Chapitre 4 : Prisonnière
Quand j'ai eu passé l'arche de fleurs indiquant l'entrée du bois, j'ai entamé ma promenade habituelle.
J'adorais laisser mes mains caresser les hautes herbes, les fleurs aux mille couleurs différentes, les arbres de toutes les espèces... Mais ce que j'aimais par-dessus tout, c'était la symphonie de tous les sons. Les oiseaux aux chants magnifiques, les animaux appelant leurs petits, les fruits tombant de leur arbre, le bruissement des feuilles sous chaque pas que je faisais...
Le mélange de tout cela, créait une musique douce et enivrante, presque hypnotique, guidant tous mes gestes sans que je n'y fasse attention.
Je connaissais cette forêt par coeur, les chemins praticables, les cachettes que seules Lucie et moi connaissions, les points d'observation pour faire mes dessins... Ainsi, lorsque je suis arrivée dans mon coin secret, j'ai directement remarqué que quelque chose était différent. Habituellement, lorsque je me faufilais sous le buisson donnant sur la petite prairie, les branches me fouettaient le visage, parfois, les ronces me griffaient les bras et les jambes. Là, rien. Pas une griffure, éraflure ou trace rouge. Rien. C'était comme si le buisson s'ouvrait à moi, me traçait un chemin. C'est peut-être étrange mais c'était la sensation que j'avais. Je suis sortie prudemment du buisson, par peur que quelqu'un soit caché à côté de moi.
Mais quelle a été ma surprise, quand j'ai découvert, au centre du cercle de lumière créé par le soleil, un louveteau endormi ! Il n'était pas plus grand que mon avant bras. Sa fourrure d'un blanc neige aux reflets argentés brillait avec les rayons du soleil.
- Mais quelle mère peut abandonner une boule de poils aussi mignonne ? ai-je dit attendrie.
Je me suis approchée du bébé et ai délicatement posé ma main sur sa fourrure soyeuse. À peine l'ai-je effleurer du bout des doigts qu'il était sur ces pattes, babines retroussées et regard menaçant. Je crois que pour "mignon" on verra plus tard ! Je me suis relevée d'un bond et suis partie à la recherche d'un bâton ou quelque chose qui pourrait le tenir à distance. Mais chaque fois qu'un objet me tombait sous la main, il explosait en une centaine d'étoiles. Au moment où j'allais en attraper un autre, je me suis retrouvée étalée par terre avec pour seule protection : mes bras. Le louveteau s'approchait dangereusement de moi et n'était plus qu'à cinq mètres... trois mètres... un mètre... Pourquoi avais-je aussi peur ? Il ne mesurait même pas un dixième de ma taille ! Mais j'étais terrifiée. Au moment où il allait me sauter dessus, je me suis servi de la seule chose qu'il me restait en mettant mes bras devant mon visage, ma main droite tournée vers le ciel. J'ai fermé les yeux et ai attendu.
Rien ne s'est passé. Le spectacle qui s'est alors offert à moi, était stupéfiant : devant moi se trouvait le louveteau qui jusque là était... comment dire... menaçant ! Et bien il était maintenant en train de dormir à mes pieds ! Le plus étrange était là bulle transparente qui l'entourait.
Qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Je ne comprenais rien. Je devais être dans un rêve mais non, tout ceci était bien réel.
Je me suis levée péniblement et me suis approchée, aux aguets, du louveteau. J'hésitais à passer ma main à travers la bulle. Après tout je ne savais même pas ce que c'était. Je m'imaginais divers scénarios : je posais ma main dessus et me faisais électrifiée ; je passais ma main au travers et me retrouvais moi même dans une bulle en train de flotter aux grés des vents jusqu'à ce qu'elle éclate et que je tombe dans le vide.
J'ai secoué la tête exaspérée par mes propres pensées et ai pris mon courage à deux mains et ai posé délicatement ma main, secouée de spasmes. Ce qui devait sûrement être dû au stress. Puis j'ai fermé les yeux (oui, ça devait être une habitude chez moi...). Encore une fois, j'ai été très surprise quand j'ai ouvert les yeux et que j'ai vu qu'il ne s'était rien passé. Ou en tout cas rien de ce que j'avais imaginé.
Ma main était bien passée à travers l'étrange bulle mais rien ne s'était produit, pas d'électrocution, pas d'envol... Ma main s'est juste retrouvée dans la bulle comme si elle n'existait pas. J'ai agité mes doigts pour m'assurer que je les sentais bien, ce qui était le cas.
Mon extase terminée, j'ai soudain repris mes esprits et me suis rendue compte qu'à seulement quelques centimètres de mon majeur, se trouvais la gueule du louveteau. Apeurée, j'ai retiré mon bras tellement brusquement de la bulle, que celle-ci a éclaté en mille morceaux, ce qui a eu pour seul effet de réveiller l'animal qui dormait à l'intérieur.
Il a ouvert timidement les yeux et m'a regardé de ses petites billes noires. L'animosité qui s'y trouvait avait complètement disparue, il s'est approché de moi et s'est frotté à ma jambe. On aurait dit un chat ! Toute ma peur a disparu en un clin d'oeil et je me suis baissée pour le caresser.
C'est à cet instant, que ça m'a frappé. Qu'est-ce que faisait un louveteau d'à peine un mois, à priori sans sa mère, en plein milieu d'un pré ? Je ne pouvais pas le laisser là ! Mais je ne pouvais pas non plus le ramener à la maison, mon père n'aurais sûrement pas été d'accord... Une idée m'est soudain venue à l'esprit : si je ne pouvais ni le laisser dans cette clairière ni à la maison, alors je pouvais le laisser à mi-chemin ! Si je me rappelais bien, à quelques dizaines de mètres de chez moi se trouvait une vieille tanière de renard. Je la remettrai en état et y laisserai le louveteau.
Ma décision prise, j'ai saisi cette minuscule créature et l'ai posé sur mon bras gauche, où se trouvait un petit nid improvisé avec ma veste. (Je sais qu'on était au mois de septembre mais je prenais toujours de quoi me couvrir en cas de besoin. On n'est jamais trop prudent...) Il n'a rien dit et s'est laissé faire. Bizarrement, je ne ressentais plus cette peur qui m'avais paralysée quelques minutes plus tôt.
***
La journée était vite passée, alors que d'habitude quand je me rendais dans les bois, je revenais toujours avec mon carnet rempli de croquis. Là, un seul s'y trouvait : le louveteau en train de dormir dans la tanière que je lui avait aménagée. L'entrée s'était effondrée, ce qui m'avais ainsi permis de l'installer dans la partie la plus large de la tanière. Sur le dessin, j'avais fait ressortir les reflets argentés de son pelage et avait mis la lumière de telle sorte que sa fourrure semblait briller. C'était la première fois qu'un de mes croquis me faisait cet effet, c'était comme si c'était réel : j'avais l'impression qu'en passant ma main dessus, je pouvais sentir la petite boule de poils sous mes doigts.
T'as un problème ma pauvre ! T'es au courant que c'est juste un dessin ! TON dessin !
- Merci de me soutenir, ça fait plaisir.
Voilà ce que j'avais envie de lui dire à cette fichue conscience, qui n'était même pas capable de me soutenir dans les moments où j'en avais besoin. Après tout, peut-être que les gens avaient raison, parce que même elle me disait que j'étais folle... De toute façon, à mon avis elles étaient toutes pareilles. C'est limite si je me demandais si elles n'existaient pas juste pour nous faire tomber en dépression...
Allongée sous mes draps, je ne pouvais m'empêcher de contempler mon oeuvre. Non que je sois narcissique, mais j'étais fière de ce que j'avais fait. Une voix m'est parvenue du couloir, m'interrompant dans ma réflexion.
- Allez Idril, on éteint la lumière !
- Oui papa ! ai-je grogné, agacée.
J'ai posé mon carnet sur la table de nuit, avant d'appuyer sur l'interrupteur de ma lampe de chevet.
- Voilà, bonne nuit !
- Bonne nuit ! ai-je entendu en retour.
J'ai fermé les yeux puis ai rapidement sombré dans les bras de Morphée.
Cette nuit-là, pour la première fois, je n'ai pas fait mon rêve habituel. Devant moi se tenait une femme qui inspirait le respect, malgré les chaînes qui lui retenaient les poignets et les chevilles. Sa longue robe dorée était déchirée et semblait avoir perdu son éclat. Sa chevelure dorée qui autrefois devait être sa fierté, retombait mollement sur ses épaules. Elle a soudain semblé se rendre compte de ma présence et s'est empressée de se relever. Mais c'était sans compter sur les chaînes qui la maintenait allongée. Elle a soufflé, sans doute las de se battre, puis se tourna à nouveau vers moi.
- As-tu trouvé Elemiah ?
J'ai essayé de répondre mais je ne pouvais pas. J'ai donc secoué la tête affirmativement.
Attendez !? Pourquoi affirmativement ? Je ne savais même pas de qui elle parlait ! Je me suis empressée de secouer la tête négativement mais je ne pouvais pas !
- Es-tu sûr qu'il ne lui arrivera rien ?
- Ne vous inquiétez pas, Aladiah, votre frère ne pourra rien lui faire, là où elle est.
- Ne m'appelez plus Aladiah ! s'est alors écriée la dame. Je ne suis plus celle que j'étais...
- Pardon, excusez-moi.
Ce n'est qu'à cet instant que j'ai réalisé que cette voix n'était pas la mienne ! Celle qui venait de parler était profonde et grave. Pourtant elle était bien sortie de ma bouche. J'ai baissé la tête, surprise par le ton qu'elle avait employé, et c'est avec effroi que je me suis rendu compte que le corps dans lequel j'étais, n'était pas non plus le mien !
Mais qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Je devais avoir des hallucinations. Je me suis soudain souvenue que je dormais. J'en suis donc venue à la conclusion que faisais juste un rêve bizarre. D'autant plus qu'en général lorsque je rêvais, je n'étais pas aussi consciente...
Reprenant mes esprits, j'ai profité du fait d'avoir baissé la tête sous le ton autoritaire de cette femme pour observer se qui m'entourait. Un simple coup d'oeil sur la droite m'a appris que j'étais dans une prison, en raison de la lourde porte en fer forgé qui empêchait toute sortie de cette pièce minuscule. Pièce qui devait d'ailleurs faire six mètres carrés avec pour seuls ameublements, un matelas abîmé par le temps et un petit robinet qui devait dater des années 50 tellement il était rouillé et craqué.
Alors que Jaques (j'avais décidé de l'appeler de cette façon) allais partir, la dame (dont je ne connaissais toujours pas le nom, à moins que ce ne soit le prénom qu'avait emprunté Jaques pour lui parler tout à l'heure) a planté son regard hypnotique dans le mien et a dit :
- Toi qui dors et qui veille en silence,
Trouve celle qui porta le nom d'Elemiah,
Elle vit mais ignore de son innocence,
Elle naquit à l'abris d'Ilinémiah,
Au coeur du berceau de l'essence.
Jaques a semblé reprendre vie et a terminé son mouvement et s'est précipité vers la sortie. La femme a crié dans son dos :
- Tu dois trouver le sanctuaire ! Là-bas, tu trouveras toute l'aide dont tu auras besoin ! N'oublie pas : la marque est la clé !
Mais sans savoir pourquoi, j'avais plus l'impression qu'elle s'adressait à moi plutôt qu'à mon "hôte"...
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Voilà ! Un nouveau chapitre de publié ! J'espère qu'il vous a plu.
Bisous 😘
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