Partie 2 Chapitre 3
Cela fait trois jours que je suis chez Isabelle, j'ai enfin pu me reposer un peu et savourer mes premières journées de vacances depuis deux ans. Deux ans que je n'ai pas profité d'une journée à ne rien faire... Deux ans que je me plonge dans le travail sans faire quoi que ce soit d'autre... Deux ans que j'ai passé seul chez moi à ne vivre que pour le boulot sauf les rares fois où je m'évadais dans le lit de mon ex petit ami -slash- exutoire pour mes besoins physiques. Ça craint ...
Je respire enfin ici.
Je passe principalement mes journées à ne rien faire, je flâne un peu dans ma chambre le matin pour travailler, enfin faire deux traductions avant de refermer mon ordinateur. Et l'après midi, je joue avec Allison, c'est tellement relaxant. Nous avons ainsi pris le thé avec ses poupées, nous avons fait des coloriages, nous avons construit un château fort avec les draps et couvertures de la maison... C'était super mais Isabelle n'était pas contente de voir le bazar que nous avions mis en son absence jusqu'à ce qu'elle soit déclarée reine de notre château.
J'ai pris la décision de m'occuper de la petite terreur à couette car Axel et sa femme peuvent ainsi un peu profiter d'eux avant l'arrivée du deuxième bébé et moi j'ai quelqu'un avec qui m'amuser. Disons que c'est donnant-donnant. Je me sens moins seul...
Parfois je me trouve légèrement pathétique parce qu'à mon âge je devrais être avec des gens qui sont comme moi, qui sortent, qui vivent, mais moi je me satisfais de passer mes journées avec une enfant. C'est sûr que ce n'est pas comme ça que je vais trouver quelqu'un avec qui partager ma vie. Enfin bref...
Aujourd'hui nous avons d'ailleurs prévu d'aller nager dans la piscine qu'Axel et moi avons nettoyée hier. Isa m'a dit au moins quinze fois que sa fille ne savait pas nager, qu'elle n'était pas vraiment à l'aise quand elle l'amenait à la piscine municipale pour les cours et au moins une centaine de fois que je devais faire attention.
Ma casse-couille de cousine m'a expliqué que lorsque Allison avait deux ans, un garçon un peu plus âgé l'avait poussé dans la piscine municipale, sans faire exprès. Allison a failli se noyer sous les yeux de sa mère qui n'arrivait pas à bouger paralysée par la panique. Heureusement un ami à elle était présent et c'est lui qui a sorti la petite Allison de l'eau. Il y a eu bien plus de peur que de mal ce jour là mais depuis Allison à une peur bleue de l'eau. Pourtant c'est elle qui m'a demandé d'aller nager aujourd'hui parce qu'elle nous a entendu parler de toutes les fois où nous y allions quand nous étions petits.
La petite tête blonde dans mes bras nous sortons sur la terrasse, suivis de sa mère, ultra chiante, qui se répète inlassablement...
-....mais surtout fais attention.
Je lève les yeux aux ciel en soufflant alors qu'Isa se place en face de moi, les mains sur les hanches.
-Oui, tu sais que je suis adulte et que je ne vais pas noyer ta fille.
-Laisse moi douter... toi adulte? Je vous ai vu prendre le thé, toi avec tes couettes, ton sac à mains et ton maquillage.
-J'étais la duchesse de je ne sais plus quoi, je n'allais pas venir en jean-basket. Excuse moi de faire attention à mon apparence.
Je ris en essayant de détendre Isa qui est crispée. Je sens sa peur et je ne veux pas qu'elle la communique à sa fille.
-Non sérieux Raphaël, tu fais attention.
Houla, quand elle m'appelle par mon prénom, j'ai intérêt à l'écouter.
-Oui, Isabelle... en plus tu seras à côté. Arrête de me soûler, tu veux.
-Oui mais je ne serai pas dans la piscine avec vous.
-Ça va aller, tu seras dans la pièce à côté, tu vas un peu travailler depuis chez toi, ce n'est pas la mort non plus. Et puis tu as confiance en moi quand même.
-Oui, ça va... Tu m'énerves.
-Maman. On fait la promesse qu'on sera sage. Hein tonton Raph?
-Oui, la promesse.
Nous offrons, Allison et moi, un magnifique sourire à Isa qui sourit enfin et offre un baiser à sa fille avant de retourner à l'intérieur de la maison et de nous laisser enfin tranquille.
