Chapitre 3 : Une nuit mouvementée

« Non, je ne suis pas folle, ce garçon m'a appelée. »

Cela faisait bientôt une semaine que j'essayais, en vain, de m'en persuader.

Si je n'avais pas perdu la tête, comment expliquer les étranges événements qui se sont déroulés en une journée ?

D'abord cette phrase, puis cet homme dont Lucie avait visiblement aucun souvenir et pour finir cet appel dont toute trace a disparue !

Déjà que depuis toute petite, j'ai l'impression d'être un extraterrestre avec cette présence qui me suit partout, comme un petit chien qui ne voulait pas me lâcher.

Quand je me promenais tranquillement dans la rue, je la ressentais derrière moi. Mais dès que je me retournais, elle disparaissait. Comme si elle avait peur de moi. J'étais peut-être folle. Qui sait ?

Après tout, les gens avaient peut-être raison. Toutes ces choses anormales qui m'arrivaient le montraient bien.

Mais moi j'y croyais, j'étais persuadée que tout ça existait bel et bien. Seulement comment l'expliquer à quelqu'un qui ne les voyait pas. Pour eux j'avais perdu la tête et rien de plus.

- Allô ! Il y a quelqu'un ?

J'ai sursauté à la voix de mon père.

Décidément je passais mon temps à sursauter ces temps-ci...

- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Ces derniers temps, tu es souvent dans les nuages, ou sur une autre planète, je ne sais pas... Il a soupiré. Tu sais Idril, s'il se passe quoi que ce soit, tu peux m'en parler. Il y a des choses pour lesquelles je ne suis pas très doué, mais écouter, ça je sais faire...

Quand il me parlait des choses pour lesquelles il n'est pas très doué, il parlait de ma mère...

Cela faisait bientôt dix ans qu'elle était partie, et qu'on avait plus de nouvelles. Il pensait toujours que c'était à cause de lui qu'elle était partie, mais moi j'avais toujours pensé que c'était pour une autre raison.

- T'inquiète pas papa, je n'ai rien. Je suis juste un peu fatigué.

- Même ma salade ne te remonte pas le moral ? m'a-t-il demandé tristement.

- Je suis désolée, mais ce soir, je n'ai vraiment pas faim. La seule chose dont j'ai envie, c'est de retrouver mon lit et de m'endormir.

- Dans ce cas, tu ferais peut-être mieux d'y aller maintenant...

- Tu as raison. Et je te promets que la prochaine fois que tu feras ta délicieuse salade, je la mangerai jusqu'à la dernière tomate ! lui ai-je dit avec un grand sourire.

Je me suis levée, ai débarrassé la table et suis partie dans la salle de bain, me laver les dents.

Alors que j'avais monté les deux premières marches des escaliers pour monter dans ma chambre, une voix s'est fait entendre.

- Tu n'aurais pas oublié quelque chose ?

En comprenant ce qu'il voulais dire, je suis redescendue aussi vite que j'étais montée, et me suis précipitée dans la salle à manger, en me traitant de tous les noms possibles pour avoir oublié.

Quand j'arrive dans la pièce, je me jette sur lui et lui faisant un bisous sur la joue.

- Excuse-moi papa ! J'ai complètement oublié !

- Ça j'ai remarqué...

- Bonne nuit !

- Bonne nuit ma chérie.

Cette fois je suis montée dans ma chambre et me suis couchée. Mais une fois dans mon lit, je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à ce garçon.

Pourquoi m'avait-il appelé ? Est-ce que c'était vraiment à cause de cette histoire de clé, ou c'était juste quelqu'un qui s'amusait ?

Alors que j'arrivais enfin à m'endormir, les rêves ont repris identiques aux précédents.

***

Un immense champ s'étendais autour de moi, partout n'était que fleur ou arbuste. Au loin, comme porté par les vents, trônais un magnifique portail, d'or et d'argent. J'étais attirée par cette magnificence, et sans m'en rendre compte, mes pieds se sont mis à courir, de plus en plus vite. J'aurais aimé les arrêter mais je ne pouvais pas, quelque chose m'en empêchait. Lorsque je n'étais plus qu'à une dizaine de mètres de mon objectif, la clé qui était apparue au creux de ma main, a glissé et est tombée. A l'instant où elle a rencontré l'herbe, un nuage s'est formé autour. Mais ce n'était pas n'importe quel nuage, celui-ci était blanc, immaculé de rouge, vert et rose. Je n'arrivais plus à quitter du regard cet étrange phénomène. Puis soudain, une main d'encre m'a saisit le bras et m'a entraînée avec la clé. J'avais mal, mon bras me faisait souffrir. Mais j'avais beau crier, l'encre me tirait toujours, de plus en plus profond. Au bout d'un temps qui m'a paru être une éternité, j'ai aperçu un rayon de lumière. Au bord du désespoir, j'ai dirigé mon visage vers ce qui semblait être un don du ciel. Mais quand mes yeux ont rencontré la lumière, cette dernière les a aveuglé et je me suis réveillée en sursaut, trempée de sueur.

