Partie 2 Chapitre 2



-Alors tu as fait bon voyage?

-Oui ça peut aller.

-Tu n'as que ça comme bagages?

-Oui mes cartons sont chez un ami à Vancouver. Il me les expédiera quand j'aurai trouvé un logement.

-Un logement?

-Oh oui, je ne t'ai pas dit... Je reviens vivre en France. Je n'ai pas encore choisi dans quelle ville je vais m'installer. L'entreprise pour laquelle je travaille possède trois succursales et je peux décider d'aller où je veux.

-Je suis tellement heureuse que tu reviennes. J'ai l'impression de redevenir une adolescente quand tu es là.

-Tu en as la taille en tout cas, enfin sauf ça.

Je lui pointe son ventre et elle rigole doucement.

-Oh la ferme, tu ne vas pas t'y mettre toi non plus sur ma taille. Et oui tu vois moi aussi j'ai des surprises. 

-Comment ça moi non plus. Tu veux que je corrige ton mari ?

-Non ce n'est pas lui. Mais laisse tomber. J'ai tout un programme pour nous. Tu ne vas plus vouloir partir après ça.

-Hé calme toi ma belle, je suis en vacances pour l'instant. J'ai deux mois avant de devoir choisir la ville où je veux m'établir et donc me préparer psychologiquement.

-Il va te falloir au moins ça minimum. Ça va te changer du Canada.

-Oui mais je n'avais plus de possibilité d'évolution là bas et puis j'avais envie de revenir un peu. Peut-être que je partirai en Italie ou en Australie plus tard... je ne sais pas.

-À peine arrivé que tu parles déjà de repartir, tu n'es pas croyable.

-Et ce bébé est prévu pour quand ? demandé-je pour changer de sujet.

-Normalement le treize octobre.

-Dommage, à un mois près on aurait pu fêter nos anniversaires en même temps. T'as mal calculé.

Nous rigolons en montant dans la voiture garée sur le parking de la petite gare de Sète. Je jette un coup d'œil autour de moi, beaucoup de souvenirs me reviennent, des bons mais aussi des moins bons. Rien n'a changé sauf nous qui avons vieilli.

Le temps est passé mais Isa est toujours la même, cette fille un peu fofolle et adorable. J'ai vraiment hâte de la voir en maman, de rencontrer sa fille et de pouvoir revoir celui qui arrive à la supporter depuis tant d'années. Je dois avouer qu'il a du courage.

Sur le trajet Isa me parle un peu de tout ce que j'ai loupé depuis quelques années. Elle qui était partie sur Paris pour devenir actrice, n'a pas réussi à tenir la distance avec Sète. En effet l'été où j'ai rencontré Val, l'homme qui partage sa vie aujourd'hui et elle se sont déclarés. Ils sont sortis ensemble à la fin de cet été là. Ils sont restés ensemble jusqu'à la fin de leur terminale et alors que chacun avait des projets différents dans des villes différentes ils ont voulu rester ensemble malgré la distance. Leur histoire aurait pu en être toute autre si Isa n'avait pas choisi de suivre son petit ami après avoir passé trois mois séparés. Ils se sont finalement installés vers Montpellier pendant trois ans et sont revenus vivre sur Sète quand Évelyne est tombée malade, puis maintenant sur Frontignan.

Nous arrivons à la maison familiale, dite la maison des cerisiers. Isa me précède en entrant dans la maison, je vois une petite tête blonde arrivée en courant et en criant « maman ». La petite fille entre en collision dans les jambes d'Isa et s'y accroche. Elle relève son visage et arbore un immense sourire plein de joie et de vie. Ses grands yeux tombent sur moi et elle se cache contre sa mère qui rigole.

-Et bien tu joues les timides toi maintenant? Viens ma puce. Tu as fait un gros dodo ?

Isa tend ses bras et la petite s'accroche au cou de sa mère tel un koala. Je lui souris et essaye de ne pas avoir l'air trop sérieux pour qu'elle n'ait pas peur de moi. Isa se tourne vers moi, elle caresse la joue de sa fille, lui replace une mèche de cheveux derrière l'oreille et tout bas lui explique qui je suis. Je deviens donc tonton Raphaël pour la petite Allison.

Les yeux de cette dernière sont curieux quand nous avançons et allons nous asseoir dans le salon. Cette maison n'a tellement pas changé... Ça me fait bizarre d'être à nouveau ici.

Quand je suis venu pour l'enterrement d'Évelyne je n'ai pas voulu revenir dans cette maison et j'ai préféré dormir à l'hôtel. Je ne pouvais pas, pas sans ma tante... Et même maintenant je me sens comme un intrus dans sa maison, comme si le fait qu'elle ne soit plus là ne m'autorise pas à y venir...

Isa doit voir que je ne suis pas très à l'aise, elle pose sa main sur mon avant-bras pour que je la regarde.

-Tu sais qu'elle serait heureuse de te voir ici. Tu es devenu un homme fier de qui tu es maintenant, et ça, elle aurait adoré.

-Merci Isa.

