide volontaire, dégradé des biens, porté atteinte et blessé une personne dans son sommeil. J'espérais bien qu'ils en sortiraient avec la peine de prison la plus élevée possible ! Je serrai sa main malgré la douleur, refusant de réfléchir aux implications si je n'étais pas entré là-dedans.

— Où était ton téléphone ?
— Ils l'ont embarqué avec eux en partant.
— J'espère qu'ils le détiennent encore, ça fera toujours plus de preuves contre eux.

Il acquiesça silencieusement, tandis que son pouce caressait lentement mon bandage.

— Tu vas bien ? C'était une sacrée crise que tu as faite.
— Je ne m'en souviens pas.

Tout était flou. L'intoxication combinée à la crise ne m'avaient vraiment pas aidé à respirer. Tout ce dont je me souvenais, était que plus aucun filet d'air n'entrait dans mes poumons.

— Quand je suis entré, tout m'est revenu. Ça a dû amplifier mes angoisses en plus de la peur de te perdre.
— Je suis désolé.

Je secouai la tête. Je savais qu'il parlait de ce souvenir, car il se pensait responsable des actes de sa mère envers moi.

— Ce n'était pas de ta faute.

Un médecin entra à ce moment afin d'analyser mes constantes. Il se présenta rapidement et m'expliqua en détail l'envergure de mes blessures ainsi que l'état dans lequel les pompiers m'avaient embarqué. Je ne possédais heureusement rien de sérieux en dehors de ma brûlure au premier degré au niveau de ma jambe. Les flammes m'avaient à peine effleuré, néanmoins cela avait suffi pour me brûler. En conclusion, je n'étais pas obligé de rester ici, mais devais immédiatement revenir si mes difficultés à respirer s'accentuaient ou ne disparaissaient pas au cours des prochains jours.

Ma maison était étonnamment indemne, cependant je refusais d'y poser les pieds, trop effrayé à l'idée d'apercevoir ce qui avait manqué de nous tuer. L'odeur de cramé ne quitterait pas les lieux avant un long moment. J'étais persuadé qu'elle accentuerait mes cauchemars de façon exponentielle à m'en empêcher de trouver le sommeil.

Et nous reposer, nous en avions plus que jamais besoin. C'est pourquoi nous nous retrouvâmes face au garage, seul endroit pouvant nous héberger pour un temps. Walter nous accueillit avec inquiétude en voyant Shane me soutenir à chacun de mes pas. Je pouvais marcher, cependant ma jambe m'élançait régulièrement.

Après nous avoir aidés à nous installer dans la salle de repos, Walter tournoya autour de nous comme un papa poule anxieux face aux problèmes de ses enfants. Cela me fit rire, car Shane n'était pas habitué à recevoir tant d'affection et sa gêne se voyait sur comme le nez au milieu de sa figure. Il commanda une pizza que nous mangeâmes ensemble avant de se rendre chez moi pour récupérer mes affaires. Rien n'aurait pu l'en empêcher, alors je le laissai faire, car je me sentais incapable d'y retourner.

Une fois le canapé faisant office de lit déplié, je me calai contre le dossier en étendant mes jambes sur le matelas, puis appelai mes amis et ma mère pour les rassurer sur les récents évènements. Il me fallut insister pendant plusieurs longues minutes pour les convaincre de ne pas venir malgré ma furieuse envie de les voir. Leurs responsabilités ne leur permettaient pas de tout lâcher comme ça du jour au lendemain, même s'ils n'en avaient que faire. Nous allions bien, il y avait eu plus de peur que de mal et je guérirais bien assez vite. Shane possédait quelques hématomes ainsi qu'une brûlure au poignet qui s'estomperaient au cours des prochains jours. En soit, rien de trop grave de son côté.

Cela me rassurait. Je ne comptais plus le quitter d'une semelle avant un long moment tant cela m'avait terrifié. L'idée seule de ce qui aurait pu arriver me rendait malade. La télé propageait un agréable bruit de fond, même si aucun de nous ne la regardait réellement. Nous étions trop perdus dans nos pensées pour cela.

— Tu crois que Jay pourra les punir pour ce qu'ils ont fait ? l'interrogeai-je.
— Il ne devrait pas avoir trop de mal à trouver des preuves, s'ils ne témoignent pas l'un contre l'autre avant ça. Il doit rester des traces chez moi, le Shérif m'a dit que la police scientifique faisait leur enquête pour déterminer l'origine de l'incendie.

Il semblait profondément plongé dans ses pensées tandis qu'il fixait l'écran sans le voir.

— J'ai senti du gazole avant la fumée. Et je les ai frappés avant qu'ils ne s'enfuient. Ils ont également été retrouvés bourrés, ce qui les a sûrement fait commettre de nombreuses erreurs qui pourraient les trahir. Nous devrons faire une déposition, puis je témoignerai contre eux.