Après avoir repris mes esprits, je me suis dirigée vers la salle de bain, pour aller me chercher un verre d'eau.

Quand j'ai passé la porte de ma chambre, encore étourdie par ce réveil brusque, j'ai trébuché sur ce qui paraissait être une boîte. Mais en allumant la lumière, j'ai découvert un caillou, de la taille d'une horloge, orné d'un étrange symbole. Frappée par la curiosité, je me suis baissée pour m'en emparer, mais à peine l'avais-je soulevé d'un centimètre, qu'il m'a glissé des mains et est tombé sur le parquet dans un bruit sec. Inquiète que mon père aie pu entendre quelque chose, je me suis précipitée contre le mur séparant nos chambres respectives, et ai écouté. Mais à mon grand soulagement, aucun son ne m'ai parvenu, mis à part son ronflement régulier, me montrant qu'il dormait toujours. Je suis revenue sur mes pas le plus discrètement possible, et ai observé en détail la mystérieuse pierre. Soudain, l'étrange fleur en son centre, s'est mise à briller d'une couleur dorée et à tourner... de plus en plus vite... Et alors que la brillance diminuait, chaque pétale s'est échappé, un par un, de la pierre. Puis quand le cœur de la fleur s'est lui aussi échappé, elle est venue se poser sur ma main. Non, elle ne s'est pas posé, elle s'est encrée dans ma main ! J'étais saisie de stupeur. Un bruit soudain m'a fait frissonner et j'ai ouvert les yeux.

En regardant autour de moi, j'ai remarqué que j'étais allongée dans mon lit. Quelqu'un a poussé la porte de ma chambre, et j'ai vu le visage de mon père apparaître dans l'ouverture.

- Tu es réveillée ?

- Oui, tout juste...

Voyant qu'il ne s'avançait pas, j'ai ajouté :

- Tu peux entrer, tu sais...

- Oui oui, bien sûr.

Il a marqué une pause, s'est assis au bord du lit, puis m'a dit avec quelque chose qui ressemblait à de l'appréhension.

- Dis, qu'est-ce qu'il s'est passé cette nuit ?

- Rien. Pourquoi, qu'est-ce qu'il y a ?

- Tôt ce matin, j'ai été réveillé par un grand bruit dans ta chambre. J'avais peur que tu ne te sois fait mal, alors je suis venu. Mais avant même que je ne passe ta porte, je t'ai trouvée écroulée par terre.

Soudain, l'appréhension s'est transformé en inquiétude, facilement lisible sur son visage.

- Idril ! Ça va ?

- Oh oui ! Je vais très bien. Je vais même super bien !

J'étais tellement heureuse que j'ai manqué de tomber du lit, en me levant. Tout ça n'était qu'un rêve. Et à ce moment là, j'ai compris.

- Mais oui ! Bien sûr ! Quand je suis tombée, c'était le début de mon rêve.

Il m'a regardée sans comprendre.

- Dans mon rêve, j'ai trébuché sur une pierre. Alors qu'en réalité, je me suis endormie, et donc c'est là que tu m'as entendue m'écrouler !

« C'est étranges comme les rêves peuvent parfois être si réalistes... »

Alors qu'un grand sourire s'est formé sur mon visage, celui de mon père a formé un immense point d'interrogation.

- Je ne comprends absolument rien de ce que tu me racontes, mais une chose est sûre, tu as besoin d'un bon et gros petit-déjeuner !

Il s'est levé et est passé devant moi, mais juste avant de passer la porte, il m'a dit :

- Et si tu te dépêches, tu auras peut-être droit à ta confiture de framboise...