Le mari d'Isa, Axel, revient de la cuisine avec des rafraîchissements. Je me souviens encore du jour où tout intimidé il était venu l'inviter à faire un tour de manège avec lui, j'avais pu passer le reste de la soirée avec Val à faire des attractions ...

Pourquoi faut-il qu'à chaque souvenir que j'ai, Val y soit inclus ... Pourquoi je n'arrive pas à oublier la couleur de ses yeux, la douceur de sa peau ou son sourire si rare qui faisait naître cette petite fossette sur sa joue.

-Tu dois être fatigué Raphaël. On t'a préparé la chambre si tu veux.

-Merci Axel, je ne dirai pas non à une sieste mais j'ai peur de m'endormir trop profondément et de ne pas me réveiller après.

-On t'enverra notre petite monstresse, elle arriverait à réveiller un dragon.

Isa est morte de rire alors que la petite Allison fait une moue boudeuse et croise ses bras en disant « c'est même pas vrai ».

Je bois mon verre de thé glacé et je laisse ma cousine tenter de se réconcilier avec sa fille qui lui fait la tête. Axel m'accompagne jusqu'à la chambre d'amis. Il m'ouvre la porte et je reconnais cette petite chambre que j'ai squatté pendant les meilleurs deux mois d'été d'il y a quelques longues années de ma vie. Rien n'a changé, sauf peut être la place du petit fauteuil au fond, et encore...

J'y entre et tout me revient à nouveau, mes soirées ici seul quand Val m'avait un peu repoussé et que je pensais qu'il n'était pas intéressé par moi. Ces nuits où je me languissais de lui mais que je ne pouvais pas le rejoindre par peur de ne pas pouvoir me contrôler. Ces jours où j'attendais avec la plus grande impatience l'heure pour aller le retrouver et ce jour où j'ai dû partir d'ici pour rentrer chez moi.

Je sens a nouveau ses bras autour de moi, l'odeur de son parfum, le goût salé de ses larmes mêlées aux miennes quand nous avons dû nous dire au revoir.

Je me retourne et constate qu'Axel est parti et a même refermé la porte. J'enlève mes chaussures, retire mon pantalon et m'allonge dans ce lit où j'ai si souvent rêvé de mon premier amour.

Quelques petits coups frappés à ma porte m'extirpe du doux rêve que j'étais en train de faire. La poignée s'abaisse et je vois la petite tête blonde qui se penche sans oser entrer.

-Tu peux venir, je ne dors plus.

-Maman m'a dit de venir te réveiller pour manger.

-J'arrive, c'est gentil à toi de m'avoir réveillé en douceur et pas comme ta mère qui me sautait dessus comme si j'étais un matelas.

Isabelle passe sa tête dans l'embrasure de la porte.

-Hey, c'est même pas vrai. Je ne l'ai fait qu'une fois.

-Oui parce que t'as failli me castrer et que j'ai hurlé.

-Ne dis pas ce genre de mot devant une enfant, gros débile.

-Et toi ne dis pas ça, espèce de naine.

Allison éclate de rire en voyant que sa mère nous fait une magnifique interprétation du poisson rouge qui ouvre et ferme la bouche sans dire aucun mots.

Je me lève après que ces demoiselles soient sorties pour m'habiller et me joins à mes hôtes pour le diner. Je suis encore un peu fatigué à cause du trajet et le décalage horaire n'arrange rien. Nous dinons et ainsi j'en apprends un peu plus sur Axel que je ne connais pas vraiment. C'est un homme très gentil, très amoureux de ma cousine et on se demande comment il fait avec le caractère de cochon qu'elle a. La petite Allison est très sage, rien à voir avec Isa quand elle était petite.

Elle lutte pour rester avec nous sur la terrasse mais ses petits yeux se ferment tous seuls alors qu'elle essayait de finir un coloriage. Axel la porte et l'amène à son lit. Isa et moi restons tous les deux, assis sur les fauteuils installés dans le jardin éclairé par quelques lanternes.

-Alors, tu as laissé quelqu'un derrière toi à Vancouver?

-Non, personne.

-Je croyais que tu avais un petit ami, enfin il y a quelques mois tu en avais parlé au téléphone et je pensais que vous étiez encore ensemble.

-Non, on s'est séparé peu de temps avant que je ne revienne ici.

-Désolée. Tu sais quand on était jeunes, je ne savais pas que tu étais gay, enfin je m'excuse de t'avoir un peu forcé la main pour sortir avec Marie. Elle t'avait repéré et n'arrêtait pas de me parler de toi.

-Ce n'est pas grave. C'était il y a longtemps et puis tu ne pouvais pas savoir, il n'y avait que ta mère qui savait.

-Et ... hum...

-Oui?

-Et bien comme vous étiez souvent ensemble avec Val... vous étiez "ensemble" c'est ça?

-Pourquoi tu veux savoir?

-Comme ça... Il n'a jamais vraiment dit oui mais je ne suis pas stupide. J'ai vu comment vous vous regardiez et puis si ça n'avait pas été le cas, il n'aurait pas autant pleuré quand tu es parti.

