La rencontre
Quel rêve étonnant, j'étais dans la forêt, il y avait du brouillard et il faisait froid.
J'ai marché dans la boue en faisant une grimace de dégoût, moi qui ne supportais pas de marché pieds nus dans l'herbe en été.
Je suis arrivée à la rivière avec une petite plage, des rochers et sur le fond de la crique, une grotte.
La pluie s'est mise à tomber très fine, glaciale.
En claquant des dents, j'ai regardé autour de moi ne sachant que faire, quand j'entendis quelqu'un qui pleurait. J'ai fait quelques pas pour découvrir une fille de mon âge, vêtue d'une robe en haillon, un visage sale . Le bonnet de travers dévoilait des cheveux bruns ébouriffés.
─ Je t'ai entendu pleurer, ai-je fini par dire, je peux t'aider ? J'ai regardé mes pieds pleins de boue.
─ Merci, a-t-elle dit, en s'essuyant les yeux, mais tu ne peux rien pour moi et nous sommes dans la forêt de condé.
─ Ça alors la forêt à côté de chez moi. Je me suis fait mal au pied. Aïe et berk. Je me suis assise sur le rocher et elle s'est installée à côté de moi.
─ Que dis-tu ? Je m'appelle Philiberte, et toi ?
─ Laurie, je ne comprends pas ce que je fais ici.
─ Comment es-tu venu alors, Je ne t'ai jamais vu, tu parles étrangement.
Je ne savais pas trop quoi dire, car c'est plutôt elle qui avait un drôle d'accent.
Philiberte reprit, "il n'y a absolument rien à manger et nous allons tous mourir de faim bien avant que les récoltes aient poussé." Elle soupira," je vais attendre que les loups me dévorent, je ne supporte plus les plaintes de ma sœur et des petits et le chagrin de mon père, que dieu ait pitié de nous."
─ Il n'y a rien à manger chez toi ?
─ C'est pire que tout ! Le village est dévasté par la peste et cette maudite guerre qui n'en finit pas. Dieu nous puni et tout le monde se meurt....Elle gratta le sol avec sa chaussure assombrie. Notre seigneur est si dur et les moines de l'abbaye de Cîteaux nous font crouler sous la dîme.
─ Je suis désolée, ai-je dit complètement perdu face à son discours. J'avais visité l'abbaye de Cîteaux avec l'école quelques années plus tôt et les quelques moines qui restaient étaient gentils comme tout, quant à la dîme c'était un ancien impôt d'avant la révolution française.
Un lapin est passé à ce moment-là, je n'en avais jamais vu d'aussi près. Philiberte a soupiré, "si je pouvais le manger nous serions sauvés."
─ Qu'est-ce que tu racontes, tu veux manger un lapin ?
─ Pour qui me prends-tu, Je ne suis pas une voleuse, grâce soit rendu au Comte.
L'étrange fille fit un signe de croix, elle était vraiment bizarre.
─ Vous n'avez pas d'argent pour aller au supermarché?
─ Au quoi ? a répondu la fille en me regardant avec des yeux ronds.
C'était une mendiante. Je rectifiait : "Il y a plusieurs centres Emmaüs à Troyes, ils pourraient vous aider toi et ta famille, vous êtes nombreux ?"
─ Oui Je vis avec mon père il est serf de notre seigneur et ma sœur aînée Margot se remet difficilement de la peste, j'ai deux petits frères et une petite sœur. Ma mère est morte pendant la grande peste, avec mon autre petit frère François l'an dernier.
Comme c'était triste. Mais j'ai soudain secoué la tête, Attends serf ? la peste? tout à l'heure tu as parlé de guerre ?
─ C'est notre destin, Dieu nous a prêté vie et nous la reprend, mais cette année c'est tout ce qui reste de ma pauvre famille qui va mourir de faim, a-t-elle murmuré. C'est pour cela que je vais trouver les loups, il n'y a pas de solution, nous ne tiendrons pas.
─ Tu parles de tenir ? Mais tenir quoi ? Et cela fait longtemps qu'il n'y a plus de loups s'il y en a jamais eus!
A cet instant nous avons entendu des hurlements, je n'avais jamais entendu quelque chose d'aussi effrayant.
─ Ce n'est pas possible ai-je gémit, pendant que Philiberte regardait autour de nous un peu inquiète. Ils vont venir ?
─ Peut-être, a acquiescé Philiberte. elle me regarda, "et toi où est ta famille ?"
Je me suis examinée ne sachant que dire. J'étais en chemise de nuit.
─ Je peux t'indiquer le chemin du duché de Troyes, si tu le souhaites, nous ne sommes pas loin. Tu es sans doute une damoiselle de haute lignée pour avoir des si beaux atours ?
Alors là je ne m'y attendais pas. "Non pas du tout, je vis avec ma mère et nous habitons près de Troyes."
─ Sans doute alors la fille d'un marchand ou d'un mestre en voyage?
J'ai secoué la tête négativement.
─ Tu as perdue aussi toute ta famille, a dit Philiberte, qui aurait survécu de toute façon à la grande peste ?
─ De quoi parles-tu ? Ai-je demandé larguée.
─ La grande peste voyons ! répondit Philiberte en frissonnant, je crois que je n'oublierai jamais tous ces morts, c'était si dur ! On a empilé des corps dans les charrettes pendant des semaines.
Atterrée, je commençais à comprendre à quelle époque je me trouvais, dans mon rêve. Elle continuait de parler sans faire attention à moi.
Je me suis arrêtée de marcher, à contrecœur j'ai demandé : "Nous sommes en quelle année ?" Animée d'un drôle de pressentiment.
─ L'an de grâce 1455, le 26 Février.
Pour le mois et le jour j'étais d'accord, par contre pour l'année pas du tout, nous étions au 21ème siècle, cette fille était complètement cinglée.
─ Mange le lapin si tu as faim, en 1455 cela doit être normal.
─ Mais c'est la peine de mort, car les manants n'ont pas le droit de chasse , pas plus tard qu'hier le comte a fait pendre 9 villageois.
─ Des pendus ! Mon cauchemar s'expliquait mieux maintenant, ou allons-nous ?
─ Philiberte, si ta famille meurt de faim il faut que tu chasses.
─ Malheureuse ! les loups sont moins cruels que notre seigneur.
─ Les loups, ai-je répété inquiète et comme un fait exprès, j'ai entendu au loin leurs hurlements.
─ Les bois en sont pleins, les hommes meurent, mais pas les animaux qui ont la grâce de dieux.
─ Quitte à mourir autant que tu manges tu m'as l'air bien maigre.
Philiberte m'a regardé avec des yeux ronds.
─ Si tu sais où trouver des lapins, emmène-moi et je m'en occupe, ce sera moi la coupable. Drôle de rêve, ai-je encore pensé.
─ Bien, dit Philiberte, mais cela ne change pas grand-chose, je serai puni aussi. Près des arbres aux pendus, on trouve beaucoup de lapins.
─ Des pendus !
─ Oui mais surtout des lapins, a-t-elle répondu, inconsciente de mon effroi.
Ce nom, ...c'était un endroit célèbre de la forêt et j'y avais même fait une sortie scolaire.
Je m'en rappelais bien, car alors que la prof d'histoire de collège nous expliquait les drames qui avaient eu lieu ici, Diana avait dit, madame demandons à Laurie, c'est l'experte après tout, Laurie tu ne crois pas que ton père aurait du se pendre ici plutôt que chez toi. J'étais en larmes, bien avant que la prof n'ait réussie à faire taire Diana.
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