-T'es prête princesse?
-Voui!
-T'as mis ton plus beau maillot?
-Oui, le rose avec des paillettes.
-Maman t'a mis de la crème solaire?
-Oui!
-Les brassards sont assez gonflés?
-Oui... Allez on y va?
-Tu me fais un bisou et on y va.
Allison me serre le cou et m'offre un baiser qui claque en rigolant. Je lui ajuste son chapeau et nous allons ensemble devant la piscine. Je me souviens encore de toutes ces fois où Isa me poussait dans l'eau alors qu'elle n'était pas plus grande que sa fille. De tous ces après midi où nous nous chamaillions pour savoir qui serait le premier à plonger ou celui qui tiendrait le plus longtemps sous l'eau... Mais là je ne le ferai pas, je n'ai pas envie de mourir de peur face à ma naine de cousine.
J'explique à Allison qu'il ne faut pas faire de bêtises, ne pas courir ni me lâcher. J'essaye de la rassurer parce que je vois dans ses yeux qu'elle a vraiment peur de l'eau.
-On va y aller doucement. Tu restes dans mes bras?
-Oui steuplé tonton.
-Ok. Alors regarde, je descends tranquillement les marches. Quand l'eau touchera tes pieds, tu me le dis.
-D'accord.
Je m'avance, l'eau atteint mes cuisses quand Allison me fait signe d'arrêter.
-Très bien. Je vais prendre un peu d'eau et te mouiller les bras. Tu veux?
-Oui...
Je suis le geste à la parole, toujours très doucement et lentement.
-Ça va?
-Ça chatouille.
Je lui souris et continue de lui mouiller ses petits bras et ses jambes. Je m'avance encore un peu. L'eau arrive à ma taille et aux genoux de la petite tête blonde. Je la sens se crisper, elle resserre ses bras autour de mon cou.
-N'aies pas peur, je suis là. Je ne te laisserai pas tomber dans l'eau. Écoute on va s'arrêter là. Tu es déjà très courageuse.
Allison hoche la tête et se cache dans mon cou. Je ressens sa peur contracter tous ses muscles. Je ne vais pas la forcer. Elle a déjà fait un grand pas en avant. Nous remontons donc jusqu'aux marches où elle me demande de descendre de mes bras. Je la pose sur l'avant dernière marche. Elle tient fermement ma main et sort de la piscine toute seule.
Arrivée sur la terre ferme et sèche, elle se retourne, les larmes aux yeux et lève ses bras en l'air en signe de victoire. Je l'applaudis et nous rentrons nous sécher.
La séance d'aujourd'hui à dû être épuisante pour elle parce qu'à peine douchée et séchée elle s'est endormie sur le canapé, sa tête posée sur mes genoux. Je lui caresse les cheveux et remonte la petite couverture sur ses épaules. Isabelle me regarde, un air attendri sur le visage et me remercie d'avoir fait ce geste pour sa fille. Elle m'a expliqué qu'elle n'arrivait pas à rester tranquille quand elle venait avec elle dans l'eau, elle pleure et panique rien qu'en voyant l'eau de loin. Axel, qui n'était pas présent le jour où sa fille a eu son accident, ne peut tout simplement pas imaginer son bébé près de l'eau. Les parents m'ont expliqué qu'ils étaient bien trop affolés pour qu'Allison soit assez détendue pour faire face à sa peur. J'essaye donc de les aider du mieux que je peux.
Le lendemain, nous recommençons et ainsi de suite pendant presque une semaine où cette fois Allison accepte de se mettre entièrement dans l'eau avec moi. Nous avons avancé petit à petit mais nous y sommes. Je lui ai dit plusieurs fois que j'étais très fier de ses progrès rapides.
Je la tiens dans mes bras, elle me serre le cou et je m'accroupis dans la piscine pour qu'elle soit mouillée jusqu'aux épaules, mais qu'elle ait pieds à l'endroit où nous sommes. Elle se sent rassurée et peut enfin se détendre un peu.
-Maman!! Je suis dans l'eau regarde moi!!!!
Isabelle est assise sur la terrasse et se lève pour applaudir sa fille qui lui offre un immense sourire.
-Bravo ma chérie!! Tu la tiens Raph, hein?
