Chapitre 5 : Incendie

Étant donné que la veille je n'avais pas eu cours, ce jour-là n'était qu'un simple mercredi avec seulement quatres heures de cours. Heureusement d'ailleurs car avec la nuit que j'avais passé, je n'en aurais pas supporté plus.

Je me suis dirigée vers la salle d'anglais avec appréhension, car je n'étais pas sûre de pouvoir survivre à l'heure avec Mme Guervis. Pourquoi ? Elle ne supportait pas lorsque quelqu'un ne suivait pas son cours, et vu l'état dans lequel j'étais, je sentais que j'allais bien commencer l'année...

Tout le monde attendait dans les couloirs la venue de notre professeur, qui, comme d'habitude, n'était jamais à l'heure ! Alors qu'on commençait à s'impatienter, des cheveux grisonnant et bouclés grossièrement arrivèrent dans mon champ de vision. Quelque part derrière moi, une voix avait chuchoté :

- Chaud devant, la sorcière arrive !

Il y a eu quelques ricanements qui se sont très vite tus à l'arrivée de Mme Guervis. S'était une dame d'une soixantaine d'années, petite, assez rondelette mais à la mine sévère. Très sévère. Où qu'elle aille, elle portait toujours un trousseau de clés en pâte fimo, dans ses main. Ne me demandez pas pourquoi, j'en sais rien.

Je me suis assise au fond de la salle, comme à chaque fois, et ai commencé la longue attente de la sonnerie.

Alors que j'étais en train de faire semblant d'écrire dans mon cahier, un léger courant d'air m'a fait frissonner. J'ai levé la tête en direction des fenêtres, mais elles étaient toutes fermées. La porte ? Fermée, elle aussi. Pourtant, je ressentais toujours ce courant d'air. En cherchant avec plus d'attention, je me suis rendu compte qu'en réalité, ça n'avait rien d'un courant d'air. Et c'est en me concentrant davantage sur cet étrange phénomène, que j'ai réalisé que c'était juste la présence. Vous savez, celle qui me suivais partout comme un petit chien. Elle était en train de passer à toute vitesse à côté de moi. Je ne la voyais pas mais je la sentais. Je savais qu'elle était là. Au moment où j'ai pensé cette phrase, elle a disparue, comme à chaque fois. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander : "Quand reviendra-t-elle ?", car elle revenait tout le temps. Elle ne partait jamais définitivement.

***

Pour un mercredi matin, la journée avait été très dure. J'avais passé mon temps à ruminer sur le rêve étrange que j'avais fait la nuit dernière.

«Arrête de penser à ça ! Je me sens vraiment seule là. Si ça se trouve, c'est juste ton subconscient qui en a marre de te faire voir la même chose et qui t'a montré autre chose !» m'avait dit Lucie. Mais c'est facile à dire quand ça ne t'est jamais arrivé ! Je savais qu'elle m'avait dit cela pour me rassurer mais pourtant, au fond de moi, sans pouvoir l'expliquer, j'étais convaincue que cette femme s'était adressée à moi. Mais ça n'avait aucun sens ! Personne ne peut communiquer par le biais d'un rêve ! En plus, si c'était le cas, pouquoi aurait-elle récité cette sorte de poésie, ou de truc très bizarre ?

En plus de ça, pendant les deux dernières heures de cours - maths et histoire-géo (Youpi ! Notez bien l'ironie dans cette exclamation...)- Peureuse (pendant la récré, j'avais trouvé ce prénom qui lui correspondait très bien, vu qu'elle s'en allait dès qu'elle se rendait compte que je l'avais remarqué), n'avait pas arrêté de me tourner autour. Contrairement à son apparition furtive pendant mon cours d'anglais, là, on aurait dit qu'elle essayait d'attirer mon attention. Des fois, elle tournait même si vite autour de moi, qu'elle faisait du vent.

À un moment, Lucie avait posé sa main sur mon bras et l'avait retiré immédiatement comme si elle s'était brûlé et m'avait dit : «Eh ! Mais t'es gelée ! T'as froid ?» Alors qu'en réalité, c'était juste Peureuse qui était passée tellement vite, qu'elle avait gelé les doigts de Lucie. Je ne savais pas ce qu'il se passait, mais l'attitude de cette présence était très étrange.

Je me dirigeais maintenant vers le portail du collège, et il me semblait que Peureuse s'agitait de plus en plus.

- C'est bon arrête ! Je sais pas ce que tu veux mais tu commences sérieusement à m'agacer ! me suis-je exclamée, énervée.

