Nous avions une nouvelle bénévole à l'hôpital, et non des moindres Josie, la mère de Greg et de Sébastien. Elle est venue à l'hôpital après ma visite à sa boutique et avec Lucie elles avaient sympathisé tout de suite. On lui avait expliqué les ateliers d'éveil des jeunes, tournant autour de l'apprentissage et de la psychomotricité.

─ Je n'en reviens pas qu'ils vous écoutent, s'émerveilla Josie.

Elle a découvert étonnée combien les jeunes s'aimaient entre eux.

La première fois qu'elle était venue, une fois tous les jeunes à leur atelier, je l'ai emmené prés de Greg.

─ Greg maman est là, ai-je dit. Il n'a pas relevé la tête.

─ C'est normal, il m'a entendu mais il a stocké l'information pour se concentrer sur son dessin. Il était important de lui parler mais il ne faut pas se formaliser de son absence de réaction. Disons que son cerveau n'a pas la même perception des choses utiles à gérer. Les autistes ne gèrent pas du tout la relation sociale et il n'éprouve donc pas le besoin de relever la tête pour vous saluer.

─ Vous avez l'air de tellement le connaitre je suis impressionnée. Vous croyez que moi aussi je pourrais m'occuper d'eux comme vous.

─ Bien sûr, on est toujours à la recherche de bonnes volontés, s'est exclamée Lucie. Ce qui est curieux c'est qu'ils aiment les routines et les habitudes. Par exemple Greg accepte qu'on regarde son dessin depuis son côté droit mais de l'autre côté cela le gêne.

Au cours des quelques heures qui ont suivi j'ai assisté à un petit miracle, cette femme ne demandait qu'à se rapprocher de son fils, elle ne savait pas comment s'y prendre et personne n'avait pris la peine de lui expliquer les conséquences de la maladie.

Josie à partir de ce jour-là était venu plusieurs fois par semaine, et elle réussissait à faire des câlins à son fils et à s'occuper de lui.

J'ai annoncé au docteur Brinville que j'arrêtais ma thérapie, et malgré le fait que je le lâche après 6 années il semblait plus fier de moi que fâché, quel soulagement.

Après plusieurs essai raté j'avais enfin réussi à enregistrer le moment où je m'endormais avec la camera braquée sur mon lit. L'enregistrement me montrait couché, me tournant dans mon lit, puis endormi et ensuite de la brume a émergé de mon lit et j'ai disparu. Cela correspondait à ce qu'avait dit Phili sur mon apparition dans la forêt. J'ai avancé le film en accéléré mais je n'ai pas vu comment se passait mon retour car la durée limite de l'enregistrement était atteinte. Quelques jours plus tard j'ai réussi à me filmer, avec un minuteur installé sur ma caméra, qui revenait dans mon lit, on voyait mon lit vide un long moment, puis dans la brume surnaturelle j'apparaissais. On aurait dit un mauvais trucage cinématographique, sauf que je savais moi, qu'il n'y avait aucun tour de passe-passe. J'ai archivé les films sur mon pc, et je les ai regardé un nombre impressionnant de fois, dévastée, cherchant une explication, mais il n'y en avait aucune.

Qu'aurais-je pu dire à mon psy ou à ma mère ou même à mes amies. J'ai fait des recherches sur internet sur les voyages dans le temps, mais cela n'a rien donné et j'ai renoncé à comprendre.

Phili existait et j'allais continuer à vivre ma double vie. J'ai donc arrêté ma psychothérapie car c'était difficile de cacher l'existence de Phili et mes voyages. J'assumerai seule sans en parler et sans mentir à personne. Je ne peux pas effacer le geste de mon père et je ne lui en veux plus. J'ai fait la paix avec cette histoire.

Je me suis demandée pourquoi mes voyages dans le temps n'étaient pas plus efficaces pour l'humanité, par exemple il aurait fallu que je puisse stopper Hitler ou la première guerre mondiale ou alors au moins, que je reparte de 6 ans en arrière pour persuader mon père de renoncer à son geste.

Cela ne marchait pas comme cela et je n'avais qu'une destination, une année au moyen âge ou j'aidais Philiberte, sa famille et les habitants de Troyes au cours de ce printemps de disette.

Phili m'avait assuré que je n'étais pas folle et j'ai décidé de la croire elle !