-Oui. Arrête... Hey ma puce, tu veux qu'on fasse la toupie?
-Euh oui.
-Accroche toi.
Nous tournons sur nous mêmes et ça la fait rire. Bon sang que j'aime le rire des enfants, c'est tellement pur et agréable.
Nous continuons en avançant un peu plus et nous arrivons même à ce qu'Allison se détache de moi à la condition que je lui tienne la main.
Je la fais flotter en la tenant sous le ventre, aidé par ses brassards. J'attrape ses deux mains et lui montre comment s'allonger et taper des pieds pour pouvoir avancer. Je la tire et la fait nager. Sa petite bouille est trop marrante, ses joues roses gonflées pour ne pas avaler d'eau et retenir sa respiration, ses petits yeux fermés à cause des éclaboussures. Sa mère n'en loupe pas une seconde et nous mitraille avec son appareil photo.
Je souris devant ce spectacle trop mignon qu'elle m'offre. Elle est heureuse de pouvoir enfin faire comme ses copines, ne plus avoir peur même si je vois quand même beaucoup d'appréhension dans ses yeux.
-Tonton?
-Oui ma puce.
-Je suis fatiguée...
Je l'attire contre moi et la prends dans mes bras. Elle essuie ses yeux en inspirant et expirant fort du à l'effort qu'elle vient de faire.
-On arrête de nager mais tu veux encore rester un peu dans l'eau?
-Ouiiii.
Je m'amuse donc encore un peu avec elle. Elle m'éclabousse avec ses mains, ce qui la fait rire de plus en plus fort quand je la sens se redresser d'un seul coup en regardant par dessus mon épaule derrière moi.
-Parrain!!!!!
Je me retourne pour voir de qui il s'agit et ... Mon cœur loupe un battement pour repartir comme un fou quand je croise deux yeux bleus que j'ai si bien connu autrefois et dans lesquels je me perdais pendant des heures.
Il est debout devant la piscine, il est vêtu d'un short beige et d'un t-shirt kaki. Ses cheveux sont un peu plus courts, il a des lunettes de soleil sur la tête et il tient un paquet cadeau aux couleurs rose et doré dans ses mains. Nos regards plongent l'un dans l'autre, ses sourcils se froncent un peu et ses lèvres s'ouvrent à peine comme s'il allait parler mais aucun son ne sort de sa bouche. Allison essaye de sortir de mes bras pour le rejoindre, elle m'appelle, me tape l'épaule, j'entends sa voix au loin comme si elle était à l'intérieur de la maison... Je me décale un peu sur le coté sans perdre le contact avec mon vis à vis et j'aide la petite en la posant sur le bord de la piscine. Elle se relève et part en courant contre les jambes de Val...
Val est là, devant moi... Je ne rêve pas...
Isabelle arrive à son tour et s'approche de son meilleur ami qui n'a fait aucun mouvement depuis que nous nous fixons. Il secoue légèrement la tête avant de tourner son visage vers ma cousine qui lui dit bonjour, je crois, mais ses yeux ne me quittent pas. Il faut que l'un de nous rompe ce contact visuel, j'ai l'impression que mon cœur va exploser à force de battre si fort.
Je suis celui qui décide, ou qui arrive, à détourner mon regard en premier, non pas que je le veuille vraiment mais j'ai besoin de retrouver un peu mes esprits. Je me retourne et sors de la piscine pour attraper une serviette sur le transat juste à coté de moi. Je la prends dans mes mains et me retourne à nouveau quand j'entends sa voix, un peu plus grave qu'avant, murmurer mon prénom comme pour vérifier que cette rencontre est bien réelle. Son premier mot est pour moi, un sourire se pose sur mes lèvres alors que je suis englouti par un torrent d'émotions diverses. La joie de le revoir, l'angoisse qu'il ne m'ait pas reconnu, la surprise qu'il soit là au même moment que moi et l'amour que j'ai toujours pour lui malgré les années... Ce n'est plus tout à fait le même amour que j'avais parce que les années de séparation ne les ont malheureusement pas épargné mais c'est un amour tout de même incommensurable, indéchiffrable, infini...
Je m'avance légèrement vers lui.
-Val... ça faisait longtemps.
-Oui.
-Parrain il connait tonton? C'est trop bien.
Val sourit en coin et se baisse pour être à la hauteur d'Allison. J'en profite pour me sécher un peu et entourer la serviette autour de mes hanches.