J'avais, cependant, dû parler un peu trop fort vu les regards curieux qui s'étaient tournés vers moi. J'ai accéléré mon rythme pour partir aussi vite que je pouvais. Sérieusement, pourquoi Charlemagne a inventé l'école ? C'est terriblement ennuyeux pour les gens comme moi, qui n'aiment pas ça.

Le portail passé, j'ai attrapé mon téléphone, mis mes écouteurs et je suis partie en direction de chez moi. Mais l'attitude de Peureuse m'inquiétait de plus en plus. Elle n'avait jamais été comme ça. Pourquoi restait-elle avec moi ? Elle devrait déjà être partie... J'essayais de penser à autre chose en me persuadant qu'elle avait changé, et qu'elle voulait rester avec moi. Mais si c'était pour une autre raison... ?

Plus je m'approchais de chez moi et plus Peureuse tournait vite. Il fallait vraiment qu'elle se calme !

Alors que je n'étais plus qu'à un petit kilomètre de ma maison, une odeur de brûlé m'a chatouillé les narines. Une odeur de brûlé !? C'est à l'instant où je l'ai pensé que j'ai compris que quelque chose n'allait pas. Je me suis mise à courir dans cette direction.

Plus j'avançais, plus je sentais la panique s'insinuer dans mon esprit. Que se passait-il ? J'ai accéléré. J'allais si vite que je sentais à peine mes pieds toucher le sol. Mes longs cheveux, que j'avais laissé détachés fouettaient mon visage, au rythme de mes mouvements.

- Oh mon dieu !

Je venais de réaliser que ce jour, on était mercredi. Jour où mon père travaillait dans son bureau. Lorsqu'il travaillait, tout ce qu'il y avait autour n'existait plus. Si l'odeur de brûlé venait de chez moi, il n'aurait rien senti !

J'ai pilé net. La panique me saisissant à la gorge. J'étais terrifiée, paniquée. Mon souffle était coupé, m'empêchant de respirer. Je me suis néanmoins forcée à reprendre mes esprits. Puis, ma course.

J'ai traversé la dernière rue. Étrangement je n'était pas fatiguée. Toute mon énergie m'était fournie par l'adrénaline qui ne cessait d'augmenter. Arrivée devant le bâtiment, j'ai été saisie d'effroi.

La maison que j'avais toujours considéré comme mon abris, mon refuge, un des seuls endroits au monde où je me sentais bien, était à présent en feu. D'immenses langues de feu s'échappaient des fenêtres et de la porte d'entrée. Les flammes consumaient, petit à petit, les seuls souvenirs qu'il me restait de ma mère. J'étais pétrifiée. Puis soudain, la détresse s'est emparée de mon corps. J'ai fouillé dans mon sac, les mains rendues moites par la panique, à la recherche de mon téléphone. J'ai cherché dans mon répertoire, puis ai déclanché l'appel. Je tremblais comme une feuille. Et s'il lui était arrivé malheur !? Qu'est-ce que je deviendrais ? Sans lui, ma vie n'aurait plus aucun sens. Déjà, après le départ de ma mère, une partie de moi avait été déchirée, perdue à jamais.

- Allez Papa ! Je t'en supplie réponds-moi !

Après encore une ou deux sonnerie, je suis tombé sur le répondeur. La détresse me gagnait, sans que je puisse rien faire. Mes efforts récents commençaient à se faire sentir. Mes bras pesaient une tonne. Mes jambes semblaient être faites de plomb. Mais je résistais. Je devais tenir. Pour le bien de mon père. J'ai retenté ma chance au comble du désespoir.

- S'il te plaît !

Ma supplication ne devait plus être qu'une plainte sourde. Mais personne n'a répondu. Je suis tombée à genoux, le visage inondé de larmes. Seule la voix du répondeur s'est adressé à moi. Comme si rien ne s'était passé ! Comme si mon père n'avait jamais été dans ce fichu bureau au sous sol ! Comme si tout cela n'avait jamais eu lieu. Mon téléphone m'a glissé des doigts et est allé se fracasser par terre. Puis, je me suis, à mon tour, effondrée par terre, n'ayant plus le courage de résister à quoi que ce soit.

J'ai vaguement senti quelqu'un ou quelque chose me traîner. Mais je n'avais plus la force de résister. Mon père était la seule chose qu'il me restait et on me l'avait enlevé. Le corps vidé de toute énergie, j'ai sombré dans le néant.

------------------------------

Hey !

Chapitre plus court que les autres. J'espère que vous l'avez quand même apprécié... :) N'hésitez pas à me donner votre avis ! ;)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top