Sa phrase me fait l'effet d'un coup de poignard en plein estomac. Je sens les larmes monter en l'imaginant pleurer sur le quai de la gare ou dans sa chambre. Je me lève pour qu'elle ne puisse pas voir mon visage et surtout mes larmes qui menacent de lâcher la pression.

-Pardon... je ne voulais pas Raph... mais je pensais que c'était loin tout ça.

Je me retourne en essayant d'arborer un sourire rassurant.

-Pas de soucis. Non ça va.

-Alors pourquoi tu pleures?

J'essuie mes joues rapidement en fuyant son regard compatissant.

-Tu sais moi aussi j'ai pleuré quand on s'est quittés. Ça a été dur pour moi aussi mais c'était il y a longtemps maintenant.

-Tu penses que tu ferais quoi si tu le revoyais?

-Sincèrement je ne sais pas. Il a été mon premier amour alors que je savais qu'on ne pourrait pas être ensemble plus que le temps qu'on a eu. Je n'ai pas pu contrôler mes sentiments. J'imagine qu'aujourd'hui il a quelqu'un dans sa vie et qu'il m'a oublié depuis le temps. En tout cas je le lui souhaite.

-Et toi ? Tu as pu l'oublier ?

-Je crois que ça se voit.

Je renifle alors qu'Axel revient vers nous. Isabelle le voit et m'offre un sourire aussi doux que ceux qu'Évelyne m'offrait quand je n'allais pas bien. Nous arrêtons ainsi notre conversation et partons sur un autre sujet qui me blesse beaucoup moins.

Le soleil s'est couché et nous sommes encore en train de parler de tout et de rien en buvant une bière. L'air est frais ce soir alors je rentre pour prendre un pull ou une veste. En passant par le salon je tombe sur une photo que je n'avais pas vu en arrivant. Je prends le cadre entre mes mains et prends mon temps pour observer chaque trait de ce visage que j'ai connu autrefois et qui est sur cette photo, un immense sourire au visage, ses yeux magnifiques qui reflètent le bonheur et toujours cette petite fossette sur sa joue.

-C'était l'année dernière. Pour le baptême d'Allison.

Je me retourne en entendant la voix d'Isabelle. Je repose le cadre à sa place.

-Il n'a pas beaucoup changé, avoué-je.

-Non c'est vrai, il est toujours aussi beau.

-Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

-Je sais mais c'est ce que tes yeux disent et je suis presque sûre que ton cœur aussi.

Je lui souris pour simple réponse. Je ne vais pas mentir ou chercher à me cacher derrière de fausses vérités qui n'arrangeraient pas mon cas désespéré.

-J'en ai d'autres de lui si tu veux.

-Non, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

-Comme tu veux. Bon moi je vais vous laisser entre hommes, je commence à être fatiguée et la princesse qui s'est endormie ne m'épargnera pas demain. Bonne nuit cousin.

-Bonne nuit à toi aussi.

Isabelle me fait un baiser sur la joue et part se coucher. Je rejoins Axel pour lui demander comment il fait pour la supporter. Nous parlons ainsi d'Isabelle et de ses colères, ses bêtises ou bien ses moments de "râlage" pendant plus de deux heures. La soirée s'achève quand je raconte la fois où Isabelle qui avait huit ans, avait décidé de se couper les cheveux alors que sa mère ne voulait pas et qu'elle l'avait quand même fait. Nous rigolons tellement fort quand je ressors une photo que nous avions prise ce jour là. Je la garde toujours dans mon téléphone pour lui faire du chantage si jamais elle osait m'en faire, ce qui est arrivé plusieurs fois quand nous étions petits mais bizarrement plus après que j'ai pu récupérer cette magnifique photo d'elle avec un énorme trou dans sa frange.

Nous rentrons enfin, après que je l'ai envoyé sur le téléphone d'Axel, pour nous coucher nous aussi. La nuit est noire et les étoiles brillent intensément dans le ciel. Il est plus que l'heure d'aller dormir.

J'entre à nouveau dans la petite chambre pour récupérer mon nécessaire à toilettes ranger dans ma valise. Je pars me doucher rapidement afin de pouvoir me sentir frais et propre pour pouvoir rêver encore peut-être de lui. Je repasse par le salon avant d'aller dans ma chambre et regarde à nouveau cette photo de lui. Il est toujours aussi beau, ça c'est vrai. Ses yeux bleus ont toujours cette petite étincelle quand il est heureux. La seule chose qui ait changé est qu'il arbore une barbe de plusieurs jours, ce qui lui va très bien et qui fait que ça lui donne un air bien plus viril. Je caresse son visage une dernière fois avant de rejoindre mon lit.

Cette nuit j'ai attendu le sommeil longtemps mais peut-être n'était-ce pas la seule chose que j'attendais. Je me suis levé de ce grand lit et je me suis assis sur le rebord de la fenêtre. J'ai attendu que mes yeux s'habituent à l'obscurité et j'ai cherché sa maison par delà la haie. J'ai trouvé sa chambre que je passais mon temps à observer. Elle est malheureusement cachée derrière ces immenses volets bleus fermés mais je sais qu'elle est toujours là, nos moments intimes, passionnés ou simplement juste amoureux, emprisonnés dans ses murs...

-Te reverrai-je un jour?

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