-Oui ma puce, on se connait. Tiens c'est pour toi, c'est un petit cadeau parce que maman m'a dit que tu avais été sage.
-Oh merci parrain! Je peux l'ouvrir maman?
-Oui, viens, on va se sécher et laisser ces deux là se dire bonjour. On rentre, si ça vous intéresse.
-Ouais...
Ma voix paraît légèrement indifférente mais ça m'est égal.
-Ouais.
Valentino... je n'y crois pas...
Il ne me lâche pas du regard. Ses yeux se perdent un instant sur mon torse et mes bras puis remontent rapidement dans mes iris. Il semble légèrement gêné mais essaye de le dissimuler. Isabelle rentre et coulisse la porte de la baie vitrée derrière elle pour la refermer. Je la regarde, j'aurais peut être préféré qu'elle reste encore un peu avec nous. Le temps que je sois un peu plus à l'aise... Elle me jette un petit regard empli de sous entendus avant de se retourner et nous laisser seuls.
Je reviens à lui, je ne sais pas quoi lui dire, je ne suis pas prêt à lui parler, je me sens si nerveux et ...
-Alors tu es en vacances?
C'est lui qui prend la parole en premier et attend ma réponse.
-Oh euh oui, enfin pour le moment oui. Et toi aussi?
-Ouais j'ai pu en prendre un peu.
-C'est cool.
-Ouais...
Un petit silence s'installe entre nous. Nous entendons quelques oiseaux chanter par delà la maison. Je me racle la gorge, j'essaye de trouver quelque chose à dire mais encore une fois il me devance.
-Et ça se passe bien pour toi, au Canada, c'est ça?
-Oui, c'est sympa. Je travaille pour une maison d'édition où je fais des traductions de livres et toutes sortes d'écrits, c'est vraiment bien.
-C'est ce que tu voulais faire alors j'imagine que ça doit être bien.
-Oui.... Et toi? Tu travailles dans quoi?
-Je suis restaurateur d'œuvres d'art.
-Ça doit être passionnant. Tu dois voir des choses magnifiques.
-Oui. Je reviens justement de Florence d'ailleurs, j'ai travaillé sur un tableau de Sandro Botticelli.
-Waouh... impressionnant.
-Oui plutôt...
Voilà à nouveau le silence qui s'installe entre nous... Bon sang, ça fait douze années que l'on ne s'est pas vus et nous n'avons rien à nous dire.
C'est frustrant...
Je lui souris, je suis terriblement mal à l'aise. Je ne sais même pas pourquoi... En fait si, le revoir comme ça après toutes ces années sans m'être préparé avant me fout la trouille. J'ai peur de dire quelque chose de déplacé.
-Bon ... et bien ... ça m'a fait plaisir de te revoir Raphaël. Excuse moi je vais voir Al et Isa à l'intérieur.
-Oui euh moi aussi ça m'a fait plaisir. Bien sûr, oui.
Je le laisse s'avancer vers la baie vitrée. Il passe à côté de moi, l'odeur de son parfum plane après son passage. C'est exquis, une fragrance boisée florale qui m'enivre. Mon cœur bat toujours aussi fort dans ma poitrine, j'ai des frissons sur tout le corps et des centaines de souvenirs qui me reviennent en tête.
J'attends qu'il soit entré à l'intérieur. Juste avant qu'il ne referme il se tourne vers moi et me sourit. C'est indescriptible, je n'arrive pas à savoir ce qui se cache derrière ce petit sourire. Est-ce un peu de joie, de la tristesse, de la nostalgie ou bien de la déception? Il disparait à l'intérieur de la maison en un instant, comme s'il n'avait jamais été là debout devant moi.
Dans mon cerveau qui se remet enfin en marche, j'ai tout un dialogue qui se créé, tout un tas de questions que j'aurais aimé lui poser, tout un tas de choses que j'aurais voulu lui dire... Comme le fait que je ne l'ai jamais oublié, que je pense à lui très souvent en me demandant si lui aussi pense aussi à moi. Mais tout arrive trop tard... Je n'ai pas pu faire fonctionner mes neurones dans le plus merveilleux des moments que je n'ai eu depuis très longtemps. Je secoue la tête en me traitant d'idiot...
Je ferme les yeux et bascule ma tête en arrière.
- Je suis vraiment trop con...
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