Je soupirai de satisfaction, mêlé à un profond soulagement.

— Tant mieux. Je ne sais pas ce que j'aurai été capable de faire si ça n'avait pas été le cas.

Son attention se focalisa alors sur moi tandis qu'il m'étudiait attentivement, comme pour déterminer à quel point j'étais sérieux. Et je l'étais, plus qu'il ne pourrait jamais l'imaginer. J'en tremblais de rage rien que d'y penser. La douceur avec laquelle il s'empara de ma main pour embrasser mes doigts me figea. Cela me surprit tant que j'en restai sans voix.

— Partons loin d'ici.

Mon cœur se stoppa alors que je dirigeais toute mon attention sur son visage.

— Tu étais le seul qui me retenait ici. Il n'y a rien d'autre qui m'attendait.

Mes yeux s'écarquillèrent de choc à ces révélations.

— Tu veux dire... que tout ce temps...

Il hocha la tête, concentré sur ma main qu'il tourna entre ses doigts. Mon Dieu. Tout ce temps... toutes ces années, il m'avait attendu. Il était revenu après avoir quitté son foyer dans l'espoir de me revoir. J'en eus les larmes aux yeux.

— Tu... tout ce temps à supporter de vivre auprès d'eux dans cette maison pleine de souvenirs néfastes. Et tu l'as fait juste pour moi ?
— Je ne savais pas ce que tu étais devenu. Je voulais seulement te revoir, même si après... après ce qu'il s'était passé tu ne voulais plus jamais me revoir.
— Si je n'étais pas revenu...

Si je n'avais pas eu envie de me souvenir ou que j'avais écouté tous ceux qui m'en avaient dissuadé... J'osais à peine l'imaginer. Une larme glissa le long de ma joue. Elle fut aussitôt effacée par son toucher aérien.

— Je suis heureux que tu l'aies fait, que tu aies continué à te rapprocher malgré ma peur m'encourageait à te repousser.

Et cela valait tout l'or du monde. Ces mots signifiaient tant que mon cœur se mit à battre furieusement contre ma poitrine. Je cédai à mes émotions et fondis sur ses lèvres, les dévorant avec une passion telle que je n'en avais jamais fait preuve. Il y répondit avec la même fougue, si bien que nous nous perdîmes dans ce baiser enflammé un temps indéfini. Sans même que je ne m'en rende compte, nous étions déjà presque nus, nos souffles haletant contre la peau de l'autre alors qu'il me surplombait de son poids rassurant. De sa présence envoûtante. Mes yeux brillaient alors que je me perdais dans les siens si vibrants. Il m'embrassa à nouveau avant de descendre dans mon cou, traçant une ligne de baisers qui me brûla intensément. J'en soupirai de bien-être tandis qu'il retirait nos dernières barrières. Ses mains traçaient des lignes volcaniques le long de mon corps. Elles me firent haleter d'un plaisir irrépressible.

— Préservatif ?
— Je... suis clean, haletai-je difficilement.

Ses doigts avaient trouvé un point sensible en moi, si bien que je m'en cambrai de plaisir. Son sourire en coin me dévasta autant que la confiance qui brûlait dans ses yeux.

— Moi aussi.

Et je lui faisais parfaitement confiance sur ça, sur lui, sur nous. Pour tout.

— Alors vas-y, soupirai-je délicieusement.

Ce qu'il fit aussitôt. Il n'y avait aucun mot assez puissant pour décrire ce que je ressentis lorsqu'il se fondit en moi. Ce fut comme retrouver une partie de soi. Combler une absence qui m'avait dévoré pendant des années. Abreuver ce trou abyssal au creux de ma poitrine, cette obscurité qui m'avait paru si glaciale et vide sans jamais pouvoir la refermer.

Ce fut incroyable, émerveillant, époustouflant. Chaque coup faisait écho à mes gémissements toujours plus intenses, plus désespérés. Je me noyais dans une extase que je n'avais jamais eu l'occasion d'éprouver avec qui que ce soit d'autre. J'étais tout simplement incapable de m'empêcher de le toucher, de partager ce moment avec lui malgré l'élancement de mes paumes blessées. Une infime douleur assourdie au fin fond de mon esprit tandis que la déferlante de mes émotions me ravageait sans états d'âme. Il était là, avec moi, en moi, avec toute sa puissance et sa beauté. Ce fut comme si ma vie n'avait tourné qu'autour de lui et qu'enfin, on me donnait l'opportunité de jouir de mon trésor. Un trésor inestimable que je n'aurais cédé à personne.

Car pour la première fois depuis que je m'étais réveillé sur ce lit d'hôpital, des années auparavant, je me sentais enfin complet. En paix avec moi-même, et tellement vivant.

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