A l'instant où il m'a dit ces trois derniers mots, je me suis précipitée vers mon armoire. J'ai attrapé ma pile de t-shirt et les ai étalé sur mon lit. Et comme tout les jours, le choix de la tenue était ce qui me prenait le plus de temps le matin, quand je me préparais. Pour essayer d'aller plus vite j'ai sélectionné seulement ceux qui correspondaient à mon programme de la journée, que j'avais préparés la veille et qui était :

10h30 : Petit-déjeuner
12h : Départ de la maison -> les bois
/!\ Ne pas oublier de prendre de quoi manger !
18h-19h : Retour à la maison

Je me suis finalement emparée du débardeur bleu avec l'étoile dorée au milieu et me suis dépêchée d'aller dans la salle de bain. Un fois douchée, j'ai commencé à m'habiller mais je me suis vite rendu compte qu'il me manquait quelque chose.

- Qu'est-ce que je suis nulle ! Il me faut peut-être un pantalon !

Je suis retournée en vitesse dans ma chambre, et ai attrapé le premier que j'ai eu sous la main, qui se trouvait être le vieux jean, gris foncé, déchiré avec deux taille de trop, que j'avais acheté à un vide grenier, et que j'utilisais pour jardiner.

- Tant pis ! Je me changerai avant de partir !

Je suis retournée dans la salle de bain pour finir ma toilette mais dans la précipitation, j'ai ouvert le placard un peu trop brusquement et quand j'ai pris ma brosse cachée sous ma palette de maquillage, je me suis retrouvé avec du fond de teint partout dans l'évier car bien sûr, j'ai tout fait tombé !

- Zut ! Il faut vraiment que je me calme, sinon je vais tout casser !

J'ai descendu les escaliers à la volée et suis entrée en courant dans la salle à manger, au moment où mon père allait ranger le précieux pot dans le placard. J'ai stoppé son mouvement, en m'accrochant à son avant-bras.

- Non ! Ne le range pas, s'il te plaît ! J'ai mis mon pantalon de jardinage, explosé mon fond de teint dans l'évier, si en plus je n'ai pas le droit à ma confiture !

Remarquant qu'il ne bougeait même pas le petit doigt, j'ai rajouté :

- Et j'ai réussi à me préparer en cinq minutes, j'ai droit à ma récompense, non ?

En me voyant le supplier, il a éclaté de rire.

- Quoi ? C'est pas de ma faute si ta fille est végétarienne, et qu'elle est folle des framboises ! lui ai-je dit sarcastique.

- Bon d'accord, ça va pour cette fois. Il a agité son petit doigt, imitant une personne énervé. Mais attention, la prochaine fois, je serai intransigeant !

Je lui ai répondu avec un grand sourire, triomphante.

- Comme à chaque fois que j'arrive un peu tard...

Après cela, je me suis installée tranquillement à ma place et ai commencé à manger.

Mon délicieux petit déjeuner, aux gouts de framboises et de myrtilles, terminé, je suis remontée dans ma chambre et me suis mise à la recherche d'un pantalon adapté à la petite promenade que j'avais prévu. J'ai finalement choisi mon préféré : blanc aux reflets argentés. Je suis retournée ensuite dans la salle de bain pour nettoyer la petite bêtise que j'avais faite en me préparant.

Toutes ces petites taches terminées, je suis allée dans le bureau, ai attrapé mon sac à dos et ai glissé, à l'intérieur mon matériel de dessin : pochette avec feuilles vierges, crayons, feutres...

J'ai vérifié une dernière fois que je n'avais rien oublié et suis descendue, pour partir. En arrivant à la porte vitrée de la véranda, j'ai entendu mon père qui me criait depuis la cuisine :

- As-tu pensé à te prendre quelque chose à grignoter ?

- Mince, j'ai oublié !

Je me suis arrêtée dans mon élan et ai regardé autour de moi. Il n'y aurait pas quelque chose dans le coin ?

Au moment où je me posais cette question, j'ai aperçu une jolie panière en osier, posée sur la table.

A l'intérieur trônaient trois pommes vertes et une rouge. Je me suis emparée de la première que j'ai eu sous la main, qui se trouvait être la rouge.

« Désolée p'tite pomme ! Tu vas être mangée plus tôt que prévu ! »

Après avoir présenté mes plates excuses à cette pauvre pomme, j'ai crié :

- J'y vais papa !

- OK. Amuses-toi bien !

Mon petit repas rangé dans mon sac, je me suis élancée dans